Un serpent à Alemdag de Sait Faik Abasıyanık

Un serpent à Alemdag de Sait Faik Abasıyanık
(Alemdağ da Var Bir Yilan)

Catégorie(s) : Littérature => Moyen Orient , Littérature => Nouvelles

Critiqué par Débézed, le 21 novembre 2016 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans)
La note : 8 étoiles
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Dans les rues et tavernes d'Istanbul

Sait Faik Abasiyanik est surtout connu pour ses nouvelles dont ce recueil publié l’année de sa mort en 1954, à l’âge de quarante-huit ans seulement. Dans ces textes, selon le préfacier, le grand écrivain Nedim Gürsel lui-même, « Sait Faik… est au sommet de son art », « …tel le peintre qui, sur ses dernières toiles, ne s’embarrasse plus guère des contours mais fait primer la couleur, le mouvement et le rythme, Sait Faik déploie son petit monde de perdants… dans un carrousel grinçant et fascinant.

J’ai lu ces nouvelles parfois très réalistes, parfois un peu fantastiques, parfois métaphoriques, présentées comme un bel exercice littéraire, surtout comme un hommage à la ville d’Istanbul et au petit peuple de ses rues. « J’adore les noms de quartiers d’Istanbul. Certains sont si beaux. Même s’ils sont faux et mensongers, il suffit de les évoquer, aussitôt votre imagination se déclenche, des souvenirs de provenances différentes s’agglomèrent, un film se déroule dans l’obscurité de votre cerveau. » A priori, il ne semble pas y avoir un réel fil rouge entre les textes rassemblés dans ce recueil mais en avançant dans la lecture on sent bien cet amour de l’auteur pour cette ville, pour les pauvres bougres qui animent les rues, souvent victimes des aléas de la vie ou plus simplement des puissants. Beaucoup d’histoires racontées, inventées, par Sait Faik se déroulent dans la rue ou dans les tavernes ou l’auteur semble aimer séjourne, là où le petit peuple stambouliote, fort composite, des années cinquante se débat en butte à la normalisation kémaliste.

C’est toute la vie grouillante d’Istanbul qui s’étale dans les pages de ce recueil et comme dans le quartier de Dolapdéré, « On croise aussi l’odeur des côtes d’agneau et la faim, le raki, l’amour, la passion, le bien et le mal incarnés », tout ce qui fait la richesse et le malheur de celle ville et qui donne cette saveur si particulière à ces textes. L’auteur est mort trop jeune mais on sent qu’il a déjà accumulé beaucoup de sagesse et de scepticisme devant les réformes en cours, il stigmatise la paresse, les effets pervers des fortunes trop vite acquises, les spéculations tendancieuses, les violences gratuites, …, rappelant avec nostalgie la tolérance d’autrefois, suggérant l’amitié, la simplicité et toutes les valeurs morales qui permettent une vie en bonne intelligence.

Et lui comme beaucoup de pauvres malheureux errant sur les boulevards, « Tous avec leur sort et eux-mêmes sur le dos. Seuls, seuls. Même quand ils dorment avec une femme, seuls », il se sent lui aussi seul, seul, se rappelant le bon vieux temps de la vie en famille. « Plus je vois mon ancien ami, plus je pense à la solidité de certains liens familiaux… » Au final un recueil très littéraire à lire avec attention, un tableau animé de la ville de l’auteur, une leçon de morale à peine masquée, un certain désespoir nostalgique et aussi un petit coup de griffe pour ceux qui détenaient le pouvoir à cette époque.

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