Lobe
avatar 14/11/2019 @ 16:31:45
- Cette semaine va être un peu particulière, c’est une tentative, je me suis dit que venir secouer un peu notre routine à tous pouvait créer quelque chose de neuf… histoire de pas s’ensiler…

- On dirait pas s’enliser, plutôt ? coupe avec un sourire sincèrement charmant Stéphanie, une arrivée du printemps, qui nage chaque semaine dans un sweat à message. Cette semaine, il est gris ardoise, et la volute de fumée qu’exhale un squelette de profil dessine « Crève » en lettres ourlées.

- S’en… s’endormir sur ses lauriers. Ce que je veux dire, enfin, mon propos et l’idée derrière, c’est que dans ce beau hangar qui nous abrite, nous les anonymes à mines noircies par le spectre de la nostalgie, il manque parfois… un… souffle.

Des soupirs indéchiffrables se font entendre, à peine.

- Si ça ne résonne pas avec votre ressenti, je laisse tomber, pas de problème !

Un homme dénoue ses deux jambes d’un mouvement et demande :

- Tu laisses tomber quoi ?

- Je laisse tomber : ça.

Un feuillet de papier rejoint le sol.

Etienne balance ses épaules, il ne vient pas ici pour ajouter de la tension à ses eaux troubles. Il se lève, preste, va à la feuille, regarde autour de lui et annonce la couleur :

- C’est un témoignage que l’une d'entre nous m’a fait parvenir. Elle a fait quelques réunions ici. Pas beaucoup. Elle avait la nostalgie fluctuante, parfois elle nichait à côté du soleil, parfois elle trouvait que la lumière des poissons des abysses avait plus d’attrait. Elle nous faisait le récit de ses sentiments en prenant des détours et en brossant des tableaux qu’on n’oubliait pas. Ouais, les premiers jours. Après, ça loupe pas, la vie nous rattrape au collet, l’atonie reprend son cours, les mots de Louise, le cerveau les vidange avec le reste.

Certains dans le cercle sourient, le visage de Louise apparait devant leurs yeux, ou sa diction, ou le mouvement de ses bras quand elle s’exprime.

- Elle n’a pas mis les pieds dans notre cozy cénacle depuis un brin de temps, mais elle voulait partager son pourquoi, continue Etienne en désignant le papier. Elle pensait que… ça pouvait filer des billes à certains d’entre nous, je crois. L’a pas tort, ça en file, des billes, son histoire.

C’est Laurent qui craque en premier :

- T’es bon pour le suspense, Titi, maintenant lis-y nous !

Etienne prend un temps pour regarder les onze personnes qui l’entourent, chacun assis avec sa singularité ; il connait leur parcours chargé de nuages et de comètes, il sait leur peur de perdre hier ou de se faire manger par lui, il voit les ridules d’inquiétude nichées près de leurs bouches. Leur lire et leur livrer ça, il hésite, et puis, le sourire de Louise, la dernière fois qu’il l’a vue, lui revient, et il déroule :

« Jusque-là, j’ai parlé ici en métaphores. Maintenant, je trébuche sur mes mots à l’écrit, et c’est Etienne qui sera chargé de leur insuffler une vie. Ils vont où mes mots, ils retracent quoi ? Un an de vie avec déflagration. Si je devais prendre encore des détours, ce que j’ai à vous dire, je vous le déroulerais en une histoire de tricot. Oui ! foin de rivière, ou alors qu’elle soit de laine, chaleureuse, tendre, veloutée. Ce serait une histoire qui sous couvert d’une simple passion automnale décrirait la rencontre, l’apprivoisement, la confiance entre deux personnes. Mais aujourd’hui je ne vous offre pas d’histoire. Je vous la dis telle quelle, la métaformose. »

Etienne toussote et rit : « Hum, pardon, la métaMorPHose ». Il reprend la lettre un ton plus bas, ému de ce qui arrive :

« Telle qu’elle est venue : suis tombée amoureuse. Pour de vrai. Sans que ce soit emberlificoté. Sans que ce soit laborieux. Sans que ce soit déséquilibré. Attends, j’écris des « sans », comme pour me priver. Mais ce n’est pas ça, ce qui s’est passé, c’est le contraire, c’est l’autre bout du spectre. C’est soleil soleil, c’est abondance et bondissements ! Quand c’est arrivé, les joues ont rougi, la neige a fondu, les murs ont cédé. Le monde s’est désaxé. Le cœur s’est replacé. C’est qui amour ? Amour c’est autrui, cet autrui que jamais on n’aurait imaginé. L’accueillir ébahie époustouflée ébaubie et, pouf, soufflée par nos sourires partagés. J’ai pas plus à pérorer – pas plus intime – le reste nous concerne l’une et l’autre. Mais si on vit un moment où garder le silence sur ce qui est malveillance ou crime n’est plus permis, charge à nous de hisser les nouveaux récits. Pour que d’autres puissent y croire d’abord, puis les vivre et enfin les incarner à leur tour, les rendre vibrants à leur fréquence, les transmettre de proche en proche, et ainsi tous on en sort grandis. C’est ça que fait amour quand amour arrive : amour déflagre, met mouvement, met allant, met en joie, met à feu, met à or. »

