Lors du festival Quai des bulles 2016 de Saint Malo, nous avons eu la chance de rencontrer Emmanuel Despujol, dessinateur, entre autres, de la série Aspic, détectives de l’étrange, série dont le dessin avait été la création, au départ de Jacques Lamontagne. Le scénariste, par contre, est bien Thierry Gloris depuis le départ…
J’aime beaucoup le concept de cette série avec des enquêtes en deux volumes car cela évite au lecteur de se perdre dans les personnages, les suspects, les intrigues… Dès le départ, le couple d’enquêteurs – ils ne forment un couple que dans le travail – est surprenant. D’une part Hugo, un petit homme qui ne manque de rien et qui pourrait se contenter de se laisser vivre chez lui, d’autre part Flora qui n’a rien pour vivre, qui doit tout prouver, qui est, surtout, dotée de pouvoirs exceptionnels…
Comme il s’agit bien de naviguer entre réalisme et fantastique – principe de la série – le lecteur ne doit pas s’attendre à une enquête policière classique. Par exemple, dans le second diptyque de leurs aventures et enquêtes, Deux ch’tis Indiens et Vaudeville chez les vampires, nos deux enquêteurs de l’agence Aspic furent confrontés à la race délicate des vampires et Flora en est restée perturbée au plus haut point. On pouvait même douter qu’elle s’en remettrait. C’était sans compter sur l’équipe d’auteurs renouvelée et surtout Hugo qui n’aurait jamais laissé tomber son associée…
Pour se remettre, rien de tel qu’une petite enquête au cœur de l’Opéra de Paris secoué par un monstre criminel et sanguinaire… Ce sera le début d’un nouveau diptyque. Mais cette fois-ci, il va falloir attendre la suite pendant presque un an… et c’est à l’occasion de ce cinquième album que le dessinateur de la série a changé…
J’apprécie la solidité des scénarios de la série, le dynamisme de la narration graphique et la qualité de la reprise graphique du travail de Jacques Lamontagne par Emmanuel Despujol. Ce n’est pas si simple de reprendre une série sans déstabiliser les lecteurs et là, c’est réussi ! Ce ne sont plus tout à fait les personnages du départ, mais, on s’y retrouve totalement et c’est bien là l’essentiel…
Emmanuel Despujol répond aux questions avec simplicité, précision, humour et légèreté… comme si c’était d’une simplicité biblique de reprendre le dessin d’une bande dessinée… Heureusement pour lui, d’une certaine façon, le scénariste avait décidé que Flora, au moment où elle avait subi de gros chocs psychologiques, allait changer de tenue vestimentaire, de coiffure, peut-être même de comportement… Du coup c’est à la fois une nouvelle Flora mais aussi la même Flora que l’on retrouve dans le nouvel album, Whodunnit à l’Opéra.
Lorsque je découvre la bande dessinée de Fabien VEHLMANN, je suis à mille lieues d’entrevoir le voyage fabuleux qui m’attend car Fabien a décidé de m’emmener en Satanie. Alors, page après page, je m’engage dans les profondeurs de la terre et je suis la petite équipe partie au secours de proches perdus dans des souterrains. Mais, plus je m’enfonce et plus je découvre un monde tout droit sorti de l’imagination de Fabien.

Après quelques années d’études aux beaux-arts, Stéphane FERT se lance dans l’apprentissage de l’animation. Il trouvera sa voie dans la bande dessinée et l’illustration. Ces dessins sont pour tous les publics, comme il le dit lui-même, « Je dessine pour les plus petits comme pour les plus grands »…









Tebo, auteur connu pour ces bédés cartoonesques comme Captain Biceps ou Samson et Néon, souhaitait reprendre Fantomiald (Donald en super-héros), son personnage Disney préféré. N’arrivant pas à le dessiner comme il le voulait, Tebo se tourna vers Mickey et a profité de l’occasion quand Glénat a lancé sa collection d’appropriation de Mickey par des auteurs de bandes dessinées…
De plus, Tebo dit avoir déjà écrit deux histoires supplémentaires et compte bien continuer son travail pour explorer toujours plus l’univers immense de Mickey. Nous sommes donc sûrs de voir revenir la souris et sa culotte rouge dans un second tome !
