Il était une fois l’Orient Express… exposition jusqu’à fin août 2014 !

C’est à une belle exposition que je vous invite aujourd’hui. Il était une fois l’Orient-Express, cela commence comme un conte, comme un roman, comme une belle histoire. c’est vrai que c’est aussi un catalogue – donc un livre – qui est plus qu’un souvenir de l’exposition de l’Institut du monde arabe (IMA), exposition qui se tiendra encore jusqu’au 31 août 2014.

Le plus surprenant dans cette exposition est le fait d’avoir installé une locomotive et quatre wagons du mythique train devant le bâtiment de l’Institut du monde arabe comme si nous étions en Égypte, à la gare du Caire, au moment où le train arrivait de Paris via Venise, Belgrade, Constantinople…

Cette exposition est fondamentalement littéraire puisque la simple évocation de ce nom de train, l’Orient Express, vous met en contact avec de grands écrivains : Pierre Loti – qui a voyagé avec ce train plusieurs fois pour rejoindre la Turquie, pays qu’il aimait beaucoup – et Agatha Christie – qui a si bien immortalisé ce train en faisant une scène de crime – qui l’utilisait aussi pour rejoindre son mari en pleines recherches archéologiques au Moyen-Orient…

Mais ce train est aussi un support majeur de voyage et d’ouverture car il reliait de façon quotidienne Orient et Occident, les deux cultures si proches et si éloignées. Si proches car il n’est pas nécessaire de franchir de longs et dangereux océans pour passer de Paris, Munich, Venise ou Vienne à Constantinople, Beyrouth, Bagdad ou Le Caire ! Si éloignées car le temps ne s’écoule pas de la même façon du côté des gens pressés de la Bourse de Paris ou à la terrasse du Péra Palace de Constantinople… L’Orient, c’est prendre son temps, savourer chaque minute comme une minute pleine et positive, sentir la chaleur, regarder les couleurs, découvrir que la vie peut avoir un autre goût, une autre saveur…

L’exposition comme le catalogue vous invite à rencontrer des personnages si différents que le lecteur/visiteur en perd la tête : personnels politiques et diplomatiques, écrivains, journalistes, artistes, espions, archéologues, riches inactifs en vacances, couples en voyage de noces, jeunes pousses en voyages exploratoires ou années sabbatiques…

Le début de l’exposition se déroule directement dans des wagons de ce train mythique qui ont été rénovés et qui permettent de sentir, de comprendre, de toucher -  pas les objets bien sûr – ce que qui a bien pu fasciner ceux qui ont eu la chance de voyager dans cet Orient Express… Dans la seconde partie de l’exposition, celle qui se déroule dans l’IMA, on peut aussi voir de nombreux extraits de films ayant pour cadre ce train : Le crime de l’Orient Express de Sydney Lumet, Une femme disparait d’Alfred Hitchcock ou Bons baisers de Russie de Terence Young… pour n’en citer que quelques-uns…

Si le cinéma nous a beaucoup marqué car il fut le premier à nous faire entrer dans ces luxueuses cabines en compagnie souvent de fort belles femmes ou hommes – il n’y a pas de raison d’être sexistes ici – il ne faut pas oublier la littérature qui encore aujourd’hui utilise ces trains de nuits pour camper des crimes, des trafics et autres actions d’espionnage. Il faut donc évoquer La Maldonne des sleepings de Tonino Benacquista, Le nouveau crime de l’Orient-Express de Gérard Delteil ou Le roman de l’Orient-Express de Vladimir Fédorovski…

Cette exposition, ce catalogue, cette évocation estivale sont donc invitation au cinéma et à la lecture. Cinéma car tous ces films sont accessibles, au moins en DVD, et les livres sont tous en librairie et en bibliothèque. Alors comme l’été c’est fait pour lire, bonne lecture ! Quant à l’exposition, elle est ouverte tout cet été à Paris à l’Institut du monde arabe… Bonne visite !

