Bolcho
avatar 10/02/2016 @ 11:29:23
Monde Diplo de février 2016

« Les Iraniennes ne désarment pas », Florence Beaugé, journaliste
Dans le métro de Téhéran, inauguré à la fin des années 1990, les voitures de tête et de queue sont réservées aux femmes. Elles y montent « pour être tranquilles », disent-elles. L’atmosphère est détendue. Les autres voitures sont mixtes. Les jeunes couples s’y tiennent par la main, sans problème.Trente-six ans après la révolution islamique, en dépit d’une législation qui leur accorde moins de droits qu’aux hommes, les femmes jouent un rôle majeur en Iran. Elles se font une place dans tous les secteurs, même si la plupart des hauts postes de l’administration leur sont encore fermés. Mais elles peuvent être architectes, chefs d’entreprise, ministres… Le Parlement compte neuf députées (toutes conservatrices). Toutefois, rien n’est facile : les femmes doivent lutter pour s’imposer. Et pour faire reconnaître leurs droits, surtout, dans un pays où elles souffrent de discriminations à tous les niveaux.
Pour se marier, travailler, voyager, ouvrir un compte en banque, hériter, elles sont soumises à des lois iniques et dépendent du bon vouloir du chef de famille. Pour divorcer, par exemple, une épouse, contrairement à son mari, devra motiver sa décision devant le juge et attendre son autorisation. Les enfants lui seront confiés jusqu’à l’âge de 2 ans pour un garçon, 7 ans pour une fille. Ensuite, c’est le père qui en aura la garde, sauf s’il la refuse. Quant à l’autorité parentale, elle revient au père, même si les enfants vivent avec leur mère.
Les chiffres officiels sous-estiment le travail des femmes : seules 14 % d’entre elles auraient un emploi. En réalité, entre le travail au noir et l’agriculture, 20 à 30 % exercent une activité régulière. Et ce n’est qu’un début. Le nombre de candidates à l’entrée sur le marché du travail augmente très vite. Dans les universités, 60 % des étudiants sont des étudiantes. « Elles ont gagné la bataille de la licence et du master. Bientôt, elles gagneront celle du doctorat », prédit l’anthropologue Amir Nikpey. Pour lui, les Iraniennes se trouvent à peu près dans la situation des Françaises des années 1940 ou 1950.
Dans les provinces du Sud, notamment au Baloutchistan, à dominante sunnite [alors que l’Iran est chiite à 90 %], la culture arabe, plus machiste, prédomine. Il y a d’ailleurs de nombreux cas de polygamie, alors que partout ailleurs les Iraniens sont monogames.
On l’ignore souvent, mais la scolarisation des filles est sans doute le principal acquis de la révolution islamique. Première conséquence : les femmes se marient plus tard ; surtout, elles n’ont en moyenne que deux enfants, contre sept au cours des premières années de la révolution islamique.
Le voile est loin d’être la préoccupation première des Iraniennes. « On fait avec », disent-elles, convaincues qu’il ne vaut pas la peine de s’attirer de graves ennuis pour si peu. Le chômage, l’inflation ou le concours d’entrée à l’université les préoccupent davantage.
En cette veille d’élections, le climat est particulièrement pesant à Téhéran. Chaque soir ou presque, le Guide suprême apparaît à la télévision pour donner ses consignes. Des mises en garde adressées à la population afin qu’elle veille à « ne pas se laisser contaminer » par l’Occident. « Evitez le contact avec les étrangers », conseille l’ayatollah Ali Khamenei. Depuis l’accord sur le nucléaire, les avertissements du Guide et des radicaux se multiplient, signe de leur inquiétude à l’idée que, avec la levée des sanctions et l’ouverture à venir, la situation puisse leur échapper. Il y a quelques mois, l’ayatollah Ahmad Jannati, président du Conseil des gardiens, un pur et dur de 89 ans, a averti que l’accord sur le nucléaire ne devait pas ouvrir la voie à d’autres revendications : « Attention à ce que la question des femmes et de l’égalité des sexes ne soit pas posée demain ! »
Si la lutte des femmes se poursuit, elle est désorganisée et, bien souvent, individuelle. Farah, mère au foyer qui se dit athée, s’inquiète de ce qu’elle appelle une « religiosité d’apparence ». La marque sur le front que les hommes acquièrent à force de se prosterner ou qu’ils se fabriquent pour paraître pieux, le chapelet ostensiblement tenu entre les mains, tout cela l’exaspère. « Nous sommes une société malade, dominée par le souci des apparences et l’hypocrisie. Je ne sais pas où cela va nous conduire . »
Mme Fariba Alasvand a atteint le plus haut degré d’études en théologie. Elle enseigne au Centre de recherche sur la famille et les femmes à des étudiants des deux sexes. « Les femmes d’Iran sont très différentes de celles du monde arabe. Nous attachons une grande importance à notre liberté. Cela tient à la culture iranienne et au chiisme ».
Plus jeune, mais tout aussi ferme sur les principes, Mme Zahra Aminmajd est également diplômée de droit islamique et enseignante à Qom. Souriante, naturelle, elle pense que le christianisme et l’islam « ont beaucoup de points communs » et regrette qu’à l’Ouest on ait « une aussi mauvaise perception de l’islam, en particulier en ce qui concerne les femmes ». Ce qui l’inquiète le plus ? Le consumérisme à l’occidentale.
Les femmes, un enjeu majeur en Iran ? Sans aucun doute. « Le régime a peur d’elles. Elles représentent pour lui la plus grande menace, assure un universitaire sous couvert d’anonymat. Et la question du voile, sans grande importance sur le fond, est un symbole. Comme le disent les théologiennes de Qom, « si on lâche là-dessus, on lâche sur le reste »…

