Un conseil de lecture de Jérémie, étudiant : Alea jacta est (1)

Dans une petite ville irlandaise remplie de mystères depuis son existence vivent deux jeunes adolescents, Joey, grand timide et musicien dans l’âme, et Shane, un mystérieux orphelin charismatique. Joey vit avec sa mère après le décès de son père, guitariste génial mort dans un accident de voiture plus ou moins obscure. Arrivant dans un nouveau lycée, il se fait discret mais dès lors où il rencontre Shane, Joey change d’attitude.

Aisling, une fille discrète, semble se méfier de Shane, dont elle fut amoureuse, tout en étant attirée par le jeune Joey. En effet, Shane a des changements d’humeurs très violent

Shane partage une histoire sombre avec un vieillard habitant caché dans une vieille maison étrange dont Aisling est au courant et semble concernée.

Ces histoire reposent sur un mélange de désir, de pacte avec le diable, d’âmes échangées, de corps volés, d’immortalité et d’amour. La légende du changelling n’est-elle qu’un conte pour enfant ou alors est-ce bien réel ? Toute cette histoire est-elle vrai ? On se demande si on se trouve dans l’imaginaire de Joey, s’il est manipulé. On navigue alors entre les années passées et le récit présent afin de pouvoir recoller les morceaux et faire le lien. Il ne reste plus qu’à lire pour le découvrir ! Diablement envoûtant !

(1) : pour connaître le véritable titre du livre, il faudra répondre à cette charade…

Mon premier est le déterminant.

Mon second est jeté par des magiciens.

Mon troisième commence toujours le premier janvier.

Mon quatrième tombe en hiver.

Les poules font mon cinquième.

Mon sixième est à 17h chez les Anglais.

Mon tout est la traduction du titre latin.

(2) Réponse du rébus :

Avis aux amateurs de fantastique (A vis eau a maths heure deux faon tasse tic)

Un conseil de lecture de Célia, étudiante

Là où naissent les nuages est une histoire passionnante, écrite par Annelise Heurtier. Destiné aux adolescentes dès l’âge de 12 ans, ce récit peut également toucher les jeunes adultes, grâce à une héroïne nommée Amélia, en qui chacune d’entre nous pourra se reconnaître. Mal dans sa peau, victime de son quotidien et de son existence sans but, Amélia permettra à chaque fille ayant connu le doute, le manque permanent de confiance en soit, la transparence totale vis à vis du monde qui l’entoure ou tout simplement la puberté, de s’identifier.

Plus qu’une simple remise en question du confort de la vie bourgeoise, cet ouvrage est également une leçon de vie et une revalorisation de l’existence de chacun. Sans pousser jusqu’au Twist Ending, Annelise Heurtier surprendra chaque lectrice par cette fin inattendue, qui tiendra chacune à bout de souffle jusqu’à la dernière page, après avoir régulièrement versé quelques larmes.

Malgré le caractère difficile d’Amélia au début du roman, on parvient tout de même à s’attacher facilement à cette jeune fille de 16 ans qui découvre pour la première fois la réalité de l’injustice de la naissance et de la vie en général. Il est extrêmement difficile pour elle de sortir du cocon familial relativement confortable, tout comme un grand nombre d’entre nous. Cette histoire pourrait, à mon sens, donner l’envie aux jeunes lectrices de se retrouver dans la nouvelle Amélia, changée et grandie.

