Improvisations, quand théâtre et bande dessinée passent la soirée ensemble…

Un match d’improvisation c’est quoi ? Ce sont deux équipes de quatre à six qui ont vingt secondes pour se concerter sur un thème et sur des contraintes avant de jouer sur scène dans l’espace appelé « patinoire » en totale improvisation.

Au festival de la BD d’Angoulême cette année, en plus de leur talent d’improvisateur, les comédiens ont dû compter sur la participation de deux dessinateurs. Ainsi donc les équipes de cinq joueurs de l’Adiv Poitier et d’Hero Corp ont vu respectivement les dessinateurs Boulet et Marion Montaigne intégrer leur rang le temps de cette soirée unique.

Le show, orienté évidement sur la Bande Dessinée, alternait entre dessin et improvisation ou combinait les deux selon les contraintes. On a donc vu les comédiens jouer sur un décor dessiné conjointement par leurs coéquipiers dessinateurs. Des dessinateurs créer la couverture d’une BD d’après le jeu d’improvisation de leurs équipes, ou encore, après avoir dessiné deux vignettes de BD dans leur coin et avoir choisi celle de début et celle de fin, improviser l’histoire qui se déroule entre. Voir les comédiens évoluer sur scène en total impro est déjà impressionnant, mais les regarder interagir avec les dessinateurs l’était encore plus.

Dans ce spectacle le public est bien sûr mis à contribution. Il s’agit d’un match donc si les arbitres sont là pour veiller au respect des règles (oui, l’improvisation ne s’improvise pas, il y a beaucoup de règles à respecter) le public est, lui, le seul juge qui peut apporter la victoire à l’une au l’autre équipe.

En tout, 12 thèmes et contraintes d’improvisation soit mixte (les deux équipes mélangées) soit en confrontation (chacune son tour) ont été joués pour arriver à un score de 7 à 5 en faveur d’Hero Corp et de deux fautes par équipe.

Dessiner les auteurs ? les dessinateurs ? Noémie s’y colle !!!

J’ai grandi en dessinant. Plus tard la profusion d’univers que je croisé en lisant des BD m’a amenée sur la voie du dessin. Et cette année en 2015, pendant le festival de la bande dessinée, l’équipe et moi-même avons mené nombres d’interviews d’auteurs et de dessinateurs. Durant les trente minutes que nous ont consacrées ces personnalités, j’étais souvent chargée de faire un portrait d’eux. Une expérience stressante et à la fois enrichissante.

En effet au début de chaque interview, on leur expliquait que j’allais les dessiner. La plupart des réactions des auteurs et autres dessinateurs a été d’ouvrir grands les yeux et de dire légèrement étonnés et septiques « D’accord… j’ai hâte de voir le résultat… ». Mais moi j’entendais « Mais quel est cet oiseau de malheur qui veut me dessiner… Avec quelle tête je vais me retrouver… ».

Je me mettais donc à l’ouvrage, assise à une table, sur un tabouret ou même debout. Pendant le temps qui m’était alloué, je dois bien avouer que je ne faisais pas du tout attention à ce qui m’entourait me concentrant uniquement sur ma feuille, mon stylo et mon modèle. Je n’avais qu’un seul objectif, ne pas louper mon dessin pour ne pas décevoir et être déçue et frustrée en retour.

La difficulté majeure est que chaque interviewé est différent. Ils bougent et se positionnent différemment. Et si certains sont plutôt calmes d’autres ont besoin de gestes amples pour s’exprimer.

Dans toutes les interviews réalisées, il ne m’est arrivé qu’une seule fois de recommencer le dessin que j’avais fait. J’aurais vraiment eu honte de présenter cette première ébauche. Une autre fois j’ai dû dessiner en même temps deux personnes en prenant moi-même part à l’interview, un petit challenge que j’ai relevé avec succès. A un autre moment encore j’ai dessiné la même personne une seconde fois dans un temps très court. Encore une fois j’ai réussi m’en sortir, bien que mon poignet commençait à me faire souffrir.

Puis venait la révélation, la fin de l’interview, le moment où je m’approchais anxieuse de l’interviewé pour lui montrer mon calepin ou le carnet dans lequel j’avais dessiné. Les réactions ont toutes été plus ou moins les mêmes, auteurs comme dessinateurs étaient impressionnés. « Je n’aurais jamais pu faire pareil » m’a-t-on félicitée. D’autres m’ont demandé si je faisais une école d’art, auxquels j’ai répondu que j’avais effectivement étudié en graphisme. D’autres étaient presque gênés de se voir dessinés ainsi et me complimentèrent sur ma vitesse d’exécution et d’observation.

Mais dans tout ça je crois que la personne la plus gênée, c’était moi. Recevoir tant de compliments, d’encouragements et de félicitations de la part de personnes dont j’admire le travail et dont le dessin est pour certain leur univers, c’était extraordinaire et surtout impensable. J’étais soulagée et vraiment très touchée de voir mes dessins plaire. Mais également émue d’être, en quelque sorte, reconnue par mes « pères ».

Le festival d’Angoulême de Shelton : samedi 31 janvier 2015

Après un raté avec les éditions Casterman, cela arrive et il ne faut pas en tenir rigueur aux uns et aux autres, j’avais rendez-vous en ce samedi humide – car la pluie n’était pas complètement partie d’Angoulême – avec Pierre Paquet, éditeur mais aussi scénariste car son ouvrage PDM, Paquet de merde, venait de sortir l’avant-veille. Je l’avais eu et lu, j’étais prêt à cette rencontre souhaitée et je dirais même attendue…

Pierre Paquet est un éditeur que je ne connais pas très bien. Certes, certains ouvrages sont bien arrivés jusqu’à moi comme ceux de David Ratte ou Romain Hugault, mais je ne peux pas prétendre être un spécialiste de cette maison d’éditions. Ces labels devenus classiques comme Calandre et Cockpit rassemblent de très nombreux lecteurs hyper pointus qui pourraient m’en apprendre beaucoup sur les avions, les voitures et les auteurs qui les réjouissent tout au long de l’année. Je n’en suis pas encore là, je dois lire et découvrir encore beaucoup même si j’avoue que côté avion j’ai déjà bien commencé le travail…

Pierre Paquet raconte dans cet ouvrage, PDM, une partie des aventures qui ont marqué sa carrière, jeune d’ailleurs, d’éditeur de bandes dessinées. Il garantit que tout ce qui est dans le livre est authentique et que c’est même pour cela que le jeune dessinateur Jésus Alonso a accepté de dessiner cet album autobiographique.

Je ne vais pas tout vous raconter d’autant plus que la lecture est fluide et agréable. Je vais simplement vous révéler que cet homme, Pierre Paquet, est bien conforme au livre et que la rencontre ne va rien changer à l’image positive que j’avais de lui après la lecture. En fait, si, il y a un petit changement, c’est que l’image est encore plus positive car Pierre Paquet est un homme vraiment agréable, paisible et sympathique. L’entretien est des plus plaisants et j’ai envie de le rencontrer encore plus souvent pour qu’il me parle de ses auteurs, de leurs livres, de ses amis et des animaux pour lesquels il éprouve une véritable « amitié »…

J’ai fini par oublier que j’étais à Angoulême, oublier les micros et le travail, pour vivre un instant de bonheur et de sérénité loin de tout le brouhaha ambiant et médiatique… Merci pour ce moment en espérant qu’il se reproduira souvent… Si vous lisez attentivement son PDM vous retrouverez sans doute cette ambiance particulière, celle qui fait que des auteurs lui sont restés fidèles malgré tout… Cela donne aussi un beau portrait d’un éditeur de bandes dessinées, un métier particulier dont on ne parle pas souvent. Enfin, c’est l’occasion de rappeler que Pierre Paquet est le plus grand des petits ou le plus petit des grands éditeurs et ce n’est pas rien !

L’auteur suivant de cette matinée a été Riff Reb’s, un auteur atypique – du moins pour moi – car ses récits d’adaptation de nouvelles en bande dessinée nous sort du classique et habituel pour nous faire entrer dans la haute mer, aborder les grandes tempêtes, affronter notre destin aux limites de l’insupportable. Bref, avec cet auteur, on entre de plein fouet dans la vraie littérature ! Et quand je dis cela, j’y crois et ce n’est pas seulement parce qu’il s’agirait de nouvelles signées de grands noms – Conrad, Orlan ou Poe – mais plutôt parce que le dessin devient narratif et porteur de la pensée humaine au sens propre !