Nicolas Keramidas, un auteur qui a travaillé durant presque 10 ans aux studios Walt Disney de Montreuil après avoir fait les Gobelins. Mais le dessin animé est une véritable industrie dont les créateurs et artistes finissent par se lasser et c’est probablement pour cela qu’il est passé à la bande dessinée, un art narratif plus artisanal, un lieu où il est plus facile de se faire reconnaitre et apprécier…
C’est ainsi qu’il a dessiné la série Luuna (7 tomes avec Crisse) avant de faire un Donjon Monsters avec Lewis Trondheim et la série Alice au pays des singes avec Tébo. C’est avec Lewis Trondheim qu’il va faire « son » Mickey…
Pour cet album, il faut avouer que nous sommes en face d’un coup de génie, d’un délire étonnant et d’un résultat surprenant. Les deux auteurs se sont fait plaisir et ont convoqué presque tous les personnages des aventures de Mickey, de Picsou et de Donald. On parcourt presque toute la planète et même au-delà, on est dans une course contre la montre époustouflante pour récupérer les pièces d’or de Picsou volées par Pat Hibulaire et Frères Rapetou… et tout se finira presque bien… Oui, il semble bien qu’il manque quelques pièces d’or !
Pour arriver à cela dans le nombre de pages prescrites, les auteurs ont inventé un petit contexte hilarant que je vous laisserai découvrir ainsi que la façon de gérer une petite censure des éditions Walt Disney. Oui, le personnage leur appartient bien et ils ont exercé un droit de regard… Bref, une très belle rencontre et un album à lire !!!
Enfin, pour compléter cette présentation, Félicien viendra très vite vous parler de Tébo, un autre auteur qui s’est prêté au jeu du Mickey approprié !!!
Le personnage de Mickey est universellement connu. Existe-t-il un enfant dans notre Europe occidentale qui ait pu échapper à Mickey ? Cela est peu probable… On le trouve essentiellement en dessin animé mais aussi en jeux vidéo, en jouet de toute nature et en bande dessinée, bien sûr !
Il a fait son apparition en 1928 pour la première fois dans un dessin animé. Son premier nom était Mortimer et la légende veut que ce soit la femme de Walt Disney, la fameuse Lilly, qui ait proposé ce nom de Mickey qui allait faire le tour de la planète…
En 1930, Mickey fait son apparition sur papier en strip quotidien dans la presse. Enfin, en France, en 1934, arrivera le Journal de Mickey… Aujourd’hui, c’est dans notre bonne vieille bande dessinée franco-belge qu’arrive Mickey revue et corrigé par des grandes signatures de la bédé… Oui, les éditions Glénat ont osé se lancer dans le plus improbable des défis en invitant à leur suite Lewis Trondheim, Nicolas Keramidas, Cosey, Loisel, Tébo…
Les éditions Glénat qui ont édité ces albums ont aussi permis une très belle exposition lors de Quai des bulles avec de très belles planches originales. Cette exposition a été accompagnée de rencontres avec les auteurs concernés et pour nous ce fut l’occasion de rencontrer Nicolas Keramidas et Tébo, rencontres dont il est temps de parler un peu car elles furent chaleureuses…
En 2015, le festival Quai des bulles et son équipe décernaient le grand Prix de l’Affiche à Sylvain Vallée pour l’ensemble de son œuvre. Du coup, en 2016, il lui revenait l’honneur de réaliser l’affiche du festival et il était invité même si ce n’était pas dans le cadre d’une actualité particulière… Une belle affiche et, surtout, l’occasion pour nous de le rencontrer…
Quant à moi, j’ai découvert Sylvain Vallée avec la série Gil Saint-André. Cette série scénarisée par Jean-Charles Kraehn a d’abord été dessinée par le scénariste lui-même. Pour le troisième album, ce dernier propose à Sylvain Vallée de le rejoindre et le duo fonctionnera durant six albums, l’un au scénario et l’autre au dessin. C’est probablement à ce moment-là que sa carrière démarre réellement, les critiques, les collectionneurs et les lecteurs le découvrent et l’apprécient. C’est d’ailleurs une série à découvrir pour ceux qui ne la connaissent pas encore, une série policière au départ mais qui évolue entre espionnage, fait divers, mœurs, polar, série noire… Du très bon !
Sylvain Vallée avait envie après cela de faire une grande série sur la seconde guerre mondiale. Il ne savait pas très exactement ce qu’il voulait raconter, il était prêt, il avait fait des recherches graphiques… et c’est alors que Fabien Nury lui a apporté un scénario parfait et comblant ses attentes… C’est ainsi qu’est née la série Il était une fois en France aux éditions Glénat.
