Angoulême 2022, sixième partie de festival…

Il est grand temps que je continue à vous raconter mon festival d’Angoulême… En effet, après la très belle rencontre avec Tiburce et Philippe, j’ai du courir un peu pour rejoindre l’hôtel Mercure où m’attendait Sandrine Revel. Heureusement, pour moi, elle m’attendait patiemment et j’ai pu l’interviewer avant qu’elle ne reparte, elle-aussi, pour une autre interview…

Je suis très heureux de cette rencontre car elle aborde un sujet délicat et important, sociétal et profondément humain… La violence sexuelle n’est pas que l’apanage des prêtres et autres instituteurs, elle touche tous les milieux, toute la société et si on veut l’éradiquer, alors il faut en parler et changer nos modes d’éducation… Le conte peut être un moyen d’aborder le sujet sans tomber dans l’inaudible, dans le glauque, dans l’inabordable avec les enfants… sans pour autant oublier la gravité des faits !

Sandrine Revel nous raconte comment est né le projet, comment Théa Rojzman a conçu son conte, pourquoi elle a tout de suite accepté de le dessiner, comment elle a travaillé… Le résultat est merveilleux, c’est un très beau livre et c’est pour cela que je suis heureux qu’il ait obtenu, c’était le lendemain de notre rencontre, le prix des lycéens 2022, FIBD/Académie de Poitiers. C’est entièrement mérité et justifié !

Pour ce qui est du conte lui-même, je vous laisserai découvrir pourquoi certains se taisent, pourquoi certains personnages semblent avoir perdu la tête et surtout pourquoi on croise tant de « bleus »… D’ailleurs, vous l’êtes peut-être aussi et cela vous fera du bien de lire cet album…

Dès que notre entretien est terminé, je n’ai qu’à juste changer de salle pour rencontrer Stephen Desberg et partir pour l’enfer… Sérieux, quand je dis « l’enfer », je ne parle pas de la qualité de l’entretien avec Stephen Desberg, mais bien de la visite dans laquelle il m’entraine en compagnie de son dessinateur Tony Sandoval !

La descente aux enfers est un sujet classique et fortement marquée par nos éducations. Desberg arrive avec un catholicisme solide, celui de sa maman, un athéisme certain, celui de son père et Tony Sandoval la culture mexicaine autour de ces enfers… Le tout est explosif, effrayant et, pourtant, plein d’espérance comme le lecteur s’en rendra finalement compte…

Cet album est intéressant, pour ne pas dire plus, pour sa construction, sa réalisation artistique et les valeurs qu’il porte. Pour ce dernier point, le plus important selon moi, passée l’émotion artistique bien réelle et justifiée, est de comprendre que nul n’est totalement mauvais (il y a des circonstances, des explications, des psychologies… et jamais d’excuses) et que l’enfer est avant tout notre enfermement dans nos absurdités, nos dysfonctionnements, nos erreurs et dès que l’Amour reprend le dessus, alors les portes de l’enfer peuvent se rouvrir pour le meilleur ! « Volage » est donc un livre à lire et relire !

Quand on rencontre Stephen Desberg, avouons-le sans détour, il est difficile de ne pas parler de toutes ses autres séries, ou du moins de celles que l’on a le plus appréciées… Donc, je me laisse aller à en aborder quelques-unes comme la suite donnée à SOS Bonheur ou IRS… Ce qui est fascinant c’est de constater que Desberg se laisse aller à avouer que certaines suites ou prolongements de séries ont été trop commerciales tandis que certains albums ont été personnels et forts… Il regrette aussi clairement que certains auteurs comme Jean Van Hamme n’aient jamais été récompensés à Angoulême… Un beau moment de vérité, de simplicité, d’authenticité humaine que j’apprécie beaucoup ! Merci monsieur Stephen Desberg de ces minutes passées ensemble !

Heureusement, après ces deux entretiens au Mercure, je n’ai pas besoin de courir car la rencontre suivante avait été annulée pour train manqué…

(A suivre !)

