Parfois on nous met en mains un album de bande dessinée qui nous avait complètement échappé. A Saint-Malo, le dernier jour, à la dernière heure presque, une amie me donne l’album d’un auteur qui vient de recevoir le prix de la révélation. Ce prix attribué conjointement par l’ADAGP (Associations des Droits des Artistes Graphistes et Plasticiens) et l’équipe du festival Quai des bulles a été décidé cette année, pour la première édition de ce prix, de mettre à l’honneur Néjib et son Stupor Mundi… et c’est un excellent choix, sans aucun doute !
Si je n’avais pas interviewé cet auteur, Néjib, à Saint-Malo par méconnaissance de son ouvrage, il n’allait pas en être ainsi à Angoulême car non seulement j’avais lu son roman graphique mais je l’avais trouvé excellent !
Le bruit court que ce serait par un heureux hasard que Néjib aurait trouvé l’inspiration de Stupor Mundi. Je n’ai toujours pas vérifié car dès que j’ai pu m’assoir avec Néjib, je suis entré dans une très belle discussion sur ses influences, la façon dont l’histoire avait pris place dans son imaginaire et surtout comment il avait pu mener son projet jusqu’au bout… Passionnant !
D’une certaine façon, il semble bien que tout a commencé durant ses vacances… « Pendant mes vacances, Je me suis rendu compte que la place du village et tout ce qu’il y a autour était projetée dans ma chambre, par un trou dans les volets, à l’image d’une camera oscura. Partant de cette idée, je me suis renseigné sur le sujet et j’ai découvert que le phénomène de la camera oscura était connu depuis l’antiquité. Le phénomène est ensuite théorisé et mis en pratique par le père de l’optique moderne, Alhazen (965-1039). » Pour en faire une fiction sur fond historico-scientifique, il décide de créer de toutes pièces un descendant imaginaire de ce savant : Hannibal Qassim El Battouti.
Au départ, tout commence comme une bande dessinée banale avec un personnage clef que l’on va suivre dans son « installation » en Occident alors que ce savant a été chassé de l’Orient par un grand religieux… Et c’est alors que tout va basculer, on n’est pas dans une nouvelle histoire Occident-Orient, on n’est pas dans une critique des uns ou des autres, on n’est pas dans du connu mais dans une grande histoire où l’humanité se révèle dans ce qu’elle a de plus grand ou de plus petit… Entre génie et médiocrité, entre grandeur et avilissement… Génial !
On est dans un château, Castel Del Monte, là où l’empereur Frédéric II – La Stupeur du Monde – avait rassemblé les plus grands savants et artistes de l’époque. Là, on va accueillir Hannibal, le savant chassé par l’obscurantisme musulman arrive au cœur de ce qui pourrait bien être un obscurantisme chrétien… Dans les deux cas quand les religieux se mêlent de science, politique et art… peut-il en sortir quelque chose d’humain ?
L’auteur s’amuse à évoquer avec moi science, religion et mystère, et la discussion est tellement prenante que l’on se retrouve au moment de se séparer sans avoir vu le temps passer… C’est le signe d’une belle rencontre, non ?
Néjib propose une histoire d’une grande qualité, dense, parfaitement construite et documentée qui donne au lecteur l’impression d’être parfois dans Le Nom de la Rose et dans d’autres circonstances de se retrouver dans le cabinet d’un certain Sigmund Freud… Mais la bande dessinée est très riche culturellement et les citations et allusions sont très nombreuses, si nombreuses que chacun pourra en oublier quelques-unes sans que cela ne pénalise la compréhension du livre… Oui, j’ai bien dit livre car ce roman graphique est un livre à part entière !
