Shelton
avatar 14/07/2019 @ 10:31:30
Dimanche 14 juillet 2019

L’été c’est fait pour lire, il s’agit bien là d’une certitude même si je ne suis pas exclusif car on peut effectivement aussi lire en automne, en hiver et au printemps… On peut aussi, même en été, avoir des temps de non lecture car il est bon de marcher, de découvrir, de nager, d’observer, de photographier, de faire la cuisine, d’écrire… et, de temps en temps, de dormir ! Tout cela pour arriver à ma question du jour : quel ouvrage vous proposer aujourd’hui, 14 juillet, fête nationale française ?

Devrais-je, aujourd’hui, chercher un roman national ou nationaliste, proposer une fois de plus un ouvrage historique qui célèbrerait la Révolution française, ses grandeurs mais aussi ses bassesses et crimes… Non, tout cela ne me tente pas et je voudrais aller au plus simple… La France est un magnifique pays et souvent nous avons tout simplement oublié de le regarder, de le parcourir, de le découvrir… Et si, cet été, avec livres et patience, en toute simplicité, nous prenions le temps de regarder cette France en toute simplicité ?

On peut le faire de façon fort variée, reconnaissons-le, et je ne vais donc pas donner la formule unique, magique, incontournable… Je ne connais d’ailleurs pas la France entière, loin de là… Mais, quand j’arrive quelque part, en terre inconnue, même si ce n’est qu’à quelques kilomètres de chez moi, je commence par marcher un peu, regarder, sentir, toucher… Les odeurs chez moi sont importantes. J’aime sentir les bois, les rivières, les bords de mer, les fermes, les animaux… Certes, comme vous tous, il m’arrive de regretter que parfois les odeurs des voitures, de la route, d’usines ou de porcheries prennent le dessus sur les autres… Mais soyons honnêtes, bien souvent les odeurs spécifiques sont là et on oublie de les capter alors commençons par là… On y associera les couleurs, les bruits, le paysage…

Vous êtes en train de vous dire que je perds la tête, que j’oublie les livres, l’été c’est fait pour lire et que je meuble ma chronique du jour en attendant le feu d’artifice ! Erreur, les amis, je suis bien là où j’avais prévu de vous accompagner… En effet, il y a quelques années, je suis tombé sur un ouvrage magnifique – attention, il ne s’agit pas d’un ouvrage richement illustré avec des photographies d’art, il n’y a que du texte et des cartes – sur les Pays de France. Il s’agissait de deux tomes – classiquement Sud et Nord – signé Frédéric Zégierman, géographe, journaliste et auteur… Première découverte, la France serait un congloméra de « pays », zones géographiques présentant des unités de lieu, d’histoire, de culture… Ces pays – plus de 500 en France – sont beaucoup plus intéressants que les départements qui ne sont finalement que des zones technico-administratives…

Le week-end dernier je suis allé pour une fête familiale dans le Bordelais, région que je ne connais pas ou presque pas. Je logeais à Saint-André de Cubzac, ville où je venais pour la première fois parce que j’avais trouvé un gîte libre en cherchant sur Internet. Grâce à cet ouvrage, Le guide des Pays de France Sud, je découvrais avant d’arriver que j’allais séjourner dans le Libournais, territoire viticole qui englobe les appellations Saint-Emilion, Pomerol, Fronsac… Certes, Saint-André de Cubzac ne présentait que du Bordeaux supérieur, mais au moins j’étais prévenu : vignes à l’horizon, bon vin dans mon verre… J’ai d’ailleurs découvert qu’un bon Bordeaux supérieur, élevé en fût de chêne, présente des qualités gustatives étonnantes qui méritent toute notre attention !

Mais revenons-en à notre Guide des Pays de France, voilà une façon de voyager paisiblement, hors du temps et de la précipitation, en s’attachant aux terroirs, aux goûts, aux couleurs de ces « petits » pays qui font la France réelle, celle où il fait bon vivre et voyager même quand on s’éloigne des plages, des grandes villes, des pistes de ski – oui je sais ce n’est pas de saison ! – et des lieux hyper-fréquentés qui peuvent faire peur à certains cet été…

En plus, grâce à ces deux beaux volumes – que vous aurez du mal à trouver – vous pourrez commencer le voyage chez vous bien au calme dans votre fauteuil de lecture… et comme l’été c’est fait pour lire… A vous de jouer !

Shelton
avatar 15/07/2019 @ 07:04:49
Lundi 15 juillet 2019

L’été c’est fait pour lire et comme il en faut pour tous les goûts mais aussi pour tous les âges, aujourd’hui ce sera le tour de ceux qui ne savent pas lire mais qui veulent, quand même, être autonomes dans leurs lectures. Oui, les petits veulent parfois lire seuls et la série Petit Poilu permet cela !

En effet, Pierre Bailly et Céline Fraipont, auteurs de bandes dessinées et couple dans la vie, ont écrit une bande dessinée, au départ pour leur enfant, sans aucun texte. La narration graphique seule permet de lire l’histoire sans difficulté, chaque case permettant la construction d’une phrase simple… ou complexe d’ailleurs car le dessin est si riche que le lecteur peut raconter beaucoup… Il le fera donc en fonction de son imagination, de son vocabulaire, de ses envies, de son temps disponible… Quand je lis un album de la série Petit Poilu à mes petits enfants cela peut durer parfois plus d’un quart d’heure… Quand on aime, on ne compte pas !

