Deuxième jour à Saint-Malo, Quai des bulles 2019

Dans un festival comme Quai des bulles, trois jours d’interviews d’auteurs, ce qu’il faut, c’est tenir le choc dans la durée. Donc, après une nuit courte mais profonde, direction Saint-Malo pour 12 rencontres étalées entre 9h30 et 18h30… En fait, je vais rester enfermé dans la salle de presse du début à la fin avec seulement deux petites sorties pour les expositions (même étage, salles voisines)… Même le repas de midi sera restreint et limité à un casse croute pris sur place avec du café… Oui, il faut rester éveillé quand même !

Tout va commencer par l’interview de Serge Ernst. En fait, c’est un auteur de bédés belge que l’on connait bien pour sa série Les Zappeurs (1994-2011) et Boule à zéro (depuis 2011). Je ne l’avais jamais rencontré… une première !

Sa série Boule à zéro qui traite de l’enfant malade dans le milieu hospitalier est remarquable et son action pour que la bédé soit accessible à tous les enfants malades mérite toute notre attention… Un moment paisible, dans le calme de la salle de presse pas encore envahie par tous les acteurs du festival…

Puis, nous resterons dans l’ambiance jeunesse en recevant Loïc Jouannigot, le dessinateur historique et grandement apprécié des enfants de la série illustrée Les Passiflore ! Oui, cette série revient avec une nouvelle scénariste, Béatrice Marthouret, et à cette occasion Loïc Jouannigot reprend les dessins de certains albums précédents. Cette fois-ci, en un seul livre, on a donc une nouvelle histoire et deux reprises… Beaucoup de bonheur pour les jeunes lecteurs et leurs parents et grands-parents !

Le troisième invité du jour va provoquer, sans s’en rendre compte, un moment d’émotion forte. En effet, Gilles Rochier arrive avec son Solo, petit livre qui peut sembler anodin à certains mais qui provoque la réflexion, qui secoue, qui réveille les consciences… Le propos est simple : au lendemain des attentats de novembre 2015, Gilles Rochier achète une trompette alors qu’il ne sait pas en jouer et ne s’exprime plus que par des pouêt-pouêts… Cette histoire autobiographique d’un homme bouleversé par la situation est touchante car elle nous plonge dans la grande méditation : comment rester humain dans de telles situations ? Heureusement, l’auteur suivant est en retard à cause de la SNCF et cela permet à la tension de retomber un peu…

Stéphane Heurteau, dessinateur de Phare Ouest, arrive alors pour une histoire plus légère basée sur la relation entre un garçon et son grand-père, sur l’attachement à la Bretagne et, aussi, avouons-le, le mythe familial… Oui, c’est tellement mignon d’embellir les choses avec le recul… Une bédé très sympathique qui pourrait bien avoir une forme de suite avec un épisode en Normandie…

La matinée se termine avec la douceur agréable, humaine et artistique d’une autrice que j’aime beaucoup et suit depuis longtemps… Edith ! J’ai du la rencontrer pour la première fois avec le premier album de Basile et Victoria, et c’était donc au tout début des années 1990… Là, elle vient avec Mimosa, un album atypique construit autour des mots d’enfant recueillis et scénarisés par Catmalou (avoir une fille peut inspirer) puis dessinés par Edith sous forme de strips de quatre cases… Le résultat est très bon, plein d’humanité, drôle, doux, poétique et réaliste… A offrir aux jeunes parents… car salutaire !

L’après-midi commence par de la fantaisie pure, de la fiction forte et une série que j’aime beaucoup depuis le départ. Sébastien Grenier, dessinateur de La cathédrale des abymes, vient parler de sa série scénarisée par Jean-Luc Istin dont le troisième tome vient juste de sortir pour le festival… C’est une petite virgule très personnelle car j’aime cette ambiance de Moyen-âge quelque peu déformé qui, en fait, nous parle de notre monde d’aujourd’hui… Il est question de Nord-Sud, de riches-pauvres, de religions, de violence, de justice… Bref, on s’y croirait !