Certains personnages semblent secondaires mais attention, il se pourrait que cette majestueuse Stupeur du monde vous réserve quelques surprises… Houdê, la fille d’Hannibal est importante, sa mère aussi même si vous ne la voyez pas beaucoup… Quant à El Ghoul, le gardien masqué… je ne vous en dis pas plus…
J’ai adoré et me suis laissé prendre par l’histoire, puis par la personnalité de l’auteur… je ne peux donc que vous conseiller la lecture de cette bande dessinée et j’attends avec impatience son prochain travail pour avoir la chance de le rencontrer une nouvelle fois…
La célébration et les hommages aux combattants du premier conflit mondial, la Guerre de 14-18, continuent et se prolongeront jusqu’en 2020 car il y a fort à parier que l’on fera bien un petit quelque chose pour le Traité de Versailles… En attendant, certaines publications BD ont abordé et racontent encore la guerre, la Marne, la Somme, Verdun… dans ces multiples publications, j’ai repéré une série atypique car elle a choisi de prendre un angle essentiellement humain et a donc laissé de côté les aspects politiques et militaires…
Eric Corbeyran, le scénariste de la série 14-18, a décidé de poser en quelque sorte son objectif sur un village, sur un groupe de jeunes gens. Ils vivent heureux, jusqu’en 1914, ont des amourettes, voire des amours, boivent un peu, se chahutent gentiment, constituent une bonne bande de jeunes… Ils sont sur le point de devenir de bons adultes, d’honnêtes citoyens, d’entrer dans la vie active… et, malheureusement pour eux, c’est dans la guerre qu’ils vont entrer…
Ces huit jeunes hommes vont constituer le panel de Corbeyran et Le Roux, le dessinateur de la série. Ils vont les suivre année après année, dans ce terrible conflit. On suivra aussi, c’est logique, les copines, femmes et familles de ces huit jeunes gens… Et on va les voir évoluer au cours de cette guerre qui va définitivement les transformer, peut-être même leur faire perdre leur humanité…
Ce qui est remarquable dans cette série, c’est que le choix de montrer les humains avant toutes choses transforme le récit et nous éloigne de la chronologie stricte. D’ailleurs, les auteurs jouent avec efficacité de petits récits d’après-guerre si bien que l’on voit certains changements profonds chez ces êtres humains…
Je trouve cette série très complète, très riche en informations, en éléments historiques, profondément humaine et porteuse, même, d’éléments de réflexion sur la guerre, la vie, la mort, Dieu, la paix, l’amour, l’enfance, le travail, l’autorité… Elle est très bien dessinée par Etienne Le Roux. C’est pour cela que chaque année, depuis le début de cette série, je rencontre les deux auteurs qui sont sympathiques et chaleureux. J’ai l’impression que peu de journalistes cherchent à les voir comme si parler de la guerre, de la mort, de la folie pouvait toucher ceux qui en parlaient… Non, la barbarie est contagieuse, certes, mais pas quand on en parle de façon pédagogique et préventive, avec humanité… et là ces deux auteurs sont rois !
Une très belle rencontre et comme il y a encore quatre tomes à venir, à très bientôt !!! Pour ceux qui n’étaient pas à Angoulême, ils seront tous les deux les 4 et 5 mars 2017, à Dijon, dans le cadre du festival Vini BD dans la salle Devosges.
Parfois le titre d’un album de bande dessinée peut écarter de la lecture mais le lecteur curieux devrait toujours rester prudent, le titre ne donne pas le contenu. Il peut y avoir tromperie, dans les deux sens d’ailleurs, un bel album avec un titre moyen, un livre très faible avec un très bon titre…
Quand j’ai entendu parler de « La cire moderne », j’avoue être resté dubitatif. La cire n’évoque pas grand-chose et je ne savais pas s’il fallait croire à une histoire d’épilation complète ou sur la survie des abeilles… J’étais bien loin de la vérité mais pour y arriver, il fallut dépasser le titre, lire le communiqué de presse, allez voir qui était le dessinateur, Max de Radiguès…
Les mots magiques furent donc « héritage improbable » et « road trip estival » sans oublier « tournée des monastères ». La rencontre avec l’auteur complet d’Orignal, une bande dessinée que j’avais beaucoup aimée, fut aussi décisive pour provoquer la rencontre qui eut bien lieu à Angoulême le samedi matin…
La cire moderne est une bande dessinée spirituelle c’est-à-dire qu’elle met trois jeunes – Manu, personnage principal, Sam sa copine, Jordan, le petit frère de la copine – face à un héritage improbable, un stock de cierges. Tonton Poirier est mort et c’est le stock de cierges dont hérite Emmanuel…
Que faire d’un tel stock quand on est jeune, sans argent et que les vacances sont là ? C’est Jordan qui prend l’initiative et qui pense que le mieux est d’aller vendre ces cierges aux clients du Tonton. Le trio part sur les routes de France pour vendre des cierges. Les clients sont des paroisses, des monastères, des communautés, des illuminés…
Max de Radiguès, qui se dit plutôt athée, trouvait cette idée intéressante d’autant plus que le scénariste de l’histoire, Vincent Cuvelier, lui, se dit plutôt chrétien. Les trois jeunes vont être confrontés à une spiritualité qu’ils n’imaginaient pas et aucun ne sortira strictement indemne de ce périple. Manu découvre le sens de sa vie et, peut-être, y intègrera-t-il dorénavant une dimension spirituelle, mais rien n’est sûr car la fin de l’album est très ouverte…
Tout d’abord, le thème peut sembler définitivement mort car que raconter de pertinent après Pirates des caraïbes ? Dix albums à lire, désolés on n’a pas le temps ! Quoi, une bédé historique, avec plein de personnages, avec une femme qui navigue, le tout à l’époque de Napoléon… Non merci ! Bref, on a certainement mieux à faire d’autant plus que le tome 10 ne clôt même pas le récit…
Donc, je me suis retrouvé seul avec Franck Bonnet pour une belle rencontre – et ce n’est même pas de la promotion népotique en famille car nous ne sommes pas de la même famille, si ce n’est en humanité !
