Shelton
avatar 01/07/2019 @ 08:19:18
Lundi 1er juillet 2019

L’été c’est fait pour lire mais que faut-il lire ? Oui, je sais, c’est la question que certains se posent et même me posent : « Toi qui lis beaucoup, dis-moi ce qu’il faut lire ? » Et là, que puis-je répondre pour meubler le silence qui s’est installé ? Comment pourrais-je dire à quelqu’un, comme cela, à brûle-pourpoint, un titre à lire toute affaire cessante ? D’autant plus que je ne sais pas ce que cette personne aime lire, a déjà lu, a sur sa table de nuit en attente… Ses goûts, sa culture, ses habitudes littéraires ne me sont pas familières… Un livre n’est pas un objet de consommation banale que l’on absorberait comme un verre du jus de fruit lors d’un pic de canicule… Un livre, c’est une aventure, un voyage, une rencontre, une circonstance, un évènement, une expérience… et, donc, ce qui est bon pour moi, aujourd’hui, ne l’est pas nécessairement pour toi, aujourd’hui…

Le bon livre, la bonne lecture, c’est celle qui va te plaire et, cela, je ne peux pas le deviner… Je ne peux que dire ce que j’ai lu, apprécié, aimé, découvert, un jour… et je ne suis même pas certain que ça me plaise demain, dans un mois ou dans un an… C’est ainsi, il ne faut pas l’ignorer…

Je me souviens de livres que l’on m’a offerts, conseillés, recommandés chaleureusement. Ils sont arrivés sur ma table de nuit, sorte d’annexe de la bibliothèque familiale. Ils ont attendu, parfois pris la poussière. Je les ai ouverts une fois, deux fois, plus même… Rien ne se passait, aucun déclic… Puis un jour, c’est parti, je les ai lus et j’ai aimé, ou pas ! De la même façon, j’ai relu certains ouvrages qui m’avaient laissé de bons souvenirs… Parfois les ressentis restaient identiques, mais dans d’autres cas le verdict tombait sèchement : « Comment ai-je pu aimer ce livre ? »

Pour moi, certaines lectures ont beaucoup compté et c’est ainsi que des livres sont devenus « mes classiques ». Dans ces classiques, qui n’ont souvent rien à voir avec ceux de l’école et de mes anciens professeurs de lettres, on trouve Les lettres à Lucilius de Sénèque. En fait, cet auteur m’accompagne depuis très longtemps, peut-être même depuis toujours, avant même que je m’en rende compte. Si je dois être plus précis, je l’ai découvert en faisant du latin – et je fais partie de ceux qui ont commencé cette langue en sixième et qui l’on gardé jusqu’en prépa – et comme tout le monde j’ai commencé par souffrir sur des textes de Sénèque… Mais, je l’ai lu en français de façon non scolaire et, là, le bonheur de la lecture est apparu… Mieux, je continue, de temps en temps, à ouvrir mes Lettres latines pour le lire dans le texte…

Si je réfléchis un peu, je trouve que Sénèque est le premier penseur qui m’a aidé à vivre. Il n’était pas théorique mais pratique. Si je devais résumer ce que j’en ai retenu, de façon non académique mais concrètement, je dirais qu’il n’arrête pas de me dire à l’oreille : « Ami, ne t’use pas dans ce que tu ne peux pas changer. Accepte l’inévitable et trouve ton bonheur dans le réel, dans l’accessible… »

C’est ce qu’il dit sans cesse à son ami Lucilius qui se plaint toujours… Même si certains exégètes trouvent ma vision limitée ou étriquée, c’est pour cela que Sénèque m’a aidé et que j’ai toujours tenté de le suivre. Je suis persuadé qu’il m’a aidé profondément et ces lettres restent pour moi cultes !

Alors, je vous imagine avec ces Lettres à Lucilius, en train de les lire, de les découvrir… Certains y trouveront comme moi un manuel de sagesse pratique tandis que d’autres auront envie de secouer Lucilius de façon plus agressive… Enfin, il y en aura certainement pour trouver Sénèque dépassé ou trop abstrait, trop intello… Mais qu’importe, il en faut pour tous les goûts et comme L’été c’est fait pour lire, ce qui compte c’est que cet ouvrage puisse se glisser dans la liste des classiques de certains d’entre vous…

A tous bonne lecture, avec Sénèque ou d’autres, avec des lettres ou pas… et à demain !

Shelton
avatar 02/07/2019 @ 05:24:34
Mardi 2 juillet 2019

L’été c’est fait pour lire mais pour que certains puissent lire aujourd’hui, il faut qu’il y en ait d’autres qui ont écrit hier… Mais écrire, contrairement à ce que croient les jeunes d’aujourd’hui, n’est pas seulement un acte intellectuel… C’est une action manuelle, c’est un art, magistral, c’est un savoir que l’on a failli perdre quand les claviers ont commencé à remplacer les encriers et porteplumes…

Ecrire est un art que certains ont pris le temps de développer. On parle alors de calligraphie, cet art de bien former les lettres. Ce sont souvent des gens d’origine asiatique ou arabe qui se sont lancés dans cet art et qui sont revenus en Occident nous faire profiter de leur travail…

C’est ce qu’a fait Hassan Massoudy, calligraphe et peintre né en Irak en 1944. Malheureusement le coup d’Etat dans son pays et l’arrivée de Saddam Hussein au pouvoir va le contraindre à de nombreux séjours en prison ce qui le pousse à s’exiler en France où il ira aux Beaux-arts de Paris en peinture figurative...

Très rapidement, il sort des chemins traditionnels, utilise la couleur, fait des travaux en direct en faisant projeter ses arabesques. Il donne beaucoup de place à la liberté, l’inspiration et la spontanéité… Une de ses grandes réussites sera le spectacle monté avec Carolyn Carlson et Kudsi Erguner qui permettra un travail harmonieux, tout en mouvement et plein d’énergie, avec danse, musique et calligraphie…

Comme nous n’avons plus l’occasion de profiter d’une telle rencontre et d’un spectacle aussi complet, contentons-nous de lire un petit ouvrage avec un texte étonnant et éblouissant de Sénèque – tiens, encore lui ! – et des envols lettrés et calligraphiés d’Hassan Massoudy, L’exil.

Notons, tout d’abord, que le thème du philosophe romain n’est pas très éloigné des préoccupations du calligraphe irakien. Sénèque cherche à consoler sa mère qui se fait du souci pour lui qui vient d’être envoyé en exil. Il veut, aussi, se redonner des forces pour éviter de sombrer dans le désespoir car il mesure bien qu’il y a de gros risques à quitter sa terre, sa vie, ses amis… le risque de la dépression, de n’avoir plus goût à rien. Le bonheur c’est l’homme qui se le construit, la vie est dans ses mains et il ne faut pas se laisser déborder par des turpitudes que l’on ne maitriserait plus… Quant à l’exil, ce n’est que la vie qui se continue dans un autre lieu !