Le candidat suivant est François Bégaudeau accompagné pour l’occasion de Cécile Guillard. Ils viennent avec Une vie de moche sous le bras, leur bande dessinée qui vient de sortir… Je ne connaissais pas François Bégaudeau et c’est pourtant une forte personnalité qui a déjà touché à beaucoup de domaines : roman, essai, théâtre, bédé, documentaire… Bref, un magnifique touche-à-tout qui parle avec passion de son nouveau bébé… Un bande dessinée qui explore la question délicate de la laideur et de ses conséquences sur nos vies, enfin surtout sur la vie des moches, que cette laideur soit réelle (mais qu’est-ce qu’être moche ?) ou ressentie… Dans tous les cas c’est terrible ! Et pour dessiner la vie de Guylaine, Cécile une très jeune dessinatrice qui sort tout juste de formation… Une très belle rencontre pour un excellent roman graphique !

Puis, l’enchainement sera majestueux avec cinq grands auteurs de bandes dessinées… chacun mériterait beaucoup plus que simplement quelques lignes, donc je reviendrai, bien sûr, vous parler de chacun et de leurs bandes dessinées, cela va sans dire !

Il y eut d’abord Riff Reb’s majestueux adaptateur du Vagabond des étoiles de Jack London en bédé (le tome 1 vient juste de sortir) mais aussi dessinateur mis en valeur à Saint-Malo avec une très belle exposition qui a été appréciée des festivaliers…

Puis c’est au tour de Bézian de venir parler de son Karoo, un album atypique adapté d’un roman lui aussi particulier. Bézian est pressé car les rendez-vous s’enchainent mais il prend le temps de répondre à toutes les questions et demeure pour moi un des grands de la bédé contemporaine… Karoo est un magnifique ouvrage et j’ai maintenant envie de découvrir, en plus, le roman éponyme de Steve Tesich… Bon, je l’avoue, j’ai commandé le livre…

Puis ce fut Jérémie Moreau qui est venu parler de son nouveau roman graphique, Penss et les plis du monde. Impossible de résumer l’ouvrage et l’entretien en quelques lignes mais Jérémie laisse une pensée arriver jusqu’à nous : « Je suis bien conscient que l’on ne peut pas avoir le prix du meilleur album d’Angoulême à chaque fois ! » Pourtant, avouons qu’il s’agit bien encore d’un grand livre, d’une histoire forte, humaine et largement philosophique (certains diront même métaphysique)… Mais, quand même, pas à chaque fois !

Ensuite, c’est Tronchet qui vient nous parler de son fils car Robinson, père et fils, est une histoire tellement autobiographique que l’entretien va surtout toucher à la relation père-fils… C’est fort et très chaleureux… Même si on comprend vite que le fils de Tronchet n’a peut-être pas apprécié tant que cela se retrouver au premier plan de cette histoire (d’abord un roman puis une bédé)…

Et pour clore cette très belle deuxième journée de festival, c’est FabCaro qui vient s’installer dans le fauteuil du studio radio en salle de presse… Il y a tellement d’ouvrages qui sortent en ce moment sous son nom que l’on oublie très vite s’il est là pour Open Bar, Formica, Zéropédia ou Moins qu’hier (plus que demain)… Le moment est sympathique, l’auteur est heureux d’être là même s’il ne comprend pas toujours pourquoi autant d’engouement depuis Zaï Zaï Zaï Zaï… Une dizaine d’années dans l’anonymat ou presque, une mise en lumière soudaine et forte, cinq ans où tout le monde veut l’avoir sur son catalogue et un auteur qui se dit que tout cela peut se terminer d’un seul coup… Beaucoup de lucidité, d’humanité, d’humour et un auteur très sympathique !

Voilà, une deuxième journée très agréable à vivre, de magnifiques rencontres et une météo très variable car c’est sous une grosse pluie que nous regagnons notre voiture avant de prendre la direction de Saint-Jacut de la mer où nous logeons…

Encore une journée de festival à vivre avant de prendre la route pour rentrer en Bourgogne !