Cette excellente série de bande dessinée raconte la vie romancée de Joseph Joanovici en six volumes. Ce ferrailleur a réellement existé et il a eu une vie très ambigüe. A-t-il trompé le fisc ? A-t-il eu des liens privilégiés avec le milieu ? A-t-il commercé avec les Allemands puis avec les nazis ? A-t-il soutenu, armé et aidé la Résistance ? Avait-il des accointances et protections à la Préfecture de Paris ? A toutes ces questions, il faut probablement bien répondre oui et cela explique qu’il a eu une série de difficultés après la Libération jusqu’à être l’une des trois personnes juives à ne pas pouvoir obtenir la citoyenneté israélienne au titre de la loi du retour…
Sylvain Vallée est très clair, comme la bande dessinée d’ailleurs, Joseph Joanovici n’est pas un bon ni un gentil, c’est une ordure même si, comme tous êtres humains, il a aussi des instants plus positifs, une forte tendresse pour ses filles en particulier…
Cette série de six tomes est maintenant disponible en un seul volume, en noir et blanc, et on peut à la fois lire d’un seul coup toute l’histoire et profiter de la narration graphique de Sylvain Vallée qui est d’une très grande qualité, efficace et fine, presque à catégoriser dans la Ligne Claire… J’ai pris beaucoup de plaisir à observer ces magnifiques planches en noir et blanc, je les ai trouvées encore plus belles qu’avec les couleurs…
Enfin, rappelons que Fabien Nury avait déclaré il y a quelques années qu’il ne voulait ni condamner ni réhabiliter Joseph Joanovici, juste le raconter, le montrer et laisser les lecteurs se faire leur propre idée…
Sylvain Vallée est venu à notre rencontre avec simplicité, a répondu avec précision aux questions et ce fut un beau moment profond avec en toile de fond une actualité qui nous rapproche tout doucement de ces périodes tumultueuses qui ont engendré des personnages comme Joseph Joanovici… Nous quittions les bords délicats et enchanteurs de la Manche, nous abandonnions la douceur de vivre de Quai des bulles pour nous rapprocher de l’Enfer et du mal absolu… Espérons que tout cela ne reste qu’un cauchemar…
La première rencontre est toujours importante pour donner le ton à un travail de reportage durant un week-end entier. Alexe était la première sur ma liste d’auteurs à interviewer mais comme elle avait peu de temps libres il fallait réaliser l’entretien durant une dédicace avec le public. Ce type d’opération est toujours délicat car il faut arriver à voler un peu de temps aux lecteurs parfois impatients sans qu’ils se fâchent… Heureusement, Alexe était là pour proposer la bonne solution… Elle me donnait une petite dizaine de minutes, à l’extérieur, au soleil en faisant sa pause, elle l’a annoncé à ses lecteurs avec le sourire et tout s’est très bien passé…
Alexe est une artiste qui s’est formée au fil des ans, des expériences et des projets. C’est la passion qui la motive et elle s’est déjà retrouvée dans des projets de dessin, d’arts, de musique et bien sûr de bande dessinée !!! Après des études – oui les jeunes amis, il faut toujours faire des études même quand on a du talent et que l’on veut faire de l’art – musicales (sax alto), en arts plastiques, en graphisme et en 3D, il a bien fallu travailler. Comme beaucoup elle a commencé par aller d’ici à là et réciproquement en faisant de la communication, de la publicité puis du jeu vidéo. Elle fut graphiste dans ce dernier domaine (lead graphiste) puis chef de projet. En 2002, elle se lance à son compte…
On la voit illustratrice puis coloriste, dans des fanzines/magazines et dans l’édition (Khimaira, Semic…)… C’est en participant à la coloration de bandes dessinées avec des auteurs variés qu’elle apprend les fondamentaux de la bande dessinée. C’est progressif, de la passion à la pratique amateur, les débuts professionnels, le désir de devenir dessinatrice de bédés, les grands débuts professionnels en 2015…
Sa première série sera Lancelot avec un scénariste expérimenté pour ne pas dire plus, Jean-Luc Istin… Elle reçoit un prix « jeune talent » pour le tome 1 de Lancelot par le festival « Abracadabulles » en 2009. C’est bien lancé !!! Les projets s’enchainent, elle est bien une auteure de bandes dessinées à part entière !!!
En juin 2016 sort le tome 22 de La Geste des Chevaliers Dragons, Alexe entre dans le club des dessinateurs ayant participé à cette grande épopée écrite par « Ange »… Un beau coup de cœur et, surtout, un grand moment car cette dessinatrice répond aux questions avec simplicité, douceur, précision et gentillesse. On découvre une passionnée de cette série La geste des Chevaliers Dragons et une auteure qui a dû résoudre un problème fondamental quand il a fallu dessiner son dragon… Mais, cela, vous le découvrirez en lisant cet album, La porte du Nord.
Il semblerait que la collaboration avec les scénaristes Ange se soit si bien passée qu’elle sera suivie très prochainement pas une nouvelle association dans cette très belle série…