Entre albums pour enfants et Roman national…

Entre 1936 et 1939, entre le Front populaire et le début de la Seconde Guerre mondiale, la librairie Gründ publiait les douze volumes de sa collection Albums de France. Cette collection a été rééditée plusieurs fois, en particulier dans les années cinquante, et c’est à Emmaüs que j’ai trouvé quatre de ces albums édités dans les années cinquante pour deux d’entre eux et dans les années soixante pour les deux autres.

 

Cette collection qui présentait à chaque fois un homme (ou une femme puisqu’il y en a un consacrée à Jeanne d’Arc) tentait de montrer comment la France s’était construite par l’action de ces personnages. En théorie, les albums s’adressaient plutôt aux adolescents avec un texte qui naviguait entre histoire et roman national, c’est-à-dire que ces vies étaient bien quelque peu romancées…

 

L’illustration participait abondement à cet aspect réécriture de l’histoire et certaines des images ont un côté « légende dorée » de la France, de la monarchie en particulier. De Vercingétorix à Napoléon III, on voit comment certains voulaient enseigner l’histoire nationale aux jeunes Français… On est dans le prolongement de l’histoire de la III° République, un peu comme si la France était le centre du monde et la « fille aînée de l’Église » car il y a bien un aspect national et religieux dans cette version de l’histoire…

 

Le choix des personnages est déjà par lui-même un engagement avec : Vercingétorix, Charlemagne, Saint-Louis, Jeanne d’Arc, Louis XI, François 1er, Henri IV, Richelieu, Louis XIV, Louis XV, Napoléon Ier et Napoléon III bon dernier, la collection égrène Charlemagne, Saint-Louis, Jeanne d’Arc, Louis XI, François Ier, Henri IV, Richelieu, Louis XIV, Louis XV, Napoléon Ier et Napoléon III. D’ailleurs, pourquoi aucun homme de la République ? Ne doit-on rien à Jules Ferry ou quelques autres ?

 

Alors, me direz-vous, pourquoi acheter ces quatre albums ? J’ai acheté ces livres car travaillant souvent sur les liens entre images et « roman national », cela me permettait d’avoir quatre beaux exemples pour illustrer mon propos. Il y avait dans ce lot (50 centimes seulement par album !) Saint-Louis, Jeanne d’Arc, Henri IV et Louis XIV. Comme j’avais déjà le Louis XV, ma collection se complète progressivement…

 

Certes, il ne faut pas prendre ces ouvrages pour parole d’Évangile – certains ne manqueront pas de sourire à cette image verbale – mais reconnaissons qu’ils sont bien construits, surprenants sur le fond et la forme, très bien écrits et illustrés et que le jeu du lecteur peut être de chercher les erreurs (dans le texte ou dans l’illustration)… Cette collection offre de l’Histoire une version engagée, orientée, partiale et parcellaire, moralisante et religieuse pour ne pas dire pieuse, mais elle permet de comprendre comment s’est construite une certaine vision de la France dont on n’est pas complètement sorti…

 

Mon exemplaire a été donné à l’issue de l’année scolaire 1963-1964 à Martine Duchet lors de la remise des prix de l’école Jeanne d’Arc à Paris. C’était une très bonne élève, visiblement, du moins en CM1 et, du coup, je serai curieux de savoir ce qu’elle est devenue… Elle doit même avoir le même âge que moi ou presque ce qui m’a beaucoup amusé…

 

Certes, il ne faut pas prendre ces ouvrages pour parole d’Évangile – certains ne manqueront pas de sourire à cette image verbale – mais reconnaissons qu’ils sont bien construits, surprenants sur le fond et la forme, très bien écrits et illustrés et que le jeu du lecteur peut être de chercher les erreurs (dans le texte ou dans l’illustration)… Cette collection offre de l’Histoire une version engagée, orientée, partiale et parcellaire, moralisante et religieuse pour ne pas dire pieuse, mais elle permet de comprendre comment s’est construite une certaine vision de la France dont on n’est pas complètement sorti…