Les Mange-pas-cher de Thomas Bernhard

Les Mange-pas-cher de Thomas Bernhard
( Die Billigesser)

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Essais , Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Sahkti, le 8 juillet 2005 (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 49 ans)
La note : 6 étoiles
Moyenne des notes : 5 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 3 étoiles (57 339ème position).
Visites : 5 029  (depuis Novembre 2007)

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Rédigé à la fin des années 1970 sous le titre "Die Billigesser", cet essai de Thomas Bernhard est enfin disponible en français. C'est le récit d'un employé de banque qui évoque la vie de Koller, un chercheur en physiognomonie (définir le caractère d'une personne à partir de son visage). Le narrateur reste volontairement en retrait. Il affirme connaître Koller depuis des années et nous livre dans le détail les agissements du bonhomme, amputé d'une jambe suite à un accident et disposant de tout son temps pour se livrer à sa passion, l'examen des visages d'autrui.
Koller se rend régulièrement dans les Cantines publiques viennoises et observe les Mange-pas-cher, ces gens qui mangent systématiquement les repas les moins chers. Des personnages que Koller examine sous toutes les coutures, objets indispensables pour ses recherches en physiognomonie. Une véritable enquête sociologique avec de l'humour, de la cruauté, un indéniable sens de l'observation et une morale méprisante qui finit vraiment par rendre ce Koller tout à fait détestable.

A travers l'histoire de ce personnage infect, Thomas Bernhard se livre à un examen pointilleux de nos attitudes. Ses longues phrases sans fin illustrent parfaitement le cheminement de nos pensées lorsque nous nous perdons à scruter les autres et à nous livrer à nos propres petites enquêtes sociologiques, avec tout ce qu'elles comportent de clichés et d'affirmations trompeuses. Chacun de nous se retrouve un peu dans ce Koller, même si de prime abord, on se dit qu'il est impossible de ressembler à ce type.
Il y a quelques moments d'humour et d'ironie mais dans l'ensemble, j'ai trouvé ça plutôt noir, malgré l'écriture lyrique et rythmée de Thomas Bernhard. C'est cruel, c'est sombre, très morose par moments. Il se dégage une espèce de complaisance vis-à-vis de ces gens affamés et peu riches que Bernhard passe au crible. Sans doute pas son écrit le plus réussi, mais ce texte a le mérite de nous pousser à la l'interrogation sur notre manière de considérer les autres et de nous imaginer toutes sortes de vies sur base d'un simple regard. Préjugé, quand tu nous tiens!

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Les éditions

  • Les Mange-pas-cher [Texte imprimé] Thomas Bernhard traduit de l'allemand par Claude Porcell
    de Bernhard, Thomas Porcell, Claude (Traducteur)
    Gallimard / Du monde entier (Paris)
    ISBN : 9782070734924 ; 11,20 € ; 02/06/2005 ; 119 p. ; Broché
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Pas cher peut-être, étouffant sûrement !

3 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 67 ans) - 1 décembre 2010

Du Thomas Bernhard dans toute sa splendeur. Noir, touffu, répétitif, autistique, … Le texte, comme à l’accoutumé chez T. Bernhard est sans aération aucune ; ni retours à la ligne, ni paragraphes, si sauts de page … Vous embrayez page 11 et arrivez au but page 119 sans avoir vu le moindre blanc dans les pages. Mais dans ces « Mange-pas-cher », il y a pire, me semble-t-il. Il n’y a … rien. Rien qui puisse porter l’attention, soutenir l’intérêt du lecteur. Je me suis surpris à plusieurs reprises à regarder le numéro de page, en soupirant inéluctablement parce que ces numéros ne défilaient pas assez vite ! Rétrospectivement, j’ai une pensée émue. Une pensée émue pour Claude Porcell. Claude Porcell, c’est le traducteur de cet ouvrage. J’en soupire pour lui. Imaginez ça, c’est la première phrase de l’ouvrage :

Sur le chemin qu’il empruntait depuis des semaines vers le soir, et, depuis trois jours régulièrement, vers six heures du matin aussi, aux fins d’études, jusqu’au Wertheimsteinpark où, eu égard aux conditions naturelles idéales qui régnaient précisément au Wertheimsteinpark, il avait, disait-il, pu revenir, après une longue période, d’une pensée parfaitement sans valeur concernant sa Physiognomonie à une pensée utilisable et même en fin de compte incomparablement utile, et donc à la reprise de son écrit, que, dans un état d’incapacité à toute concentration, il avait laissé en plan depuis le temps le plus long déjà, et dont l’aboutissement, disait-il, conditionnait finalement un autre écrit dont l’aboutissement conditionnait de fait un autre écrit dont l’aboutissement conditionnait un quatrième écrit sur la physiognomonie reposant sur ces trois écrits qu’il fallait absolument écrire, et qui conditionnait son travail scientifique futur et subséquemment son existence future tout court, il était allé tout à coup et le plus soudainement du monde, dit-il, non pas comme il en avait déjà l’habitude vers le vieux frêne, mais vers le vieux chêne, et de ce fait en était venu à ceux qu’il appelait les Mange-pas-cher, avec lesquels pendant de nombreuses années, les jours de semaine, et donc du lundi au vendredi, à la Cantine Publique Viennoise, et donc à ce qu’on appelle la CPV, et plus précisément à la CPV de la Döblinger Hauptstrasse, il avait mangé pour pas cher. »

Imaginez maintenant que le reste est du même acabit : morose, répétitif, maladif. Et bien vous y êtes !
Thomas Bernhard a réellement commis des choses plus intéressantes, comme « Le naufragé », que je critiquerai par ailleurs, mais là … ? Le clavier m’en tombe et je renonce même à décrire ce qui, de toutes façons, ne constitue même pas une trame !

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