Riff Reb’s n’a qu’un seul défaut à mes yeux de Breton par intermittence, il est Normand ! Pendant tout le temps de l’interview je prendrai sur moi – je rigole, bien sûr – pour ne pas faire allusion à cela et profiter de cet auteur de grande qualité. Il se livre, il parle de son enfance, de la dureté de son père, de la mer, du métier de marin – qu’il n’a pas connu car lui est un homme de la terre et appartient à ceux qui regardent cette vaste étendue sombre de loin – et de celui de dessinateur qui n’est pas si facile même si les coups de vent sont intérieurs…

Une très belle rencontre autour d’un beau livre et j’espère que tous ceux qui aiment la mer, la littérature et les hommes se feront un plaisir de le lire. On n’en sort pas indemne, certes, et, surtout, on aura envie après de lire ses autres ouvrages, Au bord de l’Étoile Matutine et, surtout, du moins à mon goût, Le loup des mers, parfaite adaptation du roman de Jack London !

Après ces deux premières rencontres, autour de livres forts et délicats, il fallait quelque chose de plus léger… Attention, léger ne signifie pas sans portée et sans talent ! D’ailleurs, léger n’est pas parfaitement adapté à la série Léo Loden. Certes, il s’agit bien d’une série policière teintée d’humour… mais avec un dernier épisode sur les kalachnikovs à Marseille ça plombe un peu l’ambiance et dans la situation actuelle cela rend le tout assez politique, grave et d’actualité. C’est avec Serge Carrère que nous avons rendez-vous puisque le scénariste de la série, Christophe Arleston, nous l’avons rencontré la veille…

Je ne reviendrai par sur cette série que nous avons déjà présentée lors de la première rencontre, la seule chose à dire c’est que Serge Carrère nous a reçu avec simplicité, qu’il est plutôt drôle et sympathique, que l’on a envie, après cet entretien, de relire la série entière des Léo Loden… mais comme cela va prendre un peu de temps, je remets cette lecture à plus tard, quand le festival sera terminé…

Après avoir rencontré Pierre Paquet le matin de ce samedi, j’avais deux rendez-vous avec des auteurs de ces fameux labels Calandre et Cockpit, belle occasion de parler voiture puis avion, le tout sans bouger de la bulle des éditeurs, du moins, pour être précis, du bungalow des éditions Paquet. Quand je dis bungalow, pour tout vous dire, il s’agit du lieu où étaient stockés les livres des éditions Paquet durant le festival, un endroit où on pouvait faire nos interviews entre deux piles de bandes dessinées, avec un bruit de fond assez infernal dû à la ventilation/chauffage du grand chapiteau des éditeurs sur le Champs de Mars de la ville d’Angoulême… Si les lieux étaient exigus, reconnaissons qu’ils étaient à l’abri, au calme et qu’ils permettaient les rencontres… En plus, au milieu des albums de bédé, cela donnait un cadre plutôt sympathique qu’a bien apprécié Axelle avec qui j’étais durant l’une de ces interviews…

Tout a commencé avec Dominique Monféry pour le dessin de Tin Lizzie, dans la collection Calandre. Cet auteur présente à Angoulême son premier album de bande dessinée mais ce n’est pas un débutant dans la narration dessinée puisqu’il vient de l’animation (Franklin et le trésor du lac) où il est réalisateur et superviseur d’effets visuels. Il a travaillé avec Thierry Chaffouin – scénariste de Tin Lizzie – sur Tarzan, Destino ou L’Atlantide, l’empire perdu… Les deux hommes se connaissent bien et ils ont l’impression de faire une incursion dans un monde très différent du leur. En effet, Dominique Monféry nous explique que là, en bande dessinée, ils ont l’impression d’être considérés, écoutés, respectés…. Ils ont aussi le sentiment de faire de l’artisanat sereinement et cela les change complètement de l’industrie de l’animation…

L’histoire de cette voiture, car c’est bien de cela qu’il s’agit dans leur histoire, est plutôt sympathique. Un homme riche du sud des États-Unis s’achète une automobile en 1908… mais pour la transformer en engin de culture, sorte de tracteur moderne pour améliorer les rendements des chevaux… Le régisseur a d’autres idées en tête car cette voiture mérite mieux…

Cette belle histoire met en scène deux personnages clefs : le régisseur du domaine, Rhod, et Jake Lebey, petit-fils du patron. L’héritier potentiel du domaine, jeune garçon est entrainé dans une aventure ensoleillée par le régisseur quand le patron, le colonel Lebey, part quelques jours à la foire de Saint-Rochelle… La voiture, Tin Lizzie, attendra encore un peu avant de se transformer en tracteur !

Un dessin vivant, dynamique et parfaitement adapté à la jeunesse qui a su me charmer et me convaincre. Une bonne histoire qui pourrait même se transformer en dessin animé tant la narration est entre les deux, la bande dessinée classique et l’animation jeunesse…. Beaucoup de plaisir pour le lecteur qui se laisse faire par les auteurs pour quitter le domaine, prendre la route de la ville et de l’aventure… Direction New Bay !

Il y aura un second volet à cette histoire, celui où l’on verra une voiture affronter un cheval dans une grande course, mais c’est là une autre histoire et il faudra attendre encore quelques mois pour la découvrir…

Après cette rencontre au Sud des États-Unis, nous allons prendre la direction du Pacifique pour y vivre un épisode de la seconde guerre mondiale, avec Hellship, une bande dessinée entièrement réalisée par Jared Muralt dans la fameuse collection Cockpit. L’auteur est un Suisse alémanique et l’entretien va se dérouler en anglais grâce aux compétences linguistiques d’Axelle qui se révèle à l’occasion passionnée d’aéronautique aussi. Elle était avec moi pour l’entretien avec Callixte et elle récidive… et toujours avec passion !

L’histoire de Hellship est une histoire plus humaine que technique car il s’agit de ce que peut penser l’homme au cours d’une action de guerre, surtout quand tout ne se passe pas comme prévu, quand on finit par tuer des êtres humains en grand nombre – c’est déjà dur à vivre – de surcroit de son propre camp – là c’est tout simplement insupportable – et la guerre devient – si elle ne l’était pas encore – un véritable enfer !

Une bande dessinée sérieuse, solide, bien documentée et profondément humaniste. J’ai aimé cette bande dessinée et son auteur complet. J’espère qu’il va pouvoir continuer dans ce sens car je crois qu’il peut devenir un bon auteur, un auteur qui trouvera son public, ses lecteurs fidèles.

Axelle est convaincue, à l’issue de ce nouvel entretien avec un auteur de chez Paquet que cette maison a le chic pour ne proposer que des auteurs sympathiques, chaleureux, gentils. Peut-être est-ce exagéré, mais c’est son point de vue et elle le défend y compris devant les auteurs et attachées de presse…

Et nous voici maintenant chez Delcourt avec un entretien majeur de la journée en compagnie d’Eric Corbeyran, le scénariste presque universel qui est accompagné cette fois-ci par Etienne Le Roux. La rencontre va se partager en plusieurs temps. On parlera d’abord de la série consacrée à la guerre de 14-18, puis aux Elfes dont Corbeyran a signé le scénario de deux albums (c’est pour faire plaisir à Noémie lectrice de la série), puis à Assassin’s Creed, série dérivée du jeu vidéo (pour satisfaire Amélia, joueuse vidéo).

Cette série 14-18 me plait beaucoup. En effet, il y est d’abord question des êtres humains. Ici les évènements politiques, diplomatiques et militaires sont relégués au second rang. On suit un groupe de personnages, 8 hommes et leurs familles, et on va voir cette guerre les marquer définitivement. Certains disparaitront, d’autres ne seront plus jamais les mêmes, et on va comprendre au fur et à mesure les pourquoi, les comment, les quand… C’est touchant et profond, c’est assez différent d’un certain nombre de commémorations, ici on est dans la vie. La guerre n’est qu’un incident ou accident de vie ! Il y aura dix albums au total ce qui peut faire peur au lecteur mais la qualité des deux premiers – ceux que j’ai lus au moment du festival – laisse présager d’une bonne et grande série. Pour que nous ne soyons pas obligés d’attendre indéfiniment la suite de l’histoire, Etienne Le Roux, le dessinateur, se fait aider par deux de ses étudiants, Loïc Chevalier et Jérôme Brizzard.

Pendant l’interview, on assiste à une scène assez cocasse : Etienne Le Roux dessine pour nous une magnifique dédicace tandis que Noémie, notre dessinatrice de service, elle, croque Etienne Le Roux. Un bel échange artistique et intergénérationnel ! Angoulême c’est aussi cela, des moments de création et d’échanges qui vont bien au-delà des livres eux-mêmes…

Dans un deuxième temps, avec Noémie, nous faisons parler Eric Corbeyran de sa participation à la série Elfes, aux éditions Soleil. Le concept est simple. Il s’agit d’une série retraçant la vie de ce peuple mythique. Cinq auteurs se sont consacrés chacun à une sorte d’Elfes, chacun avec un dessinateur différent. Corbeyran a choisi les Semi-elfes, une race de bâtards. Les cinq premiers albums ayant eu du succès, on a demandé aux duos de recommencer et Corbeyran s’y remis. Le premier album était L’Elu des Semi-Elfes, le tome 4 de la série, avec Jean-Paul Bordier au dessin, tandis que le deuxième, Le siège de Cadanla, tome 9, est dessiné par Gwendal Lemercier. On sent que le scénariste a pris un réel plaisir à imaginer ces deux albums et qu’il n’a pas choisi une race de bâtards au hasard. C’était pour lui l’occasion de parler de parias, de rejetés, d’un peuple en souffrance et donc d’augmenter l’effet tragique au sein de cette série de fantaisie. Les Elfes ne sont pas que des personnages sympathiques… Non, mais !

