Festival d’Angoulême 2022, neuvième partie du reportage…

Après avoir si bien commencé mon vendredi au festival d’Angoulême, j’ai continué mes rencontres avec enthousiasme et un moral remonté à fond. Seule ombre au tableau, avouons-le, je savais qu’après la dernière interview, il me faudrait prendre la route pour Chalon-sur-Saône soit environ six heures de route ce qui n’est pas rien après une journée complète de travail… Mais avant tout cela, il fallait déjà rencontrer Boulet et Aseyn et partir pour cet univers particulier de Bolchoï Arena… Cette série, déjà trois albums de parus, est très difficile à classer, cerner, présenter… Ce qui est certain c’est que la toile de fond est un tableau de ce que pourrait devenir Internet, une illustration de ce Metavers dont on parle souvent mais que peu cherchent à définir précisément. De quoi parle-t-on ? D’un Internet qui serait complété et renforcé par un mélange de réalité augmentée, de réalité virtuelle, de persistance, d’interactions possibles sans limites ou presque… Un peu comme si d’autres vies étaient possibles dans Internet (ou dans le Bolchoï Arena si vous préférez…)… Un peu, aussi, comme si les sciences pouvaient avancer plus vite ou différemment que dans la réalité, comme si les enjeux de pouvoir et d’argent trouvaient dans le Bolchoï leur aboutissement ultime… Bref, comme si la vie dans cet univers y était plus importante que dans la vie réelle !

Maintenant, ce n’est là que la toile de fond car dès que l’on rentre dans l’histoire, on est dans une histoire profondément humaine avec des personnages qui tentent de vivre leur vie avec des relations « normales », vous savez amitié, amour, confiance, trahison, solitude, pouvoir, tension, compétition… Rien de bien nouveau sur cette Terre… Enfin, à part que l’on n’est pas non plus réellement sur Terre et que l’univers du Bolchoï change un grand nombre de rapports humains…

C’est passionnant, très bien construit par le scénariste Boulet qui s’est très bien documenté sur le sujet et qui offre au lecteur des perspectives, des réflexions, des informations… Le dessin et surtout le jeu des couleurs mis en place par Aseyn sont totalement adaptés à l’histoire et le lecteur est plongé dans le Bolchoï de façon si efficace que dès la quatrième ou cinquième page du premier album on devient, nous aussi, une sorte d’acteur de cet univers !

Anecdote en passant, Boulet était assez dubitatif devant le grand nombre de professionnels et festivaliers qui avaient abandonné le masque (comme le gouvernement l’avait autorisé) et il s’avère que finalement il avait bien raison puisque le festival d’Angoulême fut une sorte de cluster avec un coronavirus qui fut bien partagé… Mais c’est une autre histoire !

Dès cette interview terminée, je quitte le stand Delcourt pour rejoindre l’hôtel Mercure ou m’attend un collègue, Cédric, qui va réaliser ses premières interviews d’auteurs durant ce festival. Ensemble, nous retrouvons Georges Bess et son épouse… Nous allons pouvoir aborder le travail admirable qu’il a réalisé sur deux romans gothiques anglais du XIX° siècle, Dracula et Frankenstein !

Georges Bess, qui a déjà 75 ans, est pour beaucoup d’entre nous un grand de la bande dessinée et nous avons chacun, dans sa production, notre petit préféré. Moi, c’est indiscutablement la série Juan Solo tandis que Cédric reste attaché à la série Le lama blanc. Mais je l’avoue, depuis que j’ai ouvert Dracula, ces deux derniers albums, adaptation très fidèles, sincères, personnelles, graphiques et réussies, ont un peu pris la première place…

L’échange est comme un moment hors du temps qui se déroule sur un rythme paisible, profond… Je ne sais pas si j’aurai encore l’occasion d’interviewer Georges Bess mais j’en profite pleinement près de 25 ans après notre première rencontre… Ce sera l’un des temps forts plein d’émotion de ce festival et ce sera à revivre dans le kiosque à BD sur RCF en Bourgogne très bientôt…

Après ce moment collector, si je puis me permettre, nous prenons le temps avec Cédric de nous sustenter quelque peu car l’après-midi sera encore bien rempli…

