Saint Jean-Baptiste 29/10/2015 @ 19:45:34
Saule a raison : que les valeurs chrétiennes soient mal interprétées, ou instrumentalisées, n'enlève rien à leur qualité. Et il est permis d'en parler sans se faire rabrouer.

Saint Jean-Baptiste 29/10/2015 @ 20:09:15
A la question : l'Islam est-il soluble dans la république ? Régis Debray répond :
« Pourquoi exiger qu'il se dissolve ?

Regis Debray se demande pourquoi voudrait-on que l'Islam se dissolve dans la République ? Mais la question n'est pas qu'il se dissolve mais qu'il s'intègre.

Emmanuel Valls a eu le courage de le dire : il s'installe une apartheid dans nos pays.
L'intégration marche à reculons : on a laissé le port du voile, puis la burqa, puis les repas halal, puis d'autres jours de fêtes, d'autres heures de travail et de congés, d'autres cours dans les écoles... Va-t-on permettre de donner des coups de fouet, de lapider les femmes infidèles, de pendre les homos, de couper la main des voleurs, d'inciser les jeunes filles... ?
Un jour il faudra dire stop ! Les lois de l'Islam ne sont pas viables en Occident ! Et ce sera l'arbitraire et le droit à la carte. Sans compter les querelles sans fin.

Dans une société en apartheid ce sont les plus faibles qui écopent. Dans leur intérêt, il aurait mieux valu les aider à s'intégrer plutôt que de tout laisser faire en disant : il n'y a pas de problème, votez pour moi !

Je pense que l'exemple de la France, de la Belgique, de l'Angleterre et des pays où l'intégration se passe mal, provoque la peur dans d'autres pays devant un tel afflux de musulmans. Ils pensent que ce sera impossible d'interdire dans ces pays ce qui a été permis dans d'autres.

Pieronnelle

avatar 29/10/2015 @ 23:52:41
Je crois que ta conception de l'intégration est de rendre l'Islam complètement soluble...

Guigomas
avatar 30/10/2015 @ 08:56:57
Piero, il vaut mieux s'adresser au Bon Dieu qu'à ses saints et, pour ce qui est des positions de l'Eglise, au pape et aux évêques plutôt qu'aux politiciens autoproclamés cathos.

Il est vrai qu'en France certains politiques se découvrent soudain "défenseurs de la Chrétienté", mais ce sont souvent les memes qui critiquent vertement le pape lorsqu'il parle d'économie ou d'écologie; à les lire, ils seraient plus catholiques que le pape, et il s'étranglent à chacune des homélies de François.

Sinon, cette histoire de sphère privée, ça m'a toujours paru un attrape-couillon. Lorsque l'état édicte des lois morales avec lesquelles je suis en désaccord ayant une autre conception de la morale, devrais-je renoncer à dire mon opposition ?

Pour prendre un exemple moins polémique, je suis contre le travail du dimanche pour la raison évidente qu'aller à la messe le samedi soir ça fait démarrer l'apéro plus tard. N'ai-je alors pas le droit d'aller manifester au côté des camarades ?

Saule

avatar 30/10/2015 @ 09:06:21
Tout à fait Guiguomas, cette sphère privée est totalement mal comprise. On voudrait interdire aux autres de ne pas penser comme soi même et très souvent on prend ceux qui pensent autrement pour des attardés.

Par contre la messe le dimanche ça fait rater télé-foot, comme quoi rien n'est parfait. Heureusement il y a celle du dimanche soir aussi.

Radetsky
avatar 30/10/2015 @ 09:46:41
C'est automatique et marrant : il suffise qu'il y ait une allusion dans un fil {j'ai fait allusion à l'expulsion des Chartreux, sans jamais dire ou supposer que c'était une bonne chose, juste à titre de comparaison dans le temps d'un évènement disproportionné par rapport à ce qu'on ne faisait pas ou peu de nos jours}. Ai-je jamais approuvé ????
Et voilà que nos bons apôtres Martin et SJB prennent le mors aux dents afin de fustiger les vilains républicains de gauche éternels producteurs de martyrs depuis au moins le Magdalénien, qui etc. etc. etc. On finit par s'empoigner pour des raisons qui sont à mille lieues de l'article cité par Bolcho.
C'est décourageant. Je revois mon prof d'histoire de 1ère et terminale barrant d'un trait rouge les paragraphes de nos commentaires ou dissertations historiques avec la mention, en majuscules "[color=red]HORS SUJET[/color]

Stavroguine 30/10/2015 @ 10:23:07
Tout à fait Guiguomas, cette sphère privée est totalement mal comprise. On voudrait interdire aux autres de ne pas penser comme soi même et très souvent on prend ceux qui pensent autrement pour des attardés.


Je ne pense pas que le but soit d'interdire aux gens de penser autrement mais c'est vrai que l'équilibre est complexe. Tu as évidemment le droit d'être opposé à une évolution législative, une politique de l'Etat, y compris parce qu'elles rentrent en contradiction avec tes convictions religieuses. Par contre tu ne peux pas demander à l'Etat de tenir compte de ta religion pour mener sa politique. Et j'imagine bien que ça doit aboutir à des situations un peu schyzophrenes et hypocrites : tu peux être contre l'avortement parce que tu crois au caractère sacre de la vie (y compris au stade embryonnaire) mais si cette croyance est fondée sur ta religion plutôt que sur un idéal philosophique, alors quoi, tu te tais ? Je comprends bien la difficulté... Ta religion fait partie de toi et toi, tu fais partie des citoyens : difficile du coup d'exclure tout à fait la religion de la vie publique. Cela dit, encore une fois, pour l'objet qui nous intéresse, on n'est pas vraiment dans ce cas de figure : quand Morano ou Boutin pointent le christianisme comme chemin à suivre pour la République, on ne peut pas s'empêcher de penser qu'elles ont un petit soucis avec l'idée de laïcité.

Pieronnelle

avatar 30/10/2015 @ 12:52:38
C'est automatique et marrant : il suffise qu'il y ait une allusion dans un fil {j'ai fait allusion à l'expulsion des Chartreux, sans jamais dire ou supposer que c'était une bonne chose, juste à titre de comparaison dans le temps d'un évènement disproportionné par rapport à ce qu'on ne faisait pas ou peu de nos jours}. Ai-je jamais approuvé ????
Et voilà que nos bons apôtres Martin et SJB prennent le mors aux dents afin de fustiger les vilains républicains de gauche éternels producteurs de martyrs depuis au moins le Magdalénien, qui etc. etc. etc. On finit par s'empoigner pour des raisons qui sont à mille lieues de l'article cité par Bolcho.
C'est décourageant. Je revois mon prof d'histoire de 1ère et terminale barrant d'un trait rouge les paragraphes de nos commentaires ou dissertations historiques avec la mention, en majuscules "[color=red]HORS SUJET[/color]

Hé hé ça c'est CL ! On attrape une balle au bond et on va jouer avec à côté :-)

Hiram33

avatar 30/10/2015 @ 12:56:48
"Par contre la messe le dimanche ça fait rater télé-foot, comme quoi rien n'est parfait. Heureusement il y a celle du dimanche soir aussi."

Une religion chasse l'autre !

Bolcho
avatar 16/11/2015 @ 08:01:48
Monde Diplo novembre 2015

1. « Basculement stratégique au Proche-Orient », Olivier Zajec, Sciences Po à Lyon
L'initiative russe a redistribué les cartes d’un jeu mésopotamien grippé. Après un an d’opérations aériennes et sept mille « frappes » contre une OEI résiliente, il apparaît que la stratégie poursuivie depuis 2013 par la coalition occidentale réunie par les Etats-Unis a échoué. Le secrétaire d’Etat américain John Kerry concède désormais que le calendrier de sortie de M. Al-Assad est négociable et que la collaboration avec la Russie et l’Iran est nécessaire.
Le mantra commun à MM. Erdogan et Fabius, selon lequel il existe une « alliance objective entre M. Bachar Al-Assad et les terroristes », a perdu toute applicabilité.
La stratégie russe actuelle est soutenue ouvertement par l’Iran… et l’Irak. L’Egypte n’y est pas opposée. Pékin observe et ne désapprouve pas.

2. « Le pari syrien de Moscou » (Vladimir Poutine à la rescousse de Bachar Al-Assad), Alexeï Malachenko
Entrée sur le théâtre d’opérations syrien, l’armée russe entend démontrer sa capacité à honorer ses alliances régionales et à défendre ses intérêts stratégiques. En réaffirmant une coopération ancienne avec le régime de M. Bachar Al-Assad, le président Vladimir Poutine espère peser davantage dans la reconfiguration du Proche-Orient. Mais il prend aussi le risque de dévoiler les limites de la puissance russe.
Cet appui tactique apporté à M. Bachar Al-Assad par M. Vladimir Poutine n’est pas tout à fait une surprise : la Syrie représentait l’ultime vestige de la présence russe au Proche-Orient, le symbole d’une grandeur passée.
Peut-on imaginer résoudre le conflit par un accord ? Vu de Moscou, ce serait possible si les pays occidentaux acceptaient que M. Al-Assad demeure au pouvoir au moins pendant une période qu’il faudrait définir. Ce scénario paraît pour l’heure hautement improbable, mais il a déjà été discuté — non sans grincements de dents — dans les chancelleries. S’il se réalisait, la Russie pourrait apparaître comme une force de paix qui aurait abattu ses cartes au bon moment.
Mais la partie d’échecs se déroule sur un terrain plus vaste que celui de la région. Apparaît en effet en arrière-plan l’hypothèse d’un « échange » de la Syrie contre le Donbass, région d’Ukraine déchirée entre les partisans d’un rattachement à la Russie et les fidèles au gouvernement de Kiev. En d’autres termes, si les Etats-Unis et leurs alliés prenaient davantage en compte les intérêts russes en Syrie, Moscou pourrait se montrer plus compréhensif vis-à-vis de l’Ukraine.

