Il y a quelques années, sous la pression amicale, filiale et bien sympathique d’un de mes enfants, je plongeais dans la série Lanfeust de Troy. Le scénariste Christophe Arleston et le dessinateur Didier Tarquin étaient pour moi de grands inconnus et je n’avais pas beaucoup lu à cette époque d’Heroic fantasy !
Comme beaucoup de personnes de ma génération, j’avais lu quelques petites choses (je pense aux bandes dessinées Aria et Thorgal, au roman Le Seigneur des Anneaux…), j’avais joué à certains jeux de rôle (merci à la revue Jeux & stratégie) et je n’avais malgré tout aucune attente spécifique vis-à-vis de cette série dont trois tomes étaient déjà parus…
Ainsi donc j’entrais dans l’univers de Lanfeust de Troy ! Une série étonnante qui allait me convaincre, ainsi que toute la famille, probablement un peu comme la série des Aventures d’Astérix le Gaulois avait conquis toute la Gaule… Oui, une série avec de l’aventure, de l’humour, des références et des citations, des grands décors, des personnages extraordinaires, des situations époustouflantes… Et avec tout cela de la fantaisie c’est-à-dire une pointe de magie, des personnages mythiques, de l’imaginaire débridé… Bref tout et son contraire et, surtout, du bonheur pour le lecteur !
Comme il existe probablement quelques personnes ignorant tout de cet univers, disons que Troy est un monde, un univers, une planète, où vivent des humains et de nombreuses créatures extraordinaires comme des trolls. Les humains ont des pouvoirs magiques très variés, ce qui fait la particularité de chacun, et les trolls sont des sauvages qui sont persuadés d’être très civilisés. Parmi les humains, il y a un certain Lanfeust, un apprenti forgeron, qui va découvrir qu’il a le don de faire fondre le métal… et je vais cesser de tout vous raconter car c’est à vous de découvrir tout cela si ce n’est pas encore fait !
Il se trouve que depuis 1994, date de la parution du premier album du premier cycle, j’ai eu l’occasion d’interviewer plusieurs fois le scénariste Christophe Arleston mais je n’avais jamais rencontré le dessinateur Didier Tarquin ! Après plusieurs échecs – oui les journalistes n’obtiennent pas toujours tout, immédiatement – c’est durant le dernier salon du livre de Paris, Livre Paris 2017, que j’ai pu interviewer Didier Tarquin !
Ce fut donc l’occasion de balayer une grande durée, de feuilleter ensemble près de 24 tomes, de tirer les leçons d’un tel succès… Un moment bien sympathique dont vont profiter les auditeurs du Kiosque à BD, mon émission hebdomadaire sur la bande dessinée…
A la fin, alors que je faisais le rapprochement entre Astérix et Lanfeust, Didier m’avouait que cette similitude était très souvent faite par les lecteurs, les fans, les critiques, les journalistes… Oui, probablement les conséquences d’un humour puissant, de personnages forts (Lanfeust = Astérix, Hébus = Obélix), d’aventures plaisantes à lire et qui permettent aux différentes générations de trouver de quoi satisfaire les instincts de lecteurs…
Comme le dit très bien Tarquin, le succès ne s’explique pas et pour les auteurs, il faut juste en profiter sans se prendre la grosse tête ! En tout cas, je ne peux que le remercier de cette rencontre et j’espère n’avoir pas à attendre aussi longtemps pour la prochaine rencontre !!!
Certaines personnes me demandent souvent comment définir les romans graphiques ? C’est un roman ? C’est une bande dessinée ? C’est un livre illustré ? Je peux comprendre l’angoisse de ceux qui sont nés comme moi le siècle dernier et qui ont vu arriver ce terme sans explication particulière… Le roman graphique…
On voit alors un certain nombre d’éditeurs mettre en place des nouvelles collections : Romans (à suivre) chez Casterman, Romans BD chez Dargaud, Encrage chez Delcourt, Tohu Bohu aux Humanoïdes associés, Romans graphiques au Seuil et Denoël Graphique chez Denoël… C’est au cœur de ces collections que certains talents vont éclore, qu’une nouvelle narration graphique se construit et se met en place, que les adultes vont trouver des titres d’une très grande qualité…
Un roman graphique est donc, d’une façon générale, une bande dessinée, au format libre, au sujet libre, destiné principalement aux lecteurs adultes. Les récits – pas toujours fictionnels – peuvent être beaucoup plus longs que dans le format traditionnel de la bande dessinée, les thèmes plus ambitieux, plus sérieux sans que ce soit une obligation…
Deux éléments peuvent compléter cette tentative de définition du roman graphique. Depuis quelques années, on voit beaucoup de bande dessinée de reportage et des biographiques arriver en librairie et ces deux catégories entrent elles aussi dans les romans graphiques. Les reportages bédés ont transformé certains auteurs en journalistes bédés tandis que les biographiques les ont poussés vers les historiens ! Attention, dans les deux cas, certaines spécificités ont bien été conservées et respectées avec des coauteurs journalistes et historiens.