On ne compte pas ? Figurez-vous que l’éditeur et les auteurs ne comptent pas car il y a déjà 22 albums dans cette collection et, de plus, les albums sont aussi tirés en format plus petit et souple, donc à un prix tout à fait accessible ! Mais, maintenant passons au contenu de ces livres et parlons du tome 15 en particulier…

Tout d’abord, pour aider l’enfant à comprendre la série, il s’agit à chaque fois du récit d’une journée de la vie de Petit Poilu. Cela commence de façon rituelle par le réveil, la toilette ; le petit déjeuner, le cartable et le bisou du papa ou de la maman. Ainsi, la première page de tous les albums, 6 cases, permet de se mettre en route pour l’école…

Oui, Petit Poilu est écolier mais il est très difficile de lui donner un âge exact. Vu la taille du cartable, on peut imaginer qu’il est en grande section… mais il ne s’agit là que d’un avis personnel. Il va à l’école à pied et seul, comme un grand. On ne sait pas très bien où se trouve l’école car en fait, il n’y arrive que très peu souvent… Car c’est sur le chemin de l’école que notre petit héros va avoir le déclic de la nouvelle aventure… Une rencontre, un coup de vent, du brouillard, une flaque d’eau sur laquelle il se penche… et, hop, l’aventure est là !

Le moteur de l’aventure, est toujours la curiosité. C’est elle qui va faire connaitre à Petit Poilu une nouvelle expérience, un nouvel aspect de la vie, une émotion… Là, par exemple, dans le tome 15, L’expérience extraordinaire, tout commencera avec un soleil étonnant, digne de nos journées de canicule, avec une chaleur qui pousse doucement Petit Poilu vers le mirage ou quelque chose de ce genre… Il fait si chaud qu’il voit une piscine et plonge dedans !

Mais, à partir de ce plongeon initial et refroidissant, Petit Poilu est entrainé dans le laboratoire d’une savante surprenante qui fait des expériences sur des enfants, des garçons et des filles… Figurez-vous qu’elle les saupoudre de farine rose ou bleu pour les obliger à choisir des jeux fille ou garçon… Mais il semblerait que tout ne fonctionne pas très bien et que Petit Poilu préfère tantôt les jeux de garçon, tantôt les jeux de fille…

Oui, car il y a bien une morale dans chaque album de la série Petit Poilu, et ici, c’est que les garçons et les filles peuvent jouer aux jeux qui leur font envie sans se soucier de savoir si c’est pour fille ou pour garçon ! Pour rester dans une actualité récente, oui, les petites filles ont le droit de jouer au foot dans la cour de récréation… mais ce n’est pas encore gagné !

Enfin, Petit Poilu arrivera à se sauver du laboratoire maléfique et la dernière page rituelle sera le retour à la maison après la journée d’école avec ici, bain, repas et coucher… On découvrira en cours d’album un autre rituel quand Petit Poilu a un petit coup de mou, la photo de maman qui est dans le cartable…

Un très bel album, une excellente série pour les petits… et leurs parents, familles, accompagnateurs ! Alors, comme l’été c’est fait pour lire…

Shelton
avatar 16/07/2019 @ 05:41:51
Mardi 16 juillet 2019

L’été c’est fait pour lire et quoi de plus naturel dans cette chronique estivale d’unir deux symboles absolus des vacances, le train et le polar ? Pour le polar, prenons Agatha Christie puisqu’elle en fut la reine et pour le train il suffit d’aller à la gare à l’heure, 16h50 par exemple…

Agatha Christie est une voyageuse, une utilisatrice du train et c’est un lieu qu’elle aime beaucoup choisir pour ses romans policiers. Il faut bien avouer qu’un train est presque un lieu isolé, une sorte d’île, et il permet de mettre en place de magnifiques énigmes… Agatha Christie a bien raison car ce huis-clos ferré lui a permis de belles performances et parfois elle allait même plus loin en bloquant le train dans les collines enneigées pour augmenter ce mécanisme et en le rendant diabolique : l’enquêteur est bloqué avec le coupable. Qui va gagner ce combat à mort ?

Bien sûr, le plus célèbre est Le crime de l’Orient-Express. Il faut dire que nous avons là tous les ingrédients du genre. Un train mythique pour ne pas dire le plus mythique de tous les trains, avec un enquêteur exceptionnel – Agatha Christie haïssait à sa façon Hercule Poirot mais avait bien du mal à s’en passer – et une série de voyageurs qui ont presque tous une bonne raison de tuer cette victime. On pose alors un train bloqué dans les Balkans lors d’une tempête de neige et tout est alors réuni pour un des plus efficaces des romans à énigme d’Agatha Christie. Est-ce le meilleur ? Pas nécessairement car cette abondance de circonstances favorables peut amener le lecteur à trouver que cela fait trop… Si c’est le cas, il peut se tourner vers Le Train Bleu, autre train mythique qu’Agatha Christie fait emprunter à ses personnages…

Ce fameux Train Bleu est un train de luxe qui relie Londres à la Méditerranée – le train lui-même part de Calais – et quand on découvre un cadavre à l’arrivée, à Nice, celui de Ruth Kettering, fille d’un très riche personnage, on est bien content de voir un vacancier, qui a lui aussi emprunté ce train, s’occuper de l’affaire. Il faut dire que ce voyageur de circonstance est tout simplement Hercule Poirot… En plus du crime, il semblerait qu’il y ait eu un vol, la disparition de pierres précieuses, des magnifiques rubis… Agatha Christie n’aimait pas trop ce roman qu’elle avait eu beaucoup de mal à écrire mais le lecteur ne ressent pas réellement cette souffrance de l’auteur et profite avec plaisir et jubilation de ce roman, lui aussi à énigme…

Quand le lecteur prend en main un roman portant le nom de Le train de 16h50, autre roman policier d’Agatha Christie avec un train, il se dit qu’il va relire un ouvrage comme Le train Bleu ! Mais ce n’est pas le cas du tout car le train ici à une autre fonction : provoquer un témoignage de crime ! En effet, la pauvre Mrs McGillicuddy qui voyageait paisiblement voit par la fenêtre un express passer, découvre un compartiment et… « debout et le dos tourné, un homme serrait la gorge d’une femme et, lentement, impitoyablement, il l’étranglait. »

C’est rare dans un roman policier d’avoir un témoin, n’ayant aucune relation avec les protagonistes de l’histoire, ayant pu tout voir ! Je dis bien tout ! Mais pour que le lecteur de la critique soit rassuré, je tiens à préciser que lorsque la pauvre dame âgée voudra témoigner personne ne la croira puisque aucun cadavre n’a été retrouvé dans le train ni nulle part ailleurs !