Hassan Massoudy a choisi des mots français pour illustrer le texte du philosophe, des mots d’une force incroyable auxquels il offre de la liberté, une chorégraphie intime qui viendra donner à chacun des pistes de vie : mère, consolation, douleur, amitié, désert, astre, voyage, songer…

Ce petit opus est admirable d’abord car les mots du fils pour consoler sa mère sont d’une actualité incroyable et confirment, du moins à mes yeux, que nous sommes bien là en présence d’un des plus grands philosophes de l’humanité. Mais il est d’une force insoupçonnable parce qu’il réalise un métissage d’un humanisme qui touche à tous les coups, un mélange entre les mots – l’intellect – et l’écriture – le manuel – ce qui réconcilie le corps et son esprit…

Il semblerait aussi que ce thème de l’exil soit à revisiter à la lumière de ces grandes migrations d’aujourd’hui. On ne part jamais en exil de gaité de cœur mais une fois parti, il faut survivre dans un premier temps puis vivre tout simplement… Pour cela, il faut être accueilli car l’être humain est grégaire, social, il a besoin des autres pour se reconstruire, rester vivant et s’épanouir… Tout un programme pour chacun de d’entre nous…

C’est aussi une façon de faire de la philosophie sans s’en rendre compte, de lire des dessins en parlant à son cœur, son esprit, son âme… Un grand moment et un livre à garder à ses côtés tout au long de sa vie pour se préparer à un départ vers un exil d’une autre dimension… Alors, puisque L’été c’est pour lire, bonne lecture et bon Exil en compagnie de Sénèque !

Shelton
avatar 03/07/2019 @ 06:33:10
Mercredi 3 juillet 2019

L’été c’est fait pour lire et il ne faut jamais oublier que feuilleter un livre, même quand on ne sait pas encore déchiffrer les lettres, c’est lire ! Du coup, dans notre catalogue estival, prenons le soin de penser à ces chers petits qui ne savent pas encore lire…

Mais, ce que l’on oublie bien souvent de dire aux parents, oncles et tantes et autres membres de la famille d’un bébé, c’est que lire aux enfants c’est aussi lire pour soi ! C’est seulement d’ailleurs à cette condition que lire un livre à un enfant prend un sens complet : la découverte intergénérationnelle de la lecture. « On ne me lit pas un livre pour enfants pour me calmer et me faire dormir, on lit ensemble un superbe livre qui nous plait à tous les deux… »

Certes, je l’avoue, je fantasme un peu… Mais, quand un de mes petits-enfants choisit un livre pour le coucher – et je ne parle pas de celle qui fait une pile de 5 à 8 livres chaque soir – je suis le premier curieux à savoir dans quelle aventure je vais glisser… Là encore, je le concède, il arrive que l’on me demande de lire plusieurs fois les mêmes ouvrages, mais chaque lecture est-elle identique ? Que nenni ! Et c’est bien là la magie de la lecture… Bon, revenons à nos moutons…

L’ouvrage du jour est signé Anne Herbauts. C’est une artiste qui se donne des défis – consciemment ou inconsciemment – à chaque création. Je ne peux pas me résigner à la traiter d’autrice jeunesse car ce qu’elle produit dépasse largement le cadre d’une littérature destinée à la seule jeunesse. Chez elle pas de série ou de héros récurrent, mais un travail sur les couleurs, la texture, les mots, la calligraphie, les formes… Du coup chaque livre est une œuvre d’art à part entière, une performance même dans certains cas. Chaque lecteur peut y trouver ce qu’il cherche, à condition de chercher bien entendu…

Dans « Toc toc toc », comme le nom l’indique, nous allons pénétrer dans une maison. Le plus jeune lecteur le comprendra assez vite, même si « Toc toc toc » ne signifie rien pour lui que quelques traits bleus sur la couverture car le livre à une forme de maison et dès l’ouverture nous sommes face à une porte avec une serrure. Comme nous n’avons pas les clefs, nous sommes bien obligés de frapper. «Toc toc toc»…

Nous allons donc visiter ensemble cette maison, mais quand nous nous retrouverons dehors, car cette excursion aura bien une fin après quelques pages cartonnées, nous réaliserons que nous n’avons rencontré personne. Une maison abandonnée ? Une maison théorique ? Abstraction directement sortie de l’imagination d’Anne Herbauts ? Non, cette maison est bien habitée car nous allons rencontrer, en dehors d’une multitude d’objets qui permettent de concevoir qu’il y a bien quelqu’un par-là, une coccinelle, une mouche, un chat, une araignée et même, une fois revenus dans le jardin, un papillon… Oui, la vie est bien présente car tous ces animaux ne viendraient pas là s’il n’y avait personne pour les accueillir et leur sourire. Je dis bien sourire car c’est le sentiment que nous renvoient ces animaux dérangés dans la maison : un clin d’œil, une mimique joyeuse, une joie de vivre !

C’est cette joie de vivre que transmet depuis longtemps Anne Herbauts dans son travail et que je prends plaisir à regarder, écouter, lire… Anne Herbauts est une auteure entière et de qualité qui ne prend pas les enfants pour des imbéciles mais pour des lecteurs à part entière. Par la même occasion, chaque adulte peut plonger dans ces albums et y trouver une matière esthétique forte qui l’encouragera à vivre, oui, n’hésitons pas à le dire. De plus quelle joie pour l’enfant de voir que le même livre deviendra celui de ses parents et le sien. « Toc toc toc » pourrait ainsi devenir le premier ouvrage de la bibliothèque partagée entre les parents et les enfants… ce dont beaucoup de parents rêvent !

Alors, comme l’été c’est fait pour lire…

Shelton
avatar 04/07/2019 @ 06:59:59
Jeudi 4 juillet 2019

L’été c’est fait pour lire et cela autorise tout ou presque, de la bédé aux grands classiques, du texte littéraire pur à la version illustrée et je ne vais pas m’en privé, je vous le dis clairement…

Quand j’étais petit – ça me fait toujours rire de commencer une chronique littéraire de cette façon – je trouvais que les histoires de géants étaient les meilleures… C’était comme une sorte de prémonition de mes 1m85 et plus de 100 kilos… Allez savoir !