Premier jour à Saint-Malo… Quai des bulles 2019

Le festival Quai des bulles fut un beau moment qui restera gravé dans ma mémoire de festivalier et de journaliste. Il est très difficile de résumer en quelques lignes trois jours de rencontres, 24 interviews, deux visites d’exposition et une rencontre avec une ancienne étudiante… Oui, durant trois jours on vit en accéléré et cela a un côté exaltant même si après on fait un peu du surplace…

Il faudra donc du temps pour digérer cela, revenir sur un certain nombre de lectures, d’auteurs rencontrés, sur des découvertes, des coups de cœur…

Dès aujourd’hui, disons que certaines rencontres furent de très haute volée, que durant une vingtaine de minutes on finissait par tout oublier, les problèmes du monde, les soucis personnels, les rencontres à venir, les difficultés de la SNCF, la météo capricieuse… Si je voulais lister ces temps forts, bien sûr, je prendrais le risque de me fâcher avec ceux que je ne citerais pas, avec ceux que j’oublierais, avec ceux que j’ai oublié de demander en interview…

Commençons donc pas dire que quand il y a 600 auteurs présents, que l’on est seul à réaliser les interviews (cette année pas d’étudiants à Saint-Malo), il est bien difficile de vouloir tous les rencontrer… J’en avais donc choisi 25, en lien avec les maisons d’éditions et un seul a manqué à l’arrivée pour cause de grève de train… Plutôt, un bon rendement… Les autres, ce sera donc pour Angoulême et là je serai en plus accompagné de quatre étudiants…

L’affiche signée Marion Montaigne donnait le tempo de cette édition qui serait folle tout simplement. Attention, Marion n’est pas folle, l’affiche, elle, est pleine de petites folies, de petites choses à découvrir dans tous les recoins du dessin comme vous pouvez découvrir mille et un petits détails dans les illustrations de Marion Montaigne. D’ailleurs, le tome 5 de « Tu mourras moins bête » vient de sortir et commence en fanfare sur une réflexion sur l’immortalité… Oui, cela fait un peu philosophique pour ouvrir le débat mais l’ouvrage est surtout scientifique, évidemment !

J’ai commencé mon voyage médiatique par une rencontre fantastique avec Nicolas Demare et ses nains du Bouclier avant de discuter fantôme avec Lionel Richerand et son esprit de Lewis. Ensuite, ce fut comme une bulle poétique directement venue des Mille et une nuits ou de plus loin, avec un Boiseleur délicat, des oiseaux chanteurs et une dessinatrice tout en douceur… Gaëlle Hersent s’est posée dans notre studio improvisé, un merveilleux oiseau sur l’épaule et ce fut comme une petite tranche de magie… face à la Manche !

Puis, pour rester dans un univers étonnant, un druide dessinateur s’est installé et nous a transportés dans les 5 Terres en compagnie de lions étranges… Mais, le ton était au drame car le roi se mourrait dans de grandes souffrances… pas l’ami Jérôme Lereculey, heureusement !

Puis, il nous fallut revenir aux tristes réalités bretonnes avec une invasion d’algues vertes en salle de presse et une journaliste qui, heureusement, malgré trois ans d’enquête, arrivait à garder le sourire. La précision de ses réponses permit de mieux comprendre l’ampleur du drame écologique et du scandale politique. Inès Léraud a fait un grand travail, son album a du succès et c’est entièrement mérité… Reste à savoir si la Bretagne arrivera un jour à tourner cette page et à prendre les mesures pour que les plages redeviennent belles et agréables, l’agriculture à dimension humaine et raisonnable, notre alimentation de qualité… Bon, il ne faut pas rêver, comme nous l’a bien dit Pierre Van Hove mais gardons espoir quand même !

Après ce reportage réaliste sur les algues vertes, il était bon de prendre le chemin de l’Italie pour une fiction pure, douce et délicate, une tranche de vie, une nuit chaude sur la Péninsule… C’est avec Alfred que nous voyageâmes et c’est avec Senso, son nouvel album, que nous avons découvert des personnages hauts en couleurs…

Enfin, pour clore la première journée, avant de déguster des huîtres, des crevettes, des moules, de la lotte… c’est Laurent Paturaud qui est venu évoquer la figure énigmatique de Mata Hari… Durant quelques minutes, on la regardait danser en Javanaise puis affronter le peloton d’exécution… Oui, la première journée de festival terminait dans le sang (probablement d’une innocente) mais au moins tout cela donnait de l’émotion !