Festival Angoulême 2022, huitième partie du reportage de Shelton…

Et nous voici arrivés au dernier jour de mon festival d’Angoulême 2022. Oui, cette année, suite à différents problèmes organisationnels et de santé, je ne suis pas resté les samedi et dimanche. Donc, le vendredi avec ses douze rencontres programmées allait clôturer mon séjour dans la Charente…

Mais, avant de me précipiter vers la salle de presse pour y rencontrer mes premiers invités, je décide de prendre le temps pour aller voir de près la façade décorée par Catel en hommage à René Goscinny. Il faut dire que cette année le scénariste Goscinny, disparu en 1977, aura été bien à l’honneur : une exposition de qualité au musée de la ville d’Angoulême et une inauguration officielle de cette façade… Après tout, l’heure des scénaristes est sur le point d’arriver… Qui sait ?

Une autre petite anecdote sur cette façade. Elle est située rue Goscinny. Je n’avais pas regardé à l’avance l’emplacement sur la carte et je pensais que des habitants de la ville m’indiqueraient facilement la direction… On peut toujours rêver ! En effet, la rue Goscinny ne semble pas très connue et j’ai mis du temps à la trouver. Heureusement, c’est l’un des membres du bureau de l’association qui organise le festival qui finira par me mettre dans la bonne direction… Et, surprise, cette rue est exactement dans le prolongement de la rue Hergé…

Je peux alors me mettre en route pour l’hôtel de ville où se situe la salle de presse… Avant, je rappelle à tous ceux qui ne l’auraient pas encore lu qu’il existe un très beau livre sur Goscinny (et sa fille)… bien sûr, vous l’aurez deviné, un roman graphique de Catel elle-même !

Ce matin-là, je vais avoir trois duos d’auteurs à la suite et ce sera tout d’abord Rodolphe-Griffo. On peut dire deux grands de la bande dessinée sans enlever quoi que ce soit aux autres auteurs reçus ce festival. Les deux septuagénaires se retrouvent sur un projet né d’un rêve de la femme de Griffo que ce dernier a repris et organisé avant de faire appel à Rodolphe pour le transformer en véritable scénario… Un beau travail collectif, basé sur la confiance et l’amitié. La bande dessinée, un one shot, Iruène, est à la fois réaliste mais fortement imbibée de mysticisme, de réincarnation, de volonté de sa faire pardonner, de salut de l’âme… C’est aussi un hommage au peuple primitif d’une île sur laquelle vit Griffo… Une île des Canaries… La Palma… Alex vit de nos jours mais il va pouvoir revenir dans le passé et corriger sa propre histoire, celle de son peuple… Le voilà redevenu Bencomo chef de son peuple Guanche… Mais, pourra-t-il réellement protéger son peuple et son île face aux Conquistadors ?

En tous cas, l’interview se déroule très sereinement dans cette grande salle de presse encore calme… Mais, une fois cette première rencontre terminée, il me faut pénétrer dans l’antre populaire et bruyante car la prochaine a lieu sur le stand Delcourt où m’attendent, ou presque, Serge Lehman et Frederik Peeters… D’ailleurs, finalement, c’est quand même plus calme que ce que je pensais initialement ce qui tente à prouver qu’effectivement la fréquentation du festival 2022 sera inférieure à celles des autres années… On parlera dans le bilan de -25%… Et ce fut peut-être bien pire que cela !

Nous voici donc autour de cette série atypique dont deux tomes sont déjà parus, Saint-Elme. Cette série est à la fois policière, financière, familiale, délocalisée et surprenante, hantée de personnages tous plus fous les uns que les autres (« Mais jamais déprimés ! » précise immédiatement Frederik Peeters). Je pense qu’il faut l’ouvrir sans idées préconçues, juste avec l’envie de se laisser surprendre par l’histoire, par son traitement graphique, par ses couleurs…

Alors, bien sûr, comme il y aura au total cinq albums dans la série, il est difficile de tout vous raconter ou de raconter sans casser le suspense… Donc, il vous restera surtout à écouter l’interview lors de sa diffusion sur RCF en Bourgogne puis de vous précipiter sur ces albums et d’en profiter car je l’avoue j’ai adoré et j’attends la suite avec beaucoup d’impatience…

Ayant sous la mais ces deux auteurs, j’en profite pour parler rapidement d’Oleg (avec Frederik Peeters) et de la suite donnée à La brigade chimérique (Serge Lehman)… Après tout, il est bien normal de rentabiliser son temps, ses déplacements et d’être à fond durant 30 minutes !!!