Attendez, vous ne connaissez pas Vincent Wagner ? Sérieusement ? Bon, vous allez pouvoir vous rattraper car il vient à Dijon ce week-end… Il y a quelques années, je découvrais un jeune dessinateur et voici ce que j’écrivais :
C’est vrai que c’est cette histoire en trois tomes, Wild River que j’ai aimé le plus, sans aucun doute même si ce qu’il fait depuis me touche beaucoup. Si vous allez le rencontrer demain au festival Vini-BD de Dijon, vous pourrez découvrir ses albums sans parole qui sont de toute beauté, je pense en particulier à Cromalin et Cromignonne… Pour les réaliser il utilise une sorte de technique d’ombres chinoises mais je suis certain qu’il vous expliquera cela très bien…
Un des dessinateurs de bandes dessinées que l’on va retrouver à Dijon, dans le cadre du festival Vini-BD des 4 et 5 mars 2017, et que j’aime beaucoup est Emmanuel Michalak. Il dessine depuis quelques années la série scénarisée par Hub (celui de la série Okko), Aslak, une belle série de Vikings !
Comment donner le ton de cette série ? En disant que le chef d’un clan, qui en a marre d’entendre toujours les mêmes histoires, exécute sauvagement son barde raconteur… Comme cela ne lui redonne pas le sourire, il convoque la famille de ce pauvre artiste et il met le marché suivant en place : il garde la femme en otage, il demande aux deux fils, Skeggy (l’ainé) et Sligand (le cadet) de partir à la recherche d’une nouvelle et belle histoire… Quand ils reviendront, il les écoutera et il exécutera celui qui aura la moins bonne histoire… S’ils ne reviennent pas, il exécutera la famille en otage : la mère et le petit dernier de la tribu…
Je ne vais pas vous en dire plus, c’est très bien construit au niveau du scénario, très bien dessiné, il y a une petite pointe d’humour, d’originalité et on se laisse emporter dans cette quête farfelue de littérature ! Oui, voilà un peuple pour qui le récit est essentiel, vital devrais-je dire !
J’ai rencontré il y a quelques années Michalak à Angoulême et j’en garde un très bon souvenir et, du coup, je ne peux que vous conseiller cette rencontre et cette série bien sûr, Aslak !!!
Un autre auteur présent à Dijon dans le cadre du festival Vini-BD du week-end prochain, Eric Corbeyran. Eric est un grand scénariste et on lui doit tellement d’albums (plus de 300 si j’ai bien recompté cette nuit – oui, on peut compter les moutons ou les albums de Corbeyran, c’est au choix) qu’il est bien difficile de mettre en avant telle série ou telle autre, tel album ou tel autre…
Si on se contente de citer quelques nouveautés, on peut commencer par la série 14-18, d’autant plus que le dessinateur Étienne Le Roux sera là aussi…
Eric Corbeyran, le scénariste de la série 14-18, a décidé de poser en quelque sorte son objectif sur un village, sur un groupe de jeunes gens. Ils vivent heureux, jusqu’en 1914, ont des amourettes, voire des amours, boivent un peu, se chahutent gentiment, constituent une bonne bande de jeunes… Ils sont sur le point de devenir de bons adultes, d’honnêtes citoyens, d’entrer dans la vie active… et, malheureusement pour eux, c’est dans la guerre qu’ils vont entrer…
Ces huit jeunes hommes vont constituer le panel de Corbeyran et Le Roux, le dessinateur de la série. Ils vont les suivre année après année, dans ce terrible conflit. On suivra aussi, c’est logique, les copines, femmes et familles de ces huit jeunes gens… Et on va les voir évoluer au cours de cette guerre qui va définitivement les transformer, peut-être même leur faire perdre leur humanité…
Ce qui est remarquable dans cette série, c’est que le choix de montrer les humains avant toutes choses transforme le récit et nous éloigne de la chronologie stricte. D’ailleurs, les auteurs jouent avec efficacité de petits récits d’après-guerre si bien que l’on voit certains changements profonds chez ces êtres humains…
Mais on ne peut pas limiter Eric Corbeyran à la guerre de 14-18, si bonne soit la série. En effet, Eric Corbeyran est aussi un scénariste qui a consacré beaucoup de temps aux vins et alcools. On peut citer la série Châteaux Bordeaux, Cognac ou pour rester bien chez nous Clos de Bourgogne. Je n’irai pas jusqu’à affirmer qu’il s’agit de la meilleure bande dessinée sur le terroir viticole ou d’Eric Corbeyran, mais, toute mauvaise foi de Bourguignon mise à part, c’est quand même un album qui tient très bien la route (sauf si vous abusez du Bourgogne sans modération, bien sûr) ! Il s’agit d’une histoire mettant en scène Géraldine Leroy-Berreyre, journaliste spécialisée en vin, et c’est bien un one-shot. Vous aurez l’histoire complète sans attendre de suite éventuelle…
Enfin, pour vous laisser avec Eric Corbeyran en ayant toutes les informations essentielles, rappelons qu’il est le scénariste d’une très grande série de fantastique chez Delcourt, Le chant des Stryges, pour moi un chef-d’œuvre dans le genre…
Donc, un grand scénariste de bandes dessinées à rencontrer à Dijon et comme il ne sait pas réellement dessiner allez discuter avec lui !!! Profitez-en !!! Belle rencontre !!!
