Bon, plantons bien le décor car avec Turf rien n’est jamais si simple que cela. Il faut rappeler, avant de le suivre sur ce phare d’Ouestan, qu’il est l’auteur de La Nef des fous et de Magasin sexuel, deux séries que j’ai beaucoup appréciées mais qui sont quand même bien déjantées… Donc, disais-je, un phare, une grande marée, des recherches archéologiques exceptionnelles et une explosion… Du coup, un phare qui décolle dans l’espace et qui fuit au loin…
Je sais bien que cela peut vous sembler fou – en fait, on peut dire que ça l’est – et 6 personnes se retrouvent bloquées dans ce phare au cœur de l’espace. En quelques pages, Turf vient de se créer un huis-clos exceptionnel et il va en jouer durant deux albums… Que du bonheur !
Je connais Turf depuis longtemps et donc, j’allais dire presque comme chaque année, nous nous sommes retrouvés devant mon petit micro… Et nous avons parlé sans voir le temps passer… Nous avons parlé de la vie en société, de ces personnages coincés dans l’espace dans une proximité infernale… Une comédie humaine dans un format concentré mais avec beaucoup plus d’humour que Balzac quand même…
Il y a beaucoup dans ce diptyque, certains diraient presque trop, car il y a de la citation, de la référence, de la culture, de l’art, de l’humour, de la psychologie, du bonheur, du plaisir (enfin surtout pour le lecteur)…
Il y a, par exemple, un phare qui vole dans l’espace et qui a les couleurs de la fusée de Tintin (enfin de Tournesol plus exactement). On pourrait se dire que la citation Hergé cesse-là et en même temps il y en a d’autres comme le fait de voir des personnages se tromper dans leurs noms, un perroquet qui ponctue les conversations… Bref, oui, Turf joue mais pas que…
Il a aussi un dessin fidèle à lui-même, une sorte de ligne claire réappropriée avec laquelle il excelle à raconter les bonnes histoires. Tout est là, sans surcharger les dessins, tout est au service du lecteur, il a tout sous les yeux pour tout comprendre…
Il y a aussi un jeu avec les réalités physiques. Bien sûr qu’un tel phare ne peut pas voler, certes il manque de l’oxygène, oui il n’y a aucun équipement, oui tout est déjanté, oui rien n’est possible et, en même temps, tout est possible puisque cela a bien lieu… Non ? Lisez l’album, vous verrez bien que tout arrive !
Cette poétique de l’œuvre fait de Turf un auteur de bandes dessinées différent, atypique, exceptionnel. Moi, je suis séduit, enchanté, régalé par ses albums, année après année… Et, comme il m’a annoncé pour bientôt un nouvel album de La Nef des fous, je l’ai quitté heureux et on s’est dit à l’année prochaine !!!
« Regarde les filles » est un roman graphique qui m’a surpris, étonné, séduit ; conquis, fasciné… lorsque je l’ai lu. J’ai partagé cette lecture avec Cynthia qui a été de mon avis : « J’ai véritablement été happée par cette bébé, par la retranscription de ces rencontres sensuelles et charnelles, renforcées par ce graphisme profond. Ces noirs intenses sur lesquels dansent des silhouettes blanches, cet entremêlement de lignes et de masses, de luminosité et contraste rendent l’œuvre d’autant plus puissante. Laissant les femmes seules maîtres de la parole, « Regarde les filles » est une véritable déclaration d’amour à la gent féminine, et ça fait du bien. » Alors, c’est ainsi que nous sommes allés ensemble rencontrer François Bertin dès le premier jour du festival d’Angoulême…
Délicat, presque timide, François s’est vite laissé aller à répondre aux questions, avec finesse, presque poésie, comme dans son livre, quoi !
Alors que le thème de cet ouvrage peut sembler parfois délicat ou sur un chemin de crête périlleux, les mots de l’auteur – comme son dessin dans le livre – rendent la démarche claire, précise, belle, dénuée de tout aspect glauque… et, pourtant, il les regarde bien ces filles… Attention, je ne dis pas cela pour Cynthia car c’est bien elle qui regardait avec attention François, pas le contraire… Quoi que… finalement, allez savoir !