Rencontre avec un dessinateur, Christophe Regnault à Chalon-sur-Saône

L’Antre des bulles est une librairie spécialisée dans la bande dessinée de Chalon sur Saône. La bande dessinée sous toutes ses formes, dans tous ses états, avec tous ses genres… On y trouve donc des mangas, des albums classiques pour la jeunesse, des séries contemporaines, des romans graphiques, des histoires venant du monde entier, des comics, des reportages… Oui, la bande dessinée est beaucoup plus qu’un genre secondaire des arts narratifs, bien plus profonde, plus précise, plus scientifique, plus politique, plus drôle, plus prenante, plus policière, plus historique… que vous ne pensez, tout simplement !

Historique ? Oui, la bande dessinée peut vous accompagner dans l’Histoire, celle avec un grand H, de France ou d’ailleurs, de façon grand public, ou, parfois même, de façon très pointue. Par exemple, les éditions Glénat ont choisi de proposer une série, Ils ont fait l’histoire, pour redonner le goût de l’histoire aux lecteurs de bandes dessinées. Pour cela, il fallait arriver à pousser à travailler ensemble des historiens et des auteurs bédés. Pour chaque album, on a ainsi de véritables auteurs, une équipe d’historiens et un personnage important de notre histoire qui va prendre vie… et c’est là que l’on s’aperçoit que l’histoire est bien souvent plus forte, plus violente, plus passionnante que la fiction !

 

L’antre des bulles ayant choisi d’inviter Christophe Regnault le samedi 28 juin de 14h à 18h, c’est à son Philippe le Bel que nous allons nous consacrer… Cet album est signé Mathieu Gabella au scénario, un auteur confirmé qui a scénarisé chez Delcourt, entre autres, la très bonne série La licorne, série historique et fantastique autour du personnage d’Ambroise Paré. Du côté des historiens, on retrouve Etienne Anheim et Valérie Theis, et ils ont choisi de donner de ce roi un portrait le plus complet possible, sans se limiter aux clichés qui sont pourtant nombreux. Enfin, précisons, avant d’ouvrir l’album, que les éditeurs sont deux, Glénat et Fayard. S’il n’est pas surprenant de trouver Glénat dans une aventure historique, reconnaissons que la présence de Fayard dans le monde de la bande dessinée était plus improbable. Mais cet éditeur qui s’est illustré et s’illustre encore avec la publication de très bons ouvrages historiques, est là comme une caution scientifique – l’histoire est bien une science – et que la maison d’éditions doit se dire que redonner goût à l’histoire, y compris en utilisant la bande dessinée, c’est reconstruire un lectorat possible pour ses grandes biographies qui m’ont fait rêver, qui mon porté durant toute ma jeunesse…

Philippe le Bel, d’ailleurs est bien présent chez Fayard avec le remarquable ouvrage de Jean Favier que j’ai dévoré à l’époque en quelques heures. Cet ouvrage reste pour moi un ouvrage magistral et pertinent et je ne peux qu’en conseiller la lecture même si l’ouvrage n’a pas connu une diffusion extraordinaire car il a manqué une version de poche… heureusement, on le trouve encore en bibliothèque et d’occasion !

 

Philippe le Bel est un roi qui a connu une grande notoriété car c’est lui qui s’est trouvé confronté aux Templiers. Cet ordre richissime, puissant et mystérieux est mort de sa guerre contre le roi de France, sans que l’on connaisse aujourd’hui tous les tenants et aboutissants. La renommée du roi a été boostée par l’œuvre littéraire de Maurice Druon, Les rois maudits. Certes cette saga n’a pas à proprement parler la solidité historique d’une biographie comme celle de Jean Favier mais sa diffusion à la télévision dans une adaptation restée célébrissime a beaucoup fait pour noircir l’âme de Philippe le Bel sans pour autant rehausser celles des Templiers, de la famille royale ou du pape…

 