3. « Robespierre sans masque », Maxime Carvin, pseudonyme d'un doctorant en sciences sociales
La première phase de la Révolution française, visant le renversement du pouvoir absolutiste, fait l’unanimité, ou presque : ne vient-elle pas donner corps à l’esprit des Lumières ? Mais la suite divise violemment. Notamment au sujet de Robespierre, qui, selon certains, conjuguerait tous les vices antidémocratiques : le populisme et l’extrémisme. De quoi se méfier de tout projet radical…
A Robespierre, vrai diable, on reprochera, décennie après décennie, tout et son contraire : l’essentiel est qu’il soit repoussant.
Ce concours de calomnies va s’insinuer dans l’imaginaire collectif et nourrir, au fil du temps, une abondante littérature.
Par exemple, François Furet allait, à partir des années 1960, donner une nouvelle jeunesse au rejet de Robespierre. Communiste repenti devenu un essayiste libéral influent, il s’attaqua à ce qu’il appelait le « catéchisme révolutionnaire » et proposa une nouvelle lecture de la Révolution : d’un côté 1789, la bonne révolution, celle des élites éclairées ; de l’autre 1793, le « dérapage », l’irruption brutale des masses dans la politique.
Le Robespierre de Furet est emporté par son obsession du complot, sa surenchère démocratique, sa logorrhée utopique, qui mènent inévitablement à la Terreur et au totalitarisme. Ce portrait amalgamait des idées et des images empruntées à diverses traditions de l’anti-robespierrisme. Mais Furet, en écrivain subtil, sut donner à cet alliage les allures de la nouveauté.
Son interprétation, lourde d’arrière-pensées politiques, rencontra un écho favorable dans le contexte des années 1970 et 1980, entre mobilisations antitotalitaires et conversion libérale des socialistes français.
Les lecteurs disposent depuis peu d’une nouvelle biographie de référence, due à l’universitaire Hervé Leuwers. Le personnage qu’on y découvre est assez éloigné du dictateur féroce de la légende. Un ambitieux, Robespierre ? Il n’a jamais accepté qu’avec réticence les charges qui lui étaient offertes et a même choisi, lorsqu’il était député de la Constituante, de ne pas se représenter à la Législative, incitant ses collègues à faire de même pour « laisser la carrière à des successeurs frais et vigoureux ». Un ennemi du genre humain ? Il s’est prononcé pour la pleine citoyenneté des Juifs et contre le système colonial. Un tyran ? Il a défendu, très tôt et très seul, le suffrage universel, s’est battu pour le droit de pétition et la liberté de la presse, et n’a pas cessé de mettre en garde les citoyens contre la force militaire et les hommes providentiels. Un centralisateur totalitaire ? Il a théorisé la division du pouvoir et condamné « la manie ancienne des gouvernements de vouloir trop gouverner ». Un fanatique sanguinaire ? Il a longtemps réclamé la suppression de la peine de mort et un adoucissement des sanctions. Résolu à frapper les ennemis de la Révolution, il a néanmoins appelé à ne pas « multiplier les coupables », à épargner les « égarés », à « être avare de sang ». Et si, face aux périls qui menaçaient la République, il s’est rallié à la politique de Terreur, il n’en a jamais été le seul responsable, ni même le plus ardent.
Il a toujours prétendu parler pour le peuple et n’a jamais voulu reconnaître aux possédants la moindre prééminence. Sa crainte, c’est qu’à la vieille « aristocratie féodale » renversée par la Révolution ne vienne se substituer une « aristocratie de l’argent ». Toute son action procède de ce tropisme fondamental. Dans l’ordre politique, il s’élève contre le suffrage censitaire et défend une conception extensive de la souveraineté populaire. Dans le domaine social, il veut borner le droit de propriété et limiter la liberté du commerce quand ceux-ci vont contre le droit naturel du peuple à l’existence.
Se réclamer de Robespierre, c’est d’abord rappeler que la Révolution n’est pas terminée.
Robespierre répétait qu’il n’y a ni démocratie ni liberté sans égalité. Il affirmait que la politique n’est pas une carrière, demandait qu’on limite le cumul des magistratures et qu’on renforce le contrôle des représentants. Il refusait que les intérêts privés l’emportent sur l’intérêt public.
Qui peut prétendre qu’un tel homme n’a plus rien à nous dire ?

4. « Joyeuse colonisation numérique » (des industriels européens contre Google), Marie Bénilde
La surveillance par les services secrets américains des données personnelles des Européens attente au « contenu essentiel du droit fondamental au respect de la vie privée ». Ce jugement de la Cour de justice de l’Union européenne rendu le 6 octobre dernier marque un tournant : sous la pression des industriels, les pouvoirs publics s’intéressent soudain à la régulation du capitalisme numérique.
Google, Amazon, Facebook, Apple (surnommés « GAFA »), mais aussi Uber ou Airbnb suscitent un flot de critiques.
Si différentes sensibilités vis-à-vis des multinationales du Web traversent les gouvernements européens, le ton s’est durci en 2013, au moment où s’engageait un débat sur l’évitement fiscal pratiqué par ces entreprises, mais aussi sur l’implication de certaines d’entre elles dans l’espionnage de dirigeants et d’institutions par la National Security Agency (NSA) américaine. D’après ses comptes sociaux, Google, qui prélève plus de 1,7 milliard d’euros de recettes en France, n’a ainsi payé que 5 millions d’euros d’impôts en 2014 après en avoir versé 7,7 millions en 2013 ; cette même année, Facebook s’acquittait de 240 000 euros pour un chiffre d’affaires estimé à 200 millions d’euros dans l’Hexagone.
Les sociétés vedettes de l’ère numérique ne se contentent pas de contourner l’impôt. Elles rongent le tissu économique existant et tricotent à la place un écosystème qui dépend d’elles. Cette « uberisation », du nom de l’entreprise californienne qui propose à des particuliers de devenir chauffeurs, suscite la résistance des secteurs menacés.
Présent depuis peu dans la géolocalisation routière (Waze), Google se développe dans l’assurance (Compare Auto Insurance), la fibre optique (Fiber), l’automobile (Car), la santé ou la maison connectée (Nest). Sa branche « shopping » assure déjà la comparaison des prix des produits et oriente, ce faisant, les décisions d’achat. Depuis avril 2015, Bruxelles accuse formellement le comparateur de prix de Google de pratiques anticoncurrentielles et étend ses investigations à d’autres services, suscitant l’enthousiasme du Parlement européen.
Dorénavant, le bras de fer tourne à la confrontation transatlantique.
Barack Obama défend Google : un appui marqué à une entreprise qui avait contribué financièrement à sa campagne (troisième contributeur lors de la présidentielle de 2012 avec un don de 804 000 dollars).
En France, M. Stéphane Richard, le président-directeur général d’Orange, parle de « retour de l’impérialisme et du colonialisme américains en matière de numérique » — se gardant de signaler que son propre groupe essuie régulièrement ce type d’accusations en Afrique.
En Allemagne, même les titans de l’automobile s’inquiètent. Un consortium réunit depuis peu les constructeurs Mercedes-Benz, Audi et BMW pour résister à Google Maps en se portant acquéreur auprès de Nokia du service de navigation embarquée Here, afin de conserver le contrôle des données de navigation des automobilistes.
Les dirigeants de Google ont compris qu’il leur fallait désormais un lobbying à toute épreuve. Au cours du premier semestre, forte d’un budget annuel de 3,5 millions d’euros et de vingt-neuf rencontres avec des commissaires, l’entreprise a déployé la plus forte activité d’influence auprès des instances bruxelloises.

5. « L'Afrique, énigme démoigraphique » (Idéal persistant de la famille nombreuse), Henri Leridon, Institut national d'études démographiques (INED)
D'ici à 2050, la population de l’Afrique pourrait doubler, atteignant ainsi 2,4 milliards de personnes, avant de s’établir à 4 milliards vers 2100.
Cette croissance démographique africaine pourrait ralentir fortement l’amélioration des conditions de vie des populations locales au cours des prochaines décennies.
Actuellement, la population africaine croît de 2,5 % par an, pour une moyenne mondiale de 1,2 %.
Cette situation résulte du maintien d’une forte fécondité. Mais cette croissance de la population s’explique aussi en partie par la baisse de la mortalité. L’espérance de vie sur le continent, bien qu’encore éloignée de la moyenne mondiale (70,5 ans en 2010-2015), a gagné plus de vingt ans depuis 1950, passant de 36 à 57 ans.
Cette évolution contribue encore à déconcerter l’observateur. Souvent, une réduction de la mortalité, surtout infantile ou juvénile, induit une baisse de la fécondité, fût-ce avec retard, les familles constatant qu’un plus grand nombre d’enfants survivent. Une étude réalisée en 2003 dans trente pays d’Afrique subsaharienne a montré que le mariage y restait très précoce. Plus de la moitié des femmes entre 20 et 25 ans qui ont été interrogées avaient été mariées avant 20 ans dans les deux tiers de ces pays.
Souvent, la fécondité effective d’un pays se révèle proche du nombre d’enfants désirés par la population. Dans la plupart des pays en développement, le nombre d’enfants désirés a chuté : entre 2 et 3. Mais, en Afrique, il demeure très élevé. Selon une étude réalisée en 2010, dans 18 pays sur 26, le « nombre idéal d’enfants » déclaré par les femmes mariées était en moyenne supérieur à 5 et, dans deux cas, supérieur à 8, le record étant détenu par le Tchad, avec 13,7 enfants. Si les parents, et en particulier les pères, souhaitent une famille nombreuse, c’est principalement parce qu’elle paraît représenter une source de richesse, les enfants pouvant aider aux champs, garder le bétail et, plus tard, trouver de petits travaux en ville.
En outre, même lorsqu’on souhaite limiter sa descendance, encore faut-il disposer des moyens appropriés ; et la contraception reste peu répandue en Afrique. Les responsables politiques et sanitaires de ces pays manifestent une indifférence totale à cette question, quand ils ne sont pas carrément favorables à une forte fécondité.
L’Algérie, l’Egypte, le Maroc ou la Tunisie ont connu des transitions beaucoup plus rapides. Aujourd’hui, la fécondité y est comprise entre 2 et 3 enfants par femme, et les proportions d’utilisatrices de méthodes contraceptives sont comprises entre 60 % et 68 %. Diffuser l’usage de la contraception au sein des populations africaines n’a donc rien d’impossible.
Le meilleur levier reste toutefois une mobilisation directe des femmes. A cet égard, et même si l’effet n’est pas universel, on considère généralement qu’une élévation du niveau d’éducation des filles est indispensable.
Les populations africaines aspirent légitimement à une amélioration de leurs conditions de vie, que la diminution du rythme de croissance démographique ne pourrait que favoriser. Investir dans l’éducation et améliorer le statut des femmes pourrait provoquer une « révolution contraceptive » dont les bénéfices couvriraient d’ailleurs de larges domaines de la santé, bien au-delà de la limitation des naissances.