Dans les auteurs présents ce week-end à Dijon, dans le cadre du festival Vini-BD, je vous conseille tout particulièrement Olivier Perret. Ce dessinateur vient de sortir Journées rouges et boulettes bleues à La Boîte à bulles.

Quand on aime la Bourgogne et la Bande Dessinée, comment ne pas être sensible à l’appel des sirènes du Festival Vini-BD de Dijon qui tiendra sa deuxième éditions les 4 et 5 mars prochain de 10h à 18h.
C’est à Angoulême, lors du festival international de la bande dessinée, que j’ai rencontré, un peu par hasard, Rachel Deville. Elle présentait son travail, La maison circulaire, à la Maison des peuples et de la paix d’Angoulême. Une pièce entière lui était consacrée pour une exposition de qualité. Tout de suite son graphisme m’a attiré avant de plonger dans sa narration graphique que j’ai adorée !
La maison circulaire est une bande dessinée atypique, c’est le moins que l’on puisse dire. Rachel y raconte des rêves qu’elle a mis en images sous forme de bédé. Chaque chapitre est un rêve, tout simplement. Il n’y aura donc pas moins ni plus de cohérence scénaristique qu’il n’y en a dans un rêve ! Cela aura donc la connotation parfois d’une histoire fantastique, parfois sentimentale ou sociale…
A chaque fois, ces récits sont tournés vers le fort intérieur humain, sur des sensations et des émotions comme la solitude, l’angoisse du futur, l’admiration des lieux, la recherche ou la fuite des autres, l’incompréhension de ce qui se passe… Bref, très vite, on se met à rêver avec Rachel…
Du coup, au bout de quelques pages, on ne sait plus si on est dans le rêve de Rachel ou le nôtre. D’autant plus que certaines situations peuvent nous sembler habituelles, rencontrées ou maitrisées… Chacun met du sien dans cette lecture et c’est ce qui la rend intime, personnelle, profondément humaine…
Oui, même si je n’ai jamais été à Barcelone, ville visitée par Rachel – dans la réalité et dans ses rêves – j’avoue m’être senti chez moi plus d’une fois et je peux dire que j’ai beaucoup apprécié cette lecture de La maison circulaire !
Lors de la visite de son exposition, j’ai eu le plaisir d’interviewer Rachel Deville. J’ai évoqué son univers, son travail, la difficulté d’être autrice de bandes dessinées aujourd’hui… et l’omni présence de la construction humaine dans cette dernière bande dessinée. Oui, les rêves ne l’entrainent pas dans la nature ou l’érotisme torride, elle se meut presque tout le temps dans des villes, dans des constructions, dans des univers architecturaux… Le titre, La maison circulaire, est d’une grande logique quand on termine la lecture même si tout n’est pas maison ni encore circulaire…
Voici, en tous cas, un magnifique roman graphique à découvrir, lire et faire lire ! Cette autrice est à faire connaitre et cela montre aussi la qualité de cette maison d’éditions, Actes Sud BD, qui produit chaque année des albums de grande valeur !!!
Un auteur exceptionnel, André Franquin (1924-1997) qui a créé, un peu par hasard et contre l’avis de son éditeur, un personnage qui lui a brillamment survécu, Gaston Lagaffe (né le 28 février 1957, il a eu donc 60 ans il y a quelques jours), cela méritait bien un évènement hors normes. Un héros de bande dessinée que l’on retrouve dans 19 albums (traduits dans de très nombreux pays), sur près de 900 planches, qui s’expose au Centre Pompidou à Paris jusqu’au 10 avril 2017… Plus de 30 millions d’albums vendus dans le monde !!! Tous ces chiffres justifiaient bien que le magazine Paris Match lui consacre quelques pages… Non ?
Sur le plan de la narration graphique, on réalise que l’auteur André Franquin fut non pas un précurseur total, mais un génie de l’exécution du mouvement au sein de la case et de la bande son. Il n’a pas tout inventé mais qu’est-ce qu’il fut bon !!! Le personnage n’est pas toujours tonique et actif mais les dessins, eux, sont plein d’énergie et dynamiques !