Je suis tombé, un jour, sur une première version illustrée de Gargantua. C’était assez simple, basique devrait-on préciser, mais si le texte n’était pas complet, les dessins assez explicites pour me faire entrer dans la magie rabelaisienne qui m’allait parfaitement : « A table ! »…

Ma chance fut alors d’avoir un père – oui, il faut bien parler de son père de temps en temps, ne laissons pas cela qu’aux romanciers contemporains – qui aimait passionnément cet auteur de la charnière entre Moyen-âge et Renaissance. Il en avait compris toute la finesse et la subtilité, la profondeur et la foi… Du coup, merci mille fois, je me suis retrouvé avec le texte original très jeune, sans censure, sans interdit… Très vite aussi, je naviguais entre vieux français et langue contemporaine…

Le chapitre XIII de Gargantua, «Comment Grandgousier connut l’esprit merveilleux de Gargantua à l’invention d’un torchecul», me permit de surprendre mon petit monde – enfin, il devenait possible de parler du pipi et du caca devant tout en citant un auteur classique – et d’entrer en littérature comme d’autres sont entrés dans les ordres. En troisième, je recevais mon premier volume de La pléiade, et surprise, c’était l’œuvre complète de Rabelais… Mais depuis je pensais que cette page était refermée à tout jamais. Parler de Rabelais en société, ce n’est jamais terrible car les mots rabelaisien, gargantuesque et pantagruélique sont assez péjoratifs. Rabelais sommeillait en moi… quand soudain…

Un professeur de français faisait appel à moi… « Dis, toi, tu aimes Rabelais… Non, ne dis pas le contraire, je sais… Dis, tu ne voudrais pas faire quelque chose pour m’aider, Rabelais est au programme de cinquième… Je n’aime pas ça, je ne l’ai pas lu en entier et je ne sais pas comment faire… » Comme c’était une amie, je suis monté dans mon grenier intérieur et j’ai réveillé mon vieil ami et il m’a crié : « A boire ! »… et nous sommes descendus à la cave ensemble… Cela peut vous sembler imagé, mais c’est assez proche de la vérité tant il est agréable de partager la « dive bouteille » avec l’auteur lui-même…

Mais comment faire pour initier des jeunes enfants de cinquièmes, une douzaine d’années au compteur, à une telle littérature, dans une école privée catholique de surcroît… La question était délicate et une fois décidé à relever le défi, j’ai commencé par relire les textes de Rabelais. Je me suis rendu compte de la modernité extraordinaire de cette œuvre. Les thèmes ne pouvaient qu’être acceptés par les jeunes, à condition d’y mettre quelques formes : liberté, foi, culture, vie collective, éducation, guerre, humanité… Oui, Rabelais était bien ce génie qui avait illuminé ma jeunesse… Mais comment faire la passerelle entre jeunes lecteurs et texte en vieux français… Comment leur donner l’envie et le désir de philosopher si jeune… C’est alors que je suis tombé, dans ma librairie préférée, sur une bande dessinée de Battaglia, Gargantua et Pantagruel… «Mais c’est bien sûr !» m’écriais-je, à la surprise de tous les clients…

Cette bande dessinée est une pure merveille. Elle est réalisée par un homme qui est d’abord amateur, amoureux même, de Rabelais. Il respecte tellement le génie rabelaisien qu’il a préféré choisir des scènes entières quitte à mettre des textes de transition pour faciliter la navigation du lecteur, plutôt que de faire un résumé fade et sans sens… Le dessin est fait à l’aquarelle, les personnages sont très crédibles pour tous ceux qui aiment les créatures de Rabelais. Certaines séquences peuvent sembler un peu statiques à ceux qui ne connaissent et n’aiment que la bédé d’aventure, mais au bout de quelques planches on découvre que le mouvement, la vitesse et l’énergie sont bien présents mais parfois avec un petit côté cérébral… Rabelais reste quand même Rabelais, même en bande dessinée…

Le travail avec la classe fut de très bonne qualité car, très rapidement, les jeunes ont compris la force de Rabelais. Nous avons pu, ainsi, en trois séances d’une heure, parler de vocabulaire, de philosophie, de religion… Ma collègue était bluffée. Depuis trois ans, nous répétons ensemble ce travail que nous avons perfectionné. En cinquième, oui à douze ans, il devient possible de parler de la foi, de la liberté de pensée, de croire, d’évoquer humanisme et dictature, guerre et paix… et la bande dessinée de Battaglia, très respectueuse des ouvrages de Rabelais, nous a facilité ce travail. Qu’il en soit remercié ici, ce cher Battaglia…

Quant à vous chers amis, sachez que depuis Rabelais reste bien mon invité et que dès l’année universitaire prochaine, je serai invité au moins deux fois à aborder cet auteur, à Chalon et au Creusot…

En attendant, avec ou sans bonne dessinée, n’hésitez pas à lire ou relire Rabelais ! Et, comme l’été c’est fait pour lire, c’est le moment rêvé !

Veneziano
avatar 04/07/2019 @ 13:42:52
J'en profite pour lire les oeuvres classiques longues non encore découvertes. Sont ainsi passés en revue les Oeuvres complètes d'Albert Camus ou les Mémoires d'outre-tombe. Sinon je perpétue mes cycles de lecture par auteur, Yasmina Reza, Jean-Christophe Rufin, Alberto Moravia ou Antonio Tabucchi ayant été ainsi concernés.

Veneziano
avatar 04/07/2019 @ 13:43:27
Les auteurs prévus de cet été sont Claude Lévi-Strauss, Nelson Mandela et le cardinal de Retz.

Hiram33

avatar 04/07/2019 @ 22:22:34
Merci pour cet hommage à Rabelais. Une précision, Les romans du XVIè siècle étaient écrits en moyen français.
L'ancien français s'arrête au XIV siècle et le français moderne apparaît avec la naissance de l'Académie française qui met de l'ordre dans la grammaire et l'orthographe au XVIIè siècle.
Le moyen français est ainsi nommé pour évoquer la transition entre ancien français et français moderne.

Shelton
avatar 05/07/2019 @ 07:31:48
Vendredi 5 juillet 2019

L’été c’est fait pour lire et le roman policier sait être, non seulement un bon compagnon de période estivale, mais aussi un bon guide culturel… du moins, si on le choisit bien, avec attention et quelques exigences… Pour vous aider, éventuellement, dans ce choix, je vous invite à découvrir la série écrite par Jean-Pierre Alaux et consacrée à des enquêtes culturelles menées par Séraphin Cantarel, conservateur en chef du Musée des Monuments français…

Les romans écrits – si je ne me trompe pas, six à l’heure actuelle – sont disponibles dans la collection Grands détectives chez 10/18 et pour le dernier chez La geste noire. « Grands détectives » propose en général de bons romans, construits avec sérieux et dans une langue agréable à lire… Et c’est bien ce que l’on va retrouver dans ce cas car Jean-Pierre Alaux, ancien journaliste, soigne son écriture… De plus, chaque roman s’appuiera sur une documentation très solide qui permet au lecteur d’approfondir à chaque roman un thème spécifique : Toulouse-Lautrec, Mont-Saint-Michel, cathédrale de Reims…

A chaque fois, un évènement criminel a lieu dans un site historique. Un moine se fait assassiner au Mont-Saint-Michel, deux tableaux disparaissent dans le musée Toulouse-Lautrec à Albi, le fils d’un gardien du phare de Cordouan est retrouvé empalé sur un pieu à côté d’une cabane de pécheur… Séraphin est soit en inspection, soit en mission pour le ministère de la culture soit en expert… Il n’est pas là pour remplacer la police, juste pour l’aider un peu… Reconnaissons que les policiers de cette série ne sont pas toujours au top mais ce sont des policiers de province qui ne sont pas toujours habitués à de tels crimes…

Séraphin Cantarel n’est pas un expert en criminologie et son bon sens et sa culture lui donnent la possibilité de voir l’affaire différemment. De plus, il est épaulé par sa femme Hélène, archéologue de renom, et son adjoint le jeune Théodore – Théo pour les intimes – Trélissac. Ces deux derniers ne sont pas des personnages réduits à un rôle de faire valoir, ce sont bien des acteurs à part entière de l’enquête, du roman, de la vie de Séraphin Cantarel !

