Angoulême 2013 J-1

Plus qu’un jour à attendre… mais avec plein de travail !

Demain, ce sera l’inauguration du quarantième festival international de la bande dessinée d’Angoulême. Qui aurait pu penser que cet événement allait survivre aux différentes tensions, crises et problèmes financiers qui n’ont pas manqué sur sa route ? Même les créateurs n’auraient pas parié un franc – l’euro n’existait pas encore en ces temps éloignés – sur un tel succès !
Lorsque la ministre de la culture inaugurera l’exposition consacrée à Uderzo, son premier acte officiel dans une journée très chargée, nous aurons déjà commencé nos rencontres, nos interviews… Plus de quarante rencontres en quatre jours sont inscrites sur notre agenda, sans oublier quatre exposition, deux projections de films, trois conférences de presse… et un peu de sommeil la nuit, quand même !
Le premier jour, nous voyagerons au pays des contes avec une version de Cendrillon à faire rougir dans les chaumières, nous tenterons de comprendre pourquoi Disney est un personnage de l’art contemporain, nous plongerons dans les univers de Pascal Croci, de Pénélope Bagieu, de Vincent Wagner et nous terminerons dans le mystère avec une des versions des enquêtes d’Hercule Poirot en bandes dessinées…
D’ici-là, encore quelques visites à nos annonceurs et sponsors pour clore notre budget, ce qui n’est pas rien !

Raspail en bande dessinée… travail de Jacques Terpant

La bande dessinée a souvent la réputation d’être un art narratif mineur tout juste capable de faire rire les enfants, sourire les adultes, et, parfois, d’offrir des adaptations de sciences fiction intéressantes… Pourtant, je n’arrête pas de le dire, dans la bande dessinée, on trouve tous les genres littéraires, des plus simples aux plus complexes, des plus structurés aux plus abstraits… voire, dans certains cas, aux plus poétiques, aux plus artistiques, aux plus extraordinaires…

Puisque nous sommes en janvier, mois du grand festival international de la bande dessinée d’Angoulême, il me semble judicieux de vous inviter à découvrir ces bandes dessinées qui présentent des visages différents de ceux dont on parle toujours. J’ai choisi pour illustrer mon propos de vous présenter le travail exceptionnel de Jacques Terpant adaptant les romans de Jean Raspail…

Pour ceux qui ne connaissent pas les romans de Jean Raspail, je ne donnerais que quelques éléments. Ce romancier est un défenseur des causes perdues, d’un idéal ancien très proche de la chevalerie moyenâgeuse. Il aime donner à ses personnages du caractère, leur transmettre des missions incroyables et inaccessibles, les plonger dans un monde qui ne les comprend pas, qui ne peut pas les comprendre comme ils sont… Une de ses grandes interrogations est basée sur la frontière, la limite du connu, ce qui existe au-delà…

Dans Sept Cavaliers, sa première adaptation en trois volumes, Jacques Terpant – et donc Jean Raspail – nous montre un Margrave agonisant qui envoie une compagnie de cavalier pour une dernière grande mission. Un Margrave est un noble qui dirige une région frontalière – marche – dans l’Empire. Ici, on ne sait rien de la nature de l’empire, peut-être sommes-nous en Europe centrale, aux confins nordiques avec la Russie ou encore ailleurs… Qu’importe ! Là où nous sommes, les nouvelles n’arrivent plus, les ambassadeurs sont partis, la fille du Margrave est partie et on ne reçoit plus de nouvelles d’elle. La mission est donc simple : allez jusqu’au bout et revenez, si c’est possible, avec des nouvelles ; comprenez ce qui est en train de se passer !

Le chef de la mission est le colonel-major Silve de Pikkendorff. On le dit de la branche franco-balte de cette grande famille princière. Mais comme à chaque fois avec Jean Raspail, être aristocrate ne signifie pas être riche, être bien né, avoir une vie protégée… mais bien recevoir une mission devant laquelle tout intérêt personnel disparaitra. La devise des Pikkendorff est simple : suivre d’abord ses propres pas. Silve va accomplir sa mission, il va aller au loin vers les frontières du pays avec ses compagnons et la bande dessinée de Jacques Terpant va nous conter ce voyage incroyable…

Ce travail est assez magique. En effet, dans un premier temps on a le sentiment que Jacques Terpant a respecté profondément le roman de Jean Raspail, puis on découvre une histoire différente en ce sens que l’on n’a pas l’impression d’une relecture mais bien d’une lecture, enfin, parce que nous avons le sentiment que cette série de bande dessinée est venue enrichir nos images de la lecture romanesque. Nous vivons une sorte d’aller-retour continu entre le roman et la bande dessinée et c’est tout simplement exceptionnel. On est d’autant plus surpris quand on apprend que Jean Raspail a laissé Jacques Terpant réaliser seul cette adaptation…

Un instant, j’avais imaginé que cette série resterait seule, sans suite. C’était beau, mais l’auteur ne prendrait pas le risque de continuer, il y avait trop de périls potentiels… Et je me trompais sévèrement ! Jacques Terpant a continué, il a pris un second roman, il a même pris le risque de mettre un sous-titre à cette seconde excursion dans le monde romanesque de Raspail, La saga des Pikkendorff…

Nous voilà donc cette fois dans le Royaume de Borée. Dès le premier tome, dès la première page, l’émotion m’a saisi et une larme a coulé sur mon visage… Cet univers boréal est tout simplement fascinant et lumineux, beau et infini. On sent que la narration de Terpant va nous plonger dans une contemplation et que les actions ne seront que prétextes à nous obliger à réfléchir, à penser, à nous remettre en question. Que ferions-nous, si nous étions, nous aussi, habitants de Ragen ? Oserions-nous dépasser les limites, aller au-delà du connu ? Aurions-nous peur du petit homme ?

Oktavius de Pikkendorff devient commandant de la place de Ragen. Un endroit isolé à la frontière, une ville en paix et sans inquiétude. Dès son arrivée, Oktavius veut se tourner vers la zone inconnue. Il veut l’observer, s’en protéger, être vigilant. Il ne faut pas sombrer dans l’inaction, il faut être toujours prêt ! C’est dans cet univers que va naitre l’attente de la rencontre avec l’autre, celui qui est différent. Dangereux ou pas, la question n’est pas là. Il ne doit pas nous surprendre !

J’ai été touché et bouleversé par ces deux premiers tomes – il y en aura quatre – du Royaume de Borée qui sont encore plus forts que les trois volumes de Sept Cavaliers. Je trouve que Jacques Terpant est devenu comme une sorte de Raspail en bandes dessinées. Il pense, il raconte, il dessine, il nous immerge dans l’univers des frontières comme Jean Raspail l’aurait fait s’il écrivait des bédés et non des romans. Mais c’est probablement une bonne chose d’avoir les deux : un nous écrit de très beaux romans, l’autre les adapte magnifiquement en bandes dessinées, quant à nous lecteurs, nous n’avons même pas à choisir tant les deux sont agréables à lire !

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Sept cavaliers

D’après le roman de Jean Raspail

Scénario et dessin de Jacques Terpant

3 volumes chez Delcourt

Série terminée

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Le royaume de Borée

D’après le roman de Jean Raspail

Scénario et dessin de Jacques Terpant

2 volumes chez Delcourt

Série en cours