Festival d’Angoulême 2022, cinquième partie…

Toujours surprenant de constater que les rendez-vous ne se répartissent pas de façon régulière dans une journée de festival. Parfois, on a des creux, des moments presque de méditation, tandis qu’à certaines heures, il faudrait être à plusieurs endroits à la fois… Il me faut donc être patient, rapide dans mes déplacements, précis dans mes questions pour ne pas perdre trop de temps… Et ce jeudi matin d’Angoulême, tout a commencé paisiblement… Une seule interview au programme, la rencontre avec Frédéric Brémaud, un scénariste…
Petite information en passant. Ne vous inquiétez pas si vous voyez parfois Brrémaud avec deux « r », ou Brémaud avec un seul « r », il s’agit bien du même scénariste !
J’attendais cette rencontre car j’ai beaucoup apprécié ses adaptations de romans d’Agatha Christie. Avec Alberto Zanon au dessin, il a fait chez Paquet trois albums avec Poirot comme héros : ABC contre Poirot, Le crime du golf et, petite nouveauté, Drame en trois actes. J’aime sa façon de découper les histoires, de sortir du modèle de la série TV avec David Suchet… On sort du regard que cette série TV a imposé, on est dans une création personnelle même si les romans restent les mêmes, les coupables sont connus, les meurtres ne changent pas… Mais, le passionné d’Agatha Christie s’y retrouve tout en étant embarqué dans la mécanique de Brémaud qui fonctionne très bien… Frédéric me confie qu’il avait été sur le point de refuser de faire ces adaptations mais qu’il avait accepté car finalement on lui avait laissé la liberté de choisir les romans, que la pagination permettait de construire un polar de qualité, que l’on n’était pas obligé de se limiter aux romans les plus connus…
Mais Frédéric Brémaud c’est aussi un très bel album que j’ai adoré, Les vacances de Donald. Chez Glénat, on nous propose depuis quelques petites années, des histoires des héros de Disney mais avec des bédéistes franco-belges aux commandes. C’est globalement très réussi et chaque auteur peut se laisser aller à raconter le Mickey qu’il avait attendu, le Donald de son enfance, la Minnie dont il était amoureux, le Patibulaire qui lui faisait peur… Là, Frédéric Brémaud nous invite à lire un album sans texte, très dynamique, que l’on dévore sans répit… De la bande dessinée à l’état pure, un récit brut d’une perfection étonnante… J’ai adoré et l’entente avec le dessinateur Federico Bertolucci semble avoir été si bonne qu’ils vont certainement récidiver prochainement… Mais les deux artistes se connaissent bien car ils ont réalisé ensemble, entre autres, les série Love et Brindille. Un très beau moment pour des albums de qualité à découvrir ou relire…
Le reste de ma matinée est consacré à la conférence des éditions Dupuis qui annoncent leur anniversaire… 100 ans, ce n’est pas rien ! Mais disons que cette conférence de presse m’a un peu laissé sur ma fin. Peu dynamique, manquant de participation d’auteurs, avec peu d’informations précises… Bref, en sortant, une seule chose est certaine : Gaston Lagaffe va revenir ! Enfin, on a trouvé un dessinateur pour reprendre la série, Delaf, coscénariste et dessinateur de la série Les nombrils. Petit bémol, même si les éditions Dupuis semblent sûres d’elles, la fille de Franquin, elle, est opposée à cette reprise… Alors, attendons et voyons bien ce qui se passera…
Si la matinée fut calme et sans surprise, l’après-midi fut plus mouvementée avec 5 interviews et deux lapins… Le premier lapin fut rapidement posé, Stéphane Créty a raté son train et donc il allait arriver seulement pour le lendemain et n’avait aucun créneau libre pour rattraper on absence. Je le croiserai rapidement le lendemain et nous avons décidé de nous voir à Metz, sa ville de résidence, ville de ma Lorraine de cœur, donc rien de perdu… Quant au deuxième lapin, plus banal, il est lié au fait que Lionel Richerand a tout simplement disparu après sa séance de dédicace… Heureusement, on a retrouvé trace de cet auteur plus tard dans la journée et j’aurai l’occasion de l’interviewer prochainement à Paris…
L’après-midi commença donc par la rencontre avec Philippe Pelaez (scénariste) et Tiburce Oger (dessinateur). Ils sont là pour présenter le premier volume d’un diptyque, Enfer pour Aube… Il faut que vous sachiez que les rendez-vous avec auteurs à Angoulême sont grosso modo calibrés à 30 minutes et que nous devons respecter les horaires pour ne pas perturber l’organisation de chaque maison d’édition. Cette rencontre eut lieu dans l’espace presse des éditions Soleil/Delcourt et tout a bien failli mal finir, c’est-à-dire hors délais…
Il faut dire que Tiburce, à peine arrivé, a voulu nous montrer, à son scénariste et à moi-même, les originaux magnifiques qu’il avait avec lui… Moment exceptionnel, travail étonnant en grand format, bonheur absolu pour les amateurs de bande dessinée, mais qui nous a fait perdre du temps d’interview et qui ne peut pas être « montré » en radio…
Il a donc fallu le stopper dans ses élans même si par ailleurs on aurait bien aimé tout voir et le faire commenter… Heureusement, une fois plongés dans l’entretien les deux auteurs sont passionnants… On finit même par rire de bon cœur quand Philippe Pelaez nous avoue se sentir un usurpateur à Angoulême, se sentant plus prof que scénariste… tandis que Tiburce avoue qu’il triche parfois dans découpage pour éviter de dessiner certaines scènes ou mouvement… Un usurpateur et un tricheur pour une série qui se déroule dans les bas-fonds parisiens…
Un très beau moment centré sur la bande dessinée, l’art, l’histoire, la politique… Ouvrez seulement cet album et vous comprendrez très vite pourquoi j’ai été séduit…
Mais, à peine la trentième minute écoulée, je suis obligé de les quitter pour foncer vers le fameux hôtel Mercure d’Angoulême où m’attend la prochaine de ma liste, Sandrine Revel… Mais c’est une autre histoire…
(A suivre !)