« La stratégie de l'émotion », Anne-Cécile Robert
Devant les maires de France, le 18 novembre 2015, le président François Hollande eut un lapsus révélateur : il évoqua « les attentats qui ont ensangloté la France ».
Le recours à l’émotion peut avoir des conséquences dramatiques immédiates. Ainsi, l’avocat de M. Loïc Sécher a qualifié de « fiasco dû à la dictature de l’émotion » l’erreur judiciaire dont a été victime son client. Ouvrier agricole, M. Sécher avait été accusé de viol par une adolescente. Après des années d’emprisonnement, il s’est finalement vu innocenter par le témoignage de celle-ci, devenue majeure, qui a reconnu avoir tout inventé.
L’émotion devient l’un des ressorts majeurs de l’expression sociale et du décryptage des événements. L’un des symboles les plus visibles de l’invasion de l’espace public par l’émotion est le phénomène grandissant des marches blanches : des foules parfois immenses à l’échelle des villes et des villages où elles se déroulent. La première eut lieu en 1996 en Belgique, lors de l’arrestation du pédophile Marc Dutroux.
Aucun slogan, aucune revendication ne les accompagne. Le philosophe Christophe Godin y voit l’expression d’une « crise de société » caractérisée par l’« empire des émotions ». Le psychologue Jacques Cosnier va jusqu’à parler d’une société « pathophile ». La philosophe Catherine Kintzler s’inquiète quant à elle de la « dictature avilissante de l’affectivité ».
L’émotion pose un redoutable défi à la démocratie, car il s’agit, par nature, d’un phénomène qui place le citoyen en position passive. Il réagit au lieu d’agir. Il s’en remet à son ressenti plus qu’à sa raison. Ce sont les événements qui le motivent, pas sa pensée. Les marches blanches n’ont aucune conséquence pratique. 
A la « stratégie du choc » décryptée par Naomi Klein, faut-il ajouter une « stratégie de l’émotion » ? La classe dirigeante s’en servirait pour dépolitiser les débats et pour maintenir les citoyens dans la position d’enfants dominés par leurs affects. L’émotion abolit la distance entre le sujet et l’objet ; elle empêche le recul nécessaire à la pensée.
On doit cet état de fait contemporain sans doute aussi à l’influence et à l’émergence des réseaux sociaux. De distance, aucune ! On “tweete”, on “gazouille” à tour de bras. Se dégradent le sens critique, la culture, la recherche de la vérité. On “balance”. »
Dans son fameux discours de Dakar, en 2008, M. Nicolas Sarkozy avait pu affirmer : « Je crois moi-même à ce besoin de croire plutôt que de comprendre, de ressentir plutôt que de raisonner, d’être en harmonie plutôt que d’être en conquête… »
Mais la marche blanche vient aussi combler un vide laissé par les formes collectives d’action, comme le syndicalisme ou le militantisme politique.

