Lobe
avatar 04/11/2018 @ 14:51:56
- Vous savez ce qu’on va faire comme il déjà un peu tard… ce mardi, les irréductibles, les agrippés à leur bile, les mélancoliques indécrottables qui êtes ici chaque semaine, vous allez garder bouche close pendant le tour de présentation. En revanche, les nouvelles têtes, les revenantes, les lucioles qui apparaissez-disparaissez, allez-y, profiter du mot d’introduction pour vous situer. Mais même consigne pour tous : bienveillance, écoute, empathie. Bee, oreille bée, bouche bée. On lance nos mots ?

Un silence assez serein. La première voix sonne à droite.

- Sami, pompier, 27 ans. Pompier, habitué des nuées noires et d’évoluer avec pas mal de fumées sans feu. Dans ma vie, je veux dire, dans sa part sans pin-pon ni calendrier aux abdos huilés. Mais je reviendrai plus tard sur les deux aspects. L’huile, et, comment dire, le vinaigre.

Il y a une sorte de murmure qui dit "merci Sami". C’est à trois places de lui qu’une femme un peu longue se redresse sur sa chaise aux accoudoirs polis.

- Isa, intermittente d’ici, avec un bon mi-temps à la petite mine. Mais sinon, j’habite un T2+ coquet près du parc du Belvédère, j’ai un bon métier et un concubinage presque exemplaire.

Quelques sourires se propagent. Isa a un accent québécois dense comme de la poutine.

- Louise, je tombe directement dans la case revenante. J’étais venue il y a un peu plus d’un an, je reconnais certains d’entre vous.

Son œil clignote presque imperceptiblement vers Etienne.

- On avait pas mal échangé sur une histoire de rivière sans retour. J’aurai pas la force de revenir sur le détail. Dans tous les cas, je suis là, donc c’est qu’elle me taraude un peu, toujours.

Elle s’arrête, sa voix sur la dernière phrase s’est comme coincée. Théa prend le relais. Puis les histoires s’enchainent, prennent l’air, décollent, plombent. Toutes, elles butent contre Louise, qui est trop loin, trop profond, quelque part en elle. A un moment, c’est le silence. Elle relève un peu la tête, face à un parterre de regards interrogateurs.

- C’est fini ? Ca voudrait dire que c’est mon tour ? Mais… vous savez, je peux pas rentrer dans les détails. Déjà, c’est trop amoral. Et puis c’est mal dégrossi. C’est encore planté là, ça prend de la place. Je sais pas trop bien comment imager ça. Qu'il y a un barrage de castor dans ma rivière, et que ça fout un de ces boxons?! Alors, je recommence à quel niveau, pour vous?

Etienne, sobrement : « Ton type »

- Ok, mon type. Je l’ai revu. On a commencé par rester amis, parce que ça n’avait pas de sens de ne pas l’être. On a reparlé de sa princesse, à mots couverts. J’ai vu des photos : il ne lui manque que le diadème, elle a le reste. Il m’a dit le fiasco du voyage qu’ils avaient fait ensemble, il m’a donné certaines raisons, a évoqué la douleur. Je me suis faufilée dans cet entrebâillement. Eum, ça, ça veut dire que j’ai débarqué chez lui une nuit sans lune, avec mon désir encombrant.

Elle fait une pause, dans les sourires discrets. Pourtant, sur son visage, ses sourcils se rapprochent : le souvenir de cette nuit sans lune la tend.

- Là, j’ai dû repartir dans mon autre bout de monde. J’y ai fait toutes les bêtises règlementaires, et même d'autres. Je suis revenue, avec ma pagaille de cœur à remettre droit, si c’était possible. On a fêté mon anniversaire. Il était là, avec son regard d’enfant soucieux, sa liberté, son sens de l’équilibre instable. Il était là et il était libre. Il était là et il était libre de rentrer chez lui avec ma meilleure amie. Eh ! Je le savais, elle me l’avait dit. Si elle me l’avait dit, c’est qu’elle, elle ne savait pas. Pour nous, avant. Parce que je suis discrète, ou secrète, enfin, secrète jusqu’à l’explosion, et ensuite capable de parler seulement ici, avec vous. De parler tête baissée et voix chuintante, seulement dans ce hangar anonyme. Voilà.