Par contre, nous n’en étions qu’au début de cette grande journée de festival…

(A suivre !)

Festival Angoulême 2022, septième partie du reportage de Shelton…

Bien, le temps passe et je réalise que je ne vous ai pas encore raconté tout mon festival d’Angoulême. Certes, ce n’est pas vital mais cela peut quand même donner des idées de lecture… Alors, reprenons où nous en étions, je quittais l’hôtel Mercure pour rejoindre le Champ de Mars et le stand des éditions Delcourt où j’avais rendez-vous avec Giorgia Casetti.

Quand on rencontre pour la première fois une autrice, on doit s’attendre à tout pour ne pas être surpris. Dans mon cas, puisque je fais de la radio, les problèmes majeurs sont soit un voix qui passe mal, soit un manque total de répartie, soit des auteurs qui ne parlent que par « oui » ou « non » sans jamais développer… et, n’oublions pas non plus les auteurs d’origine étrangère qui parlent peu, mal ou pas du tout le français ! Certes, on peut passer par une langue commune, mais le résultat est quand même rarement très radiophonique…

Quand je découvre Giorgia Casetti, j’avais tout cela en tête mais très vite je souffle intérieurement : elle parle très bien le français, elle est vive et je sens que tout va très bien se passer. On peut donc entrer dans le vif du sujet, c’est-à-dire l’album « Abby & Walton » qu’elle a dessiné sur un scénario d’Anaïs Halard…

Il s’agit d’un conte pour la jeunesse mais le traitement, le sujet, la qualité de la narration graphique… en font un album grand public qui peut être lu à tous les âges ou presque. Plusieurs thèmes d’ailleurs sont abordés dont d’une certaine façon la mort, les enfers, les relations entre les personnes et, aussi ou surtout, les relations entre une mère et sa fille jeune adolescente… Attention, il ne s’agit pas d’une bande dessinée d’horreur dont l’objectif serait de faire peur… Bon, le lecteur peut avoir un petit peu peur, mais pas trop car même avec la Mort, il y a un peu d’humour…

Giorgia est jeune, très dynamique, parle avec clarté, explique ses choix, ses démarches, ses goûts et ses envies… Son dessin est marqué par le manga, par Disney et elle travaille dans la bédé franco-belge. Le mélange est de qualité, la narration graphique est pertinente et agréable à lire… Et l’entretien dont je viens de réécouter quelques passages est fluide et passionnant !  Après l’entretien, je vais apprendre qu’elle était très tendu au départ car elle n’avait pas l’habitude des interviews et que cette expérience lui a fait du bien car elle s’est rendu compte qu’un entretien avec un journaliste n’est quand même pas la mer à boire !

Avant de rencontrer l’autrice suivante et dernière de la journée, Mademoiselle Caroline, je discute avec quelques auteurs, journalistes et attachées de presse dans la salle Delcourt. Un petit coucou amical à Davy Mourier que je ne vais pas interviewer cette année à Angoulême mais qui est un ami que j’apprécie rencontrer dans les festivals même quand je ne lui tends pas le micro… En plus, il est en train de « chasser » le Pokémon ce qui fait bien rire, avouons-le, tous ses amis…

Si je découvrais Giorgia, j’avoue qu’avec Mademoiselle Caroline, il s’agit plutôt de retrouvailles après quelques années sans se croiser, du moins dans la vie réelle car je suis non seulement ses ouvrages parus mais aussi ses dessins et autres mots sur les réseaux sociaux !

Ce fut donc une belle rencontre avec la possibilité d’aborder des ouvrages différents. En effet, il y a ceux dans lesquels Mademoiselle Caroline se met au service d’une cause (La différence invisible, Le journal de Célia), ceux où elle raconte un épisode de sa vie (par exemple Ma vie d’artiste) et ceux où l’on retrouve ses dessins de blog ou de réseaux sociaux (Carnet d’aventures ordinaires).