Festival d’Angoulême 2022, quatrième partie…

La dernière interview de cette première journée sur Angoulême, à l’occasion du 49ème festival international de la bande dessinée, fut une rencontre avec Sylvain Runberg. Comme à chaque fois avec un scénariste, on ne parle pas d’une seule nouveauté mais de plusieurs albums parus plus ou moins récemment… Du coup, la discussion est plus variée, plus ouverte… et n’allez surtout pas croire que je n’aime pas les dessinateurs !

Nous avons donc commencé par un superbe voyage sur la planète Mars, une planète rouge transformée en centre pénitentiaire et d’exploitation minière. Une histoire en trois tomes dessinés par Grun. Dans cette trilogie profondément humaine on va être confronté aux questions presque habituelles de l’humanité : pouvoir, violence, emprise sectaire, argent… et il sera question de l’avenir de cette planète et même de celui de l’humanité !

J’ai beaucoup aimé ce « On Mars » et la discussion est très intéressante, je dirais même passionnante… Je fais remarquer à Sylvain Runberg qu’il manque quand même le thème de l’amour mais il répond très à propos que l’amour en prison n’est pas le sentiment le plus répandu… Non ?

« On Mars » est une histoire née directement de l’imagination de Sylvain Runberg tandis que nous allons évoquer ensuite des adaptations à partir de romans de Franck Thilliez. Là, on retrouve Luc Brahy au dessin (Cognac, Imago mundi, Les fantômes du passé…) et une construction très classique pour une bédé policière de qualité. Deux volumes sont déjà sortis et il y en aura d’autres, d’une part pour clore la trilogie commencée mais aussi pour adapter d’autres romans de Franck Thilliez…

Sylvain Runberg fait aussi partie de l’aventure de Conan le Cimmérien. Jean-David Morvan avait en tête d’adapter en bédé toutes les nouvelles de Robert E. Howard racontant Conan. On parle bien ici des douze histoires originales et non de celles qui furent écrites par la suite (Howard est décédé en 1936). Pour ces douze albums, Jean-David a recherché des talents, des volontaires, des binômes d’auteurs… C’est ainsi que Sylvain Runberg s’est chargé de l’adaptation de l’histoire « Le peuple du cercle noir » dessinée par Park Jae Kwang, jeune coréen de talent !

Enfin, nous avons terminé par évoquer le travail original avec Marc Lévy sur « L’agence des invisibles ». En effet, adapter Marc Lévy en bédé a déjà été fait plusieurs fois mais, là, il s’agit de collaborer avec Marc Lévy pour transformer une idée originale directement en bédé sans passer par la case « roman ». Cela fonctionne très bien et après ce premier volume qui pose les éléments clefs (à savoir ce qu’est cette agence des invisibles), nous attendons maintenant de belles enquêtes avec des personnages crédibles… Le travail entre le romancier et le scénariste BD semble bien fonctionner et en tous cas ce dernier est très heureux de cette expérience…

C’est ainsi que je terminais les interviews de cette première journée à Angoulême, quatre très belles rencontres qui ont été complétées par quatre visites d’exposition, une soirée d’inauguration et un concert dessin…Tout cela restera bien gravé dans ma mémoire et je peux dire que j’étais déjà très heureux de mon déplacement à Angoulême !