6. « Comment éviter le chaos climatique : de la science à la politique », Philippe Descamps
« L’influence de l’homme sur le système climatique est clairement établie (…). Pour limiter le changement climatique, il faudra réduire notablement et durablement les émissions de gaz à effet de serre (GES). »
En 2013, le total des rejets de CO2 dépassait 35,3 milliards de tonnes, contre 23 milliards de tonnes en 1990. Entre 1980 et 2011, le « forçage anthropique » (la part du réchauffement liée aux activités humaines) a doublé avec l’émergence de nouveaux pays industrialisés et l’augmentation de la population.
Le climat apparaît comme un multiplicateur des déséquilibres, des inégalités et des menaces que subissent les plus pauvres. Aridité, ouragans, dérèglement de la mousson : le Sud subit déjà les effets des changements sans avoir connu les bénéfices du développement. En Afrique, le désert avance dans les zones sahéliennes, tandis que 620 millions de personnes n’ont toujours pas accès à l’électricité. Une responsabilité colossale revient aux pays développés, et en particulier aux Etats-Unis. L’origine principale du dérèglement tient à l’utilisation du charbon, du pétrole et du gaz. Et pourtant, en 2013, les subventions publiques allouées aux combustibles fossiles représentaient 480 milliards d’euros, soit plus de quatre fois la somme de celles accordées aux énergies renouvelables.
La 21e conférence des Nations unies sur les changements climatique va se tenir à Paris. La préparation de cette conférence se caractérise par le rôle croissant qu’y jouent les multinationales, avec un credo : le droit du commerce doit toujours primer sur l’ambition sociale et environnementale. Et les dirigeants qui viendront plaider la main sur le cœur pour un accord sur le climat négocient dans l’ombre l’instauration d’un grand marché transatlantique (GMT) qui vise à « garantir un environnement économique ouvert, transparent et prévisible en matière d’énergie et un accès illimité et durable aux matières premières ».
Le chaos climatique ne sera évité qu’en laissant l’essentiel des réserves d’énergie fossile dans le sol. Le défi collectif consiste à rendre cet effort acceptable par tous en rompant avec un accroissement des inégalités qui décourage toute solidarité. On se souvient de la proclamation de M. George H. Bush à son arrivée au Sommet de la Terre de Rio : « Le mode de vie américain n’est pas négociable. » Un mode de vie impossible à généraliser, et dont la perpétuation a fait perdre vingt ans en rendant les décisions à prendre plus difficiles encore.

7. « Croissance, un culte en voie de disparition », Jean Gadrey, économiste
Quand bien même la croissance reviendrait dans les pays développés, elle empêcherait d’atteindre les objectifs climatiques. D’autres chemins vers le progrès humain méritent d’être explorés.
Il existe de multiples explications à la « baisse tendancielle du taux de croissance » observée depuis plusieurs décennies dans les pays riches, et plus récemment dans les pays émergents. Même des économistes médiatiques commencent timidement à envisager l’hypothèse d’un monde sans croissance, du moins dans les pays dits avancés. C’est le cas, aux Etats-Unis, de Paul Krugman et de Larry Summers, pour qui « une stagnation séculaire est plausible ». En France, Thomas Piketty nous met lui aussi en garde : « Est-il bien raisonnable de miser sur le retour de la croissance pour régler tous nos problèmes ? Cela ne résoudra pas l’essentiel des défis auxquels les pays riches doivent faire face. »
Pourtant, le culte de la croissance est à ce point ancré dans l’esprit des dirigeants politiques que, même lorsqu’ils tiennent des discours enflammés sur la lutte contre le changement climatique, ils s’empressent de rappeler qu’elle demeure un impératif.
Or, la croissance économique, même faible, est-elle compatible avec les taux de réduction des émissions de gaz à effet de serre aujourd’hui exigés pour ne pas franchir des seuils critiques de concentration dans l’atmosphère ? Faut-il se résoudre à accepter une régression sociale au nom de l’écologie ?
Les dévots de la croissance sont enfermés dans des schémas de pensée où l’avenir ne peut ressembler qu’à une réactivation du passé. Ils n’imaginent pas que l’on puisse « relancer » autre chose que des quantités produites et consommées à grand renfort de campagnes publicitaires, d’obsolescence programmée et de vie à crédit. Et ils ressassent leur argument favori : sans une croissance suffisamment forte et continue, pas de créations d’emplois, pas de réduction du chômage ! Le triangle idéologique du libéral-croissancisme — la compétitivité des entreprises fait la croissance, qui fait l’emploi — est d’un simplisme affligeant. Pourtant, il continue d’orienter les décisions politiques.
En fait, la croissance n’est nécessaire à la création d’emplois que dans le modèle actuel, qui repose sur la quête perpétuelle de gains de productivité : produire toujours plus avec le même volume de travail.
Il faut plutôt troquer le vieux logiciel du « partage des gains de productivité », héritage des « trente glorieuses » ou du fordisme, contre celui du partage des gains de qualité et de soutenabilité. Cela implique aussi de s’attaquer aux inégalités pour que les nouveaux modes de consommation soient accessibles à tous. C’est même la principale condition pour que les milieux populaires ne voient pas dans cette transition la marque d’une écologie punitive.
On constaterait alors que cette économie plus douce avec les humains, avec la nature et avec le travail, privilégiant les low tech (les « basses technologies », par opposition aux « hautes technologies », et qui n’exigent pas moins d’innovation), offre bien plus d’emplois riches de sens que l’économie productiviste actuelle. Pour une raison simple : à quantités identiques, donc sans croissance, il faut nettement plus de travail humain pour produire propre, vert et sain, dans de bonnes conditions de travail et d’emploi. L’agriculture biologique, par exemple, requiert environ 30 % à 40 % plus de travail que l’agriculture industrielle et chimique pour produire les mêmes quantités de fruits, légumes, céréales, etc.
Il appartient aux citoyens, le plus souvent en contournant les responsables politiques, et plus rarement avec leur appui, de s’insurger et de généraliser ces logiques où la triade compétitivité-croissance/consumérisme/emplois indécents-chômage cède la place à une autre : coopération-bien vivre/sobriété matérielle/emplois décents-activités utiles...

8. « Les Pays-Bas ferment leurs prisons : esprit de tolérance ou souci d'intendance ? », Léa Ducré et Margot Hemmerich
Contrairement à la majeure partie des pays européens, les Pays-Bas enregistrent une baisse de leur population carcérale, au point qu’ils louent désormais des places de prison à la Belgique ou à la Norvège. Une politique de réinsertion très ancienne, un recours accru aux peines courtes et aux sanctions financières, ou encore à une justice négociée, se combinent aux considérations budgétaires pour expliquer ce phénomène.
Alors que, jusqu’en 2004, les Pays-Bas souffraient comme la France d’une pénurie de places de prison, leur population carcérale a chuté de près de 45 % en moins de dix ans. Le cas néerlandais suggère que l’encombrement des prisons n’est pas une fatalité. Pour autant, il n’est pas facile de saisir les mécanismes qui ont permis d’inverser la tendance.
Les Pays-Bas sont réputés pour avoir instauré très tôt un système dit « de probation », fondé non sur la punition, mais sur la réinsertion. Le premier service de ce type a vu le jour en 1823.
En 1995, la myriade d’organisations qui s’étaient créées au fil des ans furent regroupées par le gouvernement pour ne plus former que trois agences, encore en place aujourd’hui et qui s'occupent des peines non privatives de liberté, des formations, de l'indemnisation des victimes, du suivi psychologique des détenus... Elles agissent aussi pour limiter les sorties sans accompagnement, qui favorisent la récidive.
Les prisons hollandaises ne se vident pas parce que les Pays-Bas renoncent à enfermer les condamnés. Comparé à celui des pays voisins, le recours à l’incarcération est même plus fréquent : 23 % de l’ensemble des sanctions prononcées, contre 15 % en moyenne en Europe. En revanche, on constate une réduction générale de la durée des peines. La prison reste la peine de référence pour les crimes graves, ainsi que pour les récidives — y compris avec des délits mineurs. Mais, pour le reste, les tribunaux infligent davantage de peines courtes, c’est-à-dire inférieures à un mois : 52 % des sanctions pénales en 2013, contre 38 % en 2005. Par ailleurs, ils privilégient aussi les sanctions financières. On voit également davantage de recours aux mécanismes de « justice négociée », qui, depuis les années 1980, permettent d’éviter les procès, et donc l’emprisonnement : si l’auteur du délit reconnaît sa culpabilité, les poursuites pénales peuvent être abandonnées en échange d’une amende.
De nombreux programmes de prévention de la petite délinquance voient le jour : ils scrutent les taux d’absentéisme et les comportements asociaux ou « déviants » chez les jeunes. L’objectif : leur venir en aide avant que certains ne basculent dans la délinquance.

