L'étoile Vesper de Colette

L'étoile Vesper de Colette

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Alceste, le 10 février 2016 (Liège, Inscrit le 20 février 2015, 62 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (3 717ème position).
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Colette à son meilleur

Dans « Paris de ma fenêtre », Colette faisait la chronique des années de guerre depuis son appartement du Palais-Royal où elle était recluse par la force des choses.

En 1946, Colette est immobilisée par une douleur à la jambe mais tient à bien montrer que l’immobilité du corps n’affecte en rien la mobilité de l’esprit. Bien au contraire, l’inspiration se fait plus libre, plus incisive que jamais.

Sous l’étoile Vesper, c’est évidemment le soir de la vie qui s’annonce, et à septante-trois ans, chargée d’ans et d’expérience, Colette peut céder à la tentation d’un retour en arrière, mais rien de moins attirant pour elle qu’un « livre de souvenirs » ou une quelconque autobiographie. Le moindre accident dans le cours des choses, la moindre impression met en branle son sens littéraire, les mots naissent et s’enchainent en phrases qui suivent les caprices de la pensée sans jamais se départir de leur élégance ni de leur rigueur. On songe, avec quarante ans d’avance, à "Enfance" de Nathalie Sarraute, où l’auteure entame une sorte de dialogue avec elle-même.

Ainsi se succèdent à bâtons rompus des thèmes plus variés les uns que les autres, traités avec égalité d’humeur et dans le langage sensuel qu’on lui connait.

En évoquant la Résistance, elle parle de « l‘heure où des soldats cachés respiraient, par la fenêtre cintrée d’entresol, l'air nocturne, l’odeur des pelouses, et fumaient assis entre les ombres cornues de deux chats. »

À propos de la visite d’un ami bibliophile : « Il a tiré de sa poche un petit volume âgé dont la reliure garde une couleur rose séchée bien plaisante, il l’a tenu un peu loin de mes mains, l’a entrouvert pour que j’entendisse le bruit de billets de banque neufs que rendaient ses feuillets vergés, saufs de tout lavage chimique. »

À propos d’Hélène Picard, l’amie et la protégée de toujours : « Voilà qu’elle est morte, celle qui semait, avec un grand air de faste et d’indifférence, des vers comme ceux-là. Elle les quittait, courant, si l’une des perruches bleues jetait un appel, si le passereau toquait du bec à la vitre, si la barre de chocolat cuisait trop vite… »

Ainsi de suite sur les voyantes, sur son accouchement, ou sur les visites des jeunes journalistes trop curieux…

Un souhait étrange clôture le livre : désapprendre à écrire. Plait au ciel qu’il n’ait pas été réalisé…

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souvenirs, souvenirs...

10 étoiles

Critique de Jfp (La Selle en Hermoy (Loiret), Inscrit le 21 juin 2009, 75 ans) - 13 avril 2019

Vesper, c'est Vénus qui brille de tous ses feux, propice aux souvenirs lorsqu'on passe de longs, très longs moments à contempler le ciel pendant les heures d'insomnies. Colette, clouée dans son fauteuil par cette arthrite qui ne la quitte guère, le jour comme la nuit, fait appel à sa mémoire et écrit, dans cette langue inimitable n'hésitant pas à mêler termes de métier, adjectifs insolites, associations d'images à la limite de la poésie. Les êtres qu'elle a connus, ceux et surtout celles dont elle a apprécié la compagnie, défilent sous nos yeux en tranches de vie alternant avec son quotidien d'aujourd'hui, cette vie monotone, de temps en temps rompue par une visite, dont il a bien fallu qu'elle s'accommode. Lire Colette, c'est habiter pour un moment avec elle, chez elle, partager son quotidien et s'ouvrir à des senteurs nouvelles, des impressions fugaces qu'elle seule sait retenir et nous faire partager à l'aide des mots. Colette n'est jamais aussi bon écrivain que lorsqu'elle nous parle de la nature, qu'il s'agisse des plantes ou des animaux, domestiques ou sauvages, une connaissance acquise dès l'enfance sous la férule attentive de sa mère Sido.

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