Tempête sur Bangui par Zita, étudiante…

Le pape François se déplace en Afrique, fait escale en République Centrafricaine, et, du coup, nous trouvons judicieux de vous présenter l’article de Zita, étudiante en licence professionnelle TAIS/IUT de Chalon-sur-Saône, sur une bande dessinée, Tempête sur Bangui et sur un auteur, Didier Kassaï, qu’elle a pu rencontrer à Saint-Malo, il y a maintenant un mois… La bande dessinée est difficilement accessible en Afrique, d’une manière générale beaucoup de gens n’ont pas le pouvoir d’achat nécessaire pour acheter des albums. Cependant il y a des bibliothèques où certains ont la possibilité d’en emprunter ou de les acheter. Il y a également des revues imprimées localement, dessinées par des dessinateurs locaux, il y a des auteurs/dessinateurs qui essaient de se débrouiller sur place mais il n’y a pas de maison d’édition spécialisée en bande dessinés. Du coup ces auteurs/dessinateurs survivent très peu et la plupart du temps ils sont dans l’obligation d’abandonner pour faire autre chose, la priorité première est de se nourrir et de nourrir sa famille, de vivre tant bien que mal, dans un conflit qu’ils n’ont pas choisi.Didier Kassai publiait déjà des chroniques quotidiennes sur ce qu’il se passait en Centrafrique et après une longue période de petites publications il s’est mis à écrire Tempête à Bangui.

Quand il le peut, il vient en France dans des salons de livres à la rencontre des auteurs et des éditeurs. C’est grâce à cela qu’il est entré en contact avec La Boîte à Bulles et qu’il a pu envoyer son projet par courriel.

Tempête sur Bangui est une bande dessinée saisissante où nous suivons en temps réel l’avancée de son auteur, pris malgré lui dans les conflits militaires et politiques de son pays. En 2013 en Centrafrique se déroule l’un des plus grands conflits meurtriers entre des groupes de rebelles et le pouvoir mis en place. C’est un conflit à caractère religieux mais ses intérêts sont économiques : la région, comme de nombreuses régions d’Afrique, est riche en pétrole et en minéraux, ce qui suscite la convoitise de certains, au détriment des autres. Les armes sont omniprésentes, les rebelles sont sans pitié, abrutis et excessifs (meurtres, fusillades, viols, pillages, corruptions…).Comme l’écrit lui-même Didier Kassai  «Foutues guerres… motivées au départ par une multitude de revendications absurdes ou légitimes, pour au bout du compte, toujours le même résultat : le bordel ». Car c’est un véritable chaos que traversent quotidiennement l’auteur et sa famille, un chaos qui engendre une confusion générale chez les habitants centrafricains ainsi qu’une insécurité constante. C’est un cycle infernal où les civils sont les premières victimes et où les auteurs/dessinateurs tels que Didier Kassai tentent de clarifier la situation sur quelque chose qui les dépasse complètement et pour cela prennent un risque énorme alors que pourtant ils sont les derniers à prendre parti.

« Viser délibérément des civils dans le cadre d’un conflit est une violation flagrante du droit international relatif aux droits humains et au droit international humanitaire »

Amnesty International soutient l’édition. L’organisation humanitaire collabore avec des artistes autour de cas problématiques, il s’agit d’un soutien moral, financier et véridique car les sources et documentations d’Amnesty (qui travaillent également sur place) sont accessibles aux auteurs, ainsi leurs travaux sont appuyés par plus d’informations, crédibles et vérifiables aux yeux de tous.

Prendre conscience du problème est aujourd’hui très important pour une résolution durable du conflit et en soutenant des artistes tel que Didier Kassai, Amnesty International renforce le message que l’auteur nous livre à travers son œuvre.

En Centrafrique le 23 Avril 2015 une étape importante dans la résolution des conflits a été franchie: l’instauration d’une Cour pénale spéciale mixte, chargée d’enquêter et de poursuivre les responsables de crimes contre l’humanité depuis 2003 dans la région. Il s’agit de d’abord repérer les principaux criminels, de les arrêter et de les juger et ensuite prioritairement de désarmer au maximum les différents groupes armés en Centrafrique. Ces deux étapes passées, la justice pourra prendre place et les victimes pourront se reconstruire.

« Raconter une histoire de guerre cela pose toujours un problème » me dit Didier Kassai.

A chaque fois qu’il publie quelque chose qui touche un camp ou un autre, il y a toujours des  réactions, pourtant lui inclut tous les traitements et point de vue qu’a eu le conflit. Il précise qu’il y a des journalistes qui publient des articles sur la crise centrafricaine mais qui ne vont pas jusque-là où il va, qui n’ont pas les mêmes informations étant donné que lui habite et vit à Bangui.