Bolcho
avatar 08/12/2015 @ 17:54:20
Monde Diplo décembre 2015

1. « Les trois visages du vote FN », Joël Gombin, politiste, université de Picardie
Le lieu commun d’un FN du Nord, social et populaire, qui séduirait les ouvriers, opposé à un FN du Sud, identitaire et économiquement libéral, davantage tourné vers les retraités, a fait florès ces dernières années. Cette opposition est loin d’être pertinente.
Alors même que résonne l’antienne des « deux Front national », la direction néofrontiste cherche à homogénéiser le parti en faisant son miel de la désaffection croissante des classes populaires à l’égard des partis installés.
Cette unification passe par un discours qui, quelles que soient les différences, reste structuré — peut-être plus que jamais — par la question migratoire. Toutes les études montrent que les électeurs frontistes se distinguent de tous les autres par l’absolue priorité qu’ils accordent à cet enjeu. Le discours « social-populiste » du néo-FN doit ainsi être analysé pour ce qu’il est : un moyen de lever les obstacles au vote FN des groupes sociaux qui accordent encore une importance à la question sociale, abandonnée par la gauche.

2. « L'art de la guerre imbécile », Serge Halimi
« Je ne suis pas contre toutes les guerres. Ce à quoi je m’oppose, c’est à une guerre imbécile, une guerre irréfléchie, une guerre fondée non pas sur la raison mais sur la colère. » Ainsi parlait, le 2 octobre 2002, un élu de l’Illinois nommé Barack Obama.
L’invasion de l’Irak créa le chaos qui servirait d’incubateur à l’Organisation de l’Etat islamique (OEI).
L’OEI escompte que ses attentats européens attiseront la méfiance envers les musulmans d’Occident et généraliseront les mesures policières à leur encontre. Ce qui décuplera leur ressentiment au point de pousser quelques-uns d’entre eux à rejoindre les rangs du califat.
« La France est en guerre », a annoncé d’emblée le président François Hollande aux parlementaires réunis en Congrès le 16 novembre. M. Obama s’opposera-t-il très longtemps à la « guerre imbécile » que réclame l’Elysée ?
De fait, un chef d’Etat est presque contraint de réagir à des actions spectaculaires de ce genre. Afficher sa détermination. Entrelarder ses phrases de termes martiaux, parler de « sang », et assurer qu’on sera « impitoyable ». Récolter des ovations debout, puis dix points dans les sondages.
On a souvent reproché à M. George W. Bush son simplisme enfantin et criminel, sa « guerre à la terreur ». Il paraît avoir trouvé des héritiers à Paris. « Revenons à des choses simples, vient ainsi d’expliquer M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, avec son ton de maître d’école spécialisé dans l’instruction des enfants en bas âge que nous sommes. Daech, ce sont des monstres, mais ils sont 30 000. Si l’ensemble des pays du monde n’est pas capable d’éradiquer 30 000 personnes qui sont des monstres, alors à ce moment-là c’est à ne plus rien comprendre. »
Sitôt la guerre remportée par la coalition hétéroclite que Paris cherche à bricoler, la question du « jour d’après » se poserait dans des conditions encore plus périlleuses qu’en Afghanistan, en Irak et en Libye. Mais, aux Etats-Unis, les néoconservateurs ont déjà oublié (comme l’Elysée ?) tous ces échecs. Au point de réclamer l’envoi dans les zones occupées par l’OEI de 50 000 soldats américains.
Le fait que l’OEI souhaite l’attirer dans un tel piège n’oblige pas M. Hollande à s’y précipiter et à y entraîner une coalition de pays souvent beaucoup plus circonspects. Le terrorisme tue des civils ; la guerre aussi. L’intensification des bombardements occidentaux en Irak et en Syrie, qui crée autant de combattants djihadistes qu’elle en détruit, ne rétablira ni l’intégrité de ces Etats ni la légitimité de leurs gouvernements aux yeux de leurs populations. Une solution durable dépendra des peuples de la région, d’un accord politique, pas des anciennes puissances coloniales, ni des Etats-Unis, que disqualifient à la fois leur soutien aux pires politiques israéliennes et le bilan effroyable de leur aventurisme militaire — effroyable y compris de leur propre point de vue : en envahissant l’Irak en 2003, après avoir soutenu pendant huit ans Saddam Hussein dans sa guerre contre l’Iran (plus d’un million de morts), ils ont transformé ce pays en allié de Téhéran... Enfin, des Etats vendant des armes aux pétrodictatures du Golfe qui ont propagé le salafisme djihadiste ne sont qualifiés ni pour parler de paix, ni pour enseigner aux Arabes les vertus de la démocratie pluraliste.
En 2002, M. Obama s’adressait en ces termes à celui auquel il allait succéder : « Vous voulez vous battre, président Bush ? Battons-nous pour que les marchands d’armes dans notre propre pays cessent d’alimenter les innombrables guerres qui font rage dans le monde. Battons-nous pour que nos soi-disant alliés au Moyen-Orient cessent d’opprimer leur peuple, et de réprimer l’opposition, et de tolérer la corruption et l’inégalité, au point que leurs jeunes grandissent sans éducation, sans perspectives d’avenir, sans espoir, devenant des recrues faciles pour les cellules terroristes. » M. Obama n’a pas suivi les conseils qu’il donnait. Les autres chefs d’Etat non plus. C’est dommage. Les attentats de l’OEI et la désastreuse politique étrangère de la France débouchent à présent sur une nouvelle « guerre ». Uniquement militaire, et donc perdue d’avance.

3. « Genèse du djihadisme », Nabil Mouline, chargé de recherche CNRS
Le djihadisme puise ses racines dans le désenchantement provoqué par la première guerre mondiale. Le démantèlement de l’Empire ottoman, l’abolition du califat par Mustafa Kemal Atatürk, la domination occidentale. Plusieurs projets plus ou moins aboutis apparaissent ainsi entre les deux guerres. Le plus important d’entre eux est sans doute celui des Frères musulmans.
La confrérie des Frères musulmans voit le jour en Egypte en 1928. Son fondateur, Hassan Al-Banna, se déclare de manière assez claire contre un certain nombre de principes démocratiques, notamment la liberté, la séparation du politique et du religieux, le multipartisme et la séparation des pouvoirs. Pour faire face aux défis internes et externes, l’oumma doit être selon lui dirigée par une seule loi, la charia, par un seul parti, les Frères musulmans, et par un seul chef, le calife.
Grâce à la simplicité relative de son discours et au zèle de ses membres, la confrérie élargit considérablement sa base de soutien en Egypte et ailleurs dans le monde arabe. Elle ne parvient toutefois pas à réaliser son principal objectif : s’emparer du pouvoir, condition indispensable pour rétablir la cité de Dieu et obtenir le salut. Dès la fin des années 1940, cet échec pousse une minorité résolue à adopter des positions de plus en plus radicales, notamment en ce qui concerne l’usage de la violence. Les choses s’accélèrent de manière dramatique durant la décennie suivante en raison de la répression sans précédent menée par la junte militaire fraîchement installée au pouvoir au Caire.
Intellectuel tourmenté, Sayyed Qotb rejoint la confrérie durant cette période de crise. Il incite les élus à rétablir la souveraineté absolue de Dieu (al-hakimiyya) à travers l’instauration de l’Etat et de la loi islamiques pour libérer les croyants du matérialisme occidental.
En 1979, l’invasion soviétique de l’Afghanistan permet au djihadisme de se doter d’une doctrine théologique et juridique bien établie : le wahhabisme. Grâce aux pétrodollars de l’Arabie saoudite, cette tradition a pu s’imposer dans le champ islamique comme une nouvelle orthodoxie. Né durant la seconde moitié du XVIIIe siècle en Arabie centrale, le wahhabisme est un avatar du hanbalisme, l’une des quatre grandes écoles juridiques du sunnisme. Prédicateur intransigeant, son fondateur, Mohammed Ibn Abd Al-Wahhab (1703-1792), ne recule devant rien pour imposer ce qu’il considère comme la seule vraie religion, celle du Prophète et des pieux ancêtres, « al-salaf al-salih », d’où le terme « salafisme », autre dénomination de cette tradition.
Suivi aveuglément par ses disciples, Ibn Abd Al-Wahhab assure que la seule voie possible vers le salut est la restauration de la religion « pure ». Les gouvernements qui recourent à des lois considérées comme non islamiques sont déclarés apostats. La charia — notamment les châtiments corporels — doit selon eux être appliquée à la lettre.
Cette idéologie a très peu évolué durant les dernières décennies. Les seules nouveautés à signaler sont la montée en puissance du discours antichiite — due aux contextes saoudien, irakien et syrien —, le développement des écrits qui légitiment toutes les formes de violence et celui des récits messianiques.
Al-Qaida fonde sa raison d’être sur l’idée que l’oumma est la cible d’agressions intérieures et extérieures incessantes. Les musulmans du monde entier ont l’obligation, selon elle, de porter secours à leurs coreligionnaires en détresse. L’objectif final est de chasser ces puissances de la demeure de l’islam, de renverser les régimes jugés apostats et de rétablir le califat. En 1998, Oussama Ben Laden et ses lieutenants prêtent d’ailleurs allégeance au chef des talibans, le mollah Omar, en tant que commandeur des croyants, et déclarent le djihad aux puissances occidentales.