Le scénario de Mathieu Gabella ne se focalise pas ni sur la lutte à mort contre les Templiers ni sur les affrontements papauté-royauté.  Le choix a été fait de nous proposer une vision beaucoup plus complète du roi, de son administration, de son époque… Il faut dire que ce roi est certainement un des personnages les plus étranges de son temps et on peut le regarder de plusieurs façons différentes : le roi avec le sens chrétien de la royauté française ; le premier technocrate à la française ; l’homme qui s’est entouré de plusieurs spécialistes, des finances à l’organisation du royaume ; le grand chasseur ; l’homme de pouvoir qui n’admet que difficilement d’être contredit ; le chrétien dont on ne sait rien sur sa propre foi… Bref, autant de Philippe le Bel, autant d’éclairages divergents sur une des grandes personnalités de notre histoire de France…

Ce roi est aussi un personnage avec son éducation, son caractère, ses proches. La grande force de cet album est basée sur la qualité du scénario qui rend le roi ni bon ni mauvais, ni égoïste ni généreux, ni objet de vénération ni personne à haïr toutes affaires cessantes… Ce Philippe intrigue, mérite d’être compris, percé, et remis dans son contexte… Cela devient passionnant comme un drame grec à l’ancienne…

 

Le dessin de Christophe Regnault intrigue au départ. J’ai craint, du moins un instant, de retrouver une narration graphique à l’ancienne comme dans l’histoire de France en BD de chez Larousse. Heureusement, très vite, on sort de ces ornières pour trouver un rythme solide, un graphisme solide, des personnages crédibles. L’histoire est dépoussiérée et le récit passe de l’illustration simple à la bande dessinée à proprement parler.

 

Je dois donc dire que j’ai beaucoup apprécié cette biographie, cette aventure, ce portrait… Cela donne envie de replonger rapidement dans le Philippe le Bel de Jean Favier ou celui plus récent de Georges Minois. On a aussi envie de découvrir rapidement les autres albums de cette série : Vercingétorix, Jean Jaurès, Charlemagne, Saint Louis…

 

Donc, n’hésitez pas à rencontrer Christophe Regnault à Chalon-sur-Saône, le samedi 28 juin, entre 14h et 18h, occasion de repartir avec un album et une magnifique dédicace ! C’est à l’Antre des bulles, 6 rue au change.

 

Philippe le Bel

Scénario de Mathieu Gabella

Dessin de Christophe Regnault

Conseils historiques : Etienne Anheim et Valérie Theis

Série Ils ont fait l’Histoire

Editions Glénat et Fayard

ISBN : 9782723495783

Et si on lisait sur Le Pen et le Front National ?

Après les résultats électoraux des municipales et des européennes, il est classique de tourner son regard vers le Front national pour comprendre, critiquer, stigmatiser, donner des leçons, tirer les enseignements, prédire l’avenir des prochaines présidentielles, construire de nouvelles alliances, remettre en cause les partis politiques traditionnels… Bref, le FN est au cœur de la politique française !

 

Deux grandes écoles se présentent à nous. Une dirait qu’il faut réformer en profondeur la France et l’Europe pour que l’électorat de rébellion, de révolte, de contestation, disparaisse de fait et que le FN revienne à son assiette normale, c’est-à-dire moins de 5%. La seconde parlerait plutôt de formation, d’information, de sensibilisation, partant du principe que tous les électeurs frontistes seraient des ignorants, des apprentis sorciers, des antidémocrates… Bien évidemment, comme toujours, la vérité n’est pas là, du moins, elle réside un peu dans chacun des deux camps. Reste alors à comprendre et pourquoi ne pas le faire avec des livres, une fois de plus. Non ?

Trois ouvrages, pour ne pas chercher à tous les citer, peuvent apporter des éléments de réponse. On pourrait ouvrir en premier le dernier essai de Jean-François Khan, Marine Le Pen vous dit merci ! Dans son livre, avec ses idées et son style, Jean-François Khan nous montre que les acteurs politiques n’ont pas encore trouvé le bon moyen de combattre le Front. Des erreurs parmi d’autres : ne pas avoir compris que Marine Le Pen était réellement différente de son père – l’un est de l’ancienne droite, l’autre est leader d’un parti populaire qui prend des idées à droite et à gauche – car on peut dire que Marine Le Pen est probablement une femme politique qui tente de renouer avec les origines du fascisme ; ne pas avoir donner dans les médias et dans la politique un véritable espace de critique du libéralisme – car il n’y aucune raison de penser que seul le FN soit capable de critiquer le néolibéralisme – et d’avoir étouffé les petits partis en laissant juste deux gros partis se partager la scène politique, le FN se retrouvant le seul porteur de la critique de la société ; enfin, la meilleure solution pour désarmer le FN serait de faire en sorte que la société aille mieux, beaucoup mieux… et ce n’est pas simple ! Le débat à la télévision entre Jean-François Khan, Aymeric Caron et Natacha Polony