Le roman, que dis-je la série, est ancrée dans la période des années soixante-dix ce qui permet à cette œuvre de nous plonger dans un passé proche – c’est quand même ma jeunesse – et très éloignée puisqu’il n’y avait même pas encore de téléphone portable, d’ordinateur, de tablette… Oui, à cette époque-là, on n’avait que le téléphone fixe, le télégramme et la lettre pour prévenir son chef ! Et je ne parle pas de la machine à écrire qui justifiait de donner à une secrétaire un texte à taper et faxer… Une autre époque à découvrir pour ceux qui ne l’ont pas connue…

Enfin, dans chaque roman, on a le droit ou le plaisir de lire des extraits d’ouvrages, de lettres, de documents divers qui éclairent le sujet. Ainsi, on comprend mieux pourquoi le phare de Cordouan est un site important pour le patrimoine national, on détaille le travail d’un certain Violle-Leduc dont on a beaucoup parlé d’ailleurs après l’incendie de Notre-Dame de Paris et on devient presque un intime de Toulouse Lautrec… Oui, ce ne sont pas de simples romans policiers mais des policiers sur fond culturel et artistique ce qui les rend, du moins à mon goût, excellents !

Voilà, comme l’été c’est fait pour lire, comme on me glisse à l’oreille que le Mont Saint Michel est l’un des monuments les plus visités durant l’été, n’est-il pas temps de lire Saint Michel priez pour nous !, en rappelant que dans cette série, chaque roman est indépendant et que l’on peut lire dans l’ordre que l’on veut… Avec ce roman sur le Mont-Saint-Michel, on parlera aussi omelette… tiens donc !

Bonne lecture, bon appétit, bon été et à demain !

Shelton
avatar 07/07/2019 @ 21:46:05
Samedi 6 juillet 2019

L’été c’est fait pour lire et rien ne nous empêche de relire, beaucoup relire y compris la bande dessinée. Il faut dire qu’une relecture c’est toujours ou presque un nouveau voyage, une nouvelle expérience, un nouveau regard sur une œuvre et c’est cette année qu’il faut oser, soixante ans après, relire les premières histoires du magazine Pilote dont le premier numéro est sorti fin 1959 !

En France, je ne sais d’ailleurs pas comment cela se passe à l’étranger, nous aimons bien les querelles entre les anciens et les modernes. On a eu cela en poésie, en théâtre, en roman… et donc en bande dessinée ! Certes, le débat fut aussi franco-belge et pas seulement franco-français. En effet, plusieurs magazines jeunesse proposaient après la Seconde Guerre mondiale de la bande dessinée, en particulier Spirou et le Journal de Tintin. Ces deux titres étaient réalisés en Belgique mais étaient bien lus en France, au Pays-Bas et au Luxembourg aussi… Tout cela semblait ronronner paisiblement quand soudain le temps devint orageux et Pilote arriva…

Attention, il ne s’agissait pas au départ d’une aventure commerciale mais bien d’une volonté de créer un séisme dans le monde de la bédé : pouvait-on innover, écrire de nouvelles histoires, atteindre une maturité confirmée, offrir des aventures en BD mais pour un public ado+ et adulte ?

Pour relever le défi il fallait des auteurs prêts à tout, des aventuriers du papier, du texte et du dessin… On les a rapidement trouvés et ils se nommèrent : René Goscinny, Albert Uderzo, Jean-Michel Charlier… En fait, les deux initiateurs fous et visionnaires sont François Clauteaux (publiciste et éditeur) et Jean Hébrard (dit le Quatrième mousquetaire). Ce sont eux qui vont oser l’aventure…

L’aventure en question ne commence pas si bien car très vite, le journal est en quelque sorte piégé par le retour des invendus et il s’endette très vite… En quelques semaines, on est au bord du gouffre et, malgré la publicité sur les ondes de Radio-Luxembourg, le journal est vendu 1 Franc symbolique à Georges Dargaud qui devient le propriétaire de la revue à partir du numéro 60 ! Mais l’esprit n’est pas détruit, bien au contraire surtout quand René Goscinny devient directeur de la revue et Jean-Michel Charlier directeur artistique… L’arrivée de Cabu en 1961 est la petite goutte de folie qui vient rendre le mélange explosif et génial aussi !

Si les anciens savent bien de quoi je parle – et quant à moi j’ai découvert Pilote grâce à mon père lecteur des premiers numéros – il est quand même temps que je vous cite quelques-unes des belles histoires que les lecteurs ont découvertes à cette époque héroïque : Astérix le Gaulois, Tanguy et Laverdure, Achille Talon, Blueberry, Valérian… puis, au fil du temps : Barbe-Rouge, Dingo dossiers, Rubrique-à-brac, Petit Nicolas, Lucky Luke (transfuge de Spirou)… Ce fut donc, on peut l’affirmer, une pépite de talents, une source de bonheur pour les lecteurs et un lieu d’effervescence créative… du moins, jusqu’à la mort du magazine. Pilote disparait définitivement en 1989 après trente ans d’aventures incroyables, « Mâtin quel journal » !

Alors, comme l’été c’est fait pour lire, il est grand temps de vous y mettre ! Il faut découvrir et redécouvrir ces histoires et je vous donne quelques pistes si vous ne savez pas par où commencer : Astérix et Cléopâtre, L’escadrille des cigognes, l’intégralité des Petits Nicolas, la série Blueberry en entier… Mais ce n’est là que mon avis, très personnel et donc subjectif, et je ne me fâcherai pas avec ceux qui mettront La Rubrique-à-brac en premier et Le concombre masqué en deuxième… Dans Pilote, comme dans le cochon, tout est bon à part ce que l’on n’aime pas ! C’est dit !

Donc, très bonne lecture et à très vite !

Shelton
avatar 07/07/2019 @ 21:49:39
Dimanche 7 juillet 2019

L’été c’est fait pour lire, c’est fait aussi pour changer nos habitudes, alimentaires en particulier. D’ailleurs, attendre que les modifications climatiques ne nous laissent pas le choix, ce serait assez sot… Certes, je ne dis pas qu’il faut tout changer, il faut juste réfléchir un peu, devenir plus raisonnable…

Après la Seconde Guerre mondiale, après la privatisation due à la guerre et l’occupation, les Français – je ne vais pas ici prendre parti pour les autres – ont cru que tout ce qui venait des Etats-Unis était bon, à commencer par le Coca Cola, évidemment (ce n’est pas un placement de produit, je ne touche rien de la marque en rouge et blanc !). C’est à cette époque que l’on a commencé à croire qu’un bon repas devait contenir un apport en viande systématiquement… Alors, que si on avait pris le temps de réfléchir un peu, on se serait souvenu qu’à l’époque d’Henri IV c’est la poule au pot, une fois par semaine, qui avait apporté le bonheur dans la population… même si tout cela est un peu mythique !