Trop longs, c’est certain mais il faut dire que pour chaque question Franck répond excessivement longuement et comme par ailleurs je ne suis pas toujours bref… il y a 30 minutes de radio potentielle et donc beaucoup trop long sauf si vous voulez absolument savoir la quantité de chanvre dans un cordage sur l’Hermione, mais cela nous éloigne légèrement de nos pirates et de la bande dessinée…
Bon, plantons bien le décor car avec Turf rien n’est jamais si simple que cela. Il faut rappeler, avant de le suivre sur ce phare d’Ouestan, qu’il est l’auteur de La Nef des fous et de Magasin sexuel, deux séries que j’ai beaucoup appréciées mais qui sont quand même bien déjantées… Donc, disais-je, un phare, une grande marée, des recherches archéologiques exceptionnelles et une explosion… Du coup, un phare qui décolle dans l’espace et qui fuit au loin…
Je sais bien que cela peut vous sembler fou – en fait, on peut dire que ça l’est – et 6 personnes se retrouvent bloquées dans ce phare au cœur de l’espace. En quelques pages, Turf vient de se créer un huis-clos exceptionnel et il va en jouer durant deux albums… Que du bonheur !
Je connais Turf depuis longtemps et donc, j’allais dire presque comme chaque année, nous nous sommes retrouvés devant mon petit micro… Et nous avons parlé sans voir le temps passer… Nous avons parlé de la vie en société, de ces personnages coincés dans l’espace dans une proximité infernale… Une comédie humaine dans un format concentré mais avec beaucoup plus d’humour que Balzac quand même…
Il y a beaucoup dans ce diptyque, certains diraient presque trop, car il y a de la citation, de la référence, de la culture, de l’art, de l’humour, de la psychologie, du bonheur, du plaisir (enfin surtout pour le lecteur)…
« Regarde les filles » est un roman graphique qui m’a surpris, étonné, séduit ; conquis, fasciné… lorsque je l’ai lu. J’ai partagé cette lecture avec Cynthia qui a été de mon avis : « J’ai véritablement été happée par cette bébé, par la retranscription de ces rencontres sensuelles et charnelles, renforcées par ce graphisme profond. Ces noirs intenses sur lesquels dansent des silhouettes blanches, cet entremêlement de lignes et de masses, de luminosité et contraste rendent l’œuvre d’autant plus puissante. Laissant les femmes seules maîtres de la parole, « Regarde les filles » est une véritable déclaration d’amour à la gent féminine, et ça fait du bien. » Alors, c’est ainsi que nous sommes allés ensemble rencontrer François Bertin dès le premier jour du festival d’Angoulême…
Délicat, presque timide, François s’est vite laissé aller à répondre aux questions, avec finesse, presque poésie, comme dans son livre, quoi !
Alors que le thème de cet ouvrage peut sembler parfois délicat ou sur un chemin de crête périlleux, les mots de l’auteur – comme son dessin dans le livre – rendent la démarche claire, précise, belle, dénuée de tout aspect glauque… et, pourtant, il les regarde bien ces filles… Attention, je ne dis pas cela pour Cynthia car c’est bien elle qui regardait avec attention François, pas le contraire… Quoi que… finalement, allez savoir !
Au bout de quelques minutes, les masques sont tombés, Antoine et devenu François à moins que ce ne soit le contraire… Pour ceux qui n’ont pas encore lu l’ouvrage, rappelons que le personnage principal est Antoine mais comme le récit est fortement autobiographique, Antoine est François en quelque sorte…
Durant le festival, je vais avoir l’occasion de rencontrer Wandrille, l’éditeur de François Bertin et je vais comprendre comment ce très bon livre est arrivé chez l’éditeur Vraoum. En effet, le projet a fait quelques maisons d’éditions mais dans les premières pages, François raconte une histoire entre lui et sa sœur, de façon très délicate mais qui a bloqué de nombreux éditeurs. Comme dit Wandrille, ce n’est qu’une histoire de touche-pipi… Il banalise les choses, je serai plus délicat en disant que François avait besoin de tout raconter pour que tout ait du sens et que tout le soulage car il y a bien une forme de thérapie dans cet ouvrage et il le reconnaît volontiers.