Durant toutes ces rencontres, nous étions face à la Manche et le mouvement des marées accompagnait nos échanges, notre réflexion et nos pensées… Oui, cela aurait pu être pire même s’il s’agissait bien de travail quand même…

Réflexion sur la bande dessinée…

Lorsque l’on revient d’un festival comme celui de Saint-Malo, Quai des bulles, on ne peut que s’interroger sur le succès des auteurs, des albums, des genres… Il y a là un mélange entre mode, qualité, marketing, culture populaire… S’interroger ne signifie pas répondre à la question diabolique « Qu’est-ce qui va se vendre demain ? » car comme me disait un auteur « Tous les éditeurs cherchent la réponse et si l’un avait trouvé la réponse cela se saurait ! »…

Si j’ouvre cette réflexion c’est qu’il y a quelques bonnes raisons de s’interroger. Tout d’abord, une production pléthorique qui fait trembler les critiques qui ne pourront jamais tout lire, qui inquiète les libraires qui ne peuvent pas tout avoir en stock, qui pousse les éditeurs à toujours vouloir en faire plus avant leur concurrents, qui déstabilise les lecteurs qui ne savent plus ou donner de la tête et dont le porte-monnaie ne peut pas suffire à acquérir « l’essentiel »…

Côté des auteurs, chacun, globalement et sans entrer dans les détails, il est plus difficile de se faire connaitre, de vendre, de gagner sa vie ! Car, ne l’oublions jamais, un dessinateur de bande dessinée met grosso modo un an pour faire un album… Un an c’est long, très long, et s’il calcule ses revenus par mois, le dessinateur devient un ouvrier qualifié (parfois même hautement qualifié) au statut précaire et au salaire inférieur au salaire minimum…

Alors, quand le succès arrive, parfois après de longues années de galère, la question se pose : Pourquoi ? Pourquoi maintenant ? Combien de temps cela va-t-il durer ? Les autres auteurs, eux, se demandent sans aucune jalousie ni agressivité : Pourquoi lui ? Qu’est-ce que son album a de plus que le mien ? A quand mon tour ?

Alors, bien sûr, quand on reçoit près de 25 auteurs durant trois jours, ces discussions reviennent avec beaucoup de persistance et on entend des points de vue différents, complémentaires, parfois même des cris de révolte contre un système…

Comme me disait un auteur avec cynisme, l’argent et l’art ont toujours vécu ensemble et il faut faire avec c’est-à-dire trouver le moyen de survivre ! Et ce n’est pas si simple !

Lors d’un festival BD, il y a plus d’un an, un auteur un peu fatigué me confiait qu’il songeait sérieusement à arrêter car il ne pouvait plus vivre avec ses revenus de la BD… Oui, je dis « fatigué » mais il faut savoir qu’il y a déjà des cas de burn out dans le monde de la bande dessinée…

Dans le même temps, certains auteurs se sont lancés dans des reprises de personnages et séries et on voit actuellement des « nouveaux » Astérix, Schtroumpf, Boule et Bill, Alix, Spirou, Corto Maltese… et bientôt Blake et Mortimer…  Souvent, là, les tirages sont assez honorables (grâce à un marketing poussé) et les auteurs concernés voient leurs revenus augmenter… Mais est-ce au détriment des créations ? Ces reprises sont-elles toujours de qualité ?

D’accord, je ne fais que poser les questions sans apporter de solution. C’est un fait. Mais, je voulais quand même vous dire que ces questionnements sont bien présents dans ce type de salon, que les « grands » éditeurs s’interrogent, que les « petits » éditeurs sont eux aussi très présents que certaines de leurs productions fonctionnent très bien et trouvent leur public… Certains éditeurs, on peut penser à Olivier Sulpice et Daniel Maghen, cherchent de véritables solutions pérennes pour mieux rémunérer leurs auteurs et donc leur donner un statut moins fragile… Bref, les choses bougent même si on est encore très loin d’avoir trouvé toutes les solutions humaines et financières pour que la bande dessinée aille mieux demain qu’aujourd’hui !