4. « Cinq conflits entremêlés », Pierre Conesa, Sciences Po Paris
L’engouement quasi unanime des responsables politiques pour la « guerre » traduit une grave méconnaissance de la réalité du terrain.
Le conflit ancestral entre sunnites et chiites déchire aujourd’hui sept pays de la région : Afghanistan, Irak, Syrie, Pakistan, Liban, Yémen et Bahreïn. Il surgit sporadiquement au Koweït et en Arabie saoudite. En Malaisie, le chiisme est officiellement banni. A l’échelle de la planète, les attentats les plus aveugles, comme ceux commis durant des pèlerinages, tuent dix fois plus de musulmans que de non-musulmans.
La deuxième guerre est celle que mènent les Kurdes pour se rendre maîtres de leur destin, en particulier contre l’Etat turc. Elle est née en 1923, dans les décombres de l’Empire ottoman, avec le traité de Lausanne, qui divisait le Kurdistan entre les quatre pays de la région : Turquie, Syrie, Irak et Iran. Les nombreuses révoltes qui ont secoué le Kurdistan turc entre 1925 et 1939 ont toutes été écrasées par Mustafa Kemal Atatürk. Depuis 1984, cette guerre a causé plus de 40 000 morts en Turquie, où 3 000 villages kurdes ont été détruits, pour un coût estimé à quelque 84 milliards de dollars. Principale menace pour Ankara, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) reste classé comme groupe terroriste par l’Union européenne et les Etats-Unis, et ne peut recevoir d’aide militaire occidentale.
Troisième guerre en cours : celle qui déchire les islamistes entre eux depuis la guerre du Golfe (1990-1991) et plus encore depuis les révoltes arabes. La rivalité la mieux connue oppose les Frères musulmans, soutenus par le Qatar, et les salafistes, soutenus par l’Arabie saoudite, en Egypte, en Libye ou en Tunisie.
Enfin, l’une des guerres les plus meurtrières, qui a fait près de 250 000 morts et des millions de réfugiés, est celle que mène le président syrien Bachar Al-Assad contre tous ses opposants.
La bataille que livrent les Occidentaux apparaît, elle, comme un nouvel épisode d’une guerre beaucoup plus ancienne, avec une autojustification historique insupportable pour les populations de la région. Faut-il remonter aux accords Sykes-Picot, ce partage colonial de la région entre la France et le Royaume-Uni sur les ruines de l’Empire ottoman ? Faut-il remonter à Winston Churchill, alors secrétaire à la guerre du Royaume-Uni, faisant raser des villes et des villages kurdes.
Comment oublier la guerre Iran-Irak (1980-1988), dans laquelle Occidentaux et Soviétiques soutinrent l’agresseur (Bagdad) et mirent sous embargo l’agressé (Téhéran) ? M. Barack Obama est le quatrième président américain à envoyer des bombardiers en Irak, pays déjà meurtri par vingt-trois ans de frappes militaires occidentales. Après l’invasion américaine, entre 2003 et 2011, près de 120 000 civils ont été tués. En 2006, la revue médicale The Lancet estimait le nombre de décès imputables à cette guerre à 655 000, cette catastrophe démographique s’ajoutant aux 500 000 morts causés par l’embargo international entre 1991 et 2002. Aux dires de l’ancienne secrétaire d’Etat Madeleine Albright, le 12 mai 1996 sur CBS, cela en « valait la peine ».
Aujourd’hui, pourquoi les Occidentaux interviennent-ils contre l’OEI ? S’agit-il d’empêcher les massacres ? L’opinion arabe a du mal à le croire quand, deux mois après les 1 900 morts des bombardements israéliens sur Gaza, qui avaient laissé les capitales occidentales étrangement amorphes, la décapitation de trois Occidentaux a suffi pour les décider à bombarder le nord de l’Irak. « Mille morts à Gaza, on ne fait rien ; trois Occidentaux égorgés, on envoie l’armée ! », dénonçait un site salafiste francophone.
L’OEI est devenue l’ennemi numéro un de l’Occident. Celui-ci a déclenché contre elle une « croisade » qui ne dit pas son nom.
La stratégie occidentale fondée sur les bombardements et la formation de combattants locaux a échoué en Syrie et en Irak comme en Afghanistan. Européens et Américains poursuivent des objectifs qui ignorent les mécanismes des crises internes au monde arabo-musulman. Plus l’engagement militaire s’accentuera, plus le risque terroriste augmentera, avant l’affrontement prévisible et ravageur qui devrait finir par opposer l’OEI à l’Arabie saoudite. Est-ce « notre » guerre ?

5. « Indonésie 1965, mémoire de l'impunité », Lena Bjurström, journaliste
Cinquante ans après le massacre par l’armée indonésienne de centaines de milliers de citoyens communistes ou soupçonnés de l’être, les survivants et leurs familles luttent pour obtenir justice. A ce jour, aucun des responsables de cette campagne de terreur n’a été jugé. Et le gouvernement du président Joko Widodo, arrivé au pouvoir en octobre 2014, hésite à ouvrir de véritables enquêtes.
Dès le 2 octobre, le général Mohammed Suharto, prenant la tête de l’armée, accuse le Parti communiste (PKI) de tentative de coup d’Etat et appelle à l’annihilation de ses partisans. Dans les mois qui suivent, plusieurs centaines de milliers d’Indonésiens sont assassinés et plus d’un million d’autres, emprisonnés sans procès. Certains sont membres du PKI, d’autres, syndicalistes ou intellectuels ; beaucoup sont de simples citoyens soupçonnés de sympathies communistes et dénoncés par leurs collègues ou leurs voisins.
Entre le 1er octobre 1965 et le printemps suivant, entre cinq cent mille et un million de personnes auraient été assassinées. S’il y a bien eu des émeutes anticommunistes, la plupart des tueries étaient systématiques et organisées par l’armée. 
« L’un des pires crimes de masse du XXe siècle », pour reprendre les termes de la Central Intelligence Agency (CIA), a été étouffé par trente-deux ans de dictature et par l’indifférence de la communauté internationale. Un renversement politique fort opportun pour les Etats-Unis et l’Europe de l’Ouest, qui, en pleine guerre froide, se sont ainsi vus débarrassés du mouvement communiste le plus important en dehors de l’Union soviétique et de la Chine maoïste. Nombre de chercheurs accusent le gouvernement américain d’avoir soutenu le général Suharto, notamment en lui fournissant du matériel radio et des listes de militants, mais Washington a toujours nié.

6. « Perdre en liberté sans gagner en sécurité », Patrick Baudouin, avocat et président d'honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH)
Face à la montée du terrorisme, le débat entre liberté et sécurité prend une acuité sans précédent pour des démocraties dont les fondements mêmes sont menacés. Déjà, à la suite des attaques du 11 septembre 2001 sur le territoire américain, avait été proclamée la « guerre contre le terrorisme ». Les Etats-Unis avaient alors adopté le Patriot Act, qui permet par exemple de détenir pour une période indéterminée des non-ressortissants, sans aucune charge précise, sur la simple suspicion de participation à des activités terroristes ou de liens avec des organisations terroristes. Ainsi est né le centre de détention de Guantánamo, avec ses centaines de prisonniers qualifiés de « combattants ennemis », victimes des pires traitements et en détention illimitée.
De nombreux autres pays, sur tous les continents, ont emboîté le pas aux Etats-Unis.
Dans la surenchère législative, la France n’a pas été en reste. Dès 1986, après une vague d’attentats attribués à Action directe, un régime d’exception avait été instauré, jetant les bases de la législation antiterroriste française : infractions et règles procédurales spécifiques, durée de garde à vue allongée, pouvoirs policiers renforcés, corps de magistrats spécialisés, cour d’assises spéciale. Depuis lors, plus d’une quinzaine de textes visant chaque fois à renforcer le système d’exception se sont empilés : des pouvoirs accrus sont accordés à l’administration et à l’exécutif.
Un pas supplémentaire et alarmant vient d’être franchi avec les décisions consécutives aux attentats du 13 novembre 2015. Le Parlement a voté à la hâte et à la quasi-unanimité la prorogation pour une durée de trois mois de l’état d’urgence, qui offre aux autorités administratives un large panel de mesures coercitives : couvre-feu, perquisitions à toute heure, contrôle encore renforcé d’Internet, fermeture de lieux publics, interdiction de manifester, assignation à résidence avec obligation de demeurer au domicile imparti douze heures d’affilée, extension de la mise sous surveillance électronique, dissolution d’associations ou de groupements de fait dont l’activité porte atteinte à l’ordre public... Chacune de ces mesures comporte des risques de dérives. Ainsi, des perquisitions pourront avoir lieu en pleine nuit chez des personnes finalement étrangères à tout acte de terrorisme.
L’ensemble s’inscrit dans une tendance lourde de mise à l’écart du juge, pourtant garant essentiel des libertés individuelles. Un engrenage infernal conduit, après chaque tuerie, à adopter dans la panique des dispositions aussi contre-productives qu’illégitimes.La loi est devenue un simple instrument de communication politique ; elle permet de rassurer, non sans démagogie ni arrière-pensées électorales, une opinion légitimement horrifiée et bouleversée, en restant sur le terrain de l’émotion au lieu de mener la réflexion nécessaire.