Heureusement, Mrs McGillicuddy a une vieille amie qui la croit… une certaine Mrs Marple ! Si vous connaissez cette dernière, vous savez qu’elle va tout mettre en œuvre pour sauver l’honneur de son amie. Ce n’est pas une folle ! Si meurtre il y a eu, alors il doit y avoir un cadavre, un coupable, des explications et des mobiles… En avant !

Voici donc trois romans policiers d’Agatha Christie ayant le train comme cadre, toile de fond ou rôle principal – à vous de choisir – et donc trois romans de vacances surtout si vous avez la chance de prendre le train, à fortiori un train de luxe… Alors, comme l’été c’est fait pour lire, bon voyage… et attention à vos rubis !

Shelton
avatar 17/07/2019 @ 04:56:16
Mercredi 17 juillet 2019

L’été c’est fait pour lire, mais comme nous ne nous limitons pas à la littérature française, force est de constater que parfois nous lisons des auteurs à travers l’écriture d’un autre auteur, le fameux traducteur. Certes, ce serait mieux si nous avions la capacité de lire Tolstoï en russe, Calvino en italien, Agatha Christie en anglais, Goethe en allemand, Virgile en latin… Malheureusement, du moins en ce qui me concerne, mes capacités linguistiques ne me permettent pas une telle performance. Je me contente bien souvent de lire en français grâce au travail de ces traducteurs !

Mais qui sont ces traducteurs ? Plusieurs fois dans ma vie j’ai eu le plaisir d’en rencontrer et de discuter avec eux de leur travail, des difficultés rencontrées, de la frustration d’écrire sans être reconnus comme auteurs…

Il y a quelques années, on va dire en 1994 approximativement, j’ai eu l’opportunité de rencontrer dans mon émission de radio une traductrice de romans policiers anglophones. Au départ, je croyais même qu’elle ne traduisait que les œuvres de Lilian Jackson Braun, l’autrice de cette série « Le chat qui… ».

Pourquoi vous parler de cela ? Tout simplement parce que dans mon travail sur les autrices britanniques de romans policiers s’est posé la question de la traduction. Marie-Louise Navarro, la traductrice de Lilian Jackson Braun, avait fini par devenir une sorte d’auxiliaire de la créatrice, puis une amie de la créatrice. Traduire, ce n’est pas simplement rendre un texte accessible à ceux qui n’en connaissent pas la langue initiale, c’est réécrire le texte. C’est certainement, qu’on le veuille ou non, une trahison – certes pas toujours assumée – d’un texte pour en faire un nouveau texte… Et nous, lecteurs français, c’est la traduction qui nous touche, nous fait rêver, nous fait voyager…

Dans le cas des œuvres d’Edgar Allan Poe, qu’aimons-nous ? Le texte de Poe – que beaucoup d’entre nous n’ont jamais lu – ou la traduction de Charles Baudelaire qui nous a bouleversés dès la première lecture ? Evidemment, quand le traducteur est un écrivain de talent, on peut penser à Charles Baudelaire mais aussi à Henri Thomas, on ne sait plus très bien ce que l’on lit, un texte probablement hybride entre celui de l’auteur original et la traduction imbibée de culture d’une autre langue et astiquée par la langue du traducteur… Et c’est ce qui en fait la beauté, aussi !

Il est bien probable que beaucoup des amateurs de Lilian Jackson Braun en France sont tombés sous le charme de l’écriture de Marie-Louise Navarro qui, en plus, adore les chats… Pourtant, elle n’a pas traduit qu’une seule autrice et on la retrouve dans le champ de ma recherche avec des traductions de plusieurs romans policiers dont plusieurs de Ruth Rendell…

Mais, parfois, tout peut aller plus loin, beaucoup plus loin… Prenons par exemple, les traductions d’une certaine Claude Voilier… Vous ne voyez pas… C’est la femme qui a traduit un grand nombre de romans de la série Le club des Cinq d’Enid Blyton. Or, quand Enid Blyton est décédée, Claude Voilier a écrit près d’une vingtaine de « nouveaux romans » Le club des Cinq… Elle était devenue autrice à part entière mais peut-être l’était-elle déjà d’une certaine façon… Traduire, c’est réécrire !

Toute cette digression pour dire que lorsque nous pensons « Ce polar est mal écrit ! », il faudrait parfois dire « Ce polar est mal traduit ! »… et comme l’été c’est fait pour lire, il est temps cet été, à chaque lecture d’un ouvrage traduit, de repérer qui a été le traducteur ou la traductrice de ce texte et de retenir le nom de ces « auteurs »…

Donc, plus d’une raison de vous souhaiter bonne lecture !


Vince92

avatar 17/07/2019 @ 08:42:15
Je sais qu'"autrice" existe depuis longtemps, mais ça me fait toujours autant saigner les yeux...

Shelton
avatar 17/07/2019 @ 09:56:36
Et pourtant, ce n'est quand même pas plus moche que "auteureeeee" ! Moi, je préfère "autrice" sans aucun doute !

Shelton
avatar 18/07/2019 @ 05:57:33
Jeudi 18 juillet 2019

L’été c’est fait pour lire et, hier, je vous parlais d’un certain Edgar Poe. En fait, je parlais de ses textes traduits par un illustre poète français, Charles Baudelaire… Edgar Poe est entré dans ma vie de façon assez rapide, un peu par hasard et il y est resté jusqu’à aujourd’hui…

Mon premier contact est très lointain. Il s’agissait d’un tout petit livre par le format, genre mini livre illustré pour enfant et le titre était mystérieux, du moins pour moi à l’époque : La lettre volée. Ne maitrisant pas trop la lecture, n’aimant pas lire à cette époque, je me construisais une histoire, tant bien que mal, avec les dessins… Le titre, lui, allait me rester en tête…