Je reviendrai sur le sujet en évoquant de façon plus complète certaines rencontres avec des auteurs mais posez-vous, vous aussi les questions et n’oubliez jamais que sans respecter les auteurs on les fait disparaitre et que sans auteur, plus de livre, sans livre plus de culture, sans culture plus de liberté… La mort quoi…

Bonne lecture à tous !

Bientôt le salon de Montreuil, mais il est urgent de prendre notre temps !

Le salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil va vivre dans quelques semaines sa trente-cinquième expérience et ce n’est pas rien ! C’est devenu un monument, un incontournable, une référence dans le domaine de la lecture des jeunes (et même des moins jeunes !).

A titre personnel, sur les 34 épisodes déjà passés, j’ai bien dû en vivre 25 ou 26 et je ne m’en lasse pas. Depuis peu, je me fais même accompagner par une de mes petites-filles qui adore les livres et les salons du livre… Et, pourtant, elle n’a que trois ans ! C’est comme cela, il faut prendre les bonnes habitudes le plus tôt possible !

Ce qui est certain c’est que le mardi 8 octobre j’étais bien à Paris, au ministère de la culture dans le magnifique salon des maréchaux, pour le lancement officiel de cette édition de Montreuil. Oui, quand on dit tout simplement Montreuil tout le monde comprend bien qu’il s’agit de ce salon du livre et de la presse jeunesse…

Les professionnels et journalistes étaient bien là sous les ors de la République, il manquait quand même les principaux concernés, les enfants. On dit que déjà plus de 1500 enfants seraient inscrits pour venir avec leur classe, leur maison de quartier, leur association ou leur centre social ce qui démontre bien l’importance de ce rendez-vous culturel et littéraire de fin novembre-début décembre !

D’ailleurs, depuis quelques années, les acteurs politiques, sociaux, culturels, familiaux, éducatifs et mêmes sportifs sont de plus en plus nombreux à devenir partenaires ou participants. Ce salon n’est plus local, départemental, régional ni même national, il est tout simplement international !

Parmi les gros partenaires (il est tout simplement impossible de tous les nommer), les Caisses d’allocations familiales sont présentes car on sait bien que la lecture est un facteur d’épanouissement, de réussite, d’intégration et qu’elle va servir de support à de nombreuses actions. Quand le père Wresinski allait à la rencontre des plus démunis, il y allait avec des livres à la main ! Oui, le livre aide à grandir, à vivre…

Cette année, le thème doit nous interpeller profondément car il s’agit d’un appel à la lenteur, tout simplement ! Ralentir pour développer chez chacun des enfants (enfin, les adultes ont droit aussi de ralentir) la capacité à rêver, penser, comprendre, créer, écouter, partager, aider, construire ensemble… et ce n’est pas gagner dans un monde où tout est toujours à faire pour hier !

Et ce souci de la vitesse (avec son angoisse attenante) est transmis aux enfants, dès le plus jeune âge, sans aucune précaution… Presse-toi ! T’as pas encore fini ? Tu as fait tes devoirs ? On va être en retard ! Arrête de lambiner ! Dépêche-toi ! Finis de t’habiller ! Va prendre ta douche il ne reste plus que cinq minutes avant de partir ! Finis ton assiette pour qu’on puisse passer au dessert ! Et quand est-ce que l’on prend le temps de respirer ? de regarder ? d’écouter ? de lire ? de penser ?

La petite fille qui a tout compris dit avec ses mots : J’aime pas que je me presse !

