Mollo sur la win de Christophe Esnault, Lionel Fondeville

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Nouvelles

Critiqué par Débézed, le 30 juin 2021 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans)
La note : 8 étoiles
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Quand les vents sont contraire

J’ai déjà lu quelques recueils de Christophe Esnault, j’ai pu y découvrir le désespoir, la dépendance, l’angoisse, les frayeurs mais aussi la lutte, le courage, l’espoir retrouvé, la volonté de s’en sortir qui hélas tournent toujours en déroute, en faillite, en débandade. Les éléments semblent toujours contre lui, il apparait comme un poète talentueux mais maudit. Son écriture est claire, nette, précise, fluide, dépouillée. C’est un révolté mais surtout un misanthrope un peu aigri. J’évoque bien sûr le narrateur et nullement l’auteur que je n’ai jamais rencontré. Lionel Fondreville, je ne le connais absolument pas, je n’ai rien lu de lui et je le regrette, je n’ai pas trouvé que son écriture et son inspiration tranchent nettement avec celles de Christophe Esnault, j’ai donc fondu les deux auteurs dans la fonction de narrateur. Je crois que les deux font bien la paire et qu’ils conjuguent facilement leurs talents respectifs, c’est assez évident à la lecture de la longue nouvelle écrite à deux mains qui évoquent des séances de lectures pleines d’espoir qui virent, une fois de plus, à la débandade.

Les nouvelles constituant ce recueil sont d’une grande finesse, les intrigues sont très bien construites et leur écriture ciselée. On y retrouve bien le désespoir, le nihilisme et les espoirs déçus si présents dans l’œuvre de Christophe Esnault. La machine a toujours des ratés, le vent tourne toujours du mauvais côté, le grain de sable bloque toujours la machine, … L’éditeur loupe les derniers mots de l’auteur qui se suicide faute d’avoir été édité, un jeune homme se vautre dans la fange pour se prouver qu’il existe bien, un employé voulant nuire à son patron invente par mégarde un dopant surpuissant, un gars désespéré n’arrive même pas à éprouver de l’ivresse malgré les nombreux verres qu’il a bus, … Les héros des deux auteurs ne sont pas nés sous une bonne étoile, la chance ne leur sourit pas, seul le désespoir leur tend les bras.

Christophe et Lionel ne se contentent pas de râcler le fond de la marmite du désespoir, il milite, à leur façon, contre toutes les institutions, organisations, idées reçues, pensées communes, doctrines, idéologies, religions qui contraignent l’humanité dans un carcan de croyances nullement démontrées. Dans une des nouvelles, une patiente peut illustrer le sens de cette lutte, il suffirait de remplacer la patiente par un être lambda : « Entre le grand public, abreuvé des clichés déversés par les médias, et les patients, aux prises avec une institution qu’ils ne peuvent que rejeter, elle reste persuadée qu’une relation humaine peut s’instaurer ». La seule façon d’exister dans ce monde semble être celle ressentie par le gars soignant Anna qui rejette des torrents de morve comme la civilisation ne produit que des miasmes, des rebus, des déchets : « Mon plaisir se mêle à l’écœurement. Pour la première fois de ma vie, j’existe. J’ai trouvé ma place dans ce monde. Je suis le Kleenex d’Anna ».

J’ai déjà écrit ailleurs que les textes composant les recueils de Christophe, et pour l’occasion de Lionel, s‘articulent autour de la misanthropie du narrateur, de son rejet de la société, de tout ce qui a été créé, inventé, décidé, construit, … par l’autre. Un rejet viscéral de la société, du monde tel qu’il est. Cette misanthropie pourrait trouver sa source dans la mort prématurée des parents. On peut lire dans certaines nouvelles de ce recueil la difficulté de vivre du narrateur après la perte de ses parents : le père décède brutalement après avoir démontré sa fierté d’avoir un fils qui marche sur ses traces et la mère étant, elle aussi, décédée trop tôt, il la recherche dans toutes les femmes qu’il rencontre notamment dans la nouvelle où le narrateur croit avoir trouvé deux mères. La blessure ouverte par la perte des parents semble impossible à refermer, elle suppure à jamais le pus de la misanthropie.

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