7. « Et si les vaches mangeaient de l'herbe... », Gérard Le Puill, journaliste et essayiste
Dans le cadre de la conférence de Paris sur le climat, l’Union européenne réfléchira-t-elle à son modèle agricole, qui accompagne plus que jamais la mondialisation libérale ? En développant l’agroécologie, une idée neuve, la France pourrait réduire considérablement son empreinte carbone tout en produisant des aliments de qualité en quantité suffisante.
L'agriculture contribue bien davantage au réchauffement climatique qu’on ne l’imagine généralement. A l’échelle mondiale, on estime à 14 % la part de la production agricole dans les émissions de gaz à effet de serre (GES). En France, cette proportion aurait atteint 21 % en 2012. Le secteur agricole français disposerait d’un immense potentiel de réduction des GES s’il sortait de son sillon pour explorer d’autres voies.
Parce qu’il réduit la charge de travail sur les exploitations, ce maïs broyé et fermenté est depuis plusieurs décennies l’aliment de base dans 80 % des élevages laitiers. Comme il est très énergétique mais pauvre en protéines, l’éleveur doit acheter de grandes quantités de tourteaux de soja pour compléter. Cette solution lui permet de produire beaucoup de lait par vache, mais avec une faible marge par litre. La baisse sensible du prix du lait payé au producteur — de l’ordre de 15 à 20 % en 2015 — a confirmé l’extrême fragilité économique de ce système fourrager. Ajoutons que l’extension des surfaces consacrées à la culture du soja en Amérique du Sud pour alimenter la demande en Asie et en Europe pousse aussi à la déforestation et au retournement des prairies dans cette région du monde, ce qui accélère le réchauffement climatique.
Lutter efficacement contre le réchauffement climatique implique enfin de moins faire voyager les produits. Cela suppose de rompre avec l’importation massive de fruits et de légumes cultivés à des milliers de kilomètres de leur lieu de consommation. Un accord de libre-échange négocié au début de la décennie entre l’Union européenne et le Maroc nous inonde de melons, tomates et autres courgettes produits dans ce pays, avec un bilan carbone désastreux, tandis que l’irrigation de ces cultures d’exportation gourmandes en eau va poser de plus en plus de problèmes aux générations futures de Marocains, qui doivent importer nos céréales au prix fort...
Jadis, les ceintures vertes étaient des zones de maraîchage autour de toutes nos grandes villes. Aujourd’hui, seules 0,5 % des terres agricoles de la région Ile-de-France font du maraîchage, alors que 50 % de la superficie de cette même région est consacrée à l’agriculture, la production céréalière destinée à l’exportation y étant prédominante.
Pourtant, la production alimentaire de proximité va redevenir impérative si nous voulons réduire le bilan carbone de notre assiette. Ce bilan peut aussi être réduit par une moindre consommation de protéines animales. La planète ne pourra pas nourrir une population mondiale de plus de neuf milliards d’humains sans une réduction sensible de la consommation des produits carnés dans les pays développés et la plupart des pays émergents.
Les vaches ne vont plus au pré, et cette formule du « zéro pâturage » augmente considérablement le bilan carbone de chaque litre de lait produit. Faute d’herbe, les animaux mangent plus de grain, et le rendement du grain à l’hectare est très inférieur à celui de l’herbe et des plantes potagères. Ce modèle implique aussi le recours massif aux tourteaux de soja importés.

8. « La kinésithérapie piégée par les mages », Nicolas Pïnsault (kinésithérapeute enseignant, et Richard Monvoisin, didacticien des sciences
En septembre dernier, la Cour des comptes dénonçait la progression des dépenses en kinésithérapie. Ostéopathie, chiropractie, haptonomie : l’engouement pour les thérapies manuelles conduit à s’interroger plus largement sur l’information des patients et sur l’efficacité de certaines pratiques. Ne faudrait-il pas replacer la démarche scientifique au cœur de ce type de soins ?
L’ostéopathie est ainsi née d’une « vision épiphanique » reçue le 22 juin 1874, à 10 heures précises, par Andrew Taylor Still, son fondateur… Et que dire quand l’hôpital public propose l’haptonomie (« art du toucher affectif ») dans les maternités, le barrage de feu pour les brûlés ou la réflexologie pour les cancéreux — méthodes qui n’ont jamais montré d’efficacité au-delà de l’effet placebo ?
Pourtant, les patients semblent enchantés. Et pour cause : explications simples, unicausales ; thérapie qui peut tout avec un soupçon de magie, d’enchantement et une pincée d’orientalisme ; thérapeute qui fait appel à ses émotions ; prise en charge plus longue, personnalisée ; corpus souvent mystique, qui donne un « sens » au pourquoi des souffrances. Alors que le médecin paraît souvent pressé, le pseudothérapeute rassure par sa présence : mi-gourou, mi-chaman. Les bénéfices contextuels de l’effet placebo opèrent.
L’engouement pour les thérapies manuelles n’est pas sans poser des questions politiques. L’essentiel des thérapies « alternatives » impute les souffrances à l’individu lui-même. Chacun devient sinon la propre source de ses malheurs, du moins le porteur de la solution pour les évincer : en évitant les ondes, en harmonisant ses énergies ou en ouvrant ses chakras. Exit l’analyse socio-économique du mal-être.
Cette individualisation des problèmes pulvérise toute contestation sociale.
Un marketing truffé de concepts usurpés soutient l’ensemble. Ainsi en est-il, par exemple, de la « vertèbre déplacée », d’autant plus facile à « remettre en place » que l’on dispose du « cracking », l’art de faire craquer les articulations, dont la seule vertu thérapeutique est de donner au patient l’illusion que quelque chose s’est produit.
Prendre la satisfaction du patient comme seule référence de la qualité d’un soin revient à considérer ce soin comme un produit de consommation parmi d’autres.
On pourrait juger anodin le flou des frontières entre thérapies et pseudo-thérapies, y voir le vestige d’une querelle de chapelles. Mais n’est-il pas dérangeant de voir les contributions de tous à l’assurance-maladie payer des actes de soin dits non conventionnels pratiqués par des professionnels conventionnés ? Il ne suffit pas qu’un patient aille mieux pour valider l’efficacité d’une technique : il faut qu’il aille mieux que s’il n’avait pas reçu le traitement, et même mieux que s’il avait reçu un placebo.
Le retour à la science et aux pratiques fondées sur les preuves ne relève pas du scientisme, mais constitue la seule planche de salut.

Saule

avatar 08/12/2015 @ 20:42:29
Copieux programme...

Saint Jean-Baptiste 12/12/2015 @ 11:40:27
Article 2 : la guerre imbécile - de Serge Halami.

Notre ami Serge Halami, s'est mis au balcon, il regarde ce qui se passe et il compte les coups : la guerre contre les terroristes engendre toujours plus de terroristes, c'est une guerre imbécile, c'est Barak Hobama qui l'a dit et, maintenant c'est lui le va-t-en-guerre. Et Hollande se fait chef de guerre et remonte de dix points dans les sondages... Une guerre imbécile, avec tant de victimes, une guerre militaire contre trente mille terroristes, perdue d'avance, etc, etc...

C'est beau comme l'antique mais c'est tellement facile ! On pourrait pondre un autre article, tout aussi édifiant, si les pays civilisés restaient au balcon à regarder les massacres sans rien faire. Alors, on brandirait alors « les valeurs de la République », le devoir sacré des humanistes, qui nous oblige à intervenir quand, sous nos fenêtres, on massacre, on viole, on décapite des femmes et des enfants, on brûle les villages et on boit dans les cranes des victimes après avoir fait un feu de joie avec leurs cadavres...

Ce genre d'article de Serge Halami est inadmissible ; on peut toujours critiquer : si on intervient, on fait des dégâts et c'est très mal. Si on intervient pas, après coup, on vous reprochera « l'esprit de Munich » : « ah ! Si on avait étouffé la guerre dès le début, quand il suffisait de maîtriser 30 000 terroristes, etc, etc... ! »

Le génocide au Ruanda a fait plus d'un million de victimes. On aurait pu empêcher ça. Mais les belles âmes comme Serge Halami nous aurait reproché d'avoir fait une guerre imbécile et d'avoir fait tant de victimes dans un pays étranger...

A ne rien faire dans la vie, on ne fait jamais rien de mal, mais qui donc disait : le pire n'est pas ceux qui fond le mal mais ceux qui le regarde sans bouger ?

Saint Jean-Baptiste 12/12/2015 @ 12:05:33
3. « Genèse du djihadisme », Nabil Mouline, chargé de recherche CNRS

L'article de Nabil Mouline sur la genèse du djihadisme est tout à fait remarquable.
Il nous explique comment est né le ce mouvement à partir du « désenchantement provoqué par la première guerre mondiale. Le démantèlement de l’Empire ottoman, l’abolition du califat par Mustafa Kemal Atatürk, la domination occidentale ».

Pour une fois, ce n'est pas les méchants Occidentaux les seuls responsables de tous les maux des pauvres Arabes !
L'article nous montre bien comment ce mouvement a ses racines dans une interprétation rigoureusement traditionaliste de l'Islam.

C'est un article très instructif. Il montre bien ce que sont les Frères musulmans. Et on ne peut s'empêcher de sourire au souvenir de tant de commentateurs qui les prétendaient capables de rétablir un système de paix et de justice en Égypte.

Voilà un article bien informé, honnête, objectif et surtout très instructif ; à lire et à relire.
Merci Bolcho !