Alors, à Montreuil cette année, non seulement tous les auteurs présents (plusieurs centaines) s’exprimeront sur cette lenteur et le salon vous invitera à faire une halte prolongée, au soleil, avec les auteurs de l’île de la Réunion, l’invitée d’honneur de ce 35ème salon du livre et de la presse jeunesse…

On vous reparlera des auteurs invités, des sélections pour la jeunesse, des Pépites 2019, mais vous comprendrez bien que l’on prenne un peu le temps de digérer tout cela… Non ? Ce qui est sûr, c’est qu’il faut déjà retenir les dates de ce salon, du mercredi 27 novembre au dimanche 1er décembre (le lundi est réservé aux professionnels) et sachez que l’on peut très bien y aller en train même sans trop se presser…

Vente exceptionnelle d’originaux de BD…

Généralement, je vous parle plus du contenu des bandes dessinées que du prix de vente des planches originales des artistes BD lors des grandes ventes aux enchères en France ou à Londres… On sait que parfois des records hallucinants sont atteints mais ces phénomènes sont assez éloignés de la réalité de la création BD. Je vais continuer à travailler dans ce sens même si, aujourd’hui, je vais quand même vous parler, un peu,  de la grande vente aux enchères BD qu’organise Daniel Maghem. Certes, il s’agit bien d’une vente exceptionnelle mais qui mérite notre attention et pas seulement par l’aspect quantitatif, c’est-à-dire 226 œuvres exceptionnelles qui sont exposées dans la galerie de Daniel Maghem jusqu’au vendredi 11 octobre à 13h… Oui, je sais, c’est un peu court pour aller à Paris… Mais ce n’est pas l’aspect le plus important !

Daniel Maghem est un galeriste parisien, installé maintenant rue du Louvres dans le 1er arrondissement, qui depuis quelques années s’intéresse tout particulièrement à la bande dessinée. Sa passion – difficile d’utiliser un autre mot – l’a progressivement poussé à devenir un éditeur. Certes, éditeur, mais pas tout à fait comme les autres… Je m’explique !

Tout d’abord, pour lui, un album de bande dessinée n’est pas un objet banal. S’il est prêt à éditer un ouvrage c’est qu’il adhère au projet, qu’il envie de le défendre, qu’il est fier de cette aventure… Du coup, pour chaque album publié, il s’investit à fond du début à la fin, il soigne la forme comme le contenu, et, en final, il obtient une magnifique bande dessinée, un objet de qualité qui fait autant sa fierté que celle de ses auteurs… Alors, bien sûr, il ne produit pas autant que certains gros noms de la BD mais il n’a pas pour objectif de les manger, les remplacer ou les concurrencer sur n’importe quel segment du marché… Il veut poursuivre son chemin qualitatif et obtenir la confiance de certains auteurs qui viennent chez lui pour un projet qui leur tient à cœur et qui devient son projet aussi…

Une BD c’est un coup de cœur, une rencontre, du travail acharné et une publication à défendre par toute l’équipe, de l’éditeur à l’attaché de presse en passant par l’auteur et les autres collaborateurs…

Donc, Daniel Maghem tente d’établir avec « ses auteurs » – attention, ils ne lui appartiennent pas et il les respecte beaucoup – une relation de confiance. Cela passe par le respect de leur travail et donc sa valorisation de façon saine et équitable. Or, on le sait bien, ce n’est pas simple… Comme il ne peut pas les rémunérer de façon à leur permettre de vivre décemment de leur seul art, il est toujours à la recherche d’une meilleure solution…

Pour cela, en dehors de tenter de limiter ses dépenses et frais généraux, par exemple en limitant son équipe – de qualité et très motivée – il développe un système d’accompagnement de ses auteurs : 1 livre, 1 exposition, des ventes d’originaux, une défense de l’ouvrage efficace et opiniâtre…

D’ailleurs, mardi soir à Paris dans sa galerie, il fallait voir les nombreux auteurs présents. Il y avait ses auteurs édités mais d’autres qui le seront peut-être bientôt et ceux qui voyaient leurs œuvres mises en vente lors de cette vente exceptionnelle aux enchères… Il faut vivre de son art et pour cela il faut aussi qu’il y ait un marché aux originaux, un marché solide et bien agencé avec un organisateur honnête et qui aime les auteurs…