Au bout de quelques minutes, les masques sont tombés, Antoine et devenu François à moins que ce ne soit le contraire… Pour ceux qui n’ont pas encore lu l’ouvrage, rappelons que le personnage principal est Antoine mais comme le récit est fortement autobiographique, Antoine est François en quelque sorte…
Durant le festival, je vais avoir l’occasion de rencontrer Wandrille, l’éditeur de François Bertin et je vais comprendre comment ce très bon livre est arrivé chez l’éditeur Vraoum. En effet, le projet a fait quelques maisons d’éditions mais dans les premières pages, François raconte une histoire entre lui et sa sœur, de façon très délicate mais qui a bloqué de nombreux éditeurs. Comme dit Wandrille, ce n’est qu’une histoire de touche-pipi… Il banalise les choses, je serai plus délicat en disant que François avait besoin de tout raconter pour que tout ait du sens et que tout le soulage car il y a bien une forme de thérapie dans cet ouvrage et il le reconnaît volontiers.
Il n’empêche que les éditeurs ont eu peur d’un tel aspect des choses et cela en dit long sur l’omerta qui traine sur ces sujets dans notre pays… Wandrille, lui, n’a pas eu peur et cela a permis à François d’aller au bout de son projet, au bout de son livre et nous de le rencontrer !
Marc-Antoine Mathieu est un auteur atypique. Quand je lis ses ouvrages – je les ai presque tous lus et relus – j’ai le sentiment d’être face à un explorateur, un aventurier, un découvreur des nouveaux espaces du récit en bande dessinée, de la narration graphique. Son dernier ouvrage, Otto, l’homme réécrit, met encore plus en avant son aspect de créateur d’images narratives et d’univers nouveaux !
L’ouvrage est à la fois un bel objet, format à l’italienne offert dans un beau coffret cartonné, et un livre d’une puissance étonnante tant dans la forme du récit que dans le contenu lui-même. La forme car avec Marc-Antoine Mathieu il n’est plus possible de définir la bande dessinée… Un récit ? Une série d’images ? Une image fixe qui bouge quand même ? Une bande son ? Mais pour entendre quoi ? L’âme humaine ? Attention, on est passé dans le fond de l’histoire…
Sur le fond, justement, venons-y ! C’est une bande dessinée anthropologique, philosophique, métaphysique, profondément humaine, désespérée peut-être aussi car la malle d’Otto – sorte de mémoire externe si on peut dire – est celle qui nous renvoie à nos vies, à chacune de nos vies et cela peut sembler rude… A ce titre, il y a chez Marc-Antoine Mathieu une forme contemporaine de l’absurde que l’on avait plus l’habitude de voir au théâtre en attendant des amis comme Godot ou d’autres…
Oui, certains bondiront en entendant une telle proximité entre un autre de bandes dessinées et Samuel Beckett ! Mais, ceux qui ont lu tout ou partie des albums de Marc-Antoine Mathieu comprendront certainement…
Pour moi, il s’agit certainement d’un des meilleurs livres de Marc-Antoine Mathieu, un des plus profonds et fascinants. Je l’ai déjà lu deux fois et il y aura encore d’autres lectures à venir…
Mais revenons à la rencontre d’Angoulême. Normalement, je n’aurais pas dû être seul. Tous les étudiants voulaient venir rencontrer Marc-Antoine Mathieu… Mais voilà, on fait des plans, on se répartit le travail, on désigne les leadeurs d’interview puis… on s’adapte ! On gère les retards de certains auteurs, cela décale tout et c’est ce qui s’est passé en ce premier après-midi d’Angoulême. Un léger retard de Pierre-Denis Goux et pour arranger tout le monde Yannis se retrouve à interroger seul Jérôme Lereculey et moi Marc-Antoine Mathieu… Heureusement, l’entretien est enregistré et sera diffusé prochainement à la radio car il y a des occasions qui ne se reproduisent pas très souvent !
Durant le festival d’Angoulême, nous avons eu le plaisir de pouvoir rencontrer Bertrand Gatignol, dessinateur de la série des Ogres-Dieu qui compte maintenant 2 tomes : Petit et Demi-sang. Nous aurions bien aimé avoir dessinateur et scénariste, mais parfois il faut prendre ce que l’on nous propose. Comme les deux ont travaillé en symbiose totale, nous étions très vite rassurés sur la qualité de l’interview…
L’album, Les Ogres-Dieux, nous plonge dans un conte gothique familial, cruel et anthropophage, qui débute par la naissance d’un Petit homme, qui porte sur lui le signe de la dégénérescence d’une famille d’ogres, qui, à force de consanguinité, rend les générations de plus en plus petites. Gatignol nous immerge avec talent dans cette bédé poétique à l’univers grandiose et fascinant, entrecoupée de textes rappelant la généalogie des ogres.