Mr.Smith

avatar 16/02/2016 @ 13:38:24
Le deuxième article me laisse perplexe... Tout le défi n'est-il pas d'articuler émotion et raison dans une construction harmonieuse ?

Saule

avatar 16/02/2016 @ 17:18:50
Mais en même temps la raison vient après les émotions, une fois qu'on a laissé reposer et jugé calmement de la situation. Quand on réagit à chaud, sous le coup de l'émotion, c'est souvent très bête et très laid.

Dans ce sens je comprends bien ce que le journaliste veut dire. Quoi de plus bête que les réactions à chaud sur facebook, sur n'importe quel sujet ? Et la fameuse marche blanche ou les rassemblements après un attentat, c'est peut-être nécessaire, mais si ça s'arrête la ça ne sert à rien.

Saint Jean-Baptiste 16/02/2016 @ 18:40:29
Je comprends aussi ce que le journaliste veut dire mais il vire lui-même, si pas dans l'émotion, dans la sensation !

Car enfin, parler de « la dictature de l'émotion » ! de « crise de société » ! « d'empire des émotions » ! de « société pathophile » ! et de « la dictature (sic) avilissante de l'affectivité » !

Alons, allons ! Restreins, comme on dit chez nous !

En fait, je trouve qu'il est très sain que la foule manifeste ses sentiments.
C'est justement le contraire de « la position passive » du citoyen, dénoncée dans l'article. Le citoyen réagit activement, faute de pouvoir changer les choses. C'est le contraire de la passivité ! Et, le fait de s'en remettre à son ressenti ne l'empêche nullement d'exercer sa raison, comme le prétend l'article !

« Les marches blanches n’ont aucune conséquence pratique », nous dit l'article. Et alors ? Est-il nuisible, voire interdit, de manifester ses émotions, ou ses indignations, sous prétexte qu'elles n'ont aucune conséquence pratique ?
« Indignez-vous ! » a dit je ne sais plus quel grand homme que le monde entier a célébré et applaudi...

Finalement je ne suis d'accord qu'avec la dernière phrase de cet article : « la marche blanche vient combler un vide laissé par les formes collectives d’action, comme le syndicalisme ou le militantisme politique ».
Et je trouve ça très positif.

Saule

avatar 18/02/2016 @ 12:25:32

En fait, je trouve qu'il est très sain que la foule manifeste ses sentiments.
C'est justement le contraire de « la position passive » du citoyen, dénoncée dans l'article. Le citoyen réagit activement, faute de pouvoir changer les choses. C'est le contraire de la passivité ! Et, le fait de s'en remettre à son ressenti ne l'empêche nullement d'exercer sa raison, comme le prétend l'article !

En fait je crois que c'est ça le problème: le citoyen réagit activement ? Oui, en cliquant sur like dans facebook ou en balançant des post rageurs completement à coté de la plaque. Et puis il a l'impression qu'il a agit et il se sent fier !

Ces réactions à chaud basées sur l'émotion sont très souvent stupides et néfastes et complètement mal informée. C'est le règne de l'émotion et de la stupidité. Rappelons nous sur ce même site nos réactions sur la réforme de l'orthographe ou aucun intervenants n'avait compris ni pris de la peine de s'informer sur le fond mais on en est quand même venu à lancer des anathèmes et des croisades sur les banlieues !!

Saint Jean-Baptiste 18/02/2016 @ 13:02:28


Ces réactions à chaud basées sur l'émotion sont très souvent stupides et néfastes et complètement mal informée. C'est le règne de l'émotion et de la stupidité. Rappelons nous sur ce même site nos réactions sur la réforme de l'orthographe ou aucun intervenants n'avait compris ni pris de la peine de s'informer sur le fond mais on en est quand même venu à lancer des anathèmes et des croisades sur les banlieues !!