Mardi – et jusqu’à vendredi 13h – ces originaux étaient tous accrochés aux murs et on avait le sentiment d’assister à l’ouverture d’un musée spécial de la BD. Certes, un musée éphémère mais représentatif de la diversité de la production du neuvième art. Il y avait une vedette centrale, André Juillard, de nombreux autres auteurs et même quelques dessins de grands maitres aujourd’hui disparus comme Jacques Martin, Hergé, Morris, Hugo Pratt, Franquin… Dans la foule des auteurs présents, on voyait Franck Bonnet, Hubert,  Gaétan Nocq, Manchu, Gatignol, de Loustal… et je ne vais pas tous vous les citer…

Cette vente est bien exceptionnelle mais on voit aussi un éditeur qui veut se battre pour les auteurs et les aider à vivre mieux de leur art. C’est ce que je veux retenir et ce sera peut-être plus efficace que la commission qui va donner fin novembre un énième rapport sur le statut des créateurs alors que les auteurs bédé et de littérature jeunesse sont pour beaucoup dans la mouise…

Je voudrais quand même terminer en rappelant que sans moyens dignes donnés aux auteurs pour vivre il n’y a aura plus d’auteur, sans auteur il n’y aura plus de livre et sans livre notre société mourra en douceur et dans le silence !

Bonne lecture à tous !

Tome et Janry, le Spirou que j’aime !

A l’occasion de la disparition de Philippe Tome qui m’attriste beaucoup, j’ai choisi de vous parler du tome 13 de l’intégrale des aventures de Spirou et Fantasio. Après tout, c’est une façon de rendre hommage à un auteur de bédés qui m’était cher car ce tome 13 est l’un de ceux consacré aux albums signés Tome et Janry… Cela me permet aussi de e souvenir de nos rencontres autour d’un micro…

En effet, pourquoi parler des rééditions ? Il fallait faire un choix et j’ai décidé de me concentrer en premier sur ce recueil avant de parler de l’album signé Tome et Janry que j’aimais le plus. Le personnage de Spirou a été un personnage atypique de la bande dessinée car propriété des éditions Dupuis de nombreux auteurs se sont succédés aux commandes du personnage. Il a maintenant plus de 80 ans et selon l’âge et les goûts de chacun, nous avons nos périodes préférées. Certains sont fans de la période Franquin, ce que je respecte bien sûr, alors que d’autres comme moi ont plutôt été sensible à l’apport de Tome et Janry… et je suis intimement persuadé que ces deux auteurs vont rester aux côtés de Franquin comme les grands des aventures de Spirou et Fantasio…

Dans cette collection des intégrales de Spirou et Fantasio, chacun des volumes est magnifiquement enrichi par des témoignages, des récits, des photos qui font revivre la création des aventures de Spirou et Fantasio.

Or, on l’oublie bien souvent, Tome et Janry vont arriver de façon particulière dans cette série. Autant la succession de Franquin par Fournier avait été assez claire, autant, à partir du moment où les éditions Dupuis ont décidé de se séparer de Fournier, il y eut un peu de flottement. Nic et Cauvin n’arrivent pas à convaincre les fans de la série malgré trois albums. Chaland semble un choix surprenant qui ne fera qu’un petit passage dans la série et ne pourra jamais offrir aux lecteurs la suite de son histoire. Enfin, Tome et Janry sont si jeunes que l’on pouvait presque croire à un gag… Pourtant, ces derniers vont faire leurs preuves, convaincre et rester !
C’est cette très belle histoire de Tome et Janry que racontent en une quarantaine de pages illustrées Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault. C’est tout simplement passionnant et je crois pouvoir affirmer que les amateurs de la série et les amateurs de bandes dessinées devraient tous plonger dans ce récit sans voir passer le temps…

Restera après à relire les albums devenus classiques, Virus, Aventure en Australie et Qui arrêtera Cyanure ? Ce dernier étant indiscutablement une petite merveille… Enfin, avec La jeunesse de Spirou, vous entrerez dans Le petit Spirou que Tome et Janry vont continuer de faire vivre de longues années…

Voilà donc une façon de se souvenir de ce Philippe Tome qui a beaucoup apporté à ce duo sensationnel, Spirou et Fantasio. Contrairement à une idée reçue, Spirou n’est pas seulement un personnage pour la jeunesse, c’est un personnage pour tous les public chacun y prenant ce qui lui convient, lui plait, l’enchante…

Merci Philippe Tome pour ce que tu as apporté à ce personnage et te voilà en bonne compagnie maintenant avec Rob-Vel, Jijé, Franquin, Nic, Chaland… ces autres auteurs de la série Spirou et Fantasio qui nous ont déjà quittés… Amusez-vous bien !!!