Soirée d’inauguration, troisième partie

A situation exceptionnelle, il faut bien une inauguration exceptionnelle. Or tout était exceptionnel, reprise du festival après une trêve pandémique, festival en mars (tient, Mars est bien le dieu de la guerre !), festival durant une guerre…

Il y eut donc ce que les dessinateurs savent le mieux faire, un concert de dessin.

Difficile de résumer un tel moment…Un pianiste franco-ukrainien et une douzaine de dessinateurs de plusieurs nations… Visiblement un leader, Alfred mais nous ne ferons pas l’erreur d’oublier tous les dessinateurs présents et ceux qui avaient envoyé leurs dessins…

Ce qui est certain, c’est que ce soir-là, il y eut bien des acteurs de la BD, des journalistes et des festivaliers qui pensèrent au peuple ukrainien… C’est peu par rapport à ce que cette population vit au quotidien et c’est quand même mieux que si cela n’avait pas été fait…

Comme quoi, on peut monter des actions avec célérité contrairement à ce que certains veulent nous faire croire parfois…

Festival d’Angoulême 2O22, troisième partie…

Toujours le mercredi après midi, c’est-à-dire durant ce temps réservé aux journalistes avant que le festival soit ouvert au public, j’ai eu la chance de rencontrer Etienne Oburie, dessinateur de bandes dessinées, en particulier la dernière parue, Monsieur le Commandant. Il s’agit d’une adaptation en bédé du roman épistolaire de Romain Slocombe, avec un scénario de Xavier Bétaucourt.

Pour ce qui est de la rencontre avec Etienne, elle est d’autant plus facile à organiser qu’il s’agit d’un auteur travaillant et vivant à Angoulême. Il partage un atelier avec des artistes qui touchent au jeu vidéo, au son, à l’image… Oui, ici, à Angoulême, on ne fait pas que de la bande dessinée… Et Etienne avait à la fois besoin d’un atelier pour ne pas se retrouver seul devant sa planche à dessin, mais aussi riche par la diversité car il ne voulait pas rester enfermé juste avec des auteurs de bédés… Là, il est tout simplement heureux et efficace !

Dans l’ambiance encore paisible de la salle de presse du festival, il prend le temps de présenter avec passion, professionnalisme et conviction, l’ensemble de son travail… On parle surtout du petit dernier qui a eu la particularité de le faire fréquenter durant de longs mois un personnage particulièrement désagréable, au départ, lourd et pénible, en cours d’album, et même foncièrement mauvais à la fin de l’histoire… Et c’est là toute la difficulté pour un dessinateur quand il doit créer un personnage mauvais qui est, de fait, le personnage central de l’histoire. On doit le dessiner et redessiner, on connait ses traits par cœur, ses formes, ses expressions… et, pourtant, on le déteste !

L’album, malgré la noirceur du personnage, est une belle réussite. D’un roman épistolaire, le scénariste Xavier Bétaucourt a fait une histoire claire, facile à lire et le tout avec des personnages bien ciblé et posés. Etienne Oburie a construit une narration graphique solide, efficace et accessible aux lecteurs d’un grand public… Mais, heureusement, la guerre n’est pas d’actualité, les auteurs et Etienne Oburie ne sont pas stressés par la guerre… Les organisateurs ne pensent pas qu’à cela et les lecteurs ont bien autre chose en tête…

Euh… ou pas, en fait !

Pour se changer les idées, d’ailleurs, rien de tel qu’une exposition consacrée à Shigeru Mizuki… Normal, à 20 ans ce jeune artiste est enrôlé dans l’armée impériale japonaise et il perd le bras gauche (alors qu’il était gaucher) et attrape la malaria… avant d’être prisonnier de guerre !