Alors, pour avoir de la viande à tous les repas, il a fallu en fabriquer beaucoup avec des problèmes de qualité de la viande, de souffrance animale et de dérèglements planétaires… Il ne s’agit pas pour moi de dire qu’il faut supprimer entièrement la viande, plutôt d’affirmer que nous devrions redevenir raisonnables, tout simplement…

Il faudrait, par exemple, reprendre notre sang froid, redécouvrir les aliments de chez nous, légumes et fruits en particulier, et suivre plus attentivement la saisonnalité de ces cultures… Par exemple, en Bourgogne, mais cela est vrai aussi en Bretagne et en Lorraine, mes trois régions de cœur donc, en hiver, on mange – j’ai failli dire on devrait manger mais je ne veux pas avoir l’impression de donner des leçons morales – du chou, des poireaux, des carottes, des pommes de terre… Donc, finalement, comme on disait de façon populaire, de la soupe au choux avec un peu de gras de porc… Il ne s’agissait donc pas de manger des tomates ayant été cultivées dans des serres chauffées ou des haricots verts ayant fait trois fois le tour du monde ou presque… Retrouvons la raison !

Quant aux poissons, aux coquillages, aux crustacés, produits que j’apprécie au demeurant, pourquoi faudrait-il en manger sans arrêt. Pourquoi faudrait-il faire en sorte que nos descendants ne puissent plus en manger ? Ce serait d’un égoïsme… Non ?

Bon, je sais, je suis en train de m’éloigner des livres alors que l’été c’est fait pour lire… Oui, mais justement, et si les livres m’aidaient à trouver de nouveaux chemins alimentaires tout en respectant planète, santé, saisons, agriculteurs… Ok, vaste programme, donc commençons doucement ! On va commencer par le citron, agrume à redécouvrir et qui va bientôt pousser à nos portes, puis nous reviendrons sur la pomme de terre, le cochon, le chou…

Julie Frédérique nous propose un ouvrage simple, Le citron malin, clair et facile à utiliser. Je dis bien à utiliser car il ne s’agit pas d’un livre savant sur l’agrume citrus limon, fruit d’un arbre qui nous viendrait tout droit d’Asie mais bien d’une petite encyclopédie pratique, présentée comme un livre de poche et agréable à lire comme un roman estival. Il faut dire que tout dans le citron a de quoi nous envoûter, nous enchanter, nous réjouir le cœur et le corps…

Le citron doit d’abord se retrouver dans nos assiettes, dans nos verres. On peut l’accommoder en citronnade faite maison, boisson hautement recommandée par l’Académie à condition de la sucrer au minimum (un tiers de jus de citron, deux tiers d’eau), mais elle sera utile pour accompagner de nombreux mets tels poissons crus en marinades, carpaccio de bœuf ou de saumon, légumes crus… Certains l’utilisent même depuis longtemps pour remplacer le vinaigre dans les sauces de salades…

Ne croyons pas pour autant que le citron serait à lui-seul le produit magique de notre alimentation, qu’il serait la seule source possible de vitamine C ! Nous savons tous que la vitamine C se retrouve dans de nombreux fruits et légumes et que la richesse pour la santé repose sur la variété des sources… mais si le citron fut aussi appelé le fruit d’or c’est qu’il ne sert pas que comme agrume alimentaire !

En effet, Julie Frédérique prend le temps de nous présenter le citron comme un allié capital de la maison. Il peut tout, se transformer en nettoyant universel, efficace, écologique et bon marché, en garant du nettoyage de notre linge, en désodorisant, en produit beauté, en complément santé… Oui, le citron semble presque parfait !

Trop beau pour être vrai ? Il est évident que j’inviterais chaque lecteur à faire preuve de modération. Oui, le citron est indiscutablement un produit à redécouvrir, oui, il vaut bien mieux prendre soin de son corps et de sa maison avec de bons citrons plutôt qu’avec n’importe quel produit chimique… mais en toute chose restons modéré et équilibré ! Ceci étant dit, comme l’été c’est fait pour lire, Le citron malin est un petit livre de Julie Frédérique et il est publié aux éditions Leducs.

Shelton
avatar 08/07/2019 @ 08:45:40
Lundi 8 juillet 2019

L’été c’est fait pour lire et, aussi, en profiter pour réfléchir à notre passé… Même si comme le disait Simone Veil avec une grande lucidité et sagesse, ce n’est pas le passé qui a besoin de notre mémoire mais notre avenir… Alors, justement, ouvrons ensemble ce petit opus particulier, singulier et étonnant : Pour mémoire !

Ce petit opus est paru en 2018 et il relate de façon assez exhaustive un voyage de 2004. Pourtant, il est encore bien d’actualité. Il faut dire qu’il sort en 2018 quand Simone Veil et son mari entrent au Panthéon. C’était le 1er juillet 2018 et je pense qu’Alain Genestar a eu raison de commettre ce petit ouvrage qui va nous expliquer ce qui s’était passé en 2004 et le tout accompagné d’une interview brute de Simone Veil…

En effet, Alain Genestar propose à Simone Veil de retourner à Auschwitz-Birkenau, chose qu’elle n’avait encore jamais faite. Non seulement elle accepte – Alain Genestar expliquera dans l’ouvrage pourquoi – mais elle y va avec deux enfants et trois petits-enfants. Elle accepte de poser devant Auschwitz comme si il était temps pour elle de transmettre une sorte de message à sa famille et à toute la France…

Le livre n’est pas un ouvrage qu’aurait écrit Alain Genestar pour « se faire mousser », c’est plutôt le contraire. Il pense que le reportage de l’époque paru dans Paris Match – qu’il dirigeait – n’est plus disponible et que le message a besoin d’être réactualisé au moment où Simone Veil entre au Panthéon. Du coup, il se fait discret, évite l’emphase et livre les paroles de Simone Veil de la façon la plus simple qui soit…

Le livre est en deux parties. Dans la première, le journaliste et témoin raconte ce qu’il a vu, entendu, compris… Il comprend pour de multiples raisons la gravité du moment. Pour se préparer à cela, il est allé à Auschwitz quelques semaines avant avec son épouse. Il peut donc entièrement se concentrer à ce qui va se passer, aux réactions de Simone Veil, aux réactions de ceux de sa famille… C’est touchant et profond, parfois on imagine le silence qui est là entre ces personnes, celle qui a vécu et ceux qui tentent de comprendre…

Dans la deuxième partie, c’est l’interview de Simone Veil et c’est le moment où cette femme, cette grande femme, vient mettre quelques mots profonds sur les gestes, sur les lieux, sur les souvenirs… C’est là qu’elle nous explique que la mémoire ne sert pas à comprendre la passé, à se souvenir mais bien à préparer le futur… C’est pour cela qu’elle a toujours accepté de témoigner et qu’elle a effectué ce voyage « testament » avec enfants et petits-enfants…

Un petit ouvrage, environ 70 pages, mais un gros message ! Voilà typiquement le genre de livres qu’il ne faut pas hésiter à offrir, faire lire, laisser trainer dans le train ou sur la plage… Oui, il faut que les jeunes comprennent ce que fut Auschwitz… et ce ne fut pas « un détail de l’Histoire » !