Mais, avant de retrouver Amélia, un coup d’œil sur Le Roux par Noémie…

Enfin, Amélia peut se lancer dans la discussion quand il est question de ce cycle Assassin’s Creed, aux éditions Glénat, scénarisé par Eric Corbeyran et dessinée par Djillali Defali. Elle est un peu déçue car Eric avoue dès le départ n’être pas joueur et n’avoir travaillé qu’avec des captures d’écran. Il ne s’agissait que d’une commande, six albums, et pas d’une passion du jeu ou d’un travail d’imagination pure. Je suis assez content que mes étudiants puissent mesurer que même dans les domaines de la création on soit obligé parfois de travailler sur des commandes. Oui, en bande dessinée, on ne fait pas toujours que ce que l’on veut, il faut faire des concessions, répondre à des commandes d’éditeurs, suivre des demandes du marché… C’est la vie !

Citons aussi une autre nouveauté de Corbeyran, le premier tome de La Légende de Noor, avec le dessin d’Alice Picard, une sorte de conte et de féérie que j’ai bien aimé. J’attends le second volume avec une certaine impatience… J’avoue !

Un grand entretien de qualité qui me conforte dans l’idée que Corbeyran n’est pas qu’un grand scénariste, c’est aussi un mec bien et un ami !

C’est sur le stand Delcourt que nos activités vont se poursuivre et en plusieurs pôles. En effet, Axelle et Amélia vont interviewer Davy Mourier pour La Petite-Mort (éditions Delcourt), Noémie va rencontrer Bertrand Gatignol pour le dessin de l’album Petit (éditions Soleil) et moi je vais rencontrer Philippe Ogaki pour Terra Prime (éditions Delcourt).

Je ne suis pas un spécialiste ni un grand fan de la science-fiction. Par contre, j’avoue avoir toujours été touché par certains auteurs du domaine comme Léo que je suis depuis que j’ai posé le pied sur Aldebaran (éditions Dargaud) ou Philippe Ogaki que j’ai lu puis rencontré grâce à la série Azur.J’avoue avoir découvert le premier tome de Terra Prime le matin même en attendant un auteur et que j’ai été séduit instantanément. Cette série est beaucoup plus qu’une simple aventure, elle est une grande réflexion sur l’être humain, la société, le pouvoir, la vie, le partage des richesses, la différence…

Ogaki croqué par Cécile

Une communauté humaine va se poser – assez violemment – sur une nouvelle planète qui semble habitée. Elise va tenter le contact, oser la rencontre et elle trouvera plus en compagnie de d’Aétios… Mais pourra-t-elle rester comprise des autres humains ? Pourra-t-elle se faire accepter des habitants de cette nouvelle planète ? Et on est pris par cette histoire dont ce premier volume est d’une excellente tenue, tant le dessin que dans le scénario. Philippe Ogaki confirme son talent. Il est en train de devenir un très bon auteur de bande dessinée et j’espère vraiment que les critiques et les lecteurs vont le reconnaitre comme tel !

Après Philippe Ogaki, c’est au tour d’un autre jeune auteur, Jérémie Moreau de s’assoir non pas sur mon divan mais face à notre micro et notre caméra. Jérémie Moreau est un jeune auteur, certes, mais chacune de ses publications a fait du bruit, a retenu les critiques et séduit les lecteurs.

Avec Le singe d’Hartlepool, sur un scénario de Wilfrid Lupano, il avait surpris tout son petit monde et pour un coup d’essai offrait un coup de maitre ! Qu’allait-il faire seul, avec ce fameux Max Winson ?

Là encore, il surprend, il éblouit, il séduit et maintenant, avec le tome 2 de cette histoire, il confirme… Max Winson restera un bon travail, en noir et blanc, avec un thème surprenant, autour de personnages relevant plus de l’étude de caractères que de la bande dessinée sportive, même s’il est question de tennis…

Enfin, si on se projette un peu dans le futur, après avoir eu un scénariste et l’occasion de travailler seul, il se propose pour sa prochaine histoire d’adapter un roman de Chris Donner aux éditions Rue de Sèvres ! En trois histoires, il aura testé trois méthodes de travail, trois graphismes différents et offert trois bonheurs profonds à ses lecteurs. Qui dit mieux ?

Jérémie Moreau répond avec simplicité comme si tout ce succès, ce bruit autour de lui, cette pression qui s’installe de fait, ne le touchaient pas du tout, comme si la vie continuait, tout simplement, comme avant… Après tout, il n’a que 27 ans et toute la vie devant lui… Enfin, heureusement, il a un métier dans la vie, en dehors de la bande dessinée. Il travaille dans l’animation ! On ne sait jamais, dès fois qu’il s’ennuierait un peu…

Dernier entretien sur le stand Delcourt de ce festival, Xavier Dorison vient nous parler de son petit dernier Ulysse 1781, une histoire avec un dessin d’Eric Hérenguel. Xavier Dorison va rester finalement assez distant et les étudiants le trouveront trop professoral. Nous avons certes en face de nous un grand scénariste qui nous a déjà enchantés avec des séries comme Long John Silver ou W.E.S.T. (éditions Dargaud), Le troisième testament (éditions Glénat), Sanctuaire (éditions Humanoïdes associés) ou Les sentinelles (éditions Delcourt). Mais tout au long de l’entretien, il reste à une certaine distance et les étudiants le ressentent fortement… et j’avoue avoir moins ce sentiment car rapidement je le suis dans cet univers des Etats-Unis en 1781, à la fin de la guerre d’Indépendance, quand le capitaine Ulysse McHendricks va rentrer chez lui…

Le cadre est posé : Xavier Dorison va nous raconter ce retour assez éprouvant qui sera une version moderne et fantastique du voyage d’Ulysse. Le premier diptyque de cette série sera consacré au Cyclope et si les lecteurs sont au rendez-vous, il y aura tous les épisodes – revus et corrigés – des aventures d’Ulysse qui lui aussi a connu un retour mouvementé pour retrouver son village, sa femme, sa terre…

L’interview est passionnante et le «manque» de chaleur humaine ressentie est largement compensé par la qualité du propos, la hauteur et la tenue de la discussion, les éléments scénaristiques, historiques et mythologiques livrés par Xavier Dorison. Cela restera indiscutablement comme un des temps forts des interviews et on attend tous le tome 2 avec beaucoup d’impatience !

La journée de samedi s’est terminée avec la rencontre avec Nancy Penna et un spectacle improvisation théâtre/bande dessinée… mais pour cela, il faudra encore attendre un peu !

(A suivre)

Dans la bulle de Bill Watterson : Axelle et Christophe rendent visite à Calvin et Hobbes !

Si Calvin s’imagine souvent en héros intergalactique, pendant les 4 jours du festival d’Angoulême, il était un héros dans nos cœurs. Son créateur Bill Watterson, présidait cette année le festival de la bande dessinée. Si lui était absent, ses personnages, Calvin, le jeune garçon plein d’imagination, et son tigre en peluche Hobbes, était bien présent.  En effet une exposition leur était consacré à l’espace Franquin.

Une occasion pour les fans de redécouvrir cette bande dessinée, et bien souvent de la faire découvrir à leurs enfants. Les inspirations de Bill Watterson, les débuts de Calvin et Hobbes, et l’évolution du jeune garçon intrépide avec son tigre en peluche au fil des saisons, nous étions plongés dans l’univers de l’auteur. C’était aussi l’occasion de voir la façon dont Bill Watterson travaillait grâce à une exposition présentant ses outils de travail et sa façon de penser.

Au-delà du travail de Watterson, c’était également une chance de découvrir les comic strips américains, prisé depuis maintenant bien longtemps de l’autre côté de l’Atlantique. De nombreux personnages sont nés par ce mouvement, notamment Snoopy, Garfield et bien d’autres encore. On connaît le monde de la bande dessinée aux Etats-Unis grâce aux comics Marvel ou DC, mais on oublie bien souvent ce côté de la BD, qui a pourtant inspiré de nombreux albums.

L’équipe Chacun sa Bulle comptait deux grands fans de Calvin et Hobbes. Cette exposition a été pour eux une machine à remonter dans le temps, une bulle pour revenir en enfance, lorsqu’on se délectait de cette bande dessinée.