Quelques années plus tard, en classe de troisième, quand la lecture était devenue une activité essentielle, j’organisais une bibliothèque tournante pour la classe. Un des ouvrages était : Les aventures d’Arthur Gordon Pym de Nantucket par Edgar Poe, traduit par Charles Baudelaire… Ce roman, l’unique de Poe, allait immédiatement me séduire. Ce roman est un bijou et ceux qui aiment l’aventure devraient le lire tout de suite, encore plus s’ils aiment la phrase ciselée par Baudelaire… Je lisais tout Poe (ou presque) dans la foulée et me faisais offrir plus tard le Poe dans la collection La Pléiade… Mais Edgar Poe a aussi été magnifiquement adapté en bédé et plus d’une fois…

« Il y a quelques années, je me liai intimement avec un M. William Legrand. Il était d’une ancienne famille protestante, et jadis il avait été riche ; mais une série de malheurs l’avait réduit à la misère. Pour éviter l’humiliation de ses désastres, il quitta la Nouvelle-Orléans, la ville de ses aïeux, et établit sa demeure dans l’ile de Sullivan, près de Charleston, dans la Caroline du Sud. »

Oui, se lancer dans une adaptation d’Edgar Poe en bande dessinée est une opération délicate. Ce n’est pas si simple de choisir où l’on pratiquera l’ellipse – forme indispensable pour une telle aventure – et ce qui pourra être développé en image… Il fallait donc pour cette aventure un scénariste doté de talent et d’expérience, ce fut donc Roger Seiter qui s’y colla. Il est, entre autres, le créateur de Fog avec Cyril Bonin, de Dies Irae et Dark avec Max et de HMS avec Johannes Roussel… sans oublier Wild River et Mysteries avec Vincent Wagner… Une grande maitrise donc du scénario au service de Poe qui écrit toujours avec beaucoup d’images dans ses histoires…

Pour les faire passer des mots au graphisme, le choix du dessinateur se posait. Il ne fallait pas un artiste littéral qui n’aurait fait que de l’illustration, l’élu devait savoir participer à la narration avec un dessin qui aurait porté, lui aussi, une part de mystère. Les histoires d’Edgar Poe sont des récits courts qui se situent entre enquêtes policières, fables noires et parenthèses fantastiques… Tout devait se retrouver dans les albums, car il s’agit bien d’un début de série…

« Le Scarabée d’or » est très certainement l’une des histoires de Poe les plus connues et célèbres. Comme « La lettre volée », « Le puits et le pendule » ou « Le portrait ovale ». J’avais déjà lu des adaptations en bande dessinée de « Double assassinat dans la rue Morgue » ou « Le chat noir » mais il manquait le petit plus, le petit grain de folie ou de délire qui aurait permis de plonger directement dans Poe que je considère comme un des grands de la littérature… Cette fois, je crois que nous avons trouvé le duo qui va permettre à toute une génération de lecteurs de comprendre pourquoi Poe est un grand, pourquoi Baudelaire a voulu le traduire en français, pourquoi cet Américain est installé dans nos livres de littérature, en France, aux côtés des plus grands du dix-neuvième siècle…

Vous pourriez penser que je suis en train de perdre la raison, que j’exagère, que ce n’est que de la bédé, que du fantastique réchauffé avec un peu de couleurs… Alors, ouvrez cet album, prenez le chemin de la Nouvelle Orléans, puis, plus risqué, celui des bayous…

Le dessin sombre et fascinant de Jean-Louis Thouard, un Dijonnais, va vous conduire à une chasse au trésor prenante, délirante et angoissante…Même si vous connaissez déjà la nouvelle, vous allez la redécouvrir avec un nouveau regard, une nouvelle profondeur, des sentiments mitigés et des émotions fortes… Bref, la vie ne sera plus la même après la lecture du « Scarabée d’or » !

D’ailleurs, depuis, j’ai acquis un vaisseau et je navigue sur l’océan des songes…

Voici donc une première adaptation d’Edgar Poe en bande dessinée, trois nouvelles en un seul album, et comme l’été c’est fait pour lire… à vous de jouer ! Je vous parlerai très vite d’autres adaptations de Poe en BD !

Shelton
avatar 19/07/2019 @ 05:49:17
Vendredi 20 juillet 2019

L’été c’est fait pour lire et parfois j’aime bien trouver un lien entre actualité et lecture du moment…Par exemple, hier le Tour de France passe à Barbazan et immédiatement je pense à un roman de Pierre Benoît, Le casino de Barbazan…

Sans entrer dans tous les détails de la vie de Pierre Benoît – il existe pour cela la très bonne biographie de Gérard de Cortanze, Pierre Benoît le romancier paradoxal – il est bon, avant de lire Le casino de Barbazan, de préciser que nous avons-là un de ses romans écrits après la Libération, c’est à dire après son passage en prison. Qu’il ait été enfermé à tort, que ce fut une erreur de le considérer comme collaborateur, que toute sa vie durant l’occupation fut exemplaire, rien de tout cela n’empêchera Pierre Benoît de porter sur lui une peine et une blessure inguérissable, ineffaçable, indélébile… Son biographe écrit : « Brisé par la guerre, Pierre Benoît sait qu’il ne se relèvera pas de ces attaques permanentes et injustes. »

Dans le même temps, il apprend que sa femme bien aimée, celle qui a réussi à l’apprivoiser, à le dompter, à l’aimer totalement, est atteinte d’un cancer. C’est irrémédiable, et pour le moment il est seul à porter cette information comme un fardeau terrible et minant.

Ces deux faits éclairent considérablement certains aspects de ce roman que j’ai bien apprécié et dont je n’avais pas conservé trace dans ma mémoire au point de me dire que je ne l’avais probablement pas lu… Au moins, c’est maintenant chose faite !

Revenons à Pierre Benoît. On dit souvent que cet auteur avait besoin de connaître les lieux, d’arpenter les chemins et les rues avant de parler d’un village et de ses habitants… C’est confirmé par ce roman. En effet, il est venu à Barbazan, presque tous les ans et lors d’un de ses séjours, en 1948, il est quasiment resté enfermé dans sa chambre pour écrire son roman. Il était, cela ne surprendra pas le lecteur, un ami personnel du directeur de l’établissement qui était réputé par sa salle de spectacle, que nous allons retrouver dans le roman.