La bande dessinée s’appuie sur des faits réels, avec des interventions multiples: radios, presse, politiciens et avec des indices temporels (dates, heures) et géographiques (lieux). Il se voit dans l’obligation d’informer et ce à travers ces œuvres et publications. Informer les Occidentaux mais informer également les habitants centrafricains, parfois isolés (non pas par choix), parfois manipulés, et ainsi leur permettre de comprendre ce qu’il s’est passé ici ou là.

Le goût du dessin, Didier Kassai l’a d’abord transmis à ses enfants, l’idée du dessin comme échappatoire jusqu’à dans les moments les plus critiques. Lors de l’arrivée des rebelles à Bangui, les écoles fermaient, les enfants et leurs familles voulaient fuir mais c’était impossible alors ils restaient enfermés à la maison et inconsciemment, comme le font les enfants pour jouer et pour passer le temps, imitaient les soldats. Pour les rassurer et les calmer, et pour ne pas les laisser dehors ou dedans à regarder, à entendre la guerre, Didier Kassai les fait dessiner et leur apprend à utiliser le dessin et l’humour comme des armes contre la violence. L’humour et la simplicité face à des situations qui elles sont loin d’être drôles et  simples.

Avec le temps c’est une action et activité plus large que l’auteur aimerait mettre en place pour éduquer les enfants à la pratique de l’art et du dessin comme acte de résistance.

En attendant…il prépare le second tome de Tempête à Bangui, qu’il vient tout juste de commencer!

Mille mercis à la maison d’éditions La Boîte à Bulles qui a permis cette rencontre !!!

Chambéry BD : Rencontre avec Joseph Constant par Lauren et Clément, étudiants en licence pro TAIS de Chalon-sur-Saône

A l’occasion de ce 39e Festival BD de Chambéry, nous avons rencontré de nombreux auteurs et dessinateurs, parmi eux le jeune scénariste et illustrateur Joseph Constant. Il nous a présenté son premier livre « Le grand jour » un illustré destiné à la jeunesse édité chez CHOURS. Il raconte l’histoire d’un village écossais dans lequel trois clans s’opposent, et afin d’apaiser ces tensions une fête est organisée mais cela ne va pas se passer comme prévu. L’histoire est racontée de manière ludique et ironique.

Joseph a fait ses études aux Beaux-Arts de Liège  où il a pris l’option Illustration afin de maîtriser progressivement les techniques traditionnelles telles que l’aquarelle, la plume, l’encre, ainsi que toutes les pratiques et formes de dessin. C’est  grâce à cela qu’il a réalisé son livre jeunesse à la plume et à l’aquarelle. Il aime rester sur le format papier pour dessiner, mais il lui arrive de retravailler ses illustrations sur ordinateur.

Il s’est servi d’un voyage en Angleterre comme source d’inspiration pour les décors et paysages de son livre. Une immersion nécessaire afin de rendre son récit plus réaliste et plus fidèle dans ses dessins.

Joseph est le fils de Michel Constant, lui-même auteur et dessinateur de bandes dessinées (Mauro Caldi, Au centre du Nowhere, Red River hotel…) c’est donc une passion qui se transmet de père en fils.

Un père qui l’a beaucoup aidé dans ses études, comme le dit Joseph « C’est lors de mes projets que mon père me poussait à fond afin de toujours faire mieux ». On comprend donc que c’est grâce à Michel Constant que Joseph a trouvé la motivation et le soutien pour devenir auteur, un métier difficile. Il nous livre aussi que son père « reste toujours une inspiration » même si il ne cherche pas forcement à le copier, il a su trouver lui-même sa pâte artistique. On peut donc noter une nette différence graphique et scénaristique entre le père qui fait de la BD pour un public plus âgé et le fils qui fait des illustrés pour la jeunesse.

Tous ses efforts ont payé car il a su trouver son public, venu en nombre pour lui demander une dédicace à l’occasion de ce premier salon.

Nantes avec Gary, Duras, Arendt et Veneziano !