Le festival d’Angoulême de Shelton : 2ème partie du vendredi 30 janvier 2015

Quand on travaille sur l’agenda d’Angoulême, quand on prépare nos rendez-vous, on choisit les auteurs que l’on aime, que l’on connait, qui sont à la mode ou qui viennent rarement en France. C’est dans ce cadre que le nom de Charlie Adlard a retenu notre attention immédiatement. Pensez donc le dessinateur de la série mythique Walking Dead ! Oui, mais il fallait l’interviewer en anglais et donc la préparation ne fut pas légère : il fallait connaitre la série, avoir lu une partie des albums, éventuellement connaitre la série TV, aimer l’ensemble, parler anglais… et, surtout, voir notre demande de rendez-vous agréé par la maison d’éditions et par l’auteur ! Tout s’est bien passé, on nous a donné un créneau, on a préparé et nous y voilà…

C’est Axelle qui va prendre en main l’entretien en anglais et elle s’en est sortie merveilleusement bien. Le ton est fluide, l’ambiance est détendue, Charlie est souriant, léger et il semble s’amuser à répondre à toutes ces questions… Axelle n’est jamais dépassée, elle anticipe, elle écoute, elle réagit, rebondit et tout se passe bien. L’entretien dure plus longtemps que prévu et il semblerait même que le public soit très nombreux à écouter les propos de Charlie et Axelle…

Car il faut dire que c’est à ce moment-là que va se produire un évènement atypique qui fera mémoire dans l’histoire technique du festival. En effet, nous utilisons un micro-cravate, avec émission par ondes et sans que nous le sachions le magasin des Galeries Lafayette d’Angoulême a retransmis durant l’après-midi l’interview avec Charlie Adlard. Si la directrice du magasin n’a pas fortement apprécié la chose, les techniciens du festival furent surpris du phénomène et dès le lendemain une consigne apparut dans tous les lieux de presse avec l’interdiction d’utiliser la fréquence des Galeries Lafayette. Au moins, on se souviendra de l’utilisation de nos fameux micros-cravates !

Cela ne changea rien à la qualité des échanges avec Charlie Adlard, jeune auteur de qualité qui a rencontré le succès assez rapidement mais qui n’en reste pas moins un homme accessible, simple et plein d’humour ! Quant à la série Walking Dead c’est en bande dessinée qu’il faut la découvrir car la version y est plus complète, plus forte, plus dense, en clair, bien meilleure !!!

Tout en suivant des yeux et des oreilles Axelle, prêt à l’aider en cas de besoin, je jette un œil protecteur à Adeline et Amelia, mes deux étudiantes qui doivent aller interviewer Joris Chamblain, scénariste, et Aurélie Neyret, dessinatrice, des Carnets de Cerise, éditions Soleil. L’interview doit avoir lieu dans l’exposition qui est consacrée à cette petite merveille. Les filles ont aimé la série (3 albums), elles ont déjà rencontré le scénariste, et, pourtant, elles sont très tendues, surtout Adeline qui carrément morte de peur… Le stress de la première interview faite seules… Je suis assez confiant, elles sont prêtes !  

Je suis obligé de laisser Axelle clore l’entretien seule car je dois me dépêcher de rejoindre les éditions Paquet pour retrouver Stefano Carloni, le dessinateur de la série Sinclair qui vient de démarrer avec Laurent-Frédéric Bollée au scénario. Il s’agit d’un italien mais l’entretien va finalement se faire en français car Stefano parle très correctement avec un bel accent chantant…

La série appartient au label « Calandre » des éditions Paquet, un label où il est question de voitures, une véritable attraction de ces éditions quand on voit le nombre de lecteurs fidèles qui se précipitent autour du stand tous les jours pour obtenir une belle dédicace avec un dessin de voiture… J’avoue être plus sensible aux personnages qu’aux voitures et cela tombe plutôt bien car la série Sinclair est avant tout une histoire profondément humaine avant d’être une série de bagnoles ! Certes, Philippe Sinclair cherche à devenir pilote automobile, certes il a abandonné ses études de médecine pour entrer dans cette carrière, certes il est invité en Australie pour courir une course alors que le professionnalisme s’éloigne de lui… oui, mais là-bas, c’est son histoire qu’il rencontre, c’est sa famille qui reprend de la consistance, c’est un parcours de redécouverte, de reconstruction, initiatique auquel il est convié ! Un très beau récit bien dessiné et avec une narration graphique mature et maitrisée…

Stefano Carloni nous partage tout cela avec l’émerveillement d’un jeune auteur qui n’en attendait pas autant, pas si vite… Voilà, la série est partie pour un cycle de trois albums, il a déjà fait un Angoulême et il semble très heureux de ce qui lui arrive !

Pour clore cette logue journée, nous prenons la destination du théâtre d’Angoulême où va se tenir la grande conférence de presse des éditions Rue de Sèvres… Ce label, rattaché aux éditions L’école des loisirs, est né il y a un peu plus d’un an et lorsque nous avions été à la création, j’avais constaté que certains responsables venaient directement des éditions Casterman qui connaissaient alors quelques grosses difficultés… Louis Delas, qui lui aussi venait de chez Casterman, avait tenté une union Casterman/Ecole des Loisirs. Cela n’avait pas pu se faire – opposition de Gallimard – et Louis Delas avait démissionné de Casterman pour la maison L’école des Loisirs – que dirigeait son père – et où il voulait mettre en place une structure bandes dessinées… Quatre fidèles le suivaient dont Nadia Gibert et Rue de Sèvre apparaissait…

Etait-ce suffisant pour réussir ? Le marché allait-il laisser un petit entrer dans la danse ? Les auteurs de qualité suivraient-ils ? Toutes ces questions m’habitaient quand je suis entré dans la salle de conférence…

Première surprise ou remarque, il y a beaucoup de monde à cette conférence de presse, beaucoup plus qu’au lancement, presque autant que pour celle très prisée de Guy Delcourt. Deuxième chose qui saute aux yeux, de très grands auteurs sont là, certains sont déjà au catalogue de Rue de Sèvres, d’autre non… Jirô Taniguchi est là, Jacques Ferrandez, Tiburce Oger, Lewis Trondheim, Jérémie Moreau, Matz…

Deuxième point à mettre en valeur : contrairement à d’autres maisons d’éditions, la présentation des ouvrages à venir n’est pas le fait des éditeurs, mais bien des auteurs interviewés par leurs éditeurs. Ici, c’est l’auteur qui est au cœur de l’activité. Il est choyé, respecté, protégé, stimulé, aimé… tout simplement !

Et c’est ainsi que nous avons ce moment bien sympathique et chaleureux avec un Taniguchi sur scène qui dialogue avec son éditrice Nadia Gibert. C’est tout en finesse, en délicatesse, en respect mutuel… Il s’agit, au-delà de l’exposition qui lui est consacrée cette année à Angoulême, de parler de son dernier livre, publié chez Rue de Sèvres, Elle s’appelait Tomoji. C’est la vie d’une femme, de sa naissance à son mariage, une femme qui a bien existé puisqu’elle est la co-fondatrice d’une branche du bouddhisme prisée par l’épouse de Taniguchi lui-même. Mais au lieu de faire de l’hagiographie, il a pris appui sur la vie de cette femme pour raconter la société rurale japonaise entre les deux guerres mondiales… Nous reviendrons sur l’album lui-même plus tard, mais l’entretien ce soir-là éclipse tout le reste tant l’émotion est forte, tant la parole est pure, tant on sent entre l’éditrice et « son » auteur une relation profonde, vraie, amicale… Nadia fait le spectacle en terminant par trois phrases en japonais car depuis qu’ils travaillent ensemble – elle fut son éditrice chez Casterman – ils ne dialoguent qu’à travers une interprète…

Merci pour cette émotion et franchement, ce ne sera pas une offense à tous les autres si je dis que tout le reste de la soirée j’étais comme sur un petit nuage… et j’avais bien sûr au cœur l’unique fois où j’avais pu parler quelques minutes, là aussi avec interprète, avec Taniguchi, dans les locaux de chez Casterman…

Mais cela ne m’a pas empêché de prendre beaucoup de plaisir à écouter les autres auteurs et même à prolonger la discussion avec Tiburce Oger durant la soirée…

Encore une bien belle soirée, une journée riche en rencontres multiples et il était temps, dès lors, d’aller se coucher pour être prêt à aborder ce qui allait être la journée la plus chargée de notre festival d’Angoulême 2015…

(A suivre)

Le festival de Shelton : 1ère partie du vendredi 30 janvier 2015

Les nuits sont courtes durant le festival d’Angoulême. Le soir, on est fatigué, on cherche un peu d’énergie pour écrire un texte ou deux, on range les sons et images du jour, on prépare ses rencontres du lendemain et on s’écroule… Le lendemain matin arrive toujours trop vite et il faut déjà repartir au travail. Je parle bien de travail car avec mes étudiants on n’arrête pas et on sent bien que la fatigue est là doublée d’une bonne crève car on a en plus attrapé froid dès le premier jour…

