Il est donc temps de vous parler en détail de ce Festival international de la bande dessinée d’Angoulême. Il fallait, pour cela, d’une part qu’il soit terminé et que je sois rentré chez moi et, d’autre part, que je puisse prendre un peu de recul pour mettre en place un regard sinon objectif au moins dépassionné…
La première chose importante à préciser concerne l’article paru dans l’Humanité, repris dans ses grandes lignes dans Libération, concernant un viol qui a été commis lors du Festival 2024 sur Chloé tels que les faits sont rapportés par la journaliste de l’Humanité. La victime qui travaillait pour le festival a été licenciée pour comportement inapproprié ce qui est, tout simplement, hallucinant. Ce n’est pas à moi de faire l’enquête ni le procès, mais vous comprendrez bien que cette « affaire » était dans l’esprit de beaucoup au moment de l’ouverture du festival.
Mais les articles concernant le festival ne se limitaient pas à ce viol. Soyons très objectifs, on reproche à l’organisation du festival une mauvaise gestion, un manque de transparence, un manque d’humanité dans les relations humaines internes, une augmentation des tarifs, un sponsoring surprenant avec un leader du fastfood, un népotisme confirmé… Bref, on pourrait dire : La coupe est pleine !
Ceci étant, a-t-on les preuves factuelles de tout cela ? Car, quand on accuse, il faut pouvoir prouver ! Je ne suis pas le juge d’instruction, je n’ai pas tous les éléments en mains, mais, quelques faits ont retenu mon attention et je voulais les partager avec vous…
Tout d’abord, mercredi matin, en arrivant à Angoulême pour la journée pro, j’ai discuté avec une professionnelle intervenant pour le festival. Sous couvert d’anonymat, nous avons abordé ce dossier et je voulais savoir ce qu’elle en pensait. Réponses très claires et je vous les livre : Oui, j’étais informée du viol depuis presque un an car après le Festival de l’année dernière j’ai discuté avec la victime et elle m’avait raconté les faits. Elle était un peu perdue et cherchait de l’aide qu’elle ne trouvait pas auprès de sa hiérarchie.
Le soir, lors de l’ouverture, aucun partenaire n’a réellement pris la parole et les mots du maire furent plus que succincts. Une sorte de service minimal et ce fut assez lourd comme ambiance. On peut d’ailleurs dire que l’accueil de Posy Simmonds, Grand Prix 2024, et Anouk Ricard, Grand Prix 2025, fut assez anodin et, du coup, triste. Ces grandes autrices auraient mérité bien mieux !
J’ajoute un autre fait lors de cette soirée. Posy Simmonds devait annoncer le Grand Prix 2025. Elle était au micro et ne connaissait pas le résultat du vote. Pas d’enveloppe, pas d’huissier, la directrice artistique du festival lui a juste glissé le nom à l’oreille. On voudrait créer du doute autour du vote que l’on ne s’y prendrait pas autrement…
A partir de ce même jour d’ouverture, un certain nombre de communiqués se sont succédés provenant des éditeurs indépendants, des grands éditeurs, du Festival, de certaines associations… A chaque fois, on se sentait de plus en plus mal car le dossier à charge semblait bien rempli… On aurait pu se dire que le Festival était définitivement plombé et qu’il n’y avait plus qu’à rentrer à la maison avec tristesse… Heureusement, ce ne fut pas le cas…
De nombreux acteurs de la bande dessinée ont courageusement exprimé leurs positions face à cette situation, et, malgré le tarif de plus en plus élevé, malgré les évènements payants de plus en plus nombreux (master class, concerts dessinés…) ; le public a été présent au rendez-vous de ce Festival !
Heureusement, aussi, quelques prix sont venus récompenser des auteurs, autrices et ouvrages que j’avais eu plaisir à lire et à défendre… J’en retiendrai trois qui me tiennent à cœur ; le Prix des lycéens attribué à Marie Bardiaux-Vaïente et Carole Maurel pour Bobigny 1972, le prix Goscinny du meilleur scénariste à Serge Lehman pour Les navigateurs, le Fauve spécial du Jury pour Les météores de Jean-Christophe Deveney et Tommy Redolfi…
Lors de ce festival, j’ai visité 6 expositions, réalisé 30 interviews, reconstruit le monde deux ou trois fois, rencontré des amies et amis, et donc pris beaucoup de plaisir. Il y aura eu, avouons-le, un petit goût amer déposé en moi qui n’est probablement pas prêt de partir…