Voilà pourquoi j’ai pensé, un peu plus d’un an après la cérémonie du Panthéon qu’il était bon de vous conseiller de lire « Pour mémoire » d’Alain Genestar… et comme l’été c’est fait pour lire et faire lire… Action !

Vince92

avatar 08/07/2019 @ 14:10:49
Je lui préfère, et de loin, Simone Weil!

Shelton
avatar 08/07/2019 @ 17:26:42
Je lui préfère, et de loin, Simone Weil !


... dont nous aurons l'occasion de parler cet été deux fois si je ne me trompe pas !


Shelton
avatar 09/07/2019 @ 08:32:12
Mardi 9 juillet 2019

L’été c’est fait pour lire mais c’est aussi un moment de détente, de vacances et il est bon de concilier les deux… parfois même sans rester seul ! Or, si lire est bien généralement un acte solitaire – à l’exception de la lecture à voix haute à un tiers – cette lecture peut engendrer des actions à plusieurs comme par exemple la découverte d’une région, d’un monument ou la réalisation d’une randonnée…

Souvent, on cherche de bonnes raisons de lire ou de randonner… Mais il arrive que les deux soient tellement liés que le problème ne devrait pas se poser… Il suffit de choisir une littérature, un auteur, un livre et de partir à l’aventure…

Quand on pratique ainsi, on construit une mémoire des lieux littéraires et, comme le disent certains, chaque fois que l’on a du temps libre on part en errance ou itinérance livresque… Attention, je ne parle pas ici de ceux qui voyagent sans quitter leur chambre, on leur consacrera le moment venu du temps et de l’attention. Pour le moment, je veux juste évoquer ceux qui partent à la suite de…

Je pense que certains d’entre vous ont lu Voyage avec un âne dans les Cévennes de Robert Louis Stevenson. Chaque année, de très nombreux randonneurs, avec âne ou sans âne, suivent ses pas après avoir lu, en lisant ou sans lire le grand auteur écossais…

Mais il y a tellement d’autres ouvrages pour voyager que je ne vais pas pouvoir les citer tous… On peut découvrir la Bretagne avec Flaubert car son Voyage en Bretagne, par les champs et les grèves mérite toute notre attention, bien au-delà des clichés qu’il utilise parfois sur cette magnifique région (mais il se peut que je ne sois pas totalement objectif).

Certains n’hésitent pas à lire Maurice Barrès avant de grimper sur la colline Sion, la fameuse Colline inspirée, haut lieu de l’âme lorraine. Comme le dit Barrès dans ce roman, « il est des lieux où souffle l’esprit » et il est bon d’aller entendre souffler l’esprit, ça fait du bien…

Mais je vous entends déjà râler : c’est bien beau la Bretagne humide, la Lorraine froide et le Massif central désertique, mais n’y aurait-il pas moyen d’aller vers le sud, destination des vraies vacances ? Je vous laisse responsables de vos paroles n’ayant jamais trop apprécié les vacances dans le sud mais je sais que l’on peut très bien découvrir la Provence pas à pas avec Alphonse Daudet ou Marcel Pagnol, sans oublier les merveilleuses randonnées en suivant les pas de Jean Giono (qui lui-même ne bougeait pas trop !).

A titre personnel, je suis aussi complètement séduit par les reportages de Joseph Kessel et j’ai eu la chance de passer quelques fois dans des lieux qu’il avait arpentés… Je ne suis pas encore allé partout mais une vie entière ne suffirait pas à suivre tous ses textes, donc on se contente parfois de voyager dans son fauteuil de lecture… Comme le dit Pierre Bayard dans son magnifique et remarquable « Comment parler des lieux où l’on n’a pas été ? », c’est moins risqué, plus efficace, plus rapide et plus documenté… Mais je vous reparlerai un jour de ce livre parfait pour les vacances et surtout pour le retour au travail…

Bon, puisque l’été c’est fait pour lire, il ne vous reste plus qu’à lire et prendre la route, du moins pour les plus courageux…

Vince92

avatar 09/07/2019 @ 10:07:30
Je lui préfère, et de loin, Simone Weil !


... dont nous aurons l'occasion de parler cet été deux fois si je ne me trompe pas !




Excellent

Shelton
avatar 10/07/2019 @ 04:51:37
Mercredi 10 juillet 2019

L’été c’est fait pour lire et l’histoire peut et doit avoir une grande place dans nos lectures estivales. En effet, savoir d’où l’on vient, qui on est, comment notre peuple est devenu ce qu’il est permet de comprendre le présent, de construire l’avenir et de transmettre à nos enfants une vie humaine ! Par exemple, comprendre comment la France a absorbé de nombreux étrangers, migrants et autres humains de passage nous pousse à envisager la façon de construire demain avec les migrants d’aujourd’hui… Etudier les fameuses et tragiques guerres de religion nous aide à travailler à la paix demain entre tous les habitants de notre terre dans le respect de chacune des religions… Voir l’humanisme s’installer tant bien que mal à la Renaissance nous conforte et nous évite la dépression aujourd’hui… Bref, l’histoire est la voie de la sagesse à condition de diversifier ses sources, de lire, étudier et visiter sans jamais se laisser aller à la facilité !

Certains d’entre vous ont peut-être lu l’ouvrage romancé Charly 9 de Jean Teulé ou son adaptation en bédé signée Richard Guérineau… Bien sûr, c’était une vision déjantée de l’histoire ou une version réaliste d’une période déjantée… Ce qui est certain, c’est que l’on faisait connaissance d’une famille fracassée de notre histoire, Catherine de Médicis, épouse d’Henri II, et de leurs enfants, François II, Charles IX, Henri III, François duc d’Alençon et la fameuse reine Margot. Je ne vous résume pas tout le contexte avec les Guerres de religion, le massacre de la Saint-Barthélemy, l’existence d’un certain Henri de Navarre, la présence d’un duc de Guise des moins sympathiques… Bref, des temps odieux et bien pénibles pour les habitants de ce beau pays, la France, qu’ils soient fidèles à Rome ou Réformés…

Figurez-vous que Richard Guérineau n’a pas réussi à abandonner tout son petit monde à la mort de Charly 9 et il a décidé de faire une suite sans s’appuyer sur un roman qui n’avait pas été écrit… Voici donc Henriquet, l’homme-reine, l’ouvrage en bédé qui permet d’arriver au règne d’Henri IV, le Navarre devenu roi de France pour une messe, disait-on dans mon histoire de France quand j’étais enfant…

Richard Guérineau ne s’est pas contenté de faire vivre quelques personnages de façon légère pour faire une suite sans saveur. En fait, il a réalisé un gros travail historique pour comprendre la fin de cette période et reconnaissons qu’elle fut tout sauf simple ! Henri III est un roi qui se prête à la caricature sans aucun problème grâce à ses mignons, au bilboquet et à sa mort glauque… Mais, la force de cette bande dessinée est de présenter les grands problèmes de façon finalement très astucieuse, intelligente, historique, précise… Or, les Guerres de religion, les trahisons de François d’Alençon, la Ligue, l’assassinat du duc de Guise… tout cela n’est pas simple à raconter… D’ailleurs, qui d’entre nous s’en souvient ? Qui pourrait résumer cette période de la fin du seizième siècle ?