Magicite
avatar 16/11/2019 @ 11:05:16
...un nostalgique dyslexique ça frise le révisionnisme‼!!
Plus sérieusement j'ai rien dit pour le tricot et il y en avait à dire... mais à force d'écrire je n'ai pas osé publier. Faut dire à 12 ans avec une pelote de laine ce n'était pas le bon moment, et j'ai finit à faire comme un chat avec un pelote...manque de patience pour ça. La broderie je dit pas mais c'est il y a longtemps. Maintenant c'est à peine si je me motive pour un ourlet... si seulement j'avais une machine à coudre c'est si rapide!
Plus sérieusement j'ai du mal avec les dialogues mais tu t'amuses(je n'ai lu que II et III) et c'est du Lobe donc pas mal écrit et agréable à lire. Je regrette que cette nostalgie ne prenne pas tout entier, quant à amour j'essaie de le virer à grand coup de pied de chez moi...pas facile quel squatteur ou comment ne pas penser à un éléphant?
Plus sérieusement je monte le club des alcooliques célèbres, il y a déjà quelques membres à échelle locale et les discussions sont probablement autres, sauf que je m'en rappelle pas. Bon j'y vais d'ailleurs, j'ai commencé par couper le wihsky au rhum(après qques cafés au whisky) et ça soigne la nostalgie.
Plus sérieusement parmi de ces maîtres littéraires qui peuple mon ennui de vie il y a un certain Ray Bradbury, visionnaire poète de la nostalgie. Depuis sa mort il me manque de savoir que je ne lirais plus rien de nouveau de lui, allant jusqu'à ses fonds de tiroirs comme 'Coulez mes larmes dit le policier' et 'Maintenant et à jamais'...
Plus sérieusement je lirais à tête plus reposée mais le soleil va sécher la pluie et moi je suis déjà sec.

Tistou 22/11/2019 @ 17:37:58
En avant propos, il faut bien sûr recommander à celles et ceux qui vont lire ce troisième opus de lire d'abord I et II, soit :

http://critiqueslibres.com/i.php/forum/…

et

http://critiqueslibres.com/i.php/forum/…

Ben oui, l'histoire de Louise se suit (apparemment un épisode par an ?!).
Celui-ci clôt-il une affaire de nostalgie ou va-t-il, à terme, en ouvrir une nouvelle ? On a envie de dire que ça va clôturer, que Louise a trouvé le remède ... Mais on n'est pas là pour dire ce qu'on souhaite ! On est là pour dire ce qu'on pense du texte !
Déjà, quiconque lirait cet opus III sans avoir lu les précédents tomberait un peu de cheval. De quoi t-est-ce ? se dirait-l (oui, il parle mal) Mais pour un fidèle comme moi (un peu moins ces temps me faut-il reconnaître !) qui, en outre, vient de relire I et II, ça fait sens. Et on se trouve effectivement au milieu de ce cercle d'Anonymes, sans Louise puisqu'elle donne des nouvelles par procuration. Il faut relire le début pour bien comprendre ce qu'il se passe quand on arrive au second tiers du texte. C'est bien, ça prouve que Lobe fait confiance à ses lecteurs, confiance en leur intelligence. Après, il y a l'émotion, qui fait trébucher sur "métaformose", et la grande affaire qui se confirme : l'amour, toujours l'amour.
Va falloir attendre Novembre 2020 pour vérifier si ça tient et si le Cercle des Nostalgiques Anonymes a perdu un membre ?

Magicite
avatar 12/01/2020 @ 07:47:50
J'ai lu l'ensemble des parties l'autre jour.
Effectivement cela va ensemble et le découpage en parties n'est pas nécessaire sauf pour aérer ou si écrit par épisode.
J'ai bien accroché même si j'ai tendance à ne pas tellement aimer les dialogues et souvent essayer de les passer vite fait dans les romans(à part en lisant du théâtre évidemment).
Les personnages sont rapidement décrits et attachants par leur discours.
Belle conclusion aussi, optimiste et pleine de bon sens si ce n'est de joliesse.
J'aurais vu plus de violence et de hargne dans certains des comportements, j'aurais vu plus de pathos mais comme ça c'est très bien sauf que des personnages comme ça on aurais aussi pu leur rajouter autre chose que du dialogue(oui je sais j'aime pas trop ça, quoique certains auteurs me fasse changer d'avis en ce moment comme V. Despentes), développer l'ambiance de ce club des cœurs brisés, ce bureau des plaintes amoureuse...
Ah quel humour bien sûr, subtil et léger, merci Lobe de ce(s) texte(s) et toujours de belles tournures.
Tiens l'assonance métamorfose de celle qui quitte le groupe(de 12 une signification?) et met à feu met à or je ne l'avais pas remarqué de suite! Super.
Seul bémol peut-être plus appuyer les différences de langages entre les protagonistes pour bien séparer les personnalités et qu'on voit moins que c'est l'auteure qui parle.

Lobe
avatar 16/11/2020 @ 14:51:49
Cette année se fera sans réunion des Nostalgiques Anonymes. Ils ont brièvement envisagé de la tenir en visio, mais ont décidé qu'ils préfèraient s'économiser ça. Ceux qui voudraient des nouvelles de Louise peuvent me contacter en MP.

Tistou 16/11/2020 @ 23:17:49
Fichues visioconférences ...

Saint Jean-Baptiste 09/12/2020 @ 11:59:59
Le confinement a décidément du bon : j’ai lu les trois épisodes des aventures de « Louise chez les NA ». C’est du tout bon Lobe !
Et j’ai envie de dire comme Tistou : Ça va, au fait, Lobe ?

Lobe
avatar 19/12/2020 @ 13:50:30
Merci de demander SJB : un peu sous l’eau ! je te renvoie ici, vers d’autres mots :) https://lettresdunegeneration.com/these/

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