Rencontres à Angoulême : Terry Moore avec Julie

Dans le cadre du Festival international de la Bande Dessinée d’Angoulême, j’ai eu la chance de rencontrer Terry Moore, auteur de BD telles que « Motor girl », « Strangers in Paradise », « Echo » ou encore « Rachel rising ».

Lors de cette interview, je me suis principalement concentré sur la BD « Motor girl », la dernière parue en langue française. Pour faciliter la compréhension de cette rencontre, j’ai choisi quelques thématiques…

La présence des femmes dans les œuvres de Terry Moore 

Cet auteur souhaite vivement écrire et dessiner des histoires à propos des femmes. En effet, il trouve qu’il n’y a pas assez de femmes dans les œuvres (qu’elles soient cinématographiques, littéraires,…) et lorsqu’il y en a, elles ont un rôle qui ne met pas en valeur leur force, leur présence, leur humanité…

« Nous avons besoin de plus d’histoires parlant de femmes fortes ! »Tout d’abord, il a commencé à réfléchir à propos de l’étiquette donnée aux femmes dans notre société. Il ne pouvait s’empêcher de penser à cela car il se demandait ce que c’est d’être une femme et de vivre sur cette planète à notre époque. Il pensait notamment aux rencontres que font les femmes tout au long de leur vie, considérant que les femmes ne savent pas si le prochain homme qu’elles vont rencontrer sera un ami ou bien un prédateur…

« C’est juste une expérience de vie totalement différente par rapport à celle d’un homme. »

Lorsqu’il méditait ainsi, y ajoutant par ailleurs les relations d’amour et d’amitié, il a été pris par l’idée de rédiger une histoire sur ce thème, avec le point de vue d’une femme. Quand il commence à écrire, il ne comprend pas toujours où il va, il se laisse porter même s’il ne comprend pas toujours où il va. Il voulait développer ce qu’on sait le moins sur les femmes et ne pas rester sur ce que la majorité des gens connaissent explicitement ou implicitement. Il voulait aller au-delà des stéréotypes !

De cette volonté a découlé un long processus de découverte sur le thème afin de ne pas totalement naviguer à l’aveugle. Avant d’écrire, l’auteur explore, recherche, rumine… Le processus est long…

Le fossé entre les hommes et les femmes

Dans les histoires et dans les films, nous sommes habitués à avoir peur des « grands méchants » sous les traits d’hommes forts. Terry Moore aime les histoires où le cliché est inversé et il joue avec cela pour créer des histoires originales : dans une de ses séries, il y a un serial killer qui terrifie la ville or… cette personne tant redoutée s’avère être une fillette de 10 ans !Par ailleurs, dans une optique d’inversement des clichés, le personnage principal de « Motor Girl », Samantha, est une ancienne marine qui ne se laisse pas faire. Jouer avec les clichés est pour lui une grande source d’amusement car il aime casser les codes et choisir les mauvais acteurs comme il le dit lui-même si bien.

Focus sur le personnage de Samantha dans « Motor Girl »

L’idée de Samantha est dans la tête de Terry Moore depuis longtemps mais elle est restée de côté un certain temps car il était occupé à créer « Strangers in Paradise », « Echo » et « Rachel Rising ». Au tout début, il avait imaginé Samantha comme une mécanicienne spécialisée dans les motos et ayant comme petit ami un gorille.

Lorsqu’il a commencé le livre, une nouvelle a retenu son attention : le syndrome du stress post-traumatique concernant une grande majorité des soldats revenu de la guerre était une réalité.

« D’un côté l’Amérique est occupée à attaquer tout le monde et de l’autre côté de l’histoire, tous les soldats reviennent de guerre et ils sont pour la plupart atteints d’un syndrome de stress post-traumatique car ils ont fait quelque chose qui n’est pas naturel. »

Voyant que les soldats n’arrivaient pas à reprendre une vie normale de retour dans leur pays, il n’a pas pu se résoudre à faire de Samantha une fermière ou un jardinier après qu’elle ait été rapatriée en Amérique.

Motor Girl est ainsi devenu une œuvre montrant comment les soldats, de retour de la guerre, se reconstruisent après tous les traumatismes qu’ils ont subis.

Focus sur le personnage de Mike, le gorille

Tout au long de « Motor Girl », Samantha est accompagnée d’un gorille nommé Mike. La première question à laquelle il faut répondre est tout simplement « pourquoi est-ce un gorille? ».