Je ne vous raconte pas toute sa vie car c’est son œuvre qui est importante car ce gaucher va apprendre à dessiner avec sa main droite et va devenir un mangaka reconnu pour ses histoires d’horreur (monstres et fantômes en particulier) et ses récits de guerre…La visite guidée permet de comprendre le travail de Mizuki que je ne connaissais pas vraiment et qui semble à découvrir, du moins pour les histoires qui existent en version française comme « Kitaro le repoussant »…

Enfin, de retour dans la salle de presse du festival, je ne peux que constater qu’il y a encore fort peu de monde ce qui permet d’observer ces meubles en carton mis en place par le sponsor majeur du festival, RAJA…

 Ce sponsor est aussi à l’origine d’une rébellion, si on peut dire, avec la création de « son » prix BD lié à l’écologie. Cette initiative qui ressemble pour certains à du greenwashing provoque la démission du jury, le refus de concourir d’un certain nombre d’auteurs… et c’est quand même toujours un problème quand un sponsor ou mécène veut imposer son point de vue… Quant à moi, je l’avoue, je pense aussi que les meubles traditionnels sont beaucoup plus confortables, mais c’est une autre histoire !!!

 

Festival d’Angoulême 2022, deuxième partie

Ma seconde rencontre du festival international de la bande dessinée d’Angoulême fut celle avec l’un des lauréats du prix Goscinny 2022, Jean-David Morvan. Oui, je sais que beaucoup recherchent durant ce festival des rencontres avec des dessinateurs. Moi, sans les éviter, loin de là, j’aime rencontrer les scénaristes, ceux qui ont créé les histoires (et qui d’ailleurs pour certains les dessinent aussi). Dans la bande dessinée on a besoin des deux (et on pourrait même y ajouter les coloristes pour qui j’ai une tendresse particulière) car une bande dessinée sans bonne histoire n’a aucune chance de satisfaire le lecteur et une bande dessinée avec une excellente histoire mais massacrée au dessin ne pourra pas séduire le même lecteur… Oui, la bande dessinée est bien un art complexe qui a besoin de l’union de plusieurs talents pour offrir la réussite (je n’ai pas parlé ici de succès commercial !).

Jean-David Morvan est l’un des scénaristes contemporains les plus productifs. Je ne vais certainement pas lister tous ses travaux mais durant l’émission nous passons en revue ceux que j’ai aimés, appréciés voir même ceux qui sont devenus cultes pour moi comme la série Sillage que j’apprécie énormément… Le « space opera » commandé par Delcourt dont le premier album est sorti en 1998 voit cette année la sortie du tome 21 ! Le dessin de Philippe Buchet est toujours aussi pétillant et le dessinateur est même devenu le coscénariste car Jean-David Morvan est maintenant submergé par le travail et ses séries sur la guerre… Nous allons en reparler !

La force de Sillage, série de science fiction, tient à mon avis de plusieurs éléments. Il y a les personnages très nombreux dont seule, au départ, Nävis est humaine tandis que tous les autres sont des espèces variées d’extraterrestres dessinées avec génie par Philippe Buchet qui fait preuve d’une créativité géniale tout simplement… Il y a aussi l’organisation de l’histoire qui fait que chaque album peut se lire, se déguster, s’apprécier, de façon indépendante. Mais il y a aussi les thèmes qui bien souvent suivent de près la vie sur la planète avec des réflexions sur la violence, la guerre, la pollution, la colonisation… et dans le dernier album, la question des migrants, du journalisme, de l’exploitation des terres et des populations… Oui, une série dense et de très grande qualité !

Mais Jean-Baptiste Morvan est aussi un scénariste remarquable capable d’adapter en bande dessinée des romans. On ne peut pas évoquer toutes ces adaptations mais relevons que celles de Boris Vian ou Vernon Sullivan (toujours Boris Vian mais sous un autre nom !) sont d’une très grande valeur qui montre que jean-David Morvan aime cet auteur depuis longtemps, peut-être depuis qu’il sait lire, qui sait, ou depuis qu’il a fauché ces ouvrages dans la bibliothèque paternelle, plus surement !