Saint Jean-Baptiste 14/12/2015 @ 12:12:51
4. « Cinq conflits entremêlés », Pierre Conesa, Sciences Po Paris


« Plus l’engagement militaire s’accentuera, plus le risque terroriste augmentera, avant l’affrontement prévisible et ravageur qui devrait finir par opposer l’OEI à l’Arabie saoudite. Est-ce « notre » guerre ? »

Cet article est très intéressant et, évidemment, vu comme ça, ce n'est pas notre guerre !
Mais je pense que l'article omet de signaler un conflit : celui que même l'OEI contre les pays où vivent des musulmans, dans le but d'y établir la charia, selon la loi de l'Islam.
Alors il est légitime d'aller traquer les terroristes où ils se trouvent plutôt que d'attendre qu'ils ne viennent chez nous.
L'ennui c'est que les Occidentaux veulent bien faire la guerre mais sans se faire tuer, ce qui les obligent à bombarder... un peu au hasard.

Saint Jean-Baptiste 14/12/2015 @ 12:17:09
6. « Perdre en liberté sans gagner en sécurité », Patrick Baudouin, avocat et président d'honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH)


Les droits-de-l'hommistes sont dans leur rôle quand ils dénoncent les dérives qu'entraînent les mesures sécuritaires.
Mais un État a le devoir d'assurer la sécurité de ses citoyens. Sans sécurité, on en viendrait à se faire justice à soi-même comme en Amérique où chacun à son arme.

Dans les circonstances actuelles, l’État fait son devoir et des tournures de phrases comme celle-ci sont inadmissibles : « Ainsi, des perquisitions pourront avoir lieu en pleine nuit chez des personnes finalement étrangères à tout acte de terrorisme. »

Une tournure honnête aurait été : « Ainsi, des perquisitions pourront avoir lieu en pleine nuit chez des personnes soupçonnées de participation à tout acte de terrorisme. »

Saule

avatar 14/12/2015 @ 19:49:48
4. « Cinq conflits entremêlés », Pierre Conesa, Sciences Po Paris


« Plus l’engagement militaire s’accentuera, plus le risque terroriste augmentera, avant l’affrontement prévisible et ravageur qui devrait finir par opposer l’OEI à l’Arabie saoudite. Est-ce « notre » guerre ? »

Cet article est très intéressant et, évidemment, vu comme ça, ce n'est pas notre guerre !
Mais je pense que l'article omet de signaler un conflit : celui que même l'OEI contre les pays où vivent des musulmans, dans le but d'y établir la charia, selon la loi de l'Islam.
Alors il est légitime d'aller traquer les terroristes où ils se trouvent plutôt que d'attendre qu'ils ne viennent chez nous.
L'ennui c'est que les Occidentaux veulent bien faire la guerre mais sans se faire tuer, ce qui les obligent à bombarder... un peu au hasard.

Je trouve aussi cet article très intéressant, même si je ne comprends pas pourquoi l'affrontement entre l'OEI et l'Arabie Saoudite est inévitable.
En tout cas il semble évident que les européens n'ont pas les moyens de faire une guerre contre l'OEI, et de toute façon ce serait contre-productif et perdu d'avance. Ce qui n'empêche que Hollande était bien obligé de faire "comme si", histoire de se faire respecter.

Saint Jean-Baptiste 16/12/2015 @ 11:45:21


je ne comprends pas pourquoi l'affrontement entre l'OEI et l'Arabie Saoudite est inévitable.

Moi non plus. Je croyais que l'Arabie Saoudite finançait Daech en « stoumeling » (tiens, encore un mot pour Minoritaire).
J'ai entendu que maintenant elle allait lui faire la guerre... Que le monde arabe est compliqué !

Saint Jean-Baptiste 22/01/2016 @ 12:24:18
Allo... ! Allo... ! Bolcho... ?

Bolcho
avatar 10/02/2016 @ 11:28:21
Allo SJB ? Oui, je suis très en retard ! Faut dire que je suis allé faire un tour en Australie et que je n'avais pas pris avec moi les Monde Diplo. Mais me voici de retour.

Monde Diplo de janvier 2016

« Le Front National verrouille l'ordre social », Serge Halimi
Tout profite à l’extrême droite française : une économie en panne, un chômage dont la courbe s’envole au lieu de s’inverser, la hantise du déclassement et de la précarité, une protection sociale et des services publics menacés, un « projet européen » aussi savoureux qu’une gorgée d’huile de ricin, une vague migratoire que gonfle le chaos de plusieurs Etats arabes, des attentats de masse dont les auteurs se réclament de l’islam… Sans oublier, depuis près de trente ans, un Parti socialiste qui partage avec la droite la responsabilité de politiques néolibérales.
Le FN se portait déjà très bien avant les attentats meurtriers de janvier et de novembre 2015 à Paris, et avant l’afflux de migrants des derniers mois, même si, à l’évidence, ces événements l’ont servi.
Désormais, pour un électeur frontiste, le vote utile, c’est le vote FN.
De 18 % à 20 % des électeurs de M. Nicolas Sarkozy en 2012 auraient voté pour la formation de Mme Marine Le Pen en décembre dernier
La détermination des électeurs d’extrême droite est d’autant plus significative que le mode de scrutin et le système d’alliances pénalisent lourdement leur parti. Premier en termes de suffrages à l’issue de ces régionales (c’était déjà le cas lors des scrutins européen de mai 2014 et départemental de mars 2015), celui-ci ne préside pas un seul conseil régional, pas un seul conseil général. Et il n’est représenté que par 2 députés sur 577, 2 sénateurs sur 348. Cette anomalie démocratique lui permet de continuer à se poser en victime d’une « classe politique » largement détestée.
Traditionnellement, la victoire d’une majorité de gauche coïncidait avec une radicalisation de la droite.
Dans le cas de M. Hollande, l’hostilité qu’il suscite dans les cercles conservateurs est plus déconcertante, car on voit mal en quoi ses politiques se distinguent des leurs.
Comme l’extrême droite, la « droite décomplexée » adore fustiger le « politiquement correct ». Le phénomène n’est pas exclusivement français. Aux Etats-Unis, chacune des saillies actuelles du candidat républicain Donald Trump contre les Mexicains « violeurs » ou les musulmans « terroristes » permet au milliardaire new-yorkais de souligner le courage qu’il aurait à rompre ainsi avec le consensus mou de la gauche, des intellectuels, des bourgeois, des snobs. M. Sarkozy est familier de ces vieilles ficelles de la droite américaine. Le 9 décembre dernier sur France Inter, il a donc pourfendu une nouvelle fois « cette bien-pensance qui interdit les débats ». Quels débats seraient interdits selon lui ? « Dès que quelqu’un disait quelque chose sur l’immigration, il était raciste ; dès que quelqu’un prononçait le mot “islam”, il était islamophobe ; dès que quelqu’un posait une question sur l’identité française, c’était un réactionnaire. »
Mais comment le Front national ne remporterait-il pas la bataille des idées quand ses adversaires présumés la mènent pour lui, et sur ses thèmes de prédilection ?
Désormais, cette dynamique est relayée par le président de la République lui-même.
S’exprimant devant le Parlement réuni en Congrès, le 16 novembre dernier, M. Hollande a déclaré par exemple : « Nous devons pouvoir déchoir de sa nationalité française un individu condamné pour une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou un acte de terrorisme, même s’il est né français, je dis bien : même s’il est né français, dès lors qu’il bénéficie d’une autre nationalité. » Une telle mesure directement piochée dans la besace idéologique de l’extrême droite.
Mme Le Pen n’a plus eu qu’à empocher la mise. Elle l’a fait avec gourmandise lors d’un meeting, le 27 novembre : « Le FN a un programme réaliste et sérieux qui est même source d’inspiration pour François Hollande. »
Depuis trente ans, les politiques sociales et les services publics sont attaqués : retraites, allocations familiales, aides au logement, gratuité de l’enseignement supérieur et de la santé. Et l’Union européenne interdit, comme elle vient de le confirmer en Grèce, tout changement de cap économique. M. Arnaud Montebourg, n’avait pas tort d’accuser son président d’alors, M. José Manuel Barroso, d’être « le carburant du Front national ».
La politiste Céline Braconnier relève qu’au sein de l’électorat d’extrême droite, « le faux pauvre est une figure omniprésente dans les entretiens. C’est la voisine qui vit des aides sociales et dont les enfants ont accès à la cantine gratuitement  ; ce sont les Roms installés gratuitement dans des camps ; ce sont les tricheurs qui profiteraient de la générosité des banques alimentaires en dissimulant la réalité de leur situation »…
Travailleurs pauvres contre fraudeurs, puis Français contre immigrés, enfin « Blancs » contre « musulmans » : à mesure que la crise économique se durcit, les métastases se propagent au sein des catégories populaires.
Il y a quatre ans, M. Valls réclamait déjà la liquidation des « mots qui ne veulent plus rien dire ou qui sont dépassés : “socialisme”, “camarade”, “parti” ». Son vœu idéologique rejoint à présent le calcul électoral du président de la République, désireux de balayer tout héritage de gauche pour disputer l’année prochaine aux dirigeants de droite le rôle de candidat d’une grande nébuleuse « modérée », « républicaine ». Lequel serait automatiquement élu au second tour de la présidentielle, puisque seul rival du Front national.
Si elle aboutit, la reconduction obstinée d’un projet aussi désespérant devra beaucoup au Front national. Car ce système et ses hommes ont besoin de lui. Et savent qu’ils n’auront rien à redouter, rien à changer, rien à céder tant qu’il demeurera leur principal adversaire.