Pour une fois, nous ne partirons donc pas au Proche Orient ni en Afrique, mais nous allons prendre la route de Barbazan, comme Pierre Benoît. Barbazan ? Oui, comme moi, certain vont se demander dans quelle direction partir… Barbazan, est une petite ville thermale de Haute-Garonne, aux portes des Pyrénées. Climat doux, des sentiers de promenades et de randonnées par centaines, un lieu de villégiature pour les bourgeois qui ne supportent pas l’été en plaine…

Nous arrivons en vacances avec plusieurs familles. Le narrateur de notre roman, Maurice est là avec sa femme, Etiennette, et ses enfants. Ils sont invités, en ce début d’été, par Serge et Mathilde, un couple qui a ses habitudes à Barbazan. Sur place, ils retrouvent Antoine, le directeur du casino, du fameux casino de Barbazan, et Juliette son épouse.

Certains sont déjà en train de se dire que je me suis trompé dans les prénoms des femmes puisque dans tous les romans de Pierre Benoît, il existe une héroïne dont le prénom doit commencer par un A. Il y a comme un fétichisme chez ce romancier, ou plus exactement comme un petit jeu avec le lecteur. Oui, il y aura bien une femme de cette nature ? Pourtant, son apparition dans le roman ne déclenchera pas un silence admiratif, ne provoquera pas de frissons chez les uns ou les autres, car elle semble petite, boiteuse, et elle n’est qu’une musicienne de casino, une pianiste ordinaire… Oui, ils ne sont pas nombreux à se retourner vers Argine quand elle s’installe devant son instrument…

Par contre les liens sont si forts entre nos amis, que l’on se demande durant une bonne partie du roman si Maurice ne va pas partir avec Mathilde ou si Antoine ne va pas jeter son dévolu sur Etiennette… Mais si Pierre Benoît sait être torride, du moins comme on savait l’être à cette époque, il est aussi plus sage qu’avant. Son épouse Marcelle lui a appris une forme de fidélité, d’amour passion et raison… Le narrateur, Maurice, est une forme de Pierre Benoît. Il va, durant cet été et les mois qui suivent, tenter d’apprendre la vie, comprendre ce qu’est l’amour, reprendre des forces dans sa vie et partir pour un grand bonheur, un véritable bonheur…

Et Argine ? Ne tente-t-elle pas de s’amouracher de l’un de ces hommes mariés ? Non, ce roman n’est pas le récit d’un amour illégitime comme on pourrait le croire au départ. Pourtant, c’est vrai que l’un des ménages va exploser en plein vol, qu’un homme va finir par partir avec Argine… mais tout est beaucoup plus complexe. D’ailleurs, je ne vais certainement pas vous dire ce qui va se passer. Ce n’est pas mon rôle ! C’est à vous de lire cette très belle histoire, une aventure humaine à plusieurs facettes qui montre que l’amour avec un A peut exister, que ce sentiment a la vie très dure, qu’on ne peut pas s’en débarrasser sur un coup de tête, que parfois les êtres humains se compliquent bien la vie…

Un bon roman, bien construit, qui surprendra plusieurs lecteurs habitués de Pierre Benoît car il n’est pas hérétique, du moins à mon avis, de penser que l’auteur, dans les années trente, aurait terminé son roman de façon plus dramatique. J’avais envisagé quelques autres issues possibles… Mais, en même temps, j’avoue ne pas avoir vu le temps passer dans cette lecture et ne pas regretter les autres fins possibles. Je crois qu’un bon roman est celui que nous aurions pu écrire autrement, celui qui fait travailler notre imagination à fond, sans limites…

Et au fait, qui a gagné l’étape du Tour de France d’hier ? Je suis obligé de vous avouer que je ne sais pas car j’écris mes chroniques en avance à un moment où le résultat de l’étape n’est pas encore connu… Peut-être qu’un cycliste est passé seul en tête à Barbazan, que Franck Ferrand a évoqué le roman de Pierre Benoît ou que Barbezan a été traversé au moment de la page pub… Dans tous les cas, puisque l’été c’est fait pour lire avant même de pédaler, bonne lecture à tous !

Shelton
avatar 19/07/2019 @ 05:52:56
Vendredi 19 juillet, bien sûr, voilà que je tente de prendre un jour d'avance...

Saule

avatar 19/07/2019 @ 12:58:44

Et au fait, qui a gagné l’étape du Tour de France d’hier ? Je suis obligé de vous avouer que je ne sais pas car j’écris mes chroniques en avance à un moment où le résultat de l’étape n’est pas encore connu… Peut-être qu’un cycliste est passé seul en tête à Barbazan, que Franck Ferrand a évoqué le roman de Pierre Benoît ou que Barbezan a été traversé au moment de la page pub… Dans tous les cas, puisque l’été c’est fait pour lire avant même de pédaler, bonne lecture à tous !


Simon Yates, a british man !

Shelton
avatar 20/07/2019 @ 08:03:10
Merci Saule pour le suivi sportif !!!

Shelton
avatar 20/07/2019 @ 08:03:35
Samedi 20 juillet 2019

L’été c’est fait pour lire et autant battre le fer quand il est chaud, donc continuons à parler des adaptations des textes d’Edgar Poe en bédé…

Comme je l’ai déjà dit et écrit, je suis assez sensible au style d’écriture et au genre d’inspiration de ce cher Edgar Poe. Cet écrivain américain est mort en 1849, le 7 octobre très précisément et c’est cent cinquante ans plus tard que cet album de bédé est sorti en France aux éditions Albin Michel, Le chat noir.