Le second ouvrage est celui de Philippe Cohen et Pierre Péan, Le Pen, une histoire française. Alors, bien sûr, certains critiqueront d’emblée cet ouvrage car co-signé par Pierre Péan, un homme qui s’est déjà illustré en étudiant Mitterrand, Le Monde, Chirac, le Kossovo… et à chaque fois on a le sentiment qu’il donne des leçons, des leçons aux lecteurs ou même à la France. L’autre auteur est Philippe Cohen qui, entre autres, a écrit une biographie discutée sur BHL. Leurs points clefs sont surtout dans les faces obscures de Le Pen : son rapport à l’Algérie Française, l’usage de la torture, la façon dont il a construit sa fortune personnelle, son antisémitisme… L’enquête est poussée sur ces dossiers mais parfois elle est limitée car il manque une vision d’ensemble sur l’extrême droite, le FN et Jean-Marie Le Pen… C’est donc plutôt un livre qui permet de creuser le sujet et non un livre global. Heureusement, cette étude existe et on va l’ouvrir maintenant…

Valérie Igounet, historienne et chercheuse au CNRS, écrit l’histoire du Front National, de 1972 à nos jours. Certes, il ne s’agit pas d’histoire avec du recul, mais bien d’histoire immédiate, c’est-à-dire une histoire avec risque car il n’y a pas encore tous les éléments et preuves dont on a besoin pour faire de l’histoire avec un grand H. C’est un livre passionnant car on découvre, entre autre, la création du Front national, la façon dont Jean-Marie Le Pen a fédéré autour de lui une multitude de groupuscules, comment il a échoué à intégrer Ordre Nouveau et comment dès les premières années le FN a connu des scissions, des trahisons, des reconstructions… Et alors que personne n’aurait misé un kopek sur sa réussite, l’auteure montre l’ascension du FN, le premier coup d’éclat avec les premiers élus, la présidentielle de 2002 et la toute qu’il emprunte pour arriver en 2014… C’est à lire pour comprendre mais cela ne donne, bien sûr, aucune solution politique pour enrayer le FN aujourd’hui.

 

Voici donc trois ouvrages qui traitent, chacun à sa façon, du Front national. Et maintenant, que faire ? Pour les démocrates, il est grand temps de comprendre que lutter contre un parti ce n’est pas attaquer les électeurs de façon violente et dénigrer systématiquement les personnes qui n’ont pas les mêmes idées que soi ! Il faut comprendre que les électeurs, les populations, l’humanité, a surtout besoin de pouvoir vivre, s’épanouir, tisser des relations, bref, vivre tout simplement. La politique, c’est ce qui va permettre de pouvoir vivre, de l’individu isolé à la collectivité la plus grande. Or faire de la politique c’est comprendre les besoins humains, c’est fabriquer le système qui respecte chacun, c’est construire et non détruire… Que ces trois ouvrages vous montrent où nous en sommes et que chacun comprenne bien que la montée du FN est l’échec des autres politiques, que l’avenir passera par une reconstruction politique en toute transparence et lucidité ! Deux axes doivent porter cette action : réflexion sur ce que l’on vient de vivre et élaboration d’un projet plein d’espérances. Dans le cas contraire, reconnaissons-le, ces , trois lectures n’auront servi à rien !

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Marine Le Pen vous dit merci ! Jean-François Khan, Plon

Le Pen, une histoire française, Philippe Cohen et Pierre Péan, Fayard

Front National, de 1972 à nos jours, Valérie Igounet, Seuil

Encore des ouvrages et des idées de lecture à l’occasion du centenaire du début de la première guerre mondiale !