La force de Richard Guérineau c’est de jouer de cette époque avec talent. Elle est à la fois outrancière comme la littérature de Rabelais et finement respectueuse comme les Essais de Montaigne. Du coup, dans Henriquet, l’homme-reine, on navigue entre description gargantuesque et analyse philosophique digne de Montaigne, entre dialogue rabelaisien et dialogue à la manière de Montaigne et la Boétie, bref un magnifique ouvrage qui redonne à cette époque sa truculence et sa profondeur ! J’ai adoré !

Comme l’été c’est fait pour lire, en plus de ces deux bandes dessinées, Charly 9 et Henriquet, l’homme-reine, ce pourrait être l’occasion de lire un ouvrage plus profond et solide comme Les derniers Valois de Janine Garrisson, La Ligue de Jean-Marie Constant ou tout simplement l’Henri III de Jean-François Solnon… Je sais, cela fait beaucoup, mais je n’ai pas dit qu’il fallait tout lire, il ne s’agit seulement de quelques pistes pour aller plus loin sur cette « douce » période !

Bonne lecture et à très vite !

Koudoux

avatar 10/07/2019 @ 08:49:05
Pour info sortie 28/08/19 BD

"Entrez dans la danse" de Jean Teulé ou son adaptation en bédé signée Richard Guérineau…

Shelton
avatar 11/07/2019 @ 05:30:23
Jeudi 11 juillet 2019

L’été c’est fait pour lire, c’est certain, et ce peut être, pourquoi pas, un temps de dialogue et de discussion au sein de la famille à partir de lectures communes. On peut, par exemple, choisir des livres que tout le monde lira ou se servir d’un livre pour animer la discussion – dans certaines familles il n’est pas indispensable d’animer les discussions qui le sont bien assez – sur un thème lié à une visite, un passage, un séjour, une rencontre… Cela permet d’élargir le champ de vision, d’ouvrir l’approche thématique, d’enrichir l’imaginaire… Bref, une façon de se cultiver en famille pendant les vacances !

On dit souvent – pour moi à tort et de façon trop répétitive – que les Français sont fâchés avec leur histoire et leur géographie – souvenirs probablement de leur passage au collège où ils avaient le sentiment que cette double matière était la dernière roue du carrosse – alors que chaque fois qu’on leur propose une visite d’un lieu, une exposition patrimoniale, une conférence thématique, une soirée théâtralisée dans un château… ils sont nombreux à répondre à l’appel et sont généralement enchantés du résultat, allant même pour certains jusqu’à prolonger l’événement par une lecture ciblée…

Durant cette belle période estivale, vous allez être nombreux à visiter des villages médiévaux, des restes de châteaux-forts, à suivre les traces de personnages illustres de Jeanne d’Arc à Du Guesclin, à vous recueillir – ou pas – dans des églises romanes ou gothiques – vite allons visiter les cathédrales avant qu’elles soient toutes brûlées comme Notre-Dame de Paris – et pour certains ce sera même l’expérience d’une fête moyenâgeuse avec banquet, musique, danse et combat… Oui, le Moyen-âge est bien souvent présent dans le programme de nos vacances… Mais qu’est-ce que le Moyen-âge ?

J’ai choisi de vous inviter à un petit voyage au cœur du Moyen Âge avec un ouvrage piège. En effet, Le Moyen Âge expliqué aux enfants n’est réservé à personne c’est une des meilleures introductions à cette période historique d’autant plus qu’elle est signée par un des plus grands experts de la question. Ce livre va nous permettre, tout d’abord, de cerner temporairement cette période. Le Moyen Âge ce n’est pas juste « il y a longtemps, voire très longtemps », c’est entre 476 – arrivée d’un roi barbare à Rome, Odoacre – et la fin du XV° siècle… Certains disent même fin dix-huitième siècle, c’est du la thèse de Le Goff – période où science, technologie et politique changent radicalement la vie quotidienne avec le début de l’ère moderne – et il l’explique aux enfants avec beaucoup de bon sens ce dont nous profitons aussi…

Une si longue période, même si on la faisait cesser vers 1500 comme dans les manuels d’histoire, n’est donc pas uniforme et elle révèle une très grande diversité. Arrêtons-donc de dire, d’apprendre, d’enseigner, de répéter que le Moyen Âge est une période noire, obscure et triste pour les hommes qui souffraient tous… ni la période idyllique que les Romantiques ont voulu chanter avec de belles histoires comme celle d’Ivanhoé ou Robin des bois…

L’historien va prendre son temps pour nous montrer les différentes faces et aspects de cette très longue époque avec des moments où il insistera plus sur le politique, le religieux, l’imaginaire ou la vie quotidienne. Tout est important pour comprendre les femmes et les hommes qui ont vécu, construit, traversé ce Moyen Âge. Comme Jacques Le Goff s’adresse prioritairement aux enfants, il insiste sur ce qui fait plaisir, qui réveille, qui plait : tournois, chevalier, cathédrale… mais il n’oublie rien et explique, par exemple, les Croisades, les Anges, les Démons, les universités, et il insiste aussi sur les aspects noirs, bien réels, comme la pauvreté d’une grande partie de la population, les famines, les épidémies…

Ce livre est remarquable, concis, précis, rythmé par le jeu des questions-réponses, accessible à tous, sérieux sur le fond, d’un prix modique… Bref, il n’a qu’un seul défaut – du moins à mes yeux – c’est de n’être que fort peu illustré. Mais comme vous serez sur place, face aux monuments, ce Moyen Âge expliqué aux enfants de Jacques Le Goff devrait vous donner toute satisfaction !
Bonne lecture !