Ce matin, ils sont quatre à prendre le chemin d’une conférence de presse sur Les Chevaliers du Zodiaque tandis que je m’apprête à rencontrer André Taymans. Voici un auteur que je connais depuis très longtemps et que j’ai toujours plaisir à retrouver. Il faut dire que j’ai une fille qui se prénomme Charlotte et elle a grandi presque en même temps que la Charlotte, héroïne de Taymans. Il s’agissait d’une très belle série énigmatique pour enfants de primaire et elle a certainement aidé André à devenir l’auteur performant qu’il est devenu. A cette même époque, il dessinait les aventures de Bouchon, un sympathique petit cochon qui amusait les enfants qui ne savaient pas encore lire. Oui, on l’oublie parfois mais Taymans a commencé sa carrière avec de très bons albums pour la jeunesse…

Il a aussi, il y a quelques années, raconté pour Okapi – mais je ne le lisais pas – Les tribulations de Roxane. Cette Roxane fera par la suite des apparitions dans le cycle de Caroline Baldwin, avant de revenir maintenant dans un cycle spécifique chez Paquet, avec ce premier album, La main de Pangboche, objet de notre rencontre…

Avec Taymans, on a en face de soi un grand de la bande dessinée franco-belge, un dessinateur classique capable de s’adapter à toutes les tranches d’âge, un passionné de la montagne, un homme profond et agréable, bref, tous les éléments sont réunis pour faire une bonne émission.

En termes techniques, il faut avouer que nous sommes un peu gênés par un bruit de compresseur d’air, de canon à air chaud ou autre groupe électrogène car le bungalow des éditions Paquet est situé contre cette maudite machine… Certes, on s’entend mieux qu’au cœur de la foule, mais les interviews seront difficilement exploitables, il va falloir nettoyer et abréger. C’est réellement un problème car je n’aurais rien à ôter de la discussion avec Taymans. Sa présentation de sa nouvelle série est impeccable, il parle avec passion de la montagne, avec délice de son héroïne, avec mystère de son intrigue… C’est aussi l’occasion de parler d’un album sans lendemain que j’avais adoré chez lui, Ban Mânis, un récit one-shot basé sur la vie d’une alpiniste Suisse… Et, à la fin, il y avait déjà une petite allusion au Yéti…

Oui, il est bien question du Yéti ici et cela permet de faire un petit hommage rapide à Hergé et son Tintin au Tibet, album magnifique qui laisser entendre que l’abominable homme des neige était bien doté d’un cœur ce dont les Tibétains et autres Népalais ne doutent pas un instant !

Nous n’aurons pas le temps d’atteindre le sommet des dieux que déjà il faut redescendre sur terre et se précipiter dans un autre lieu, aux éditions Soleil, pour la grande rencontre prévue avec Christophe Arleston !

J’ai découvert Christophe Arleston, il y a fort longtemps, avec une série jeunesse, Tandori, qui était dessiné par Curd Ridel. C’était en 1993. Cette série me faisait beaucoup rire et elle avait un petit quelque chose d’Astérix, Tandori étant une sorte d’Astérix des Indes… Puis, quatre ans plus tard, un de mes fils me plongeait de force ou presque dans Lanfeust de Troy, dessiné par Tarquin. Ce fut un coup de foudre car je trouve que le premier cycle de huit albums de cette série est un chef d’œuvre de la bande dessinée… Le temps a passé et je n’avais jamais rencontré ce scénariste. L’année dernière cela avait failli se faire puis au dernier moment, l’interview a été annulée…

Quand on arrive chez Soleil, l’attachée de presse, avec une petite grimace, m’annonce qu’il n’est pas là, qu’il est en retard, qu’elle n’a pas d’autre information… Je suis glacé et pessimiste. Encore une fois, cette rencontre tant espérée va tomber à l’eau. On attend… L’attachée de presse revient assez vite nous rassurer. Il arrive, il n’aura qu’un quart d’heure de retard…

OK, on va le rencontrer, mais du coup il ne restera que quinze minutes avec nous… A voir, on va prendre notre temps et on verra bien… et nous allons discuter presque trois quarts d’heure ensemble ! Ce fut un moment fort de la journée et l’équipe retiendra que cet homme est un vrai grand : qualité du propos impeccable, vue d’ensemble étonnante de la bande dessinée, recul sur son travail, affection pour ses dessinateurs, passion pour ses livres mais avec lucidité, humanisme profond qui transparait en continu, simplicité avec mes étudiants… Quel beau moment !!!

On a bien essayé de parler de tout ce qui le concernait mais comme c’est trop vaste, il a fallu se limiter à trois domaines. On a commencé par l’univers de Lanfeust ce qui semblait incontournable. Il a pu ainsi nous raconter les débuts de la série phare, le premier tirage du premier album, les premières dédicaces au salon de Maisons-Laffitte… Nous sommes là devant lui, captés par les anecdotes, les détails, les souvenirs… Il raconte tellement bien que l’on a presque l’impression que le dessinateur Tarquin est aussi là avec nous. Fascinant !

Dans un deuxième temps, on parle de la série Léo Loden, née au début des années quatre-vingt-dix, avec un dessinateur toulousain, Serge Carrère. Là aussi on parle de la genèse de la série, des grands virages, des choix, de l’avenir… Christophe nous explique que le dernier album, Brouillades aux embrouilles, est un album qui aborde le sujet du trafic d’armes dans la cité phocéenne et comme le sujet est un peu d’actualité avec ce qui s’est déroulé à Paris en Janvier, il n’en parle pas trop pour éviter de faire croire qu’il s’agirait d’un album de circonstances. En fait, comme il faut un an pour faire un album, c’est l’affaire Merah (mars 2012) qui avait provoqué l’envie d’aborder ce thème grave et citoyen, ce qui n’empêche nullement, la dose d’humour habituelle de cette série policière…

Enfin, dans une troisième partie d’interview nous allons dans l’univers d’Ekhö, série en cours dessinée par Alessandro Barbucci. Nous sommes ici dans une fantaisie contemporaine et j’avoue que la série fonctionne parfaitement bien avec deux personnages, Fourmille et Yuri, qui à l’issue d’un voyage en avion pour New York se retrouve dans une monde miroir du nôtre, un monde à l’ancienne, avec petits écureuils qui parlent et mènent tout le monde à la baguette, les Preshauns… Cette série regorge d’allusions et citations au monde de l’image, en particulier le cinéma… A travers cette série, on comprend de mieux en mieux comment Arleston dialogue avec ses dessinateurs, comment il trouve pour chacun l’histoire qui lui convient le mieux, comment la série est copilotée…

A la fin de l’entretien, nous sommes encore comme assommés par tant d’informations, d’histoires, de gentillesse. Nous ne sommes pas avec celui qui a vendu plus de douze millions d’albums de bande dessinée, nous ne sommes pas avec un des grands scénaristes de la bédé, nous sommes juste avec un homme qui répond paisiblement et simplement à nos questions… Vraiment un beau moment que chacun va garder dans sa mémoire pour longtemps !

Redescente sur terre, la journée n’est pas terminée et il est temps de poursuivre nos entretiens. C’est au tour de Nicolas Otéro, le dessinateur de la série Amerikkka aux éditions Paquet. Cette série scénarisée par Roger Martin est une histoire policière, liée fortement au KKK (Ku Klux Klan), qui permet un grand voyage aux Etats-Unis, de mieux comprendre le racisme dans ce vaste pays et de vivre une aventure étonnante et mystérieuse par album (9 sont parus à ce jour, on en annonce un dernier…). Les deux agents spéciaux qui luttent contre le KKK, Angela et Steve sont solides et bien construits ce qui rend la série très agréable à lire.

Nicolas est un dessinateur sympathique et dynamique, c’est avec cette série qu’il a commencé en 1992, juste en sortant de son école lyonnaise, Emile Cohl, ville dans laquelle il vit encore. L’entretien est rapide, pas à cause du manque d’intérêt de la série ou du dessinateur, mais simplement parce que nous faisons cela au cœur du stand Paquet. Tandis que je l’interview, et qu’un des étudiants filme, le reste de l’équipe canalise le public pour qu’il ne rentre pas dans le champ de la caméra. Toute une opération complexe qui ne peut pas se prolonger trop longtemps quand même… Et dans ce cas, dix minutes, c’est déjà très long… Mais Nicolas se prête au jeu et ce sera la seconde interview diffusée à la radio cette année, dans l’émission envoyée dès notre retour d’Angoulême avec celle de Lewis Trondheim…

Le « client »suivant est Jean Dytar, un auteur complet que peu connaissent, et je trouve cela très injuste. C’est une des raisons qui a motivée cette rencontre. Faire connaitre un auteur trop confidentiel alors que le talent est bien là. Il a publié chez Delcourt, dans la collection Mirage, La vision de Bacchus.