Je sais que certains se lassent des célébrations de la grande guerre, la préférée de Georges Brassens, la grande tuerie qui a saigné à blanc l’Europe, mis à mal les grands empires coloniaux tout en provoquant de nouvelles relations mondiales. Il faut bien comprendre que pour beaucoup cet anniversaire, cette célébration n’est pas l’occasion de chanter la guerre et les conflits armés. C’est plutôt l’occasion de provoquer à la réflexion sur l’histoire, la guerre en général et les relations entre les hommes. Comprendre ce qui s’est réellement passé en 1914, c’est peut-être – espérons-le – se donner des armes pour éviter les guerres aujourd’hui ou demain. Les évènements en Ukraine démontrent, si besoin était, que les guerres ne sont jamais loin de nos vies… les dernières années l’ont illustré de Sarajevo à Bagdad, de Kaboul à Bangui, de Tbilissi à Grozny…

Présenter des livres, c’est inviter à lire et à réfléchir sur cette grande guerre en compagnie des auteurs qui ont pu vivre ce conflit, qui ont rencontré les témoins, qui ont senti le conflit à travers une terre, une région, une ville, ou, enfin, d’auteurs qui ont plongé leurs fictions dans cet univers guerrier. Tout existe et chaque résultat est différent et mérite notre attention…

La guerre 1914-1918 par ceux qui l’ont faite

En 1968, lors de l’anniversaire des cinquante ans de la fin de cette guerre, Jacques Suffel, spécialiste de la littérature du dix-neuvième siècle, a proposé un choix de textes d’auteurs qui avaient participé à ce conflit. Le choix est essentiellement réalisé sur des qualités littéraires indiscutables et du coup la plus part de ces textes sont d’auteurs reconnus par ailleurs : Apollinaire, Barbusse, Dorgelès, Genevoix, Giraudoux, Mac Orlan, Maurois, Péguy, Kessel… Certes, on retrouve aussi quelques textes de ces grands militaires qui écrivaient aussi comme Pétain, Galliéni ou Foch, mais ce ne sont pas les meilleurs.

La présentation des textes est organisée de façon chronologique est c’est plutôt une bonne chose pour tous ceux qui n’ont pas entièrement les idées claires sur l’ordre des batailles de la Marne à Verdun, de la Somme à la Champagne…

Textes rassemblés par Jacques Suffel, préface de Maurice Genevoix, introduction de Pierre Gaxotte, présentation d’Henri Duvillard, editions Plon, 1968

Les Poilus, lettres et témoignages des français dans la Grande Guerre (1914-1918)

Dans cette anthologie très touchante, Jean-Pierre Guéno, historien réputé, nous offre de très nombreux textes qui font revivre de l’intérieur la guerre. Dans de très nombreux cas, il s’agit de lettres, délivrées en totalité ou pas, qui donnent directement la parole aux Poilus, c’est-à-dire aux soldats, connus ou pas, écrivains ou pas, qui parlent de leur guerre. Certes, on sait bien qu’il y avait une censure qui empêchait la liberté d’expression totale, mais dans l’ensemble on est immergé instantanément dans ce conflit avec une multitude de petits détails qui rendent les sensations encore plus fortes…

« On est dans une boue faite d’eau, de terre et de cadavres putréfiés »

« Il y a beaucoup de Poilus qui se font encore évacuer aujourd’hui pour pieds gelés. Quant aux miens, ils ne veulent pas geler malheureusement car je voudrais bien une évacuation aussi… »

« Je voudrais vivre pour vous tous, mais si je devais tomber, Dieu pourvoirait à votre bonheur »

« Je reste le seul commandant de ma compagnie »

Édifiant, tout simplement, et cela rappelle à qui en besoin que la guerre n’est pas un jeu vidéo, elle est sale, violente, sanglante, dramatique…

Lettres choisies et présentées par Jean-Pierre Guéno, Mission centenaire 14-18, Document Librio, ISBN : 9782290074633