« Le droit d'asile remis en question : Haro sur Schengen », Benoît Bréville
Depuis les attentats du 13 novembre à Paris, certains responsables politiques français, ont fait des accords de Schengen, qui organisent la libre circulation des personnes entre les Etats signataires, l’une des causes de la tuerie. « Schengen est mort », a jugé M. Nicolas Sarkozy. « L’absence de frontières nationales représente une folie criminelle », a ajouté Mme Marine Le Pen (Front national). « Si l’Europe n’assume pas ses responsabilités, alors c’est tout le système Schengen qui sera remis en cause », a également menacé M. Manuel Valls.
Les frontières européennes ne sont pas fermées à l’immigration. En 2013, par exemple, les vingt-huit Etats membres de l’Union ont accueilli légalement plus de 1,5 million d’étrangers extracommunautaires. Chaque Etat décide de l’ampleur de ce flux. En France, 209 782 titres de séjour ont été délivrés en 2014 — au titre du regroupement familial, à des étudiants, des travailleurs qualifiés, des saisonniers ou encore des réfugiés —, soit seulement 13 000 de plus qu’en 2010.
Entre-temps, plusieurs pays du Proche-Orient et d’Afrique ont pourtant sombré dans des guerres civiles qui ont jeté sur les routes des millions de personnes. Dans l’impossibilité d’obtenir un visa, nombre d’entre elles franchissent illégalement les frontières européennes.
Depuis vingt-cinq ans, l’Union européenne a multiplié les dispositifs pour barrer la route à l’immigration clandestine. En quatorze ans, les Etats membres de l’Union ont dépensé 11 milliards d’euros pour expulser des sans-papiers et au moins 2 milliards pour renforcer leurs 14 000 kilomètres de frontières extérieures. Ces chiffres restent très modestes comparés aux moyens mobilisés par les Etats-Unis pour sanctuariser leur territoire : 18 milliards de dollars par an, essentiellement concentrés sur les 3 140 kilomètres de frontière avec le Mexique, où a été érigé un mur haut de 5 mètres, garni de 1 800 tours de surveillance. Derrière lui s’activent 20 000 agents de sécurité, soit un tous les 150 mètres.
Tout cela a entraîné une criminalisation croissante des réseaux de trafic de migrants, qui, peu à peu, se confondent avec ceux du trafic de drogue.
Les guerres qui déchirent la Syrie, l’Irak, la Libye, l’Afghanistan, le Yémen, le Nigeria, la Somalie ou le Soudan poussent la population au départ. Seule une minorité tente sa chance en Europe.
Or les réfugiés se comptent par millions. La plupart d’entre eux doivent pénétrer clandestinement dans l’Union. Seul le recours aux passeurs peut leur permettre de parvenir à bon port. Long, périlleux, physiquement éprouvant, ce parcours induit une sélection parmi les migrants : il faut être jeune, robuste, déterminé et venir d’un milieu suffisamment aisé pour payer le voyage. Les réfugiés actuels sont donc souvent urbains et diplômés.
Selon le règlement Dublin II, adopté en 2003 par l’Union européenne, ceux qui arrivent en Europe doivent déposer leur demande d’asile dans le premier pays où ils ont mis le pied, ce qui condamne à l’illégalité ceux qui voudraient par exemple rejoindre un parent ou un ami en Suède, et cela provoque aussi un profond déséquilibre territorial : l’essentiel des réfugiés arrivant bien sûr dans les Etats périphériques. Se transformer, sur ordre de Bruxelles, en cerbère continental constitue déjà, pour l’un des membres les plus fragiles de l’Union, une redoutable obligation. Cela n’empêche pas la Grèce d’être encore régulièrement morigénée par ses « partenaires » européens, qui l’ont menacée, début décembre, d’une exclusion de l’espace Schengen si elle ne contrôlait pas mieux ses frontières.
Quand le gouvernement de M. Silvio Berlusconi a décidé d’octroyer 25 000 titres de séjour temporaire, ouvrant la possibilité de circuler en Europe à des Tunisiens débarqués en Sicile. Les ministres de l’intérieur autrichien, allemand, belge, finlandais, néerlandais et slovaque se sont aussitôt opposés à cette décision, évoquant une « violation de l’espace Schengen ». M. Sarkozy, alors président de la République, a décidé de suspendre la circulation ferroviaire entre la France et l’Italie. L’affaire a encore une fois été jugée par Bruxelles, qui a donné raison à Paris.
Tout porte à croire que l’afflux de réfugiés en périphérie de l’Europe se poursuivra au cours des mois et des années à venir.
La remise en cause des accords de Schengen ne se conçoit pas sans une réorganisation profonde de l’économie continentale. La Fédération néerlandaise des sociétés de transport et logistique a ainsi fait savoir en septembre dernier qu’un retour des frontières entraînerait un manque à gagner de 600 millions d’euros par an pour les entreprises qu’elle représente. La suppression de l’espace Schengen mettrait probablement un frein à la sous-traitance industrielle et au dumping social.
Il n’est guère surprenant que les partis d’extrême droite européens fassent de Schengen et de l’immigration la cause de la plupart des problèmes, du chômage au terrorisme en passant par l’érosion de l’Etat social.
On peut en revanche s’étonner de voir des formations « pro-européennes » préconiser des solutions qui détruiraient l’édifice qu’elles ont bâti depuis trente ans. Ce revirement montre combien le réflexe de repli national s’étend bien au-delà de l’extrême droite, dans des formations qui préfèrent s'en remettre à la vieille tactique consistant à opposer les classes populaires « autochtones » aux étrangers. Même les partis de gauche radicale se montrent discrets sur le sujet, par crainte de s’aliéner une opinion réputée frileuse en matière d’immigration.
En France, depuis les attentats de Paris, l’idée que le flot des arrivées dépasse les capacités d’accueil n’est même plus discutée. Pourtant, alors qu’elle se remettait à peine de la crise de 1929 et qu’elle se préparait à la guerre, la France a accueilli en 1939 plus de 450 000 républicains espagnols. Cet exode n’a pas été sans susciter une certaine hostilité dans la population, mais les nouveaux venus ont également pu compter sur le soutien de syndicats et de partis politiques de gauche.
A l’inverse, les réfugiés actuels sont présentés comme des profiteurs de l’aide sociale menaçant l’identité nationale, des voleurs d’emplois, des extrémistes religieux, voire des terroristes en puissance. Avec un tel récit médiatique, comment s’étonner que les surenchères sécuritaires séduisent les électeurs ?

« Transsexualité, l'Argentine en pointe », Angeline Montoya, journaliste à Buenos Aires
Il y a quelques années, M. Mauricio Macri, aujourd’hui président de l’Argentine, comparait l’homosexualité à une « maladie ». Son ton a changé : il sait que douze années (2003-2015) de gauche au pouvoir ont transformé le pays, notamment sur la question des identités civiles et sexuelles.
La loi votée reconnaît le droit à toute personne de se définir comme homme ou comme femme, indépendamment du sexe qui lui a été « assigné » à la naissance. Il devient donc possible de faire modifier, sur simple déclaration à l’état civil, son prénom, son sexe, la photo de sa carte d’identité ainsi que son extrait de naissance. Le tout sans avoir à fournir d’explication, encore moins à passer devant un psychiatre ou sous le bistouri d’un chirurgien — ce qu’impose la France.
Beaucoup, parmi les personnes concernées, choisissent de garder leurs organes génitaux de naissance, préférant se définir comme « trans » plutôt que comme homme ou femme.
Bien qu’imparfaite aux yeux de certains, la loi fait la quasi-unanimité dans la communauté trans. Elle prévoit par exemple que l’Etat couvre l’ensemble des frais liés à un éventuel traitement hormonal ou à une opération de réassignation de sexe ; elle autorise également les mineurs à modifier leur état civil, avec l’accord des parents. Depuis 2012, 6 000 personnes (sur 41 millions d’habitants) ont fait modifier leurs papiers.
Comment expliquer qu’un pays catholique ait légalisé, coup sur coup et presque sans aucun débat, le mariage entre personnes du même sexe (2010), la reconnaissance du droit à l’identité de genre (2012) et la procréation médicalement assistée gratuite pour toutes les femmes (2013) ?
Depuis la fin de la dictature (1976-1983), les « grands-mères de la place de Mai » se sont mises en quête des quelque 500 enfants volés par les militaires et élevés dans l’ignorance de leur véritable identité. Une commission pour le droit à l’identité a été créée en 1992. S’est ainsi construite l’idée de l’identité comme un droit, peu à peu reprise par divers collectifs, comme ceux des peuples indigènes.
Les avancées des droits des minorités sexuelles ont également été facilitées par le fait... qu’elles n’ébranlent pas la domination masculine — contrairement à la légalisation de l’avortement, toujours pénalisé, qui donnerait une plus grande autonomie aux femmes.
Par ailleurs, si Néstor Kirchner (décédé en 2010) était un défenseur des droits LGBTQI, Mme Fernández de Kirchner, elle, a toujours martelé son opposition à la légalisation de l’avortement.
La lutte des trans pour pouvoir vivre normalement est loin d’être parvenue à son terme. Outre le fait que la transphobie et la violence demeurent prégnantes, de nombreuses lois fondées sur la différence sexuelle doivent encore être modifiées. « Va-t-on donner un congé maternité à un homme trans reconnu comme tel par l’état civil ? ». De fait, en février, un trans ayant conservé ses organes reproducteurs féminins a obtenu une allocation de grossesse, alors que ses nouveaux papiers indiquaient qu’il était un homme. Les trans continuent donc leur chemin vers plus d’intégration.

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