Disparition de philippe Tome…

Depuis quelques années, je vois ainsi disparaitre quelques-uns des auteurs que j’ai rencontrés, interviewés, appréciés, lus… Le temps passe, certes, mais Philippe Tome était bien jeune quand même…

Très vite, je reviendrai vous parler de lui et surtout de son travail de qualité… Spirou et Fantasio, Le petit Spirou, Soda, Berceuse assassine…

Le retour de Blake et Mortimer ? C’est pour bientôt !

Après avoir passé quelques semaines à l’abbaye de Thélème pour cause de préparation de conférence sur Rabelais, il est grand temps que je revienne dans le monde du neuvième art, celui des bulles (et il ne s’agit pas là, bien sûr, de l’univers du champagne…) ! Comme dans quelques jours, le 22 novembre pour être précis, nous allons avoir la suite et la fin de l’histoire « La vallée des immortels », je peux vous présenter sans avoir le risque d’être trop décalé avec l’actualité, le numéro spécial de Géo Histoire sur Blake et Mortimer.

Chaque fois qu’un numéro spécial sort chez un des grands magazines coutumiers du fait et qu’il concerne un personnage de bande dessinée ou un auteur, j’ai tendance à y prêter attention. Mais, quand il concerne Tintin, Hergé, Goscinny, Astérix, Jacobs, Blake et Mortimer, Spirou ou les Schtroumpf, j’achète au moins pour rêver un peu et revivre quelques heures avec ces personnages que j’aime… Une forme de madeleine de Proust en quelque sorte…

Si la présentation de ce numéro spécial d’une revue se présente bien comme un album de bande dessinée, ne nous trompons pas, il s’agit bien d’un travail type magazine, ce n’est pas à proprement parler une bande dessinée même s’il y a de nombreux extraits de ce futur album et des dessins préparatoires de l’album de François Schuiten, Le dernier pharaon…

En fait, il s’agit de nous faire prendre conscience que Blake et Mortimer, qui sont bien des héros de papier sortis directement de l’imagination d’Edgar P Jacobs, sont aussi des personnages en lien avec l’histoire du vingtième siècle, une histoire qui prend ses sources de façon multiple, dans l’Empire britannique, dans l’histoire des deux guerres mondiales, dans l’histoire des sciences, dans les méandres de la Guerre froide… et, du coup, cet ouvrage est tout simplement passionnant !

On peut signaler en particulier une très belle interview du scénariste de cet album attendu, Yves Sente, un de ceux qui font revivre Blake et Mortimer depuis la disparition du créateur, Edgar P Jacobs (1904-1987).

Comme les différents articles sont bien écrits, très documentés et illustrés, entre autres, par des dessins du grand maitre, l’amateur de la série Blake et Mortimer dévore cela avec passion sans voir le temps passer… c’est ainsi que j’ai absorbé ce numéro spécial entre Dijon et Paris, dans le TGV sans voir que nous avions quelques minutes de retard…Pour ceux qui auraient un peu de mal à attendre la sortie du tome 2 de La vallée des immortels, vous pouvez aussi vous rendre à la magnifique exposition des Arts et métiers, Scientifiction, une exposition qui présente une centaine de planches originales des aventures de Blake et Mortimer permettant une rétrospective complète de cette œuvre magnifique… sans oublier quelques objets, des surprises et beaucoup d’émotion pour ceux qui suivent depuis longtemps ces deux héros hors normes !

Quant à moi, en attendant, je vais peut-être relire l’album que j’aime le plus, La marque jaune !

Je vous souhaite donc une excellente lecture et à très vite !