Le petit terroriste de Omar Youssef Souleimane

Le petit terroriste de Omar Youssef Souleimane

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Mathieu971, le 21 août 2018 (Inscrit le 5 octobre 2016, 67 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (13 101ème position).
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un Syrien en exil parle

Après quelques livres traduits (comme le beau recueil de poèmes "Loin de Damas", éd, le Temps des Cerises, 2016), Omar Youssef Souleimane nous livre, écrit directement en français, un récit largement autobiographique divisé en cinq parties.
Tout d'abord, dans "La Rue de Paradis", le narrateur évoque les circonstances assez rocambolesques qui lui ont fait quitter la Syrie pour venir en France. Jeune journaliste, il était recherché par les sbires de Hafaz El Assad après le Printemps de Damas. Il franchit clandestinement la frontière jordanienne et doit son son salut à l'ambassadrice de France qui lui fournit un sauf-conduit pour la France, où il obtient le statut de réfugié.
Puis, dans "Une ville de fer", il raconte les débuts de son enfance en Arabie Saoudite, où ses parents médecins sont venus travailler dans un dispensaire : expérience terrible pour le jeune enfant confronté à un pays nettement moins libéral que la Syrie (!), et où la religion wahhabite domine tout. Il est un étranger, malgré la religion de ses parents, et subit les brimades des jeunes Saoudiens dans les établissements scolaires. C'est que les Syriens ne sont considérés que comme des individus de seconde zone, la troisième étant les Pakistanais, Philippins, Malais et autres exilés économiques. On découvre une société dans laquelle la violence naît en partie des interdits sexuels et de la chape de plomb de la religion d'état : ainsi, l'enseignement du monothéisme semble bien être le cours le plus important dans les écoles. La naissance d'un petit frère, dont il doit s'occuper pendant le travail de sa mère, lui permet d'échapper un peu à l'étude assidue du Coran.
"Un chemin dans le néant" montre les suites de l'attentat du World trade center en septembre 2001 et ses répercussions à Riyad, aussi bien en classe, où le jeune Omar a quatorze ans que dans les discussions à la maison. Le narrateur à très envie, à l'instar de quelques-uns de ses camarades et même de son professeur de monothéisme (arrêté et condamné par le régime saoudien) de devenir un petit terroriste, et de partir pour la guerre sainte en Afghanistan, ce qui lui permettrait de trouver une place dans le monde. Cependant qu'il réprime ses pulsions sexuelles par une pratique assidue de l'Islam et de la prière.
La quatrième partie ("Dieu et le Diable") nous entraîne au pèlerinage à La Mecque, où le père emmène ses deux fils aînés. C'est le début pour le narrateur de sa prise de distances avec la religion. Au lieu d'encourager son assentiment, le tohu-bohu si peu spirituel et si mécanique des circonvolutions autour de la Pierre noire finit par lui faire perdre la foi dans ; il se demande : "Allah n'est-il présent qu'à La Mecque ?"
Enfin, dans "Le salut", le narrateur prend conscience, grâce à ses lectures (notamment de poésie), à l'accès à internet, à la découverte de la condition des femmes dans la religion, qu'on peut vivre autrement. Et revendiquer la "Liberté" du poème d'Éluard. La mort de la grand-mère entraîne le retour en Syrie.
Écrit dans une langue simple, au présent de l'indicatif, ce récit d'apprentissage est très intéressant et permet de comprendre pas mal de choses sur la façon dont on peut devenir djihadiste ou au contraire s'en détourner. On peut dire que l'auteur-narrateur revient de loin. Grâce à la poésie ?

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Ne pas confondre salafiste et musulman

9 étoiles

Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 14 août 2019

Ce récit autobiographique a plusieurs mérites qui le rend à la fois didactique mais aussi aisé à la lecture car écrit en français par un non-francophone.

L’essentiel reste malgré le découpage en cinq parties, l’évocation du salafisme, dans lequel l’auteur, syrien de naissance, a évolué de la fin de son enfance jusqu’au début de son âge adulte alors que son père exerçait la médecine en Arabie Saoudite.

La description de l’omniprésence de la religion, véritable carcan et ce malgré une doctrine bourrée de contradictions ou d’exceptions liées à un pragmatisme politique est d'un grand intérêt. En particulier, comment comprendre un pays qui prône l’application stricte du coran en imposant de pourchasser les infidèles (juifs, chrétiens et … américains) emprisonne ou expulse les djihadistes.

L’auteur et personnage principal est tiraillé entre d’une part sa volonté de respecter les règles et ainsi aussi faire plaisir à son père et d’autre part son esprit critique et les troubles de sa puberté.

Actuellement réfugié en France, l’auteur offre donc un remarquable témoignage et ouvrira les yeux du lecteur vers un certain univers musulman qu’il n’aurait sans doute pas connu, car de l'avis d'un certain nombre de musulmans radicaux, pour rappel toujours fortement minoritaires, l’homme occidental n’est pas capable de comprendre une telle doctrine et le dialogue n'est donc pas envisageable.

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