Il n’empêche que les éditeurs ont eu peur d’un tel aspect des choses et cela en dit long sur l’omerta qui traine sur ces sujets dans notre pays… Wandrille, lui, n’a pas eu peur et cela a permis à François d’aller au bout de son projet, au bout de son livre et nous de le rencontrer !
Marc-Antoine Mathieu est un auteur atypique. Quand je lis ses ouvrages – je les ai presque tous lus et relus – j’ai le sentiment d’être face à un explorateur, un aventurier, un découvreur des nouveaux espaces du récit en bande dessinée, de la narration graphique. Son dernier ouvrage, Otto, l’homme réécrit, met encore plus en avant son aspect de créateur d’images narratives et d’univers nouveaux !
L’ouvrage est à la fois un bel objet, format à l’italienne offert dans un beau coffret cartonné, et un livre d’une puissance étonnante tant dans la forme du récit que dans le contenu lui-même. La forme car avec Marc-Antoine Mathieu il n’est plus possible de définir la bande dessinée… Un récit ? Une série d’images ? Une image fixe qui bouge quand même ? Une bande son ? Mais pour entendre quoi ? L’âme humaine ? Attention, on est passé dans le fond de l’histoire…
Sur le fond, justement, venons-y ! C’est une bande dessinée anthropologique, philosophique, métaphysique, profondément humaine, désespérée peut-être aussi car la malle d’Otto – sorte de mémoire externe si on peut dire – est celle qui nous renvoie à nos vies, à chacune de nos vies et cela peut sembler rude… A ce titre, il y a chez Marc-Antoine Mathieu une forme contemporaine de l’absurde que l’on avait plus l’habitude de voir au théâtre en attendant des amis comme Godot ou d’autres…
Oui, certains bondiront en entendant une telle proximité entre un autre de bandes dessinées et Samuel Beckett ! Mais, ceux qui ont lu tout ou partie des albums de Marc-Antoine Mathieu comprendront certainement…
Pour moi, il s’agit certainement d’un des meilleurs livres de Marc-Antoine Mathieu, un des plus profonds et fascinants. Je l’ai déjà lu deux fois et il y aura encore d’autres lectures à venir…
Mais revenons à la rencontre d’Angoulême. Normalement, je n’aurais pas dû être seul. Tous les étudiants voulaient venir rencontrer Marc-Antoine Mathieu… Mais voilà, on fait des plans, on se répartit le travail, on désigne les leadeurs d’interview puis… on s’adapte ! On gère les retards de certains auteurs, cela décale tout et c’est ce qui s’est passé en ce premier après-midi d’Angoulême. Un léger retard de Pierre-Denis Goux et pour arranger tout le monde Yannis se retrouve à interroger seul Jérôme Lereculey et moi Marc-Antoine Mathieu… Heureusement, l’entretien est enregistré et sera diffusé prochainement à la radio car il y a des occasions qui ne se reproduisent pas très souvent !
Durant le festival d’Angoulême, nous avons eu le plaisir de pouvoir rencontrer Bertrand Gatignol, dessinateur de la série des Ogres-Dieu qui compte maintenant 2 tomes : Petit et Demi-sang. Nous aurions bien aimé avoir dessinateur et scénariste, mais parfois il faut prendre ce que l’on nous propose. Comme les deux ont travaillé en symbiose totale, nous étions très vite rassurés sur la qualité de l’interview…
L’album, Les Ogres-Dieux, nous plonge dans un conte gothique familial, cruel et anthropophage, qui débute par la naissance d’un Petit homme, qui porte sur lui le signe de la dégénérescence d’une famille d’ogres, qui, à force de consanguinité, rend les générations de plus en plus petites. Gatignol nous immerge avec talent dans cette bédé poétique à l’univers grandiose et fascinant, entrecoupée de textes rappelant la généalogie des ogres.
La collaboration Gatignol-Hubert, dessinateur-scénariste, fut fusionnelle. En tant que premier lecteur, il participa à certains réajustements de scénario pour améliorer encore le projet. Puis, ‘Hubert lui donnait un scénario finalisé, des références documentaires, voire des montages photos, Gatignol passait au dessin. La confiance entre les deux pour la construction graphique fut de mise, et la volonté de Bertrand de retranscrire le plus clairement et limpidement possible les propos d’Hubert permit d’obtenir ce magnifique résultat.
