Angoulême 2017 et Néjib

Parfois on nous met en mains un album de bande dessinée qui nous avait complètement échappé. A Saint-Malo, le dernier jour, à la dernière heure presque, une amie me donne l’album d’un auteur qui vient de recevoir le prix de la révélation. Ce prix attribué conjointement par l’ADAGP (Associations des Droits des Artistes Graphistes et Plasticiens) et l’équipe du festival Quai des bulles a été décidé cette année, pour la première édition de ce prix, de mettre à l’honneur Néjib et son Stupor Mundi… et c’est un excellent choix, sans aucun doute !Si je n’avais pas interviewé cet auteur, Néjib, à Saint-Malo par méconnaissance de son ouvrage, il n’allait pas en être ainsi à Angoulême car non seulement j’avais lu son roman graphique mais je l’avais trouvé excellent !  Le bruit court que ce serait par un heureux hasard que Néjib aurait trouvé l’inspiration de Stupor Mundi. Je n’ai toujours pas vérifié car dès que j’ai pu m’assoir avec Néjib, je suis entré dans une très belle discussion sur ses influences, la façon dont l’histoire avait pris place dans son imaginaire et surtout comment il avait pu mener son projet jusqu’au bout… Passionnant !D’une certaine façon, il semble bien que tout a commencé durant ses vacances… « Pendant mes vacances, Je me suis rendu compte que la place du village et tout ce qu’il y a autour était projetée dans ma chambre, par un trou dans les volets, à l’image d’une camera oscura. Partant de cette idée, je me suis renseigné sur le sujet et j’ai découvert que le phénomène de la camera oscura était connu depuis l’antiquité. Le phénomène est ensuite théorisé et mis en pratique par le père de l’optique moderne, Alhazen (965-1039). » Pour en faire une fiction sur fond historico-scientifique, il décide de créer de toutes pièces un descendant imaginaire de ce savant : Hannibal Qassim El Battouti.Au départ, tout commence comme une bande dessinée banale avec un personnage clef que l’on va suivre dans son « installation » en Occident alors que ce savant a été chassé de l’Orient par un grand religieux… Et c’est alors que tout va basculer, on n’est pas dans une nouvelle histoire Occident-Orient, on n’est pas dans une critique des uns ou des autres, on n’est pas dans du connu mais dans une grande histoire où l’humanité se révèle dans ce qu’elle a de plus grand ou de plus petit… Entre génie et médiocrité, entre grandeur et avilissement… Génial !

On est dans un château, Castel Del Monte, là où l’empereur Frédéric II – La Stupeur du Monde – avait rassemblé les plus grands savants et artistes de l’époque. Là, on va accueillir Hannibal, le savant chassé par l’obscurantisme musulman arrive au cœur de ce qui pourrait bien être un obscurantisme chrétien… Dans les deux cas quand les religieux se mêlent de science, politique et art… peut-il en sortir quelque chose d’humain ?

L’auteur s’amuse à évoquer avec moi science, religion et mystère, et la discussion est tellement prenante que l’on se retrouve au moment de se séparer sans avoir vu le temps passer… C’est le signe d’une belle rencontre, non ?

Néjib propose une histoire d’une grande qualité, dense, parfaitement construite et documentée qui donne au lecteur l’impression d’être parfois dans Le Nom de la Rose et dans d’autres circonstances de se retrouver dans le cabinet d’un certain Sigmund Freud… Mais la bande dessinée est très riche culturellement et les citations et allusions sont très nombreuses, si nombreuses que chacun pourra en oublier quelques-unes sans que cela ne pénalise la compréhension du livre… Oui, j’ai bien dit livre car ce roman graphique est un livre à part entière !

Certains personnages semblent secondaires mais attention, il se pourrait que cette majestueuse Stupeur du monde vous réserve quelques surprises… Houdê, la fille d’Hannibal est importante, sa mère aussi même si vous ne la voyez pas beaucoup… Quant à El Ghoul, le gardien masqué… je ne vous en dis pas plus…

J’ai adoré et me suis laissé prendre par l’histoire, puis par la personnalité de l’auteur… je ne peux donc que vous conseiller la lecture de cette bande dessinée et j’attends avec impatience son prochain travail pour avoir la chance de le rencontrer une nouvelle fois…

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