Nantes a représenté pour moi une année de formation en alternance, où chaque passage en institut a été marqué par une identité assez forte, presque une aventure en elle-même, dans l’attente du futur stage. Mes fréquents allers-retours en train m’ont donné l’occasion de lire ; aussi en ai-je profité pour connaître des auteurs dont je n’avais pas encore parcouru les œuvres. Ainsi ai-je découvert, en même temps que la ville de Nantes, Romain Gary, Marguerite Duras et Hannah Arendt.

J’avais déjà lu La Vie devant soi, d’Emile Ajar – Romain Gary, et étais déjà passé en Loire-Atlantique, via la Baule-les-Pins. Cette ville agréable, douce, accueillante et pratique, malgré sa bien trop grande humidité à mon goût, m’a invité à la recherche tant d’exotisme que de réflexion, comme de la lutte contre mes propres clichés. M’habituant au climat océanique sur la longue durée, il était également temps d’appréhender les livres de Marguerite Duras, envers qui j’avais des a priori, en raison de ce que je percevais, de son vivant, comme un excès d’orgueil. Ayant adoré La Vie devant soi, je me sentais devoir persévérer. Quant à Hannah Arendt, la lecture de La Crise de la culture m’avait intrigué par son vif intérêt et l’exigence intellectuelle de cette série d’essais, pour le moins ardus : aussi ne voulais-je pas en rester là au sujet de cette auteure.

C’est ainsi que ces trois grands passages à Nantes pendant cette année ont été accompagnés de La Promesse de l’aube, Les Racines du ciel, de Romain Gary, Hiroshima mon amour, L’Amant, Un barrage contre le Pacifique, de Marguerite Duras, et les trois tomes thématiques des Origines du totalitarisme, de Hannah Arendt, Sur l’Antisémitisme, L’Impérialisme et Le Système totalitaire.

Ayant à m’interroger sur les valeurs de notre chère République, la plupart de ces lectures, à des degrés divers et selon leur nature respective, m’ont amené à me pencher sur le colonialisme français, travers plus que fâcheux pour un pays voulant incarner l’exemplarité humaniste. Des motifs, ici exposés, de ces lectures, il sera compris que cette combinaison tient en partie du hasard, mais il a agencé les choses de manière assez construite. L’instinct me guiderait donc de manière utile et enrichissante, de temps à autre. Comme quoi, il ne faut donc jamais désespérer.

Or, Nantes, la plaisante et douce ville humide, colonialiste, bien que moins négrière que Bordeaux, puis grande résistante, a donc servi de vecteur, voire de cadre à ces évasions vers l’Afrique noire francophone, le Vietnam, les dérives autoritaires du continent européen.  

Non côtière mais revendiquant son idée atlantique, Nantes est bercée par la Loire en son sud, au milieu de laquelle réside l’île Beaulieu, et par l’Erdre, rivière qui naît en centre-ville et qui va vers le nord de la ville. En son centre, la très verte et romantique île de Versailles figure en son milieu, près des institutions administratives, la Préfecture et le Conseil général, devenu « départemental ». Le cœur économique de la ville est situé à l’extrême-sud. Le nord est très résidentiel et paisible. Traditionnellement de droite, la première circonscription législatives est devenue écologiste en juin 2007, visiblement par attachement à un cadre de vie, entre Erdre et hippodrome.

Fort calme, très jolie, possédant son charme, mais sans excès, et l’humidité aidant, ces caractéristiques ont probablement contribué, implicitement, à une recherche d’exotisme. L’appréciant certainement, je n’éprouve pour elle aucune passion. Ma volonté d’approfondir mes connaissances littéraires m’ont mené vers les auteurs et œuvres susvisées.

L’amour, la nature et le pouvoir colonial en Afrique et en Indochine, les dérives du pouvoir, sous ses formes diverses, le respect des minorités, de la différence raciale, le reconnaissance de l’accès à la citoyenneté ont représenté des thèmes de divertissement et de réflexion. Leurs divers supports ont pris la forme de l’humour et de la lucidité caustique de Romain Gary, la sensualité, l’épure formelle et l’inspiration inégale de Marguerite Duras, l’exigence et la rigueur de Hannah Arendt dans la recherche d’analyse des manifestations du mal, par celle qui se définit comme une théoricienne du politique, davantage que comme une philosophe.