C'est vrai qu'on réagit selon ses émotions mais c'est normal, pourquoi les refouler ? Maintenant, si elles sont stupides et néfastes, bon, chacun en prendra pour son grade...
Ce que dit l'article c'est que l'émotion a pris la place de la raison ! Mais non, pas du tout, l'un n'empêche pas l'autre, au contraire, les réactions sont d'abord émotives, puis on échange, et on raisonne. C'est simplement l'échange qui est plus développé qu'autrefois.

Quant à nos réactions sur l'orthographe elles ont été logiques : l'orthographe fait partie de l'enseignement, l'enseignement se fait dans les écoles, les écoles sont dans les quartiers ; alors si on juge l'orthographe, on juge l'enseignement, et puis les écoles, et puis les quartiers...
Et ça s'est passé, comme toujours, avec une part d'émotion, de raison, et de convivialité CLienne....
;-))

Saule

avatar 18/02/2016 @ 13:06:29
A propos de la réforme de l'orthographe, une jolie mise au point:

http://blog.francetvinfo.fr/l-instit-humeurs/2016/…

Pieronnelle

avatar 18/02/2016 @ 15:15:52
A propos de la réforme de l'orthographe, une jolie mise au point:

http://blog.francetvinfo.fr/l-instit-humeurs/2016/…

Excellent article !
J'ai tellement été irritée sur FB que j'ai masqué les publications de plusieurs "amis"... Et depuis j'y vois un peu plus clair sur mon fil :-)

Saint Jean-Baptiste 18/02/2016 @ 16:31:04
A propos de la réforme de l'orthographe, une jolie mise au point:

http://blog.francetvinfo.fr/l-instit-humeurs/2016/…
Cet article n'est pas tout à fait mauvais, à mon avis, mais... !
« Si beaucoup de personnes se sont exprimées à tort et à travers », selon l'article, c'est qu'elles ont été mal informées » et alors c'est la fautes des informateurs.

Et puis en conclure que « l'opinion de la société l'emporte sur la pensée... » !
« Que la croyance l'emporte sur les faits... » !
« Que « le flux continu emporte l'information par le fond »... !
Et de conclure à la démission collective...
C'est vraiment faire une usine à gaz d'un pet de souris

Et puis je trouve que cet article fait preuve d'une prétention élitiste qui n'est pas de mise sur notre site favori. ;-))

Saint Jean-Baptiste 18/02/2016 @ 16:51:11
Pour une fois, je suis d'accord avec Serge Halimi dans le premier article de janvier 2016.

Mais, tout à fait naïvement, sans arrière pensée, je voudrais savoir en quoi la déchéance de la nationalité française est tellement polémique, au point d'avoir provoqué la démission de Madame Tobira.

On a invoqué « le droit du sol ». Je sais ce que veux dire le droit du sol en Belgique, c'est la grande revendication des Flamands. Mais en France... ?

Et puis moi, je trouve que celui qui demande la nationalité française demande de recevoir un honneur ; et celui qui naît français, en France de parents français, a reçu, à sa naissance l'honneur d'être Français.
Il doit en être digne. Celui qui dit : je nique la France, ou qui garde ostensiblement la bouche fermée dans un groupe où tout le monde chante la Marseillaise, affiche son dédain, son mépris, peut-être même sa haine de la France et ne mérite plus d'être français.

J'espère ne pas avoir dit de gros mots, je pose simplement la question.

Hiram33

avatar 19/02/2016 @ 00:38:28
"qui garde ostensiblement la bouche fermée dans un groupe où tout le monde chante la Marseillaise, affiche son dédain, son mépris, peut-être même sa haine de la France"

On peut avoir envie de chanter un hymne qui ne prône pas la guerre "un sang impur" etc... Il y a d'autres chants qui pourraient honorer la France, je serais favorable à "Gare au gorille".

Saint Jean-Baptiste 19/02/2016 @ 11:24:12
"qui garde ostensiblement la bouche fermée dans un groupe où tout le monde chante la Marseillaise, affiche son dédain, son mépris, peut-être même sa haine de la France"

On peut avoir envie de chanter un hymne qui ne prône pas la guerre "un sang impur" etc... Il y a d'autres chants qui pourraient honorer la France, je serais favorable à "Gare au gorille".

