Tempête sur Bangui par Zita, étudiante…

Le pape François se déplace en Afrique, fait escale en République Centrafricaine, et, du coup, nous trouvons judicieux de vous présenter l’article de Zita, étudiante en licence professionnelle TAIS/IUT de Chalon-sur-Saône, sur une bande dessinée, Tempête sur Bangui et sur un auteur, Didier Kassaï, qu’elle a pu rencontrer à Saint-Malo, il y a maintenant un mois… La bande dessinée est difficilement accessible en Afrique, d’une manière générale beaucoup de gens n’ont pas le pouvoir d’achat nécessaire pour acheter des albums. Cependant il y a des bibliothèques où certains ont la possibilité d’en emprunter ou de les acheter. Il y a également des revues imprimées localement, dessinées par des dessinateurs locaux, il y a des auteurs/dessinateurs qui essaient de se débrouiller sur place mais il n’y a pas de maison d’édition spécialisée en bande dessinés. Du coup ces auteurs/dessinateurs survivent très peu et la plupart du temps ils sont dans l’obligation d’abandonner pour faire autre chose, la priorité première est de se nourrir et de nourrir sa famille, de vivre tant bien que mal, dans un conflit qu’ils n’ont pas choisi.Didier Kassai publiait déjà des chroniques quotidiennes sur ce qu’il se passait en Centrafrique et après une longue période de petites publications il s’est mis à écrire Tempête à Bangui.

Quand il le peut, il vient en France dans des salons de livres à la rencontre des auteurs et des éditeurs. C’est grâce à cela qu’il est entré en contact avec La Boîte à Bulles et qu’il a pu envoyer son projet par courriel.

Tempête sur Bangui est une bande dessinée saisissante où nous suivons en temps réel l’avancée de son auteur, pris malgré lui dans les conflits militaires et politiques de son pays. En 2013 en Centrafrique se déroule l’un des plus grands conflits meurtriers entre des groupes de rebelles et le pouvoir mis en place. C’est un conflit à caractère religieux mais ses intérêts sont économiques : la région, comme de nombreuses régions d’Afrique, est riche en pétrole et en minéraux, ce qui suscite la convoitise de certains, au détriment des autres. Les armes sont omniprésentes, les rebelles sont sans pitié, abrutis et excessifs (meurtres, fusillades, viols, pillages, corruptions…).Comme l’écrit lui-même Didier Kassai  «Foutues guerres… motivées au départ par une multitude de revendications absurdes ou légitimes, pour au bout du compte, toujours le même résultat : le bordel ». Car c’est un véritable chaos que traversent quotidiennement l’auteur et sa famille, un chaos qui engendre une confusion générale chez les habitants centrafricains ainsi qu’une insécurité constante. C’est un cycle infernal où les civils sont les premières victimes et où les auteurs/dessinateurs tels que Didier Kassai tentent de clarifier la situation sur quelque chose qui les dépasse complètement et pour cela prennent un risque énorme alors que pourtant ils sont les derniers à prendre parti.

« Viser délibérément des civils dans le cadre d’un conflit est une violation flagrante du droit international relatif aux droits humains et au droit international humanitaire »

Amnesty International soutient l’édition. L’organisation humanitaire collabore avec des artistes autour de cas problématiques, il s’agit d’un soutien moral, financier et véridique car les sources et documentations d’Amnesty (qui travaillent également sur place) sont accessibles aux auteurs, ainsi leurs travaux sont appuyés par plus d’informations, crédibles et vérifiables aux yeux de tous.

Prendre conscience du problème est aujourd’hui très important pour une résolution durable du conflit et en soutenant des artistes tel que Didier Kassai, Amnesty International renforce le message que l’auteur nous livre à travers son œuvre.

En Centrafrique le 23 Avril 2015 une étape importante dans la résolution des conflits a été franchie: l’instauration d’une Cour pénale spéciale mixte, chargée d’enquêter et de poursuivre les responsables de crimes contre l’humanité depuis 2003 dans la région. Il s’agit de d’abord repérer les principaux criminels, de les arrêter et de les juger et ensuite prioritairement de désarmer au maximum les différents groupes armés en Centrafrique. Ces deux étapes passées, la justice pourra prendre place et les victimes pourront se reconstruire.

« Raconter une histoire de guerre cela pose toujours un problème » me dit Didier Kassai.

A chaque fois qu’il publie quelque chose qui touche un camp ou un autre, il y a toujours des  réactions, pourtant lui inclut tous les traitements et point de vue qu’a eu le conflit. Il précise qu’il y a des journalistes qui publient des articles sur la crise centrafricaine mais qui ne vont pas jusque-là où il va, qui n’ont pas les mêmes informations étant donné que lui habite et vit à Bangui.

La bande dessinée s’appuie sur des faits réels, avec des interventions multiples: radios, presse, politiciens et avec des indices temporels (dates, heures) et géographiques (lieux). Il se voit dans l’obligation d’informer et ce à travers ces œuvres et publications. Informer les Occidentaux mais informer également les habitants centrafricains, parfois isolés (non pas par choix), parfois manipulés, et ainsi leur permettre de comprendre ce qu’il s’est passé ici ou là.

Le goût du dessin, Didier Kassai l’a d’abord transmis à ses enfants, l’idée du dessin comme échappatoire jusqu’à dans les moments les plus critiques. Lors de l’arrivée des rebelles à Bangui, les écoles fermaient, les enfants et leurs familles voulaient fuir mais c’était impossible alors ils restaient enfermés à la maison et inconsciemment, comme le font les enfants pour jouer et pour passer le temps, imitaient les soldats. Pour les rassurer et les calmer, et pour ne pas les laisser dehors ou dedans à regarder, à entendre la guerre, Didier Kassai les fait dessiner et leur apprend à utiliser le dessin et l’humour comme des armes contre la violence. L’humour et la simplicité face à des situations qui elles sont loin d’être drôles et  simples.

Avec le temps c’est une action et activité plus large que l’auteur aimerait mettre en place pour éduquer les enfants à la pratique de l’art et du dessin comme acte de résistance.

En attendant…il prépare le second tome de Tempête à Bangui, qu’il vient tout juste de commencer!

Mille mercis à la maison d’éditions La Boîte à Bulles qui a permis cette rencontre !!!

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