C’était à la fois un hommage à l’auteur de nouvelles, d’histoires comme il le dit lui-même, fantastiques et mystérieuses, policières aussi parfois. Je sais que, aujourd’hui, certains jeunes lecteurs s’éloignent de cet illustre auteur précurseur du gothique qui pourtant tente beaucoup de jeunes. Mais voilà, nous ne sommes plus à une période de lecture et nos jeunes contemporains préfèrent les images (je peux comprendre, mais essayez vite les textes de Poe, c’est fascinant !!!). Qu’à cela ne tienne, Horacio Lalia nous en offre de magnifiques et terribles…

Huit nouvelles, toutes réalisées en noir et blanc, ce qui est parfaitement adapté aux thèmes de Poe.
J’ai adoré Le chat noir (Nouvelles histoires extraordinaires), je suis resté plus réticent devant le Manuscrit dans une bouteille (Histoires extraordinaires), j’ai plongé avec délectation dans La barrique d’Amontillado (Nouvelles histoires extraordinaires), j’ai apprécié la maîtrise de l’adaptation de L’enterrement prématuré (désolé ce récit n’est pas dans mon ouvrage de référence car non traduit par Charles Baudelaire), j’ai lu avec attention Le portrait ovale car j’en ai une autre adaptation plus moderne par Pascal Somon (Nouvelles histoires extraordinaires), j’ai tremblé de peur et d’admiration dans La vérité sur le cas de monsieur Valdemar (Histoires extraordinaires), j’ai peu goûté Hop-Frog malgré une fin dotée d’une narration graphique assez tonique (Nouvelles histoires extraordinaires), enfin, j’ai été ébahi par le graphisme de la dernière adaptation, Le cœur révélateur (Nouvelles histoires extraordinaires). Cela fait un peu catalogue, mais que voulez-vous, Poe a écrit des nouvelles et donc même les adaptations sont souvent des recueils…

Du très bon travail qui devrait en réconcilier plus d’un avec cet auteur étonnant du dix-neuvième siècle traduit avec talent et romantisme par notre Charles Baudelaire national. Une fois encore, la bande dessinée, quand elle est exécutée par des grands artistes comme Horacio Lalia, montre qu’elle peut s’attaquer à tout y compris les grands classiques de la littérature mondiale…

Alors, il faut quand même dire un mot sur l’illustration en noir et blanc qui fait parfois fuir le lecteur rassuré par les couleurs… Bon, en même temps, on ne lit pas du Poe pour être rassuré ! Mais prenons le temps de lire ces illustrations sans a priori. Le noir et blanc est parfait pour ce type d’histoires, c’est expressif, c’est fort, c’est terrible (au sens propre du mot d’ailleurs) et après il vous arrivera peut-être même de regretter certaines mises en couleurs de bédés. C’est ce qui m’est arrivé quand j’ai découvert certains dessins de Richard Corben, grand maître de la bédé américaine, grand adaptateur d’Edgar Poe, à Angoulême à l’occasion d’une magnifique exposition : ces dessins en noir et blanc étaient d’une force incroyable alors que, mis en couleurs, ils perdaient en intensité… Bien, sûr, ce n’est que mon point de vue !

Encore une petit précision, vous n’allez pas pouvoir trouver facilement l’ouvrage, Le chat noir, pourtant de référence… Il vous faudra chercher d’occasion ce petit bijou et, en attendant, vous allez pouvoir découvrir ou redécouvrir ces textes d’Edgar Poe puisque l’été c’est fait pour lire ! Il est encore temps de vous y mettre !

Shelton
avatar 21/07/2019 @ 10:24:04
Dimanche 21 juillet 2019

L’été c’est fait pour lire et certains pourraient bien s’étonner de voir arriver plusieurs jours de suite le même auteur. Il faut que je vous dise plusieurs choses pour expliquer cela. Tout d’abord, je ne fais pas cette chronique estivale en suivant un plan rigoureux établi d’avance. Certes, j’ai chaque année quelques pistes mais pas de certitude ou de passage obligé, je me laisse porter par les envies, les découvertes, les rencontres, les visites… Deuxième point, véritable tare personnelle, quand j’aime je ne compte pas ! Je suis capable de lire un auteur en intégralité ou presque sur une période courte… Du coup, quand je relis un Poe, j’ai envie d’en prendre un autre et ainsi de suite… Quand je parle d’adaptation de Poe en BD, j’ai envie, sinon d’être exhaustif, au moins d’être complet… et cela peut prendre du temps… Donc, restons avec Poe un jour de plus !

Certains peuples pensaient, lorsqu’ils virent pour la première fois un appareil photographique et son fruit la photo que cela pourrait bien enlever l’âme de l’être humain. Oui, et cette croyance perdure encore quelque peu… Certains pensent même que de se laisser dessiner par un artiste présente quelques risques…

Edgar Allan Poe, écrivain du dix-neuvième siècle admirablement traduit de la langue anglaise par un poète français, Charles Baudelaire, a pris le temps d’écrire une nouvelle, Le portrait ovale, la dernière des Nouvelles histoires extraordinaires, un texte sur cette délicate question : que se passe-t-il quand une femme admirablement belle et douce se laisse dessiner par un artiste habité par son art ?

Je ne suis pas là pour vous raconter cette nouvelle, somme toute assez courte. Sachez qu’elle fut écrite aux environs de 1842. La traduction en langue française est de 1855. Ces deux petits détails historiques ont de l’importance car si nous avions à adapter cette nouvelle en bande dessinée, nous choisirions probablement un vieux château, perdu sur une lande écossaise, noyé dans le brouillard et la nuit à peine traversée par une once de lumière lunaire… Quand on lit le texte original, on sent la poussière et l’humidité de cette demeure abandonnée depuis déjà quelques temps probablement à cause de la guerre qui faisait rage sur cette terre…

La chambre décrite est froide, parcourue par un courant d’air désagréable, l’éclairage du candélabre allumé par les soins de notre domestique ne change rien à tout cela et c’est avec beaucoup de difficultés que nous commençons à lire ce vieux volume trouvé dans la chambre qui nous donne toutes les explications sur ces peintures désormais sans maître…

Mais voilà, Pascal Somon n’est pas un illustrateur banal et ce n’est pas le cadre qu’il a choisi pour son travail. Ce n’est pas une surprise pour ceux qui auront vu que la préface de l’ouvrage est signée Enki Bilal…