Excellent, Gare au Gorille, Hiram, mais certains pourraient y voir des transpositions dangereuses : DSK par exemple...;-))
Quant au « sang impur » un Français sait que ça se rapporte à la Révolution, quand le sang impur était ainsi qualifié par les aristos pour parler du peuple, ce peuple qui était prêt à verser on sang pour la liberté.

Saint Jean-Baptiste 19/02/2016 @ 11:51:46
Le deuxième article de janvier 2016 traite d'un sujet sulfureux, avec beaucoup d'objectivité mais, sans donner aucune solution à ce qui promet d'être le problème numéro un du XXIè siècle.
Sa comparaison avec les 450 000 Espagnols de 1939 montre bien que chaque type d’émigrés pose un problème différent et... qu'on n'est pas sorti de l'auberge.

Saint Jean-Baptiste 19/02/2016 @ 12:21:42
Le dernier article de janvier 2016 sur la transexualité en Argentine met en évidence ce qui est une révolution dans la conception de l'humanité : l'homme n'est plus une créature voulue par le Créateur et soumise à ses lois. Il devient son maître sans foi ni loi : il peut décider de sa vie, de sa mort, de son sexe, de son partenaire conjugal, de la vie et de la mort de sa progéniture... et, à mon avis, ce n'est qu'un début. Pour le meilleur ou pour le pire, c'est selon...

Saint Jean-Baptiste 19/02/2016 @ 12:38:44
Le premier article de février 2016 sur les Iraniennes qui ne désarment pas est très optimiste et on voudrait qu'il dise la vérité.
« La femme est l'avenir de l'homme » comme dit le poète et le poète a toujours raison, paraît-il.

Dans les pays musulmans : ce sont les femmes qui feront un jour bouger les choses, il faut l'espérer.
Mais je crains fort que la journaliste Florence Beaugé, ne se soit laissée quelque peu bernée. Dans les pays totalitaires, on montre aux journalistes ce qu'on veut bien leur montrer et on ne laisse pas les journalistes aller où ils veulent, ni parler avec qui ils veulent. Surtout dans les pays musulmans, s'il s'agit d'une femme...


Voilà, j'ai fini ma lecture et j'attends impatiemment le numéro de mars.

Stavroguine 19/02/2016 @ 12:39:18
Pour une fois, je suis d'accord avec Serge Halimi dans le premier article de janvier 2016.

Mais, tout à fait naïvement, sans arrière pensée, je voudrais savoir en quoi la déchéance de la nationalité française est tellement polémique, au point d'avoir provoqué la démission de Madame Tobira.

On a invoqué « le droit du sol ». Je sais ce que veux dire le droit du sol en Belgique, c'est la grande revendication des Flamands. Mais en France... ?

Et puis moi, je trouve que celui qui demande la nationalité française demande de recevoir un honneur ; et celui qui naît français, en France de parents français, a reçu, à sa naissance l'honneur d'être Français.
Il doit en être digne. Celui qui dit : je nique la France, ou qui garde ostensiblement la bouche fermée dans un groupe où tout le monde chante la Marseillaise, affiche son dédain, son mépris, peut-être même sa haine de la France et ne mérite plus d'être français.

J'espère ne pas avoir dit de gros mots, je pose simplement la question.


Assez d'accord avec Hiram pour la Marseillaise. Je trouve personnellement que c'est quand même un bel hymne, mais je trouve ridicule qu'on exige par exemple, que des joueurs de foot chantent un chant guerrier avant de faire un match (d'ailleurs, en voyant le rugby, je me suis parfois fait la réflexion que le haka devrait interdit : une danse où on menace explicitement l'adversaire de lui mettre des coups de coudes et de l'égorger n'a rien à faire sur un terrain de sport). En outre, on peut vivre son patriotisme comme on le souhaite, voire ne pas être patriote du tout sans pour autant risquer d'être privé de sa nationalité (après tout, on ne t'excommunie pas si tu ne vas pas a la messe ou y assistes sans chanter les psaumes). Toute cette ostentation (venue des États-Unis ?) me paraît non seulement ridicule, mais complètement à cote du problème.

Quant au fond de celui-ci, pour la déchéance de nationalité, il est multiple.