La collaboration Gatignol-Hubert, dessinateur-scénariste, fut fusionnelle. En tant que premier lecteur, il participa à certains réajustements de scénario pour améliorer encore le projet. Puis, ‘Hubert lui donnait un scénario finalisé, des références documentaires, voire des montages photos, Gatignol passait au dessin. La confiance entre les deux pour la construction graphique fut de mise, et la volonté de Bertrand de retranscrire le plus clairement et limpidement possible les propos d’Hubert permit d’obtenir ce magnifique résultat.
C’est donc un véritable travail artistique global qu’entreprend l’artiste : dosage des noirs, équilibrages, nuances de gris, cadrages… Gatignol se voit d’ailleurs plus comme metteur en scène, interprète, dirigeant séquences et découpages, que comme « simple » illustrateur. Et cela se ressent : la maîtrise de la mise en scène fait que nous somme happés dans cet univers d’oppression, à l’environnement immense, mais également infiniment petit. Les découpages et cadrages évoquent les différentes échelles pour immerger le lecteur dans un univers qui les domine.
Dans le cadre de la promotion du film Seuls qui sort aujourd’hui, mercredi 8 février, nous avons eu le plaisir de rencontrer les auteurs de la saga bédé et l’équipe du film. Toutes ces personnes, énergiques et sincères, ont répondu aux questions des fans, des journalistes et des journalistes-fans.
Plusieurs éléments ont été évoqué : l’âge des acteurs et personnages, le déroulement du casting qui a duré 2 ans, mais aussi les différents changements qui ont pu se faire entre le film et la bédé. Toute adaptation est une réappropriation par le réalisateur et donc il y a bien eu des changements entre la série BD et le film…
Le film en lui-même est bon, et on ne va pas se mentir, cela fait plaisir de voir une production française prendre ce genre de risque pour créer un film de cette qualité, un film du niveau de ceux d’Hollywood diront certains dès l’avant-première. Et je voudrais vraiment insister sur le besoin de continuer sur cette lancée avec potentiellement une suite. En tout cas le public de l’avant-première avait envie de connaître la suite…
C’est dans une ambiance festive et presque fanatique, avec plusieurs classes de collèges d’Angoulême, que l’avant-première s’est déroulée en compagnie de plusieurs journalistes. La présence des auteurs et équipe du film a permis de chauffer l’ambiance avant de nous retrouver dans un film sombre, dur mais aussi drôle.
C’est d’ailleurs un des points fort du film, le ton de l’univers est respecté ! Certes on s’est interrogés sur la différence d’âge entre héros bédé et acteurs de cinéma. Deux réponses sont possibles : d’une part, il n’est pas facile de trouver des acteurs très jeunes jouant avec maturité et, d’autre part, la violence au cinéma est toujours plus réaliste et traumatisante et il fallait vieillir artificiellement les personnages pour que cette violence soit moins dure.
Il est bon de rappeler à ce propos que la série souvent étiquetée « jeunesse » est en réalité « pour adolescents » et que si la série BD peut être lue dans de bonnes conditions à partir de 12 ans, le film est plus pour les 14/15 ans.