« Pascal Somon… est simplement pervers. Il faut l’être pour prendre un texte de Poe comme béquille et s’appuyer dessus… histoire de montrer qu’il tient bien debout ! »

Contrairement à ce que laisse voir la couverture, dès le premier dessin de Pascal Somon le lecteur est embarqué dans le futur lointain, un futur qui sent et respire l’univers bilalien… Mais pour une fois, si la guerre est présente dès les premières vignettes, la place importante est faite à l’art, à la philosophie, à la vie… La femme dessinée, peinte et dévorée par l’artiste est belle et digne de Bilal mais elle n’est qu’au second plan grâce à une grande place faite à la réflexion sur la création artistique… et tout cela avec très peu de mots…

Car c’est bien là le génie de Pascal Somon, raconter avec des images. Une nouvelle qui est offerte intégralement au lecteur au début de l’ouvrage, moins de neuf mille caractères, se retrouve en bédé avec soixante dix neuf vignettes et très peu de textes, tous tirés de la nouvelle sans aucun phylactère… C’est une merveille d’adaptation qui met en valeur les qualités inhérentes à cet art narratif, du texte et du dessin liés par une histoire accompagnée d’une bande son, très paisible dans cet exemple même si la guerre initiale ne peut que se faire entendre…

Cet ouvrage est un bijou, un objet admirable et un plaisir des yeux. Le format à l’italienne ne fait qu’ajouter au bonheur… Je voudrais, aussi, bien insister sur les images offertes par le texte de Poe qui permettent à tous ceux qui veulent en faire une adaptation bédé de faire une œuvre personnelle en s’appropriant le texte et en nous l’offrant nouveau et unique… Il faut de grands textes pour permettre aux artistes d’en faire de grandes adaptations !

Auteurs classiques, grands textes, grands artistes… Comme l’été c’est fait pour lire, vous avez ce qu’il faut pour vous donner envie de lire… Non ?

Shelton
avatar 22/07/2019 @ 06:35:47
Lundi 22 juillet 2019

L’été c’est fait pour lire et voici, du moins je le pense sincèrement, ma dernière chronique liée à Edgar Poe. Oui, il faut bien en terminer à un moment… Ils sont nombreux ceux qui ont osé parler de Poe, ce fameux écrivain gothique et romantique. Oui, je dis gothique car je suis persuadé qu’aujourd’hui il le revendiquerait même si le mot n’avait pas du tout le même sens de son vivant…

Comment ne pas évoquer Charles Baudelaire qui a traduit et rendu célèbre cet auteur dans notre pays la France. Je suis incapable de qualifier sa traduction car je n’ai jamais lu Poe dans le texte, seulement transfiguré par le poète. Me manque-t-il un élément de Poe ? Je n’en sais rien mais je dois avouer que je ne tiens pas à abandonner ma traduction, celle que j’ai dans la collection La Pléiade, une des premières parutions de cette collection…

Passionné de bandes dessinées, comme vous le savez maintenant tous ou presque, j’ai toujours été attentif à ceux qui tentaient d’adapter Edgar Poe en bédé, en dessin animé ou en film… Et ce n’est pas si simple ! Enki Bilal, auteur d’une magnifique préface à une nouvelle de Poe [Le portrait ovale, ouvrage présenté hier] mise en image par Pascal Somon, disait en 2001, que le texte est « d’une richesse picturale à laquelle il ne fait pas bon de se frotter ». Oui, quelle folie de se lancer dans la mise en images d’un texte si expressif, si parlant, si évocateur…

Jean-David Morvan, directeur de la collection Ex-Libris aux éditions Delcourt, continue ici l’adaptation de grands auteurs en bandes dessinées :
- pour partager ses lectures préférées avec des lecteurs qui n’ont pas encore fait le pas décisif vers les « classiques » ;
- pour montrer que la bande dessinée n’est pas un art mineur mais tout simplement un mode narratif capable de se réapproprier les grands thèmes et les grandes œuvres comme le théâtre et le cinéma ;
- pour son propre plaisir et celui des auteurs avec lesquels il travaille à la création d’images qui font naître des nouveaux mythes.

Après avoir lu ce Double assassinat dans la rue Morgue, on se demande s’il sera possible de continuer à lire la nouvelle de Poe sans voir apparaître derrière les pages les personnages de Morvan et Druet en train de jouer au whist ?

Après avoir dévoré la bande dessinée (1 nouvelle, 1 album… et c’est tout !), je suis allé relire, une fois encore la nouvelle originale. En fait, Morvan est d’une très grande fidélité au texte d’Edgar Allan Poe. C’est surprenant ! Les images de Fabrice Druet sont d’une force exceptionnelle. Sa narration graphique est gothique à souhait sans en faire trop, le positionnement des vignettes, le cadrage, le dessin à proprement parler, tout navigue entre classicisme et modernité la plus dynamique. C’est très fort !

Ah ! L’histoire ? Vous ne l’avez pas lu ? Pour ne pas trop vous en dire, puisqu’il y a une intrigue policière, mode thriller, nous pourrions dire que tout commence avec la rencontre de deux hommes passionnés par un jeu de carte, le whist. « La force du whist implique la puissance de réussir dans toutes les spéculations bien autrement importantes où l’esprit lutte avec l’esprit ». Mais le jeu n’est que le prétexte de l’auteur pour se faire rencontrer deux hommes, les faire dialoguer et lancer, enfin, dans une enquête criminelle qui devra révéler qu’Auguste Dupin est capable par méthode et logique, sens de l’observation et réflexion intense, de trouver des solutions là où la police est tout simplement réduite au silence et à la stérilité…

Deux femmes sont assassinées rue Morgue, c’est incompréhensible, tout est fermé, il n’y a personne, c’est un véritable carnage… Il faut réfléchir… On est comme dans la genèse et la naissance des personnages comme Sherlock Holmes et Hercule Poirot, Rouletabille et Arsène Lupin…

On peut imaginer que le duo d’auteurs de cette très bonne bande dessinée puisse se lancer dans la réalisation d’un autre album où l’on retrouverait notre héros Auguste Dupin, la logique incarnée… Le mystère de Marie Roget ou La lettre volée… Mais il faudra attendre un peu, juste le temps nécessaire pour chacun d’entre nous de relire Histoires extraordinaires, Nouvelles histoires extraordinaires et Histoires grotesques et sérieuses de Poe !

