Aire d'accueil des gens du voyage de Balval Ekel

Aire d'accueil des gens du voyage de Balval Ekel

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Théâtre et Poésie => Poésie

Critiqué par Débézed, le 12 octobre 2023 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans)
La note : 8 étoiles
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La fille du violoniste

Je crois que j’ai lu tout ce que Balval a publié, je connais donc un peu sa vie personnelle car elle a écrit beaucoup sur elle, notamment dans son premier roman dans lequel elle décrit sa recherche du père qu’elle n’a pas connu. Son père biologique n’est pas celui qui l’a vue grandir. Après de longues recherches et des questionnements de plus ne plus pressants, elle a fini par apprendre que son père biologique est un jazzman manouche (mais d’origine rom) connu et reconnu qui a joué avec de nombreuses stars internationalement connues et reconnues. Son pseudonyme, Balval Ekel, a été construit sur les base du nom de ce père inconnu. décédé juste comme elle venait de retrouver son adresse. Le sort lui a été contraire, elle n’a pas pu faire sa connaissance…

Ce recueil de poésie est une forme d’hommage à ce père inconnu et à son peuple souvent méprisé, traité comme un peuple errant traînant sa misère sur son dos sans parvenir à trouver un terrain où s’installer, où construire un foyer pérenne. Ce recueil c’est aussi l’évocation, en filigrane, de sa quarantaine de déménagements, tous dans des bonnes familles françaises sans rapport aucun avec son père biologique, si ce n’est le moment de sa conception. Sa famille maternelle qui l’a stigmatisée et marginalisée comme elle le laisse filtrer dans ces quelques vers : « On se tiendra toujours sur les bords / Depuis les grands-parents au moins à ce qu’on sait / fils mal-aimé, fille bâtarde / restée sur le perron des demeures / dans l’obscurité des conversations familiales / … ». La difficulté de vivre sa différence, sa tignasse brune et frisée au milieu d’enfants blonds aux cheveux lisses.

Ce recueil évoque bien sûr le voyage : Plein ciel, Tarmac, Routes aériennes, Résidence d’été, …, les lieux où elle a résidé ou simplement séjourné, les gens qu’elle a croisés plus que fréquentés, le monde qu’elle s’est construit pour elle seule quand personne ne lui en bâtissait un, les douleurs et les chagrins qu’elle a affrontés seule ou avec le compagnon qui l’a épaulée pour atteindre une forme de bonheur avec la naissance de sa petite-fille née de sa fille qui a tant souffert avant de pouvoir donner la vie. Ce recueil c’est toute la vie, le voyage de Balval, son douloureux chemin de sa famille maternelle qu’i n’a pas voulu l’adopter comme une des siens et n’a pas plus su l’aimer jusqu’à l’apaisement avec le bébé dans ses bras.

Ce recueil c’est aussi le combat qu’elle a mené pour retrouver son géniteur et celui qu’elle mène encore pour faire accepter, reconnaître et respecter le peuple dans lequel elle sait que ses racines sont profondément ancrées. Elle n’hésite pas à interpeler les gouvernants pour les ramener à une raison plus respectueuse, plus humaines, de leurs fonctions. « On privera donc les Roms d’eau et de vivres / pendant que le ministre de l’environnement / sera félicité pour son plan de conservation des loups ». Elle sait aussi reconnaître ceux qui n’ont pas failli, qui laissent leurs champs et leur cœur largement ouverts. « Mais les paysans ici ne clôturent pas leurs champs / Du moment qu’il ne saccage pas les récoltes / ce type dehors n’est-il pas chez lui ? / … ».

Lire Balval, c’est oublier les mots et les vers, c’est prendre ses émotions en pleine figue, ses sentiments à plein cœur, mais aussi accepter ses déceptions, ses douleurs, ses chagrins, comprendre tout ce qui lui à manquer, par-dessus tout son père qu’elle n’aura jamais serré dans ses bras. Et tout ce qu’’elle a mis dans les exergues qu’elle a écrites en tête des divers chapitres de ce recueil. Ces mots qui évoquent tellement bien le monde et la misère des gens du voyage : « Habiter le vent, le ciel, les sables mouvants et les nuits sans sommeil, l’inhabitable… », « Habiter dans sa tête et celle des autres », « Habiter l’art et la littérature », « Habiter des refuges provisoires, les bras du père absent, l’hôpital, le chagrin », « Habiter une maison ». Partir de rien, galérer, peiner, ahaner, apprendre, essayer, …, construire peu à peu pour enfin bâtir le lieu où s’achève le voyage, où se construit et s’installe la famille…

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