Tout d'abord, le plus important, c'est qu'il crée des citoyens de second rang dans un État où tous les citoyens sont censés être égaux. Étant donné qu'un Français ne possédant pas d'autre nationalité ne pourra pas être privé de sa nationalité française (puisque la France ne peut pas créer d'apatrides), seuls les plurinationaux sont concernés et ceux-ci ne sont donc plus Français au même titre que moi par exemple, qui ne perdrait pas ma nationalité s'il me venait l'envie de partir en Syrie, ce qui ne se justifie absolument pas.

Ensuite, c'est intenable au niveau international. On prive un type de sa nationalité française et quoi ? On renvoie nos apprentis terroristes dans un pays avec lequel ils n'ont parfois aucun lien réel ? Comment réagirions-nous si nous devenions ainsi la poubelle d'un autre État qui nous refilerait ses nationaux dont il ne veut plus ?

C'est aussi complètement inutile : quel est le but de déchoir de leur nationalité des types dont la première action, quand ils arrivent en Syrie, est de brûler leur passeport français ? Et ça ne les empêche en rien de revenir sur le territoire européen par un autre État. D'ailleurs, les terroristes de novembre que la mesure aurait pu viser étaient franco-belges : qu'est-ce qui les aurait empêché de traverser la frontière en tant que simples Belges ?

C'est même contre-productif dans la mesure où on peut penser qu'il est plus intéressant et plus facile de surveiller ces personnes de l'intérieur : une fois qu'ils sont dans la nature, il devient beaucoup plus difficile de les tracer et de les surveiller, donc de déjouer d'éventuels projets.

Enfin, au niveau du symbole, ça crée un amalgame entre immigration et terrorisme alors que la plupart des terroristes qui ont frappé la France depuis 96 sont des Français et que près de 50% des radicalisations concernent des convertis.

En conclusion, c'est juste une mesure populiste pour faire plaisir a l'électorat FN.

Saint Jean-Baptiste 19/02/2016 @ 13:26:40
Merci Stravo, c'est bien la réponse que j'espérais, elle m'apprend beaucoup de chose.

Que les joueurs de foot chantent l'hymne national, je suis de ton avis : c'est un peu ridicule ; c'est une manière de solenniser l'événement sportif mais on aurait pu trouver autre chose.
Après les joueurs sont traités comme des héros de la nation, qu'on montre en exemple à notre belle jeunesse...
Ce sont des mœurs de pays totalitaires et ce n'est pas pour rien que c'est De Gaulle qui a commencé ça en France, avec les sœurs Gwadchel (orthographe incertaine), des championnes de ski, je m'en souviens comme si c'était hier. Ça a fait l'objet du premier sketch de Guy Bedos... mais passons !

Les paroles de la Marseillaise sont ce qu'elles sont mais, les Français doivent savoir que c'est le chant de ceux à qui ils doivent leur liberté – puisqu'il est admis que sous l'Ancien régime ils ne l'avaient pas.

Je préfère l'hymne national des Belges :
« après des siècles, des siècles d'esclavage, le Belge sortant du tombeau... »
Je trouve que ça leur va comme un gant.

En ce qui concerne la déchéance de nationalité, tu expliques bien les choses. Des choses auxquelles je n'avais pas pensé.

Pourtant en Belgique, il y a beaucoup de gens qui sont déchus de leur nationalité : ce sont les collaborateurs de la dernière guerre. Ceux qui ont pris les armes contre leur pays. On les appelle les inciviques. Ils sont déchus de tous leurs droits, eux et leur descendance. Je n'ai jamais entendu dire que ça posait un problème juridique.

C'est pour ça que je n'ai pas pensé que ça poserait un problème en France.
Mais je trouve seulement, qu'au point de vue symbolique, ça avait un sens.

Stavroguine 19/02/2016 @ 13:52:16
Merci Stravo, c'est bien la réponse que j'espérais, elle m'apprend beaucoup de chose.

Pourtant en Belgique, il y a beaucoup de gens qui sont déchus de leur nationalité : ce sont les collaborateurs de la dernière guerre. Ceux qui ont pris les armes contre leur pays. On les appelle les inciviques. Ils sont déchus de tous leurs droits, eux et leur descendance. Je n'ai jamais entendu dire que ça posait un problème juridique.


Je t'en prie SJB.