Les romans, souvent autobiographiques et en partie fictifs, des deux premiers, les essais politico-philosophiques de cette dernières ont donc servi à découvrir et à réfléchir ces thèmes récurrents, l’amour, la nature, le pouvoir dans les colonies françaises, la dérive du pouvoir. Et ces sujets sont presque devenus des synonymes de mon passage récurrent dans cette aimable ville humide, toute satisfaite de sa douceur de vivre.

La Douane de mer à Venise : à la rencontre du Juif errant, avec Jean d’Ormesson et Veneziano

Le Juif d’Arcadie, condamné à l’immortalité, traîne ses guêtres aux alentours de la Douane de mer, à Venise. C’est ce que prétend M. Jean d’Ormesson, de l’Académie française, dans son roman du même nom, La Douane de mer, donc.

Intrigué depuis longtemps par cette ville, ce qui me vaut de choisir le pseudonyme de Veneziano pour apparaître sur ce site, il ne m’en faut pas tant pour me lancer dans une investigation. Ayant découvert le siège de la République Sérénissime adolescent, en avril 1992, j’y retourne à plusieurs reprises, en raison des nombreuses visites culturelles qu’elle offre, des paysages à couper le souffle qui la jalonnent, en raison de son caractère quasi-inchangé depuis les XVIIème et XVIIIème siècles, également du calme qui s’en dégage, dans les quartiers à l’écart de la meute continuelle des touristes qui se concentrent à San Marco et le long du Rialto.

C’est peu après ma première visite que j’emprunte le livre de M. d’Ormesson, négligemment laissé sur une table par ma grand-mère. Le geste ne devait probablement pas être si anodin. Elle l’avait terminé il y a peu ; aussi semblait-il fort servir de communication différée entre nous, de source d’imaginations communes.

La Douane de mer, justement, entre l’église de la Salute et le long quai des Zattere, en face de l’île de la Giudecca, figure parmi ces lieux aussi paisibles que sublimes, où je peux rester béat et serein, de longs moments. A l’aube, avant le petit-déjeuner, et au crépuscule, à cet endroit, j’avoisine l’état d’extase. Quitte à être condamné à l’immortalité, pourquoi ne pas aménager sa peine en la subissant dans un endroit pareil ?

En avril 1998, j’y retourne, en lisant A la recherche du temps perdu, de Marcel Proust, avant d’atteindre l’opus final, Le Temps retrouvé, comme si tout se tenait. En février 2008, j’accompagne ma visite de L’Etat schizo, de Mme Martine Lombard, relatif aux hypocrisies des politiques français face à leurs responsabilités au sein des institutions de l’Union européenne. Cette lecture est suivie de celle de Corto Maltese : une ballade en mer salée, aventure par M. Hugo Pratt où son héros arpente les archipels du Pacifique. Ce livre a été acheté à la librairie française, tout au nord de la ville, vers l’Eglise Santi Giovanni e Paolo. En juillet 2013, j’y feuillette Fugues, recueil d’articles de M. Philippe Sollers, également grand admirateur de Venise. En juin 2014, outre plusieurs ouvrages consacrés aux musées locaux, j’y découvre un extrait de l’autobiographie de Casanova, acheté au Palais Querini, fort beau, près de l’Eglise Santa Maria Formosa.

Ce parcours irrégulier et ces lectures éclectiques contribuent-ils à me rapprocher du Juif errant ? M. d’Ormesson m’a-t-il donné suffisamment d’indices pour aller à sa rencontre ?

Son esprit semble y figurer partout. La longue conversation, d’un niveau culturel soutenu, ressemble à un témoignage de la charge historique, de l’imposante beauté du décor, malgré les façades quelque peu ternies et passages à restaurer qui émaillent le quartier du Dorsoduro (dos dur, en italien), au sud de Venise. Ce Juif éternel connaît tant de choses en deux mille ans d’existence, a tout vu et entendu, un peu à l’instar de cette ville ; aussi est-ce en hypermnésique, témoin et porteur des moindres détails de l’histoire de l’humanité qu’il en relate une part à l’académicien.