Le feu

Si je prends le temps de vous parler de ce roman c’est tout simplement parce qu’il est représentatif de plusieurs évènements et réactions liés à cette guerre. Tout d’abord, Henri Barbusse est un homme de lettres qui a déjà une quarantaine d’années au début de la guerre. Il est volontaire pour intégrer les troupes malgré des problèmes de santé bien réels. Il rejoint difficilement son unité et passe vingt-deux mois comme soldat d’escouade. De cette expérience il s’inspire pour écrire son roman, Le feu. Le texte est publié en feuilleton quotidiennement dans l’Œuvre. Quelques mois plus tard, après une parution chez Flammarion, il obtient le prix Goncourt 1916.

Au-delà de l’expérience, des sensations décrites, n’oublions pas qu’il s’agit d’une guerre romancée et donc qu’il ne faut pas prendre le roman pour un récit strictement historique. De nombreux combattants s’y retrouvèrent tandis que d’autres déclenchèrent quelques polémiques pour rectifier quelques faits historiques. Son texte n’en demeure pas moins un excellent roman de guerre, un témoignage humain de ce grand conflit de 1914-1918.

Comme de nombreux anciens combattants de cette guerre, Henri Barbusse devint pacifiste et adhéra au parti communiste. Il est mort en 1935 lors d’un voyage à Moscou et Staline fut suspecté de l’avoir fait empoisonné…

Le feu suivi de Carnet de guerre est édité en livre de poche, ISBN : 9782253047414

La guerre des autres, numéro spécial de Courrier international (2014)

A force de toujours voir l’histoire par notre lunette française, nous finissons par oublier que ce fut une guerre mondiale impliquant des dizaines de pays d’une façon ou d’une autre. Ce numéro spécial de la revue Courrier international va participer à changer notre regard sur le conflit en prenant deux axes différents. D’une part, en parlant de très nombreux pays différents, d’autre part en le faisant avec des articles de la presse internationale et non spécifiquement française. Pour ceux qui pratiquent la revue, c’est assez classique, pour les autres, c’est assez décapant !

Citons les grands chapitres de ce numéro spécial : La guerre des grands, la guerre des petits, la guerre des empires… Enfin, n’oublions pas un portfolio final très émouvant avec des petits articles sur les acteurs de cette guerre dont les descendants sont au comité de rédaction de la revue…

Au bilan, un regard très pertinent sur les petits pays qui ont vécu cette guerre entrainés par les puissants sans avoir à y gagner ou y perdre et qui ont souffert de cette guerre et l’effort consenti par les colonies des grands européens, régions du monde qui furent souvent cruellement marquées par un conflit qui ne les concernait pas du tout… Indiens, Pakistanais, Marocains, Sénégalais, Australiens… ils furent bien nombreux à donner leur vie dans la Somme, dans les Dardanelles ou du côté de Verdun…

Hors-série juin-juillet-août 2014

Apocalypse, La 1ère guerre mondiale

Un album illustré documentaire de qualité qui accompagne la série de cinq épisodes de 52 minutes qui a été réalisée pour France 2. De nombreuses archives ont été utilisées, mises en couleur et le tout est assez édifiant et instructif. L’ouvrage, lui, est porté par plus de 150 documents visuels et cartes, le tout nous permettant de mieux percevoir l’ampleur et la violence de ce conflit.

Ce documentaire, du moins la version livre, est accessible à un très large public, à partir de 12 ans environ. La division en grands chapitres – Furie, Peur, Enfer, Rage et Délivrance – permet une approche progressive, pédagogique et historique. Comme tous les outils de vulgarisation, certains lui reprocheront de trop simplifier et d’autres d’être parfois trop pointu pour le grand public. Moi, je pense qu’il est juste comme il faut pour participer à ce centenaire, c’est-à-dire pour aider tout le monde à bien comprendre ce qui est arrivé, pourquoi et comment, et, surtout, percevoir les façons dont on pourrait éviter des récidives guerrières dont les peuples ont fini par se lasser même si…

Documentaire d’Isabelle Clarke et Daniel Coste, éditions Flammarion, ISBN : 9782081329942