Les français sont de plus en plus tournés vers leur patrimoine, en particulier vers leurs terroirs. C’est pour cela que l’on voit en bande dessinée comme ailleurs se multiplier des ouvrages consacrés à des lieux, à des villes, à des fromages, à des vins, à des plats et des recettes… C’est souvent plaisant, cela peut être bien écrit, dessiné avec talent et au final constituer une bonne bande dessinée ! Il n’en demeure pas moins vrai que ce sont des ouvrages de commandes que l’on va surtout lire si on est concerné par le terroir en question…
Il s’agit d’une série en trois exemplaires pour visiter le Cognac, comprendre le Cognac, déguster le Cognac et, aussi, vivre une aventure policière car le tout est bien une forme de roman policier ! Pour que le documentaire soit crédible, l’héroïne est une journaliste qui vient enquêter sur le Cognac. Il s’agit d’Anna-Fanély Simon, une photographe de guerre, envoyée dans cette « petite » mission pour qu’elle puisse reprendre son souffle… Elle accepte d’autant plus facilement qu’elle originaire de cette région et que c’est une façon de reprendre contact avec son terroir d’origine…
La partie documentaire est d’une grande précision sans jamais endormir le lecteur dans un flux soporifique et trop technique. Ici on comprend tout facilement, du vin de qualité médiocre à la double distillation, des assemblages au négoce, des caves aux très vieux Cognacs… et, même, en passant par les Cognacs pré-phylloxériques enjeu majeur de la partie policière…
La partie policière est simple. Une ami d’enfance d’Anna-Fanély est décédée assassinée par son mari qui s’est suicidé après… mais elle n’y croit pas et peu de monde semble donner du crédit à cette version, du moins si on enlève les criminels, les naïfs et les policiers…
Je ne vous en dis pas plus, mais tout cela fait une série policière de terroir plutôt sympathique que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire… De plus certains étudiants ont pu rencontrer le dessinateur, Luc Brahy, tandis que j’ai rencontré de mon côté Eric Corbeyran, le coscénariste…
Parfois il y a des occasions qu’il ne faut pas manquer. Marc Chinal scénariste de “Joanne Lebster, Le début d’un nouveau monde” a su nous demander une interview. La démarche sincère d’un jeune scénariste nous a donc prise par surprise et c’est comme cela que j’ai découvert une œuvre magnifique et qu’il fallait prendre le temps de découvrir.
L’œuvre mérite attention car elle a le mérite de faire réfléchir et de permettre aux lecteurs de se forger un avis alternatif sur notre monde de plus en plus fermé et uniforme… Marc Chinal est un tenant de la décroissance et il lutte depuis plusieurs années pour ses idées… Pourquoi pas, maintenant, avec une bande dessinée ?
Les éditions Glénat ont obtenu le droit de confier le personnage de Mickey à des auteurs confirmés de la bande dessinée franco-belge. Un de ces derniers est d’ailleurs un auteur suisse, Bernard Cosey. Il a écrit et dessiné Une mystérieuse Mélodie ou comment Mickey rencontra Minnie… Il s’agit d’un album sympathique où l’on découvre un Mickey scénariste pour Hollywood. Le scénariste est un peu à bout de souffle, il faut qu’il ose sortir de ses clichés, il faut qu’il produise quelque chose de bon… il a terminé une série de films et on lui demande de plonger dans la comédie sentimentale, dans le romantisme avec violons…
On le sent un peu déprimé – peut-être que Cosey sait que parfois les auteurs semblent en panne d’inspiration – mais il va avoir un coup de foudre pour une mélodie… peut-être pour celle qui la chante aussi, allez savoir !
C’est l’occasion de rappeler que Bernard Cosey a eu le Grand prix de la ville d’Angoulême cette année et que donc c’est lui qui, l’année prochaine, sera le président du festival international de la bande dessinée d’Angoulême !
Au travers de cet échange j’ai pu en apprendre un peu plus sur l’univers mystérieux épris de poésie de cet auteur et illustrateur.
C’est une véritable adoration que voue Benjamin à Alice, c’est à l’âge de 10 ans qu’il découvrit l’œuvre de Lewis Carroll et son univers riche. L’idée de s’emparer de ce monde mystérieux et complexe l’amena à réaliser une véritable étude sur le sujet et se plonger dans le journal de Carroll, une forte inspiration lui vint des photographies réalisées par ce dernier.
Un grand travail pour un rendu d’illustrations superbes : mêlant encre de chine et Posca ou gouache et huile, Benjamin Lacombe nous enchante avec son univers plein de douceur et de magie.
Alors ici, soyons bien clairs, il n’y a pas de grand vaisseau à voile, par de combat en pleine mer, pas de grande scène pour mettre en avant les qualités du dessinateur. Certains seront déçus, c’est certain, mais par contre l’histoire est très intéressante et ce pour plusieurs raisons…
Le portrait d’Anne est rétabli dans sa globalité car les auteurs ont fait parler les témoins, retrouvé des documents d’époque… y compris même son petit carnet pourpre… Et c’est là que l’on va apprendre qu’Anne était amoureuse d’un jeune militaire allemand, un homme qui a participé avec elle à la résistance, à sa façon…
Durant le festival d’Angoulême, je n’ai pas rencontré les auteurs mais j’ai vu le livre en vente sur le stand de l’éditeur, un éditeur, Steinkis, qui aura proposé durant ce festival de très bonnes bandes dessinées… comme quoi, on peut ne pas être le plus grand mais faire de la qualité !!!