S’il choisit ce lieu, ce n’est pas par hasard, car, plus au calme que Jérusalem, Venise est porteuse d’une grande histoire qui s’est figée, tel un vestige menacé mais tenace, un peu à son image. S’il s’installe prêt de la Douane de mer, ce décision n’a rien d’innocent : il fait face à l’île de la Giudecca, qui a pu servir de déversoir aux délinquants et aux Juifs. L’assimilation est de mauvais goût, mais en dit long sur les représentations sociologiques de l’époque. Aussi Venise a-t-elle inventé le Ghetto, le tout premier du genre se situant près de la gare, au nord de la ville. Getto signifie « je jette », le mot se prononce « djetto » ; or, les Ashkénazes, d’Europe centrale, l’énonçaient tel qu’il est transcrit aujourd’hui.

Il est donc logique de l’y trouver là. Mais l’ai-je vraiment croisé ? J’ai automatiquement croisé d’assez nombreuses personnes, dans les environs de la pointe de la Douane. Certains ont pu s’interroger sur ma présence, le long de ce quai des Zattere, de bon matin, à une heure où les touristes ne se hasardent pas. Aussi la plupart reste peu de temps sur ce qui ne reste qu’un lieu de passage, ce qui s’avère plutôt heureux pour apprécier avec autant plus de calme et de délectation cet endroit époustouflant. Sans doute paraît-il un tantinet solennel, mais sa beauté ne pas être déniée.

Des regards surpris se posent donc sur moi. Que puis-je chercher tous les matins, de si bonne heure, après ma douche et avant le petit-déjeuner ? Un peu de la beauté de la ville ? Oui, certes, mais pourquoi au même endroit et à ce moment-là ? Un peu de vigueur et de bonne humeur pour une journée chargée en visites et en longues marches ? Oui, assurément encore.

Mais je recherche avant tout des traces du passage de Ahasvérus, devenu Simon Fussgänger. Et, fatalement, j’ai croisé des visages récurrents, lors de ces visites matinales, de personnages à leur fenêtre, d’autres croisés de plain-pied, d’un certain nombre de chats qui viennent se caresser à mes chaussures. Ces épisodes, aussi curieux que répétés, pour devenir presque systématiques, ont inévitablement commencé par m’intriguer. A force de questionnements, j’ai fini par poser l’hypothèse qu’il s’agit d’émissaires bienveillants, chargés d’une mission de salutation indirecte.

Pour m’en assurer, j’y retournerai. Je tarderai sans doute à obtenir une réponse certaine. Mes futures visites, comme celles qui les précèdent, s’apprêtent à servir de madeleine de Proust, autant que de quête de ce personnage hors normes. Il me sert de clins d’œil à une série d’êtres chers, existants ou disparus.

(Comme je reviendrai probablement vers vous, et notamment pour évoquer Venise, je vous soumets ici les photos de ce lieu précis dont il est ici question, la Douane de mer.)

Lyon BD 2015, un grand évènement de la bande dessinée !!!

Dixième édition de la manifestation Lyon BD et force est de constater que cet évènement a tenu ses promesses. Pour moi, c’est un des rares grands festivals de bandes dessinées où l‘on peut trouver accessibles, du moins quand il n’y a pas trop de monde, des géants du neuvième art – et je pense en particulier à Baru qui était là samedi entouré d’un large public – et des débutants comme ces étudiants de l’école Emile Cohl dont on va attendre avec impatience les premiers albums…

Avec Axelle, ma brillante étudiante et stagiaire, nous avons arpenté les lieux de dédicaces, rencontré des auteurs connus et d’autres qui ne demandent qu’à le devenir, interviewé des auteurs heureux et fiers de montrer leur travail et même pris le temps de parler en anglais à un auteur néerlandais qui vient de sortir une petite merveille chez Casterman, Rembrandt…

Avant de revenir vous parler de tout cela, voici déjà quelques images pour vous mettre en appétit !

Premier instant : Fred Weytens et Yan Le Pon devant leur bébé (ou bédé, à vous de choisir), Gold of the dead, aux éditions Paquet.