Enfin, dans la dernière partie de notre entretien, nous prenons le temps de parler de ses différents ouvrages sur la guerre. Il y a ceux qui sont directement des adaptations comme le remarquable « Les croix de bois » mais qui est beaucoup plus qu’une simple adaptation du roman de Roland Dorgelès. Il y a les récits comme les cinq volumes d’Irena, superbe bande dessinée qui parle de la guerre et du Ghetto de Varsovie en particulier en s’adressant au public le plus large, c’est-à-dire les enfants de la fin de l’école élémentaire… Enfin, il y a cette « Madeleine, Résistante » dont le premier volume est sorti et qui a valu à Jean-David Morvan le prix Goscinny… Mais un prix qu’il partage avec Madeleine Riffaud, elle-même, car cette fois-ci Jean-David travaille avec une personne vivante et raconte son histoire… Madeleine a 97 ans mais elle semble heureuse de travailler avec Morvan et Bertail (le dessinateur) sur un support qu’elle ne connait quasiment pas et une bande dessinée qu’elle ne pourra même pas lire car sa vue ne lui permet pas… Mais la voilà, elle aussi, avec le prix Goscinny, une distinction que Jean-David Morvan est comblé de partager avec elle !

Un magnifique entretien avec un scénariste heureux d’être récompensé, heureux de voir ses lecteurs et ses amis auteurs, et prêt à représenter Madeleine Riffaud au moment de recevoir le prix car Madeleine, bien sûr, n’a pas pu venir à Angoulême…

En plus, il se dit avec insistance qu’une nouvelle série sur la guerre arrive, avec la même équipe qu’Irina, cette fois-ci pour raconter Simone, l’histoire d’une autre résistante, Simone Lagrange, témoin clef dans le procès Barbie… Décidément, Jean-David Morvan continue ce travail sur notre mémoire et on ne peut que le remercier… et le lire !!!

Soirée d’inauguration, deuxième partie

Après la remise du Grand Prix 2021 de la ville d’Angoulême à Chris Ware, il était temps de passer à la soirée 2022… Le rattrapage lié à la pandémie, on passait réellement à l’inauguration du 49ème  festival international de la bande dessinée d’Angoulême…
Donc, Chris Ware, en grand maitre de cérémonie a ouvert l’enveloppe contenant le résultat du vote final pour l’attribution du grand prix 2022. Rappelons que c’est l’ensemble des auteurs professionnels qui élisent le grand prix de l’année…
Pour faire durer le suspense, Chris Ware a commencé par deux remarques : il a félicité les deux autrices qui étaient en concurrence avec lui dans la finale et s’est interrogé sur un système qui met en opposition des artistes !
Mais, comme il ne peut pas y avoir que des vainqueurs, il a donné le nom de celle qui avait gagné :Julie Doucet ! Cette dernière l’a rejoint et est restée assez assommée par la nouvelle…
Un prix mérité, indiscutablement… Une autrice qu’il faut prendre le temps de découvrir, lire…

Soirée d’inauguration, première partie

Compte tenu des circonstances internationales, la soiré d’inauguration officielle du festival internationale de la bande dessinée d’Angoulême a été quelque peu modifiée. Elle s’est tenue au théâtre de la ville et a été suivie d’un concert dessin en solidarité avec le peuple ukrainien…
Comme l’année dernière la pandémie avait empêché de remettre le grand prix à Chris Ware, tout a commencé par la remise du prix 2021 et Chris Ware avait bien traversé l’Atlantique, d’une part pour recevoir son prix, mais, surtout, pour jouer son rôle de président d’honneur du festival 2022… Tout à son honneur !!!
En plus il su aller sur trois registres différents : le sérieux pour annoncer l’ouverture du festival, l’humour et pas qu’une fois, enfin le grave quand il a parlé de l’Ukraine…
« Quand j’étais enfant, dans la cour de récréation, il y avait des caïds, des durs, qui s’acharnaient sur les plus faibles dont je faisais partie… Quand je vois Poutine agir en Ukraine, je ne peux pas ne pas penser à eux… »

Festival d’Angoulême 2022, première partie…

Pour ceux qui me suivent depuis longtemps, précisons, avant toute chose, que c’est la première fois depuis que je vais à Angoulême pour le festival de la bande dessinée que j’y suis allé seul… Il faut dire que le fait d’être maintenant à la retraite et qu’en plus le festival ait été déplacé dans le temps à cause de la pandémie, tout cela m’a laissé seul pour affronter cet évènement qui reste indiscutablement l’un des grands rendez-vous du monde de la bande dessinée… Donc, c’est ainsi que je suis arrivé le mercredi vers midi à Angoulême pour y passer plus de deux jours à courir, visiter, photographier, interviewer, discuter, découvrir et, parfois aussi, dormir un peu…