On ne résume pas un tel album qui nous plonge au cœur de la création artistique. On doit le lire, tout simplement mais pour vous situer les choses, on peut dire que nous sommes à Venise en 1510. Nous sommes avec un peintre, Giorgione, atteint de la peste, sur le point de mourir. Avant, il a une dernière tâche à accomplir, finir une toile ! Et c’est là que la bande dessinée s’ouvre en quelque sorte, qu’elle va naviguer entre histoire de la peinture, réflexion sur la création, vie intime des artistes, difficulté de la vie humaine et, même, d’une certaine façon, intrigue policière… Le livre est prenant et touchant, l’auteur que nous avons devant nous aussi !

Jean Dytar est à la fois un auteur et un pédagogue (il est enseignant d’arts plastiques au quotidien) et j’ai l’impression qu’il parle à mes étudiants comme un prof : il explique, montre, justifie, revient sur certains éléments… On se laisse prendre et on se dit qu’il faudra réviser avant la prochaine interro, ou relire l’album avant d’écrire la critique… C’est aussi toujours, pour moi, un émerveillement de voir ces auteurs aussi disponibles pour les interviews. Certes, ils défendent leurs œuvres, mais ils répètent des dizaines de fois les mêmes choses avec tant de patience et gentillesse… Jean prend le temps de dédicacer un album pour le projet Chacun sa bulle, là aussi, avec beaucoup de disponibilité. Merci !

Notre auteur suivant est Turf pour son premier volume du Voyage improbable, aux éditions Delcourt. Là, le ton change. Turf est direct, tonique, rapide dans ses réponses et plus déjanté que notre enseignant de Jean Dytar. En quelques minutes, nous ne sommes plus dans la salle de presse des éditions Delcourt mais sur une navette spatiale improbable, un phare breton blanc et rouge propulsé par erreur et circonstances au bout de l’univers… Et, même pas peur ! Non mais…

Interviewer Turf est toujours comme une petite récréation car il ne se prend pas au sérieux tout en proposant des histoires, certains diraient des fables,  d’une grande qualité avec de multiples références littéraires et cinématographiques, profondément humaines aussi, bien sûr. Ce phare en mouvement devient un huis-clos grave et plein d’humour. Le lecteur ne s’ennuie pas du tout, et, maintenant, il attend avec impatience le second volet de ce diptyque ! Mais attention, si Turf répond vite et bien aux questions, il dessine plus lentement et on verra bien quand arrivera la fin de cette histoire…

L’auteur suivant est un scénariste, Alain Ayroles, et, je l’avoue sans détour, c’est un de ceux qui m’a apporté le plus de jubilation de lecteur. C’est lui qui a scénarisé l’incroyable série Garulfo (avec Bruno Maïorana au dessin) et la folle épopée théâtralisée en bédé De cape et de crocs (avec Jean-Luc Masbou au dessin). C’est deux séries sont si fortes, si drôles, si prenantes, si bien construites… qu’il ne vous reste plus qu’à les lire si vous ne les connaissez pas. Les deux séries sont terminées, en quelques sortes, si ce n’est que pour la seconde, De cape et de crocs, les auteurs ont voulu offrir au public une sorte de conclusion en guise de prologue (ou le contraire, allez savoir) avec deux albums racontant la vraie vie d’Eusèbe, le lapin blanc que les amateurs de la série connaissent bien. Enfin, on va savoir ce qu’il a vécu avant la série, comprendre pourquoi il est devenu ce qu’il est, et j’avoue que dès le premier volume j’en ai eu pour mon argent !

Alain Ayroles est un scénariste méticuleux, construit et méthodique. Dans l’interview, il est aussi comme cela et ne laisse rien sans réponse, explique calmement tout, donne des détails sur son travail avec Masbou, sur la série, sur les personnages. Les étudiants présents regrettent un peu qu’il n’y ait pas plus de chaleur dans les propos car certains sont totalement fans de la série et auraient voulu rencontrer un des personnages plus que l’auteur. C’est l’occasion pour eux de bien comprendre qu’un auteur n’est pas un personnage de bandes dessinées. C’est un artiste et il peut y avoir de grands écarts entre le créateur du personnage et le héros lui-même. Là nous étions avec Alain Ayroles pas avec Armand Raynal de Maupertuis (les amateurs de la série comprendront !).

Comme la journée fut très longue, nous parlerons de Charlie Adlard, de Carloni, des Carnets de Cerise, de Taniguchi, de l’épisode des Galeries Lafayette et des éditions Rue de Sèvres dans un prochain article…

(A suivre)

Photos de Michel, pierre et Cécile

Cécile enquête après la marche des auteurs de bandes dessinées…

Au festival d’Angoulême, le samedi est la journée la plus importante du festival. C’est le jour où les festivaliers et les auteurs sont les plus nombreux bien sûr. Pendant que certains artistes font des dédicaces ou répondent à des interviews… d’autres en profitent pour marcher contre la réforme du RAAP en 2016 : le régime de retraite complémentaire des auteurs.

Lewis Trondheim, auteur de la série Donjon, explique que cette loi uniformise le système des retraites en Europe et qu’elle traite les artistes comme des entreprises dont ils seraient l’unique patron et l’unique salarié. Le taux de 8% de cotisation est trop élevé !

Christophe Arleston, scénariste de Lanfeust de Troy, s’inquiète que plus le statut des auteurs sera précaire, plus les individus pouvant prétendre devenir auteurs seront d’origine des classes aisées. Ce serait dommage que les auteurs des nouvelles générations ne fassent tous partie que d’une même catégorie sociale.

Gaëlle Hersent, auteur de Sauvage avec Jean-David Morvan, (notamment scénariste de Sillage), a aussi marché. Son ami -sur la photo ci-dessous-, illustrateur jeunesse, explique que si les jeunes auteurs sont souvent en situation précaire, c’est que les maisons d’édition publient énormément d’auteurs, et leurs forfaits, leurs rémunérations, sont de ce fait, plus minces.

Nadia Gibert, éditrice chez Rue de Sèvre, anciennement chez Casterman, confirme que l’édition est une industrie qu’il faut faire tourner, au détriment d’une sélection qualitative des projets BD et du prestige du statut d’auteur.

Au final, le Festival de la BD a malgré tout continué à Angoulême dans la festivité, la bonne humeur et surtout l’humour. C’est dans l’espace presse de Delcourt qu’une heure plus tard, Lewis Trondheim ajoute que non, les organisateurs du festival n’ont pas été prévenus de la manifestion et que oui, il aimerait communiquer d’avantage avec eux dans le cadre des préparatifs du festival par exemple.

Le festival de Shelton : Jeudi 29 janvier 2015

En fait, c’est bien le jeudi que commence réellement le festival. Pour moi, depuis des années, il commence par un rituel, la conférence de Guy Delcourt aux journalistes et libraires. Ce moment est important pour trois raisons. D’une part, il y a un bilan assez précis sur l’année écoulée dans la bande dessinée, tous éditeurs confondus. Puis, d’autre part, il y a des présentations plus ciblées sur les ouvrages qui ont marqué l’année passée chez Delcourt et des annonces de ceux qui devraient sortir dans l’année qui démarre. En sortant, on a de véritables envies de lectures… du moins pour ceux qui n’en avaient pas avant !

Depuis que Soleil et Tomkam sont entrés dans le groupe Delcourt, il faut avouer que cette grande présentation couvre encore un champ beaucoup plus vaste… D’ailleurs un certain nombre d’indicateurs vont prouver que Delcourt est en train de devenir, sinon le grand de la bédé, un des piliers de cet univers narratif…

Que retenir cette année ? En 2014, les ventes totales de bandes dessinées ont baissé de 4, 6 %. Un tel chiffre peut sembler négatif mais en réalité les professionnels le relativisent car l’année 2013 avait été boostée par les ventes du nouvel album des aventures d’Astérix. Donc, en fait, il faut considérer que malgré la crise, les ventes de bandes dessinées sont plutôt stables, voire en légère augmentation. Ce qui ne signifie pas que la bédé soit en bonne santé car tous les indicateurs ne sont pas aussi positifs…

Deux grands groupes se partagent la tête, Média Participations (28,3 %) et Groupe Delcourt (28,2 %). Média Participations, grand groupe de presse et d’éditions représente, en bande dessinées les maisons suivantes : Dargaud, Le Lombard, Dupuis, Kana Manga, Blake et Mortimer, Lucky Comics… Delsol de son côté regroupe Delcourt, Soleil et Tomkam.

Si on regarde les chiffres de plus près, si on prend les labels un par un, on constate que Delcourt, pour la première fois est en tête (11,3 %) devant Glénat (10,1 %). Enfin, pour être complet ou presque, quittons les aspects financiers pour ne regarder que les sorties de l’année 2014 et là on peut annoncer 778 titres pour le groupe Delcourt et 762 pour Média Participations. Et tous cela est beaucoup trop, d’où des vrais problèmes de diffusion, de ventes et de revenus pour les nombreux auteurs de ces livres… Là est la véritable crise de la bande dessinée. Trop de parutions annuelles !