L'article que tu évoques existe aussi en France, mais il ne peut s'appliquer qu'aux "vieux" conflits : ceux entre deux États. Si, lors d'une des guerres mondiales, un Franco-Allemand œuvrait contre les intérêts de la France, on considérait qu'il se comportait de facto comme un Allemand et donc, on pouvait le priver de sa nationalité sans trop d'état d'âme (même si, de fait, le problème de l'inégalité entre citoyens existe toujours, mais disons que c'était une exception acceptable et qui avait du sens). Ça ne s'applique pas pour le "conflit" avec une organisation criminelle comme l'EI : les Franco-X visés par la mesure n'ont pas la nationalité du califat islamique (il faudrait pour ça qu'il soit reconnu comme un État ; après tout, pourquoi pas, dans les faits, il n'est pas loin d'en être un avec un territoire, une population, un gouvernement qui collecte l'impôt, exerce des fonctions régaliennes, mais politiquement, on en est loin). Il ne sont pas ressortissants de l'EI, mais franco-belges/marocains/syriens/maliens..., c'est-a-dire ressortissants de pays qui pour la plupart sont eux-mêmes engagés dans la lutte contre l'EI ou à défaut sont neutres. On ne peut donc en aucun cas prétendre qu'un Franco-Malien comme Coulibaly qui a fait allégeance à l'EI et frappé la France se comporte "comme un Malien" (alors même que l'EI commet des attentats au Mali !) de la même façon qu'on disait qu'un collabo franco-allemand se comportait comme un Allemand pendant la guerre.

Sissi

avatar 19/02/2016 @ 14:58:07

Comment réagirions-nous si nous devenions ainsi la poubelle d'un autre État qui nous refilerait ses nationaux dont il ne veut plus ?


Et pourtant on continue à exclure des élèves des lycées tous les jours à l'issue d'un conseil de discipline et la problématique est exactement la même (à un degré d'importance moindre bien évidemment): on refile la patate chaude à quelqu'un d'autre et le quelqu'un d'autre n'est pas franchement ravi d'en hériter.
Très souvent, ça ne règle donc absolument rien (parfois si, quand même, et heureusement) mais, pour autant, quand un individu a outrageusement dépassé les bornes, qu'il a été averti plusieurs fois, qu'il ne respecte rien ni personne, qu'il est nocif pour la vie collective, il est difficile (et pas souhaitable) de ne pas sanctionner.
Là c'est un peu pareil, ça ne sert sans doute pas à grand chose mais enfin, ça met les choses au clair: un individu qui crache sur et vomit la France, qui massacre les Français parce qu'ils incarnent tout ce qu'il déteste, il ne souhaite pas ou plus être Français, et bien très bien, personnellement je veux bien lui enlever ce "poids" d'avoir une nationalité exécrée, et qu'il s'en aille voir ailleurs puisque c'est tellement mieux!Ça ne peut être que mieux, à leurs yeux, non?
Si un de tes cousins égorge ta mère et fusille ton père parce qu'il considère que vous êtes tous à éliminer dans ta famille, tu considères qu'il fait toujours partie de la tienne, toi?

Bref, ça ne change pas grand chose, ça ne règle rien, mais comme SJB j'y vois quand même un symbole.

Stavroguine 19/02/2016 @ 15:22:37

Si un de tes cousins égorge ta mère et fusille ton père parce qu'il considère que vous êtes tous à éliminer dans ta famille, tu considères qu'il fait toujours partie de la tienne, toi?

Bref, ça ne change pas grand chose, ça ne règle rien, mais comme SJB j'y vois quand même un symbole.


Dans la mesure ou la situation serait transposable (ce dont je ne suis pas sûr), je n'irais pas non plus dire à une autre famille de s'en occuper pour moi...

C'est pour ça que j'étais assez favorable a la proposition d'indignité nationale avec privation des droits civiques. Niveau symbole, on est en plein dedans : c'est la peine qui frappait les collabo français et ça avait l'avantage de ne pas faire d'amalgames, de ne pas créer de problème au niveau international et de ne pas non plus aller contre notre Constitution. Je ne sais pas pourquoi ça n'a pas été retenu. Peut-être parce que ça a été proposé par des députes de gauche alors que c'est bien l'électorat du FN qu'il s'agissait de flatter.

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