Peu de temps après, Marie Avril, coloriste sur Gold of the dead, aux éditions Paquet, présente et dédicace son album Confidences à Allah, aux éditions Futuropolis.

Bel instant quand Baru, mon ami Lorrain, dessine sur son magnifique album Canicule, aux éditions Casterman

Quelle surprise, les éditions Warum son là avec, entre autres, Samuel Figuière et son album extraordinairement profond et humain L’esprit à la dérive. Comme quoi, les éditions Warum surprennent toujours…

La bande dessinée a toujours entretenu des liens étroits avec la peinture et Typex nous le rappelle, lui qui vient de loin pour faire revivre Rembrandt, aux éditions Casterman !

Enfin, petit moment de plaisir, je regarde Deloupy en plein travail de dédicace pour son album policier Lucia au Havre, aux éditions Jarjille, une magnifique histoire policière classique comme je les aime bien… Du franco-belge garanti !

C’est tout cela que vous avez manqué si vous n’étiez pas à Lyon ce week-end ! Donc, à l’année prochaine !!!

Dessiner les auteurs ? les dessinateurs ? Noémie s’y colle !!!

J’ai grandi en dessinant. Plus tard la profusion d’univers que je croisé en lisant des BD m’a amenée sur la voie du dessin. Et cette année en 2015, pendant le festival de la bande dessinée, l’équipe et moi-même avons mené nombres d’interviews d’auteurs et de dessinateurs. Durant les trente minutes que nous ont consacrées ces personnalités, j’étais souvent chargée de faire un portrait d’eux. Une expérience stressante et à la fois enrichissante.

En effet au début de chaque interview, on leur expliquait que j’allais les dessiner. La plupart des réactions des auteurs et autres dessinateurs a été d’ouvrir grands les yeux et de dire légèrement étonnés et septiques « D’accord… j’ai hâte de voir le résultat… ». Mais moi j’entendais « Mais quel est cet oiseau de malheur qui veut me dessiner… Avec quelle tête je vais me retrouver… ».

Je me mettais donc à l’ouvrage, assise à une table, sur un tabouret ou même debout. Pendant le temps qui m’était alloué, je dois bien avouer que je ne faisais pas du tout attention à ce qui m’entourait me concentrant uniquement sur ma feuille, mon stylo et mon modèle. Je n’avais qu’un seul objectif, ne pas louper mon dessin pour ne pas décevoir et être déçue et frustrée en retour.

La difficulté majeure est que chaque interviewé est différent. Ils bougent et se positionnent différemment. Et si certains sont plutôt calmes d’autres ont besoin de gestes amples pour s’exprimer.

Dans toutes les interviews réalisées, il ne m’est arrivé qu’une seule fois de recommencer le dessin que j’avais fait. J’aurais vraiment eu honte de présenter cette première ébauche. Une autre fois j’ai dû dessiner en même temps deux personnes en prenant moi-même part à l’interview, un petit challenge que j’ai relevé avec succès. A un autre moment encore j’ai dessiné la même personne une seconde fois dans un temps très court. Encore une fois j’ai réussi m’en sortir, bien que mon poignet commençait à me faire souffrir.

Puis venait la révélation, la fin de l’interview, le moment où je m’approchais anxieuse de l’interviewé pour lui montrer mon calepin ou le carnet dans lequel j’avais dessiné. Les réactions ont toutes été plus ou moins les mêmes, auteurs comme dessinateurs étaient impressionnés. « Je n’aurais jamais pu faire pareil » m’a-t-on félicitée. D’autres m’ont demandé si je faisais une école d’art, auxquels j’ai répondu que j’avais effectivement étudié en graphisme. D’autres étaient presque gênés de se voir dessinés ainsi et me complimentèrent sur ma vitesse d’exécution et d’observation.

Mais dans tout ça je crois que la personne la plus gênée, c’était moi. Recevoir tant de compliments, d’encouragements et de félicitations de la part de personnes dont j’admire le travail et dont le dessin est pour certain leur univers, c’était extraordinaire et surtout impensable. J’étais soulagée et vraiment très touchée de voir mes dessins plaire. Mais également émue d’être, en quelque sorte, reconnue par mes « pères ».