La réponse est très simple: c’est le personnage le plus viril qui puisse exister pour Terry Moore.Ce gorille n’est pas une première pour Terry qui avait déjà imaginé et dessiné un gorille habillé en homme d’affaires ayant un travail et une femme, dans le cadre d’un comics dont il était l’auteur. Dans « Motor Girl », Mike a une symbolique très importante mais je ne vous en dirai pas plus au risque de vous gâcher la lecture alors même que vous n’avez pas commencé le livre…

Entre réalité et imagination…

Dans cette BD, il y a un gros travail autour du mystère de ce qui existe réellement et de ce qui n’est que pure imagination. Les deux sujets de ce « jeu » sont Mike et les Aliens qui débarquent dans le désert (à côté de la maison où Samantha vit). Je n’en dirai pas plus mais c’est une réflexion et un travail sur les liens entre l’imaginaire, la création, la psychologie de l’auteur – et du lecteur aussi – le tout donnant à une œuvre son poids !

Les personnages préférés par l’auteur

Terry Moore m’a expliqué préférer deux personnages de ce one shot: Mike et l’Alien.

Mike: Compte tenu de son expérience en tant que dessinateur de cartoons, il a expliqué tout particulièrement apprécier dessiner des gorilles.

L ‘Alien: Le style très années 50 qu’il a donné à ce personnage lui plaît énormément.

Son style de dessin en noir et blanc

Terry Moore a choisi un style de dessin en noir et blanc car cela va plus vite. En effet, s’il travaillait ses BD avec de la couleur, il prendrait deux fois plus de temps avant de les envoyer à l’impression or, compte tenu de ses impératifs en matière de délais, s’autoriser la couleur n’est pas envisageable. Ceci étant, cela ne répond pas à la question fondamentale de ce que pourrait bien apporter la couleur à une narration graphique si forte et si efficace !

Les projets à venir

Terry Moore travaille actuellement sur sa prochaine série intitulée « Everlasting ». Pour le moment aucune information ou image n’a été divulguée aussi je ne pourrai malheureusement pas vous en dire d’avantage…

Je retiens de cette interview une grande satisfaction : Terry Moore est un auteur tout à fait sympathique avec qui ça a été un plaisir de discuter. N’ayant lu que deux de ses œuvres je n’ai malheureusement pas eu la possibilité de beaucoup discuter, cependant je suis désormais déterminée à lire ses autres BD ! Vous aussi peut-être ?

Rencontres à Angoulême : Sylvain Ferret avec Michel

Nous sommes à Paris en 1858 quand commence cet album Métamorphoses 1858, le premier album de Sylvain Ferret (dessinateur) et Alexie Durand (scénariste). Nous sommes dans un appartement et un jeune garçon vient à la rencontre de Stanislas Andrzej… Il faut dire que le garçon est à la recherche de sa sœur, disparue dans l’indifférence policière, tandis que Stanislas est, entre autres, détective amateur… J’ai oublié de préciser, qu’il y a aussi Joseph, un colocataire médecin… Pour un peu, on se croirait presque dans un Sherlock Holmes… Enfin, pas tout à fait…Sylvain Ferret est un jeune auteur qui avec ce scénario familial – Alexie Durand est bien de sa famille – trouve une histoire à la hauteur de son jeune talent. Le dessin est très bon et la narration graphique juste et efficace. On s’y croirait bien dans ce Paris de 1858. On sent à travers les dessins les odeurs, on entend les bruits, on ressent la chaleur, l’humidité, les transpirations, les mouvements… Du coup on vit cette enquête par l’intérieur sans tomber dans des discours inutiles et qui ralentissent trop souvent les bédés policières… D’ailleurs est-ce bien une bande dessinée policière ?Bon, certes, il y a bien la recherche d’une jeune femme, couturière et sœur de ce garçon bien sympathique qui est venu embaucher Stanislas avec ses quelques pièces… D’ailleurs, très vite, on va s’apercevoir que ce n’est pas une mais trois jeunes femmes qui ont disparu… Mais cette histoire n’est peut-être pas que du polar… Allez savoir !Alors, oui, chez ces deux auteurs, jeunes auteurs en bande dessinée, il y a un peu de Conan Doyle, mais aussi un peu de Mary Shelley et leur album porte une petite dose de Jack l’éventreur avec une ambiance digne des bas quartier de Londres même si on est bien à Paris… Enfin, on peut aussi évoquer les enquêtes d’Harry Dickson par la petite pincée de fantastique qui traine ici ou là…

Autant vous le dire sans précaution d’usage, j’ai adoré cette bande dessinée et j’ai été très content de rencontrer Sylvain Ferret, le dessinateur, durant ce festival d’Angoulême 2019. En plus c’est l’un des rares auteurs qui me fait lever la tête pour le saluer car il est nettement plus grand que moi…

L’entretien fut des plus sympathiques et j’avoue que j’espère à l’occasion du prochain album – le plus vite possible car le suspense est intenable – rencontrer aussi Alexie Durand la scénariste. Une très belle surprise de ce début d’année 2019 en bédé…