Dans les meilleures ventes on trouve sans trop de surprises : Le tome 23 des aventures de Blake et Mortimer, le tome 8 de Joe Bar Team, le tome 19 de Largo Winch, le tome 19 du Chat, le nouveau Lucky Luke, Happy Parents de Zep, le tome 23 de XIII, le tome 17 des Légendaires, le tome 14 de Kid Paddle, le tome 35 de Boule et Bill, L’Arabe du futur de Riad Sattouf, le tome 9 des Sisters, le tome 11 des Blagues de Toto… et si j’ai pris le soin d’en noter plusieurs c’est  pour bien montrer que ce qui est le plus vendu n’est pas nécessairement ce que l’on croit… Certains auteurs sont cités comme les grands de la bédé mais n’apparaissent pas des cas palmarès commerciaux. C’est ainsi, il faut le savoir !

Dans le top 20 des publications bédés pour la jeunesse, le groupe Delcourt est fier de ses partions présentes : Légendaires, Blagues de Toto, Petits diables, Rose écarlate, Carnets de Cerise… Les Carnets de Cerise ont fait l’objet à Angoulême d’une exposition spéciale d’une grande richesse et d’une qualité pédagogique inhabituelle…

Les annonces du groupe Delcourt pour l’année 2015 sont assez conséquentes et il est difficile, à ce stade, de percevoir une baisse de régime : Rahan, Un village français, OSS 117, les Nains, les Elfes, les Maitres inquisiteurs, Gourmandises, 3 nouveaux Walking Dead, Centaurus… Mais on aura le temps de vous parler de celles qui nous aurons plu le moment venu… Une matinée a passé, très vite et il est temps de passer à des rencontres individuelles avec des auteurs pour réaliser les premières émissions de radio. Je ne suis pas là pour chômer… En sortant, la déception n’est pas dans la bande dessinée mais cette énorme pluie qui tombe et qui va nous accompagner toute la journée imbibant nos manteaux de façon irrémédiable…

Le premier à se présenter devant notre micro – pas un « nous » de politesse mais c’est parce que je serai toujours accompagné d’un ou plusieurs étudiants tout au long de ce festival – est David Ratte. Je l’avais rencontré par le passé pour son travail biblique et humoristique, cette fois-ci, c’est pour cette incroyable fable Mamada aux éditions Paquet ! David est chaleureux, drôle comme ses albums, simple, profondément humain. La discussion est libre, paisible et une étudiante peut participer au débat sans avoir trop peur. C’est ainsi que l’on peut apprendre à interviewer car ce n’est pas si simple…

Le thème de sa série est assez originale : une femme, chef de village de la tribu des Himbas, en Namibie, se retrouve – magie de la fable – transportée en plein Paris.

Dans le même temps ou presque, un groupe de Parisiens se retrouve au cœur de son village… Humour, magie, réflexions anthropologiques et philosophiques, bref, tout y est pour séduire les lecteurs de tous les âges avec un conte comme Voltaire aurait pu en avoir l’idée…

Le second de cet après-midi est Callixte pour son album Le bombardier blanc, premier volume d’une série qu’il espère longue, Gilles Durance, aux éditions Paquet. Cette fois-ci nous sommes dans une série aéronautique, une des spécialités éditoriales de Pierre Paquet. Dans la période d’après-guerre, au moment où des hommes cherchent du travail alors que leurs compétences sont restreintes : piloter, faire la guerre, expertise logistique, certains ont tenté leur chance dans l’aviation civile. Ce fut difficile et parfois ils se sont trouvés embarqués dans des affaires plus complexes. Barbouzes, espions, mercenaires, agents spéciaux… c’est bien avec eux que vous avez rendez-vous dans cette série… Bien dessinée, technique mais sans excès, profondément humaine, Callixte nous livre une belle histoire comme je mes aime et elle est bien tirée d’un fait réel, durant la fameuse guerre dite du Biafra… Je découvre que l’une de mes étudiantes, Axelle, se passionne pour ces histoires aériennes…

Les entretiens se succèdent et on a à peine le temps de respirer entre deux rencontres. Oui, je sais bien, certains croient que le festival d’Angoulême est une séquence vacances. En fait, pas du tout, car en quelques minutes, on change de stand, on oublie tout ce qui vient de se passer, on plonge dans un autre univers, on doit reprendre ses esprits et inviter l’auditeur qui n’est pas devant nous à entrer dans une rencontre paisible et sereine, lui donner l’envie avec nous de découvrir une personne, une œuvre, un album…

C’est Benoît Peteers que nous avons la chance de croiser juste après Callixte pour son album Revoir Paris, un travail publié chez Casterman avec François Schuiten au dessin. Benoît n’est pas qu’un scénariste c’est un tintinologue averti, un passionné de bédé et d’images, un homme d’une richesse culturelle étonnante et une personne que j’écouterais des heures durant si les autres n’attendaient pas à quelques pas. En quelques minutes, il transmet sa passion de son travail, le plaisir qu’il a d’avoir un dessinateur comme François, sa conception de la narration en bande dessinée, l’amour de la ville de Paris… Bref, quelques minutes d’une intensité folle… Pourquoi ne pas avoir deux heures avec lui ? Tout simplement parce que tout le monde souhaite le rencontrer, d’autant plus qu’il a écrit un ouvrage sur Taniguchi, le maitre du manga à qui une exposition rend hommage cette année… Donc, il faut savoir se contenter d’une « petite » rencontre…

Et voici un des temps forts de notre journée avec Wilfrid Lupano. Il fait partie des auteurs attendu, au moins au palmarès du festival et son dernier ouvrage, Un océan d’amour, chez Delcourt, est une petite merveille. Mais c’est pour un autre titre qu’il est en compétition, Les vieux fourneaux, chez Dargaud. Un océan d’amour est une longue histoire, plus de 200 pages dessinées admirablement bien par Gregory Panaccione, qui raconte l’amour fou d’une femme et d’un homme. Lui, l’homme, est marin pécheur. Elle, la femme, est épouse de marin pêcheur. Dit comme cela, vous pourriez vous attendre à un récit à l’eau de rose, à un plongeon dans la mièvrerie la plus fade… et vous auriez entièrement tort ! Ce récit sans aucun texte est au contraire à la fois une histoire de la vie quotidienne, un récit dramatique, un regard burlesque sur la vie, une aventure humoristique, une déclaration universelle d’amour absolu, bref une des plus belles bandes dessinées humanistes des dix dernières années !!! Wilfrid Lupano, qui reste d’une grande modestie, prouve là que son talent pour raconter des histoires est tout simplement immense et que d’albums en albums, il explore avec des dessinateurs différents, toutes les narrations possibles qu’offre la bande dessinée, dont celle qui s’abstient de mettre du texte. Et ça fonctionne merveilleusement bien !!!

Dans un deuxième temps d’interview, nous parlons de l’affaire Charlie Hebdo, de l’intolérance des religieux fondamentalistes, thème de sa première série que j’ai adorée, Alim le tanneur.

C’est dur parfois d’avoir raison des années avant que les faits viennent confirmer votre point de vue… C’est probablement le bon moment pour découvrir cette très belle série en trois volumes…

Ensuite, arrive la rencontre avec une jeune auteure, c’est son premier album en bande dessinée, Gaëlle Hersent. Elle est accompagnée de Jean-David Morvan, le coscénariste de Sauvage, aux éditions Delcourt.

Avec sa petite voix fine et délicate, Gaëlle nous explique la genèse du projet car c’est elle qui a trouvé cette idée tirée d’un fait réel. Elle voulait raconter en bédé une histoire d’enfant loup quand elle entendu des éléments sur la vie de Marie-Angélique Le Blanc, femme qui durant une période de sa vie a vécu comme une sauvage dans la forêt… Jean-David Morvan et Aurélie Bévière ont alors écrit le scénario en se basant sur une biographie presque inconnue de Serge Aroles. De plus, Aurélie Bévière a beaucoup écumé les documents de cette période pour mettre à jour certains éléments biographiques qui vont rendre ce travail bédé unique en son genre, porteur de nouveauté sur cette Marie-Angélique qui a vécu entre 1712 et 1775.

Cet ouvrage est une preuve de plus que la biographie est un art devenu classique en bande dessinée et que le fait d’être sur ce support n’empêche nullement les recherches pointues, les hypothèses sérieuses, les avancées historiques… Par ailleurs, une fois de plus aussi, ce Sauvage démontre que certains auteurs – ici Gaëlle Hersent – n’ont pas besoin de coup d’essai pour offrir aux lecteurs des chefs d’œuvre. Bref, du grand art !

Merci aussi à Gaëlle d’avoir pris le temps de nous dédicacer deux ouvrages. On a bien conscience que dessiner, quasiment à la chaine, n’est pas si agréable que cela et nous vous en sommes encore plus reconnaissant !