La première journée, ce fameux mercredi après-midi traditionnellement réservé aux visites d’exposition par la presse, a été pour moi riche en émotions et découvertes. Il faut dire qu’un festival, même si on le programme le plus possible, est toujours plein d’imprévu…

Par exemple, on marche dans la ville et soudain on aperçoit une fresque murale que l’on ne connaissait pas. Il faut dire que l’année dernière il n’y eut point de festival et que dans ce laps de temps la ville a continué à vivre… Là, c’est donc une fresque selon un dessin de François Boucq pour rendre hommage à Albert Uderzo… Oui, je sais, la femme n’y est pas réellement à l’honneur mais en même temps on ne peut pas inventer des personnages féminins qu’il n’a jamais dessinés ! On fera donc avec Falbala et Bonemine…

Puis, pour rester fidèle à l’ordre chronologique, j’avais rendez-vous avec Benoît Peeters. Le rendez-vous a été pris car Benoît vient de sortir un ouvrage, 3 minutes pour comprendre 50 moments clés de l’histoire de la bande dessinée (Le courrier du livre) et qu’il est aussi le co-commissaire de l’exposition consacrée à Chris Ware, le grand prix de la BD 2021. Nous reviendrons plusieurs fois sur Chris Ware car ce prix permet d’être le président d’honneur du festival suivant et d’avoir une exposition consacrée à son travail lors de cette présidence…

Donc, dans un premier temps, avec Benoît, nous passons en revue quelques grands événements de l’histoire de la bédé, en particulier l’arrivée d’un ovni imprévisible qui en 2004 (en France) allait secouer le monde du 9ème art, Blankets de Craig Thompson. Benoît Peeters me raconte comment il a découvert ce travail de plus de 600 pages, un soir à New York grâce à Art Spiegelman qui lui avait donné une grosse enveloppe avec les photocopies de cette histoire par encore publiée. Aussitôt lue, le soir même, Benoît se fit immédiatement l’intercesseur de Craig à Paris pour que cette bande dessinée soit éditée en France malgré sa taille et son tempo pas très habituel… Il n’a pas beaucoup à se battre tous les lecteurs sont unanimes au fur et à mesure… Et ainsi Blankets sera l’un des piliers de la collection Ecritures de chez Casterman !

Dans une deuxième partie d’entretien, Benoît Peeters parle beaucoup de Chris Ware, dont il affirme, sans trop d’hésitation, qu’il est l’auteur de bande dessinée le plus important de ces dernières décennies… Il connait maintenant bien cet artiste complet et protéiforme, il vient de travailler avec lui sur l’exposition d’Angoulême, Building Chris Ware, qui, on l’espère, pourra continuer à vire après le festival au moins une fois… On découvre ainsi des œuvres qui ont marqué l’histoire de la BD comme Jimmy Corrigan, ACME ou Building stories… Bref, on a envie de lire ce que l’on ne connait pas encore, de visiter l’exposition dans les minutes qui suivent, d’aller interviewer Chris Ware…

Bon, tout n’aura pas lieu mais l’exposition ce fut dans la foulée de cette rencontre et quant à la rencontre avec Chris Ware, elle aura bien lieu le soir de ce mercredi, mais pas dans l’intimité, lors de la cérémonie d’ouverture du festival 2022…

Ce fut donc une magnifique rencontre avec Benoît Peeters, un très beau début de festival et vous allez pouvoir profiter de cette rencontre dès cette semaine dans le kiosque à BD sur RCF en Bourgogne !

(A suivre !)

Quai des bulles 2021 : rencontre avec Aimée de Jongh

Quand Aimée de Jongh s’est présentée devant moi, elle n’avait pas encore le Prix Ouest-France-Quai des bulles, mais elle était déjà l’autrice de ce coup de cœur que j’avais eu il y a quelques mois avec magnifique et très profond « Jours de sable »… Elle était aussi la voix de la bande dessinée néerlandaise durant ce festival de Saint-Malo, un pays que nous ne connaissons pas assez en bédé… Elle a fait l’effort de parler français durant tout l’entretien et ce fut passionnant. Elle a beaucoup insisté sur les interrogations de l’artiste face à la misère du monde. Elle n’a pas de solution magique mais elle porte cette problématique en elle de façon terrible… Je suis très content que le choix du jury se soit porté sur son travail !

https://rcf.fr/culture-et-societe/le-rendezvous-litteraire?episode=175492