Sami chasse une mouche imaginaire. L’histoire lui parle trop, peut-être.

- Depuis, entre eux, ça s’est cassé. La distance. Elle ne saura pas, je veux lui laisser intacte leur histoire. Lui, je l’ai revu, forcément. On reste amis, parce que ça aurait encore moins de sens de ne pas l’être, maintenant. On a aplani les choses, on a tassé notre montagne. Avec quelques paroles, une nuit d’octobre. Donc quoi, c’est proprement fini. C’est une sorte de soulagement par le vide, ça ressemble presque à la fois passée. Sauf que si je suis ici aujourd'hui, c'est que maintenant qu’elle nimbe tout, je ne sais plus vraiment où niche ma nostalgie. Ni où peut bien, dans cette nouvelle plaine, couler ma rivière. Mais j'ai réfléchi, quand même. Quand je la retrouverai, je sais ce que je veux. J’aurai alors juste à devenir l’eau, fluide comme elle, astucieuse comme elle, oublieuse comme elle. Ca ira déjà.

Marvic

avatar 04/11/2018 @ 18:28:21
Le temps passe, l'eau coule...
Quel plaisir de retrouver Louise et son émouvante nostalgie.
Quel plaisir de retrouver les textes et le talent de Lobe.
Merci d'être là,
merci aussi d'avoir remonté le fil de l'épisode précédent !

Tistou 06/11/2018 @ 23:04:10
He bien ! C'est pas trop la joie quand même pour Louise. On est dans le trip des "histoires d'amour qui finissent mal, en général" ? C'est ça ?
Le bon côté de ceci c'est qu'on revoit passer Lobe. Et ça, c'est plutôt une bonne nouvelle. Et puis qui sait, peut être que dans une suite x xx ou xxx Louise va finir par résoudre son problème de nostalgie ? Ah non ! Les histoires d'amour ...

Ca va au fait, Lobe ?

Pieronnelle

avatar 06/11/2018 @ 23:31:09
Ah nostalgie quand tu nous tiens !
Beaucoup aimé car j'y ai trouvé une Lobe différente, avec un désir de poursuivre une histoire...d'amour entourée de désamour qui touche là où ça fait mal ; et il y a toujours ce jeu des rencontres ,ah cette phrase : "il était là et il était libre de rentrer chez lui avec ma meilleure amie. " .Oui la nostagie est bien là avec ce désir de ne pas tomber dans la tristesse, pour ne pas désespérer même si la blessure est profonde...
Alors il nous faut retrouver Louise et les autres !

Guigomas
avatar 13/11/2018 @ 14:42:22
On a plaisir à retrouver ces nostalgiques anonymes, cœurs brisés ou bancals dans la souvenance d’un passé idéal. Surprise : ce n’est pas un nouveau cas qui nous est présenté, mais le retour de Louise (joli prénom, une de mes filles le porte). On l’avait quittée sur la berge d’une rivière passant par Aix, à l’aube d’une belle nostalgie de la lumière.

Qu’est devenu ce bon terreau pour une nostalgie de la lumière ? L’affaire semble avoir tourné en no(stalgie) de boudin… Mais tout n’est pas perdu, car il y aura d’autres nuits sans lune ! Et si le souvenir d’une nuit sans lune particulière la tend, peut-être aussi que ce souvenir l’attend… et qu’il sera bon. On retrouverait alors Louise au prochain épisode riche d’une belle nostalge qui tient chaud.

Lobe
avatar 13/11/2018 @ 15:11:47
On fera le point dans un an? (clin d'oeil)

Lobe
avatar 14/11/2019 @ 16:29:04
C'est l'heure du point, un an et un jour plus tard!

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