Mais comme Jean-David Morvan était avec nous, sans blesser Gaëlle en la faisant passer au deuxième plan, nous en avons profité aussi pour parler un peu de Sillage, série que nous étions plusieurs à aimer. De ce côté-là tout va bien. Les parutions se poursuivent au rythme régulier d’une nouveauté par an et, tout doucement, nous approchons de la fin de cet univers… Enfin, il faudra quand même attendre l’album 30 et nous n’en sommes qu’au dix-septième volume ! Une parenthèse sympathique autour d’une série qui nous accompagne depuis longtemps (premier volume en 1998).

Enfin, dernière interview de la journée avec un monsieur que je ne connaissais pas mais qui, par deux fois, m’avait ému profondément. En effet, Benjamin Renner est à la fois le coréalisateur du film d’animation Ernest et Célestine dont j’ai déjà longuement parlé et l’auteur d’un merveilleux ouvrage de bédé, Le grand méchant Renard, aux éditions Delcourt. Nous sommes face un homme qui malgré sa jeunesse a déjà engrangé de l’expérience, du succès et il est resté très accessible. Nous discutons paisiblement, les étudiants interviennent sans appréhension, il se livre, parle de ses différents métiers et de sa dernière histoire…

Son Renard est un personnage qui n’arrive pas à être méchant, qui est trop gentil et son modèle pour la construction du personnage, Benjamin n’est pas allé le chercher trop loin : je suis trop gentil depuis toujours, je n’arrive pas à être méchant, parfois cela pose quelques problèmes…

Alors que la journée a été longue et bien remplie, il reste encore une conférence de presse à aller suivre, celle de Pierre Paquet, éditeur. Je suis d’autant plus intéressé par ce qu’il va dire que je dois en rentrant le soir lire son autobiographie en bande dessinée qui vient de sortir et l’interviewer dès samedi matin…

Je découvre un homme paisible, très accueillant, ayant une perception simple du monde de la bande dessinée et heureux d’être le plus petits des grands éditeurs, à moins qu’il soit le plus grand des petits, peu importe, il est heureux de toute évidence d’être ce qu’il est… C’est du moins l’image qu’il donne ce soir-là ! Je reviendrai sur cet éditeur, sa maison et son travail mais en l’écoutant je découvre que la série d’albums illustrés qui a accompagné un de mes enfants, Victor qui pète, série à l’arrêt depuis la mort de son scénariste Dylan Pelot, va probablement reprendre du service dans les mois qui viennent… Je pense que mon fils sera heureux d’apprendre cela même si, normalement, à vingt ans, on devrait lire des choses plus sérieuses…

Voici donc le moment de clore le récit de ce jeudi 29 janvier 2015, premier jour officiel du festival international de la bande dessinée d’Angoulême…

(A suivre)

Une collection qui grandit de festival en salon et réciproquement ! Quand Shelton continue sa quête manuelle…

Vous le savez, du moins ceux qui me suivent depuis longtemps, j’aime voir travailler les mains, en particulier celles des dessinateurs de bande dessinée. En voici quelques-unes en action durant le dernier festival d’Angoulême…

André Taymans et son dernier album publié chez Paquet

Et maintenant, Etienne Le Roux…

dans son excellent travail sur la Guerre de 14-18 en compagnie d’un scénariste de talent, Eric Corbeyran.

Et que dire des mains de Gaëlle Hersent, certes débutantes mais o combien talentueuses…

… dans un Sauvage qui va marquer les lecteurs, n’en doutons pas !

Des jeunes mains pleines d’expérience au travail sur du papier alors qu’on avait l’habitude de les voir en animation, voici celle de Benjamin Renner

à l’œuvre avec son grand méchant Renard !

J’aime les mains fermes et efficaces de Turf qui nous emmènent en voyage, même si c’est improbable !

Et, pourtant, son dessin est d’une finesse incroyable !

Remarquez, quitte à aller dans un autre monde, autant se laisser guider par les mains de Philippe Ogaki…

et la planète où il nous emmène est assez spéciale !

Soudain, les mains pédagogiques et efficaces de Jean Dytar arrivent et on observe en silence l’artiste…

et on lit avec passion cet ouvrage atypique, fin et pétri d’histoire de la peinture.

Et il est alors temps de rire un peu avec les mains de Charlie Adlard

visiblement encore dans le monde des vivants…

Mais après des mains britanniques, pourquoi ne pas tourner notre regard sur des mains du sud, de Toulouse, avec celles de Serge Carrère ?

Cela nous fait au moins de bonnes mains policières…

Les mains changent-elles avec la nationalité du dessinateur ? A regarder celle de Muralt, Suisse alémanique, je ne suis pas certain…

par contre, ce sont bien des mains aéronautiques !

Mais rien ne vaut les mains automobiles ? Regardez celles de Carloni ! On hésite, pilote ou dessinateur ?

mais, en fait, dessiner des voitures n’est pas synonyme de fan de voitures de courses !

Celles de Monfery aiment l’animation mais parfois, elles s’égarent avec brio sur du papier…

pour le plus grand plaisir des lecteurs !

Comme quoi, les mains en action, cela fait rêver ! Non ?

Le festival de Shelton : Mercredi 28 janvier 2015

Puisque cette année je partais avec un groupe d’étudiants motivés et compétents, il est bien normal que je ne vous parle pas de toutes les rencontres avec des auteurs, histoire de leur laisser un peu de travail. D’un autre côté, je ne peux pas rester silencieux et impassible, j’aime trop la bande dessinée et les auteurs. J’ai donc décidé de vous faire un petit résumé de toutes ces rencontres du festival international de la bande dessinée d’Angoulême 2015, le quarante-deuxième du nom, celui qui se tenait en janvier 2015, mois des attentats, en particulier celui du 7 janvier qui a frappé Charlie Hebdo !

Il était donc normal que tout commence avec un hommage aux victimes des attentats, un visuel signé de nombreux héros avec la participation des auteurs et éditeurs, tous solidaires dans cette dramatique occasion. Le maire d’Angoulême en a profité pour dire combien sa ville était concernée dans son ADN par la liberté de la presse, les développements de la caricature et de l’humour. Cela sentait un peu la récupération, mais, au moins par solidarité avec les victimes et leurs familles, on se taisait tous…

Durant tout le festival, il y eu des badges Je suis Charlie, des affichages de unes de Charlie Hebdo et une très grande exposition souvenir au Musée de la bande dessinée. Pour le reste, ce fut un festival comme les autres, si ce n’est que, plan vigie pirate renforcé exige, nous devions être contrôlés à chaque entrée dans un des lieux du festival, c’est-à-dire de très nombreuses fois par jours…

Enfin, pour clore sur cet aspect Charlie, citons que les festivaliers purent acheter en avant-première un ouvrage, La BD est Charlie, dont tous les droits sont reversés aux familles de toutes les victimes des attentats de janvier 2015. De très nombreux auteurs de bande dessinée dessinent et avouons que certains dessins font rire à en pleurer. En guise de préface, un extrait de Cavanna dont je retiens les mots suivants :

«  Rien n’est sacré. Pas même le bon goût… Rien n’est tabou, rien n’est sacré… Le rire est brutal, provocateur, imprévisible, injuste, sans pitié. Il ne venge, ne punit ni ne juge. Il s’en fout… »

Et c’est alors que commencèrent ces nombreuses rencontres qui vont faire de ce festival un temps fort et merveilleux… Alors, comme toutes ces rencontres ou presque sont préparées avec les attachées de presse qui font un travail remarquable, je commencerai par remercier Claire, Sandrine, Maud, Kathy, Sabrina, Emmanuelle, Maureen, Marité, Doriane et toute l’équipe du festival ! Vous nous avez facilité le travail, vous avez enjoué nos journées par vos sourires, vous nous avez soutenus aux moments les plus tendus… Merci !!!

Pour moi tout a commencé le mercredi après-midi, au Mercure, avec une rencontre avec Lewis Trondheim, un peu comme une avant-première de festival. Certes on a parlé de la série Donjon et de sa fin, de la revue Papiers, de la collection Shampooing, du métier d’éditeur, d’auteur et, comme il s’agit bien de Trondheim, de toilettes. En effet, il a bien expliqué qu’il fallait avoir de bonnes bandes dessinées dans les toilettes, celles que l’on peut lire le temps d’un bon caca… C’est cela l’humour de Trondheim et avouons que ça fonctionne bien et qu’il a fait le plaisir de mon équipe d’étudiants !

Avec une telle ouverture de festival, la suite ne pouvait que bien se dérouler et ce fut le cas !

(A suivre)1

1 : Il ne s’agit pas là d’une référence cachée au magazine illustre édité par Casterman, mais seulement de vous mettre en appétence pour la suite comme certains auteurs le faisaient durant ma jeunesse dans le magazine Pilote !