Ce fut donc une très belle façon de terminer la journée, une belle tranche de festival de la bande dessinée… et surtout une belle fatigue qui va me permettre de m’écrouler sur mon lit jusqu’au lendemain matin…

Angoulême 2022, sixième partie de festival…

Il est grand temps que je continue à vous raconter mon festival d’Angoulême… En effet, après la très belle rencontre avec Tiburce et Philippe, j’ai du courir un peu pour rejoindre l’hôtel Mercure où m’attendait Sandrine Revel. Heureusement, pour moi, elle m’attendait patiemment et j’ai pu l’interviewer avant qu’elle ne reparte, elle-aussi, pour une autre interview…

Je suis très heureux de cette rencontre car elle aborde un sujet délicat et important, sociétal et profondément humain… La violence sexuelle n’est pas que l’apanage des prêtres et autres instituteurs, elle touche tous les milieux, toute la société et si on veut l’éradiquer, alors il faut en parler et changer nos modes d’éducation… Le conte peut être un moyen d’aborder le sujet sans tomber dans l’inaudible, dans le glauque, dans l’inabordable avec les enfants… sans pour autant oublier la gravité des faits !

Sandrine Revel nous raconte comment est né le projet, comment Théa Rojzman a conçu son conte, pourquoi elle a tout de suite accepté de le dessiner, comment elle a travaillé… Le résultat est merveilleux, c’est un très beau livre et c’est pour cela que je suis heureux qu’il ait obtenu, c’était le lendemain de notre rencontre, le prix des lycéens 2022, FIBD/Académie de Poitiers. C’est entièrement mérité et justifié !

Pour ce qui est du conte lui-même, je vous laisserai découvrir pourquoi certains se taisent, pourquoi certains personnages semblent avoir perdu la tête et surtout pourquoi on croise tant de « bleus »… D’ailleurs, vous l’êtes peut-être aussi et cela vous fera du bien de lire cet album…

Dès que notre entretien est terminé, je n’ai qu’à juste changer de salle pour rencontrer Stephen Desberg et partir pour l’enfer… Sérieux, quand je dis « l’enfer », je ne parle pas de la qualité de l’entretien avec Stephen Desberg, mais bien de la visite dans laquelle il m’entraine en compagnie de son dessinateur Tony Sandoval !

La descente aux enfers est un sujet classique et fortement marquée par nos éducations. Desberg arrive avec un catholicisme solide, celui de sa maman, un athéisme certain, celui de son père et Tony Sandoval la culture mexicaine autour de ces enfers… Le tout est explosif, effrayant et, pourtant, plein d’espérance comme le lecteur s’en rendra finalement compte…

Cet album est intéressant, pour ne pas dire plus, pour sa construction, sa réalisation artistique et les valeurs qu’il porte. Pour ce dernier point, le plus important selon moi, passée l’émotion artistique bien réelle et justifiée, est de comprendre que nul n’est totalement mauvais (il y a des circonstances, des explications, des psychologies… et jamais d’excuses) et que l’enfer est avant tout notre enfermement dans nos absurdités, nos dysfonctionnements, nos erreurs et dès que l’Amour reprend le dessus, alors les portes de l’enfer peuvent se rouvrir pour le meilleur ! « Volage » est donc un livre à lire et relire !

Quand on rencontre Stephen Desberg, avouons-le sans détour, il est difficile de ne pas parler de toutes ses autres séries, ou du moins de celles que l’on a le plus appréciées… Donc, je me laisse aller à en aborder quelques-unes comme la suite donnée à SOS Bonheur ou IRS… Ce qui est fascinant c’est de constater que Desberg se laisse aller à avouer que certaines suites ou prolongements de séries ont été trop commerciales tandis que certains albums ont été personnels et forts… Il regrette aussi clairement que certains auteurs comme Jean Van Hamme n’aient jamais été récompensés à Angoulême… Un beau moment de vérité, de simplicité, d’authenticité humaine que j’apprécie beaucoup ! Merci monsieur Stephen Desberg de ces minutes passées ensemble !

Heureusement, après ces deux entretiens au Mercure, je n’ai pas besoin de courir car la rencontre suivante avait été annulée pour train manqué…

(A suivre !)