Une excellente bande dessinée à lire et faire lire ! Et comme l’été c’est fait pour lire…

Donatien
avatar 22/07/2019 @ 08:05:31
Merci Shelton,
Tu donnes vraiment envie d'explorer ce type de bande dessinée.Je cherche justement une bd de qualité à offrir à ma petite-fille illustrant "Alice au pays des merveilles"!
Peut-être dans les éditions Delcourt? Merci.
A+

Shelton
avatar 22/07/2019 @ 08:35:34
Pour Alice au pays des merveilles, je ne connais pas de bandes dessinées de qualité - je ne demande qu'à découvrir - mais je connais deux versions illustrées :

- illustrations d'Anne Herbauts chez Casterman
- illustrations de Benjamin Lacombe chez Métamorphose

Donatien
avatar 22/07/2019 @ 09:49:06
Merci Shelton.Courage!

Donatien
avatar 22/07/2019 @ 10:16:13
OK.J'ai trouvé chez Pucksimberg!

Shelton
avatar 22/07/2019 @ 11:18:33
C'est un album que je n'ai jamais eu en mains... à voir !

Shelton
avatar 23/07/2019 @ 06:09:49
Mardi 23 juillet 2019

L’été c’est fait pour lire et certains anniversaires permettent de se souvenir des auteurs que l’on a aimés. Il est très important de se souvenir, de faire mémoire de ces écrivains que l’on a lus et aimés, qui nous ont fait découvrir le plaisir de la lecture… Le 23 juillet 1979 s’éteignait Joseph Kessel, il y a donc 40 ans et il me semble assez légitime de lui consacrer un peu d’espace car c’est un auteur, un reporter, un journaliste, qui a beaucoup accompagné mes lectures…

Encore un classique ? Quel peut bien être l’intérêt de revenir avec un bouquin que l’on nous obligeait à lire durant nos études ? Tout le monde l’a lu et il était présent dans toutes les collections ou bibliothèques pour jeunes… Oui, tout cela est vrai, moi-même je l’ai eu en main dans le temps lointain de mon adolescence, quand j’étais encore au collège… Et que savais-je à l’époque de la guerre, de la vie et de la mort, de l’amour et de la jalousie, de l’amitié et de la fidélité ? Rien ou presque et j’ai lu comme beaucoup ce roman trop tôt, trop vite, trop superficiellement…

L’équipage est certainement avec Le lion et Les cavaliers l’un des romans les plus connus de Joseph Kessel. Connu, lu, étudié, cela ne signifie pas apprécié à sa juste valeur. Je suis en effet persuadé que beaucoup d’entre nous sommes passés à côté de ce roman car nous ne l’avons pas lu au bon moment… Pour remédier à cela, je ne vois qu’une seule solution, s’offrir une relecture de L’équipage… durant cet été bien sûr !

Il y a trois romans dans L’équipage, oui, pour le prix d’un vous en avez trois, tout simplement. Il y a, c’est le plus connu, un roman de guerre. Joseph Kessel écrit son texte en 1923. Il a lui-même participé à cette Grande guerre. En effet, il s’engage volontairement à la fin de la guerre dans l’artillerie puis dans l’aviation. Il sera observateur aérien dans une escadrille. Il expérimente la vie de l’équipage pour de vrai ! Le roman donne un grand nombre de détails véridiques sur la vie quotidienne de ces nouvelles unités, à commencer par la disparition de très nombreux jeunes hommes qui ne reviennent pas de leurs missions. A ce titre, c’est un roman qui fait vivre la guerre de 14/18 au jour le jour dans une escadrille de l’Armée de l’air naissante…

Mais c’est aussi un roman de l’amitié. Un homme doit confier sa vie à un autre et réciproquement. Dans ces équipages, il y a le pilote et l’observateur, chacun est l’œil de l’autre, rien ne peut se faire seul, chacun peut sauver l’autre ou le condamner. A la vie, à la mort, voici comme l’homme qui se croit libre est enchaîné à l’autre. La relation peut être idyllique et baigner dans l’amitié profonde, comme elle peut tourner à l’enfer, trainer dans la suspicion, la haine, le doute, la jalousie… parfois, on est décoré ensemble et c’est le bonheur, parfois, on meurt ensemble rongé par de très mauvais sentiments...

Enfin, c’est aussi un roman d’amour, de préférence un roman d’amours impossibles et incroyables. Jean Herbillon s’est engagé le cœur léger. Il avait une maitresse, il n’y faisait pas trop cas, c’était Denise, et il verrait bien plus tard ce qu’il adviendrait de cette relation… Dans l’escadrille, il sera associé à Claude Maury, un homme marié et sage, avec qui il va construire un équipage des plus solides… jusqu’au moment où il découvrira qu’Hélène, la femme de Claude, est aussi Denise, sa maitresse… Nous sommes alors dans un triangle amoureux des plus fous, une situation qu’un jeune collégien ne peut pas comprendre autrement que très superficiellement. Ici, ce n’est pas la trahison habituelle qui est en jeu, c’est la fracture au cœur d’un équipage qui doit, dès demain, retrouver le combat dans la confiance totale… Mais cette confiance est-elle encore possible maintenant ? C’est l’un des enjeux du roman…

Un texte sublime et extraordinaire que je vous conseille de redécouvrir avec vos yeux d’adultes. Tout vous semblera différent et je vous laisse choisir vos héros et vos méchants, si toutefois vous estimez qu’il faut encore classer ainsi les personnages d’un roman, d’une vie, d’une humanité… et puisque l’été c’est fait pour lire… bonne lecture !

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