C’est donc un véritable travail artistique global qu’entreprend l’artiste : dosage des noirs, équilibrages, nuances de gris, cadrages… Gatignol se voit d’ailleurs plus comme metteur en scène, interprète, dirigeant séquences et découpages, que comme « simple » illustrateur. Et cela se ressent : la maîtrise de la mise en scène fait que nous somme happés dans cet univers d’oppression, à l’environnement immense, mais également infiniment petit. Les découpages et cadrages évoquent les différentes échelles pour immerger le lecteur dans un univers qui les domine.
Dans le cadre de la promotion du film Seuls qui sort aujourd’hui, mercredi 8 février, nous avons eu le plaisir de rencontrer les auteurs de la saga bédé et l’équipe du film. Toutes ces personnes, énergiques et sincères, ont répondu aux questions des fans, des journalistes et des journalistes-fans.
Plusieurs éléments ont été évoqué : l’âge des acteurs et personnages, le déroulement du casting qui a duré 2 ans, mais aussi les différents changements qui ont pu se faire entre le film et la bédé. Toute adaptation est une réappropriation par le réalisateur et donc il y a bien eu des changements entre la série BD et le film…
Le film en lui-même est bon, et on ne va pas se mentir, cela fait plaisir de voir une production française prendre ce genre de risque pour créer un film de cette qualité, un film du niveau de ceux d’Hollywood diront certains dès l’avant-première. Et je voudrais vraiment insister sur le besoin de continuer sur cette lancée avec potentiellement une suite. En tout cas le public de l’avant-première avait envie de connaître la suite…
C’est dans une ambiance festive et presque fanatique, avec plusieurs classes de collèges d’Angoulême, que l’avant-première s’est déroulée en compagnie de plusieurs journalistes. La présence des auteurs et équipe du film a permis de chauffer l’ambiance avant de nous retrouver dans un film sombre, dur mais aussi drôle.
C’est d’ailleurs un des points fort du film, le ton de l’univers est respecté ! Certes on s’est interrogés sur la différence d’âge entre héros bédé et acteurs de cinéma. Deux réponses sont possibles : d’une part, il n’est pas facile de trouver des acteurs très jeunes jouant avec maturité et, d’autre part, la violence au cinéma est toujours plus réaliste et traumatisante et il fallait vieillir artificiellement les personnages pour que cette violence soit moins dure.
Il est bon de rappeler à ce propos que la série souvent étiquetée « jeunesse » est en réalité « pour adolescents » et que si la série BD peut être lue dans de bonnes conditions à partir de 12 ans, le film est plus pour les 14/15 ans.
Les français sont de plus en plus tournés vers leur patrimoine, en particulier vers leurs terroirs. C’est pour cela que l’on voit en bande dessinée comme ailleurs se multiplier des ouvrages consacrés à des lieux, à des villes, à des fromages, à des vins, à des plats et des recettes… C’est souvent plaisant, cela peut être bien écrit, dessiné avec talent et au final constituer une bonne bande dessinée ! Il n’en demeure pas moins vrai que ce sont des ouvrages de commandes que l’on va surtout lire si on est concerné par le terroir en question…
Il s’agit d’une série en trois exemplaires pour visiter le Cognac, comprendre le Cognac, déguster le Cognac et, aussi, vivre une aventure policière car le tout est bien une forme de roman policier ! Pour que le documentaire soit crédible, l’héroïne est une journaliste qui vient enquêter sur le Cognac. Il s’agit d’Anna-Fanély Simon, une photographe de guerre, envoyée dans cette « petite » mission pour qu’elle puisse reprendre son souffle… Elle accepte d’autant plus facilement qu’elle originaire de cette région et que c’est une façon de reprendre contact avec son terroir d’origine…
La partie documentaire est d’une grande précision sans jamais endormir le lecteur dans un flux soporifique et trop technique. Ici on comprend tout facilement, du vin de qualité médiocre à la double distillation, des assemblages au négoce, des caves aux très vieux Cognacs… et, même, en passant par les Cognacs pré-phylloxériques enjeu majeur de la partie policière…
La partie policière est simple. Une ami d’enfance d’Anna-Fanély est décédée assassinée par son mari qui s’est suicidé après… mais elle n’y croit pas et peu de monde semble donner du crédit à cette version, du moins si on enlève les criminels, les naïfs et les policiers…
Je ne vous en dis pas plus, mais tout cela fait une série policière de terroir plutôt sympathique que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire… De plus certains étudiants ont pu rencontrer le dessinateur, Luc Brahy, tandis que j’ai rencontré de mon côté Eric Corbeyran, le coscénariste…