Shelton
avatar 12/07/2019 @ 06:41:15
Vendredi 12 juillet 2019

L’été c’est fait pour lire et comment ne pas tenter aujourd’hui, alors que le Tour de France passe à Chalon-sur-Saône, de concilier écriture, lecture et cyclisme ? Bien sûr, quand on parle Tour de France on a tendance aujourd’hui à immédiatement parler de dopage, de tricherie, d’argent, de grand spectacle… Pourtant, force est de constater que de très nombreux Français se précipitent encore devant leur télévision pour le « direct » de l’étape ou sur les bords de la route du Tour pour voir passer les coureurs en quelques secondes – je ne parle pas là des passages sur les cols hors catégorie qui laissent plus de temps pour identifier les différents sportifs…

A titre personnel, je n’ai quasiment jamais fait de vélo et je pense que ce ne sera jamais le cas. C’est trop tard ! Je n’ai encore jamais été sur les bords de la route du Tour mais j’ai déjà regardé des étapes à la télévision, bien installé dans mon fauteuil, à l’abri du vent, du chaud, de la pluie… Soit ! Mais ce n’est pas là mon expérience la plus spectaculaire liée au cyclisme sur route, au Tour de France en particulier. En fait, durant toute mon enfance, j’ai lu quotidiennement L’Equipe, journal que mon père achetait tous les jours, même durant les vacances. Du coup, dès que j’ai l’âge de lire les photos – assez vite en fait – et les textes – un peu plus tardivement – j’ai été baigné par les grands exploits du Tour de France…

C’est dans les pages de ce quotidien que j’ai découvert puis lu, puis apprécié un certain Antoine Blondin. Il s’agissait d’un journaliste mais aussi d’un écrivain, d’un amoureux des mots, d’une sorte d’humaniste atypique qui a participé à faire du Tour de France autre chose qu’une simple épreuve sportive… Avec lui, le Tour devenait une épreuve humaine hors normes, un travail digne d’Hercule, une confrontation entre géants… un mythe, tout simplement !

Comme il écrivait bien – pour ne pas dire plus – ses chroniques dans le journal devenaient aussi une lecture littéraire digne des plus grands écrivains contemporains. On l’a d’ailleurs plus d’une fois rattaché aux Hussards (avec Michel Déon, Roger Nimier, Jacques Laurent) mais cela le laissait assez de marbre car il a raconté une fois que ces quatre « hussards » ne s’étaient retrouvés ensemble qu’une seule fois au restaurant pour ne parler que de vins italiens et de la cuisson des pâtes ce qui fait peu pour parler d’un mouvement littéraire…

Ceci étant dit, il écrivait bien et racontait merveilleusement bien les étapes du Tour de France. Il a suivi le Tour de 1954 à 1982 et donc il a connu tous ces champions qui ont marqué mon enfance, il est même possible que ce soit lui qui me les ai fait connaitre en fait ! Je cite donc ces monstres que furent Poulidor, Anquetil, Thévenet, Ocana, Zoetemelk, Aimar, Van Impe… et comme on ne peut pas tous les citer, je m’arrête !

Pour chacun d’entre eux et tous les autres, Antoine Blondin nous faisait entrer dans une intimité, partageait la rencontre, mettait en lumière les défauts révélateurs de l’humanité profonde, donnait du sens à cette course démentielle – essayez de faire ne serait-ce qu’un quart d’étape à la vitesse du peloton – et nous avions le sentiment de devenir des proches de ces coureurs cyclistes que l’on finissait par admirer… Pourtant, le dopage était déjà là, certains en mourraient et l’hypocrisie régnait déjà sur le Tour… Rien n’a changé !

Alors, que vous aimiez ou pas le cyclisme, le Tour de France ou le sport en général, les chroniques d’Antoine Blondin sont à lire et si vous n’avez pas eu la chance de les lire au jour le jour dans sa période de gloire, heureusement, il existe des recueils fascinants et comme l’été c’est fait pour lire, c’est le moment de se faire plaisir !

Bonne lecture !

Shelton
avatar 13/07/2019 @ 06:04:47
Samedi 13 juillet 2019

L’été c’est fait pour lire mais l’expression, parfois, vous met mal à l’aise… Je le sais, ne vous cachez pas derrière vos livres… Vous vous dites qu’il est un peu exagéré de parler de lecture avec des bandes dessinées, des livres jeunesse, des bouquins de cuisine et des romans policiers ! Je vous rappelle que je parle toujours de lecture au sens large et que chacun a le droit de choisir les ouvrages qu’il veut lire, qu’il aime, qui correspondent au moment, à son humeur, au lieu…

Certains pourraient bien me faire le reproche de lire trop de romans policiers partant du fait que cette « littérature » ne serait pas assez bonne, qualitative, morale… On pourrait croire que je me repais des crimes, du sang, de la noirceur des âmes, de la cruauté, du sadisme, de l’inventivité du mal incarné chez les hommes… En fait, pas du tout. La nature du crime lui-même n’est pas ce que je recherche dans ces romans. Mon attention est fixée indiscutablement sur le problème à résoudre, sur l’énigme à déchiffrer, sur la psychologie de l’assassin et mon bonheur le plus intense est de trouver le coupable avant l’enquêteur, ce qui n’est pas toujours facile puisque l’auteur, lui, joue avec nous, distille les indices au fur et à mesure et se réserve parfois quelques rebondissements de dernière minute pour nous surprendre et nous induire en erreur : oui, c’est bien lui le maître du jeu !

Dans certains romans policiers, l’ambiance peut prendre le dessus sur l’intrigue, le personnage principal devenant un véritable héros de roman, l’énigme passant au second plan. Le résultat n’est pas mauvais d’ailleurs, mais le lecteur peut sembler désarçonné car il ne s’attendait pas à ça. Les romans d’ambiance sont pourtant de très bons ouvrages et certains auteurs excellent ainsi à dresser un portrait d’une ville, d’une époque, d’un pays…

Une autre catégorie de romans policiers existe et peut présenter beaucoup d’intérêt, ceux où l’auteur a décidé de nous faire rire ou peur. Les sentiments éprouvés par les lecteurs sont plus important que l’énigme elle-même, que le héros et son intelligence, que la ville ou le pays qui sert de cadre à l’histoire… J’avoue que j’ai aussi un petit faible pour ceux plein d’humour, surtout s’il s’agit d’un humour noir plein de cynisme… et certains thrillers, ceux qui nous font transpirer abondamment dans le creux du dos, ne sont pas, non plus, à négliger…

Ceux que j’aime le moins sont indiscutablement certains romans policiers contemporains à l’écriture administrative, au scénario prévisible, où la violence, les descriptions crues et parfois même le sadisme prennent le dessus sur la qualité de l’énigme, le mécanisme de résolution de l’enquête, l’ambiance du roman, l’humour, les sentiments…

Alors, me direz-vous, que lire ? Je crois que chacun doit faire son petit marché dans ces collections qui offrent de bons romans… A chacun ses goûts, ses préférences et on peut se servir abondamment chez Grands détectives 10/18, points Seuil policier, Folio policier, Rivages noir… et même chez certains petits éditeurs de province, et ce n’est pas péjoratif pour moi !

Pour citer un auteur dont je n’ai encore jamais parlé cet été, je prendrais Frédéric Fajardie, qui a, malheureusement, disparu trop tôt et que j’aimais beaucoup, auteur de petits romans noirs, cyniques à souhait, auteur capable de nous faire rire même au moment où des dizaines de personnes sont en train de mourir injustement. Son personnage Padovani, commissaire divisionnaire à la Criminelle est si fort, si étonnant, si truculent, que je vous laisserai le découvrir dans un des romans que j’adore et qui est peut-être un de ses meilleurs : Patte de velours !

N’hésitez donc pas à chercher, à fouiner pour trouver les polars à votre goût qui sauront donner une petite saveur originale à vos lectures estivales !

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