Novembre 1918, une révolution allemande, Tome 1 : Bourgeois et soldats de Alfred Döblin

Novembre 1918, une révolution allemande, Tome 1 : Bourgeois et soldats de Alfred Döblin
(Bürger und Soldaten)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone , Littérature => Romans historiques

Critiqué par Stavroguine, le 18 décembre 2014 (Paris, Inscrit le 4 avril 2008, 40 ans)
La note : 8 étoiles
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L'autre œuvre de Döblin

Döblin, en France, est l’auteur d’un seul livre, Berlin Alexanderplatz, lequel, d’ailleurs, ne m’avait fait qu’une impression mitigée. Il aura fallu que je visite Berlin un 11 Novembre pour avoir de nouveau envie de me confronter à la prose de l’Allemand. Un choix à moitié judicieux puisque ce premier livre de la tétralogie qu’il consacre à la révolution de Novembre 1918 — révolution avortée puisque allemande, comme le sous-entend l’ironique sous-titre Une révolution allemande si on l’oppose à la Révolution française ou la Révolution russe, par exemple — se déroulera principalement en Alsace tandis que les troupes allemandes s’apprêtent à en partir.

Döblin a rédigé ce texte en France, où il demeurait en exil, à partir de 1937. Le premier livre, qui nous intéresse ici, Bourgeois & soldats fut publié dès 1939 à Amsterdam mais ne fut plus réédité avant 1978 pour les lecteurs allemands ; il fallut attendre 2008 et une initiative des éditions Agone pour que cette oeuvre soit enfin traduite en français.

Immense fresque historique qui embrasse quelques mois en 2000 pages, Novembre 1918 débute le 10 novembre 1918 dans une Alsace encore allemande où les troupes attendent l’armistice. On est en plein roman social et historique : Döblin pioche çà et là ses personnages (deux officiers blessés, une nurse, un marin insurgé, quelques soldats du rang et des civils tant français qu’allemands) et nous raconte ce pan de l’histoire méconnu, ces quelques semaines où se jouent la fin d’un conflit mondial, le passage d’une région d’un Etat à un autre, où chute un empire et naît une république. Dans une première partie remarquable, Döblin, qui sait vous poser une ambiance, évoque avec bonheur les conseils de soldats d’une armée qui a implosé, détrôné ses gradés et envisage pour une semaine d’instaurer en Alsace une république indépendante, ni française, ni allemande ; uniquement socialiste. Il conte les brassards rouges qui défilent dans les rues euphoriques, le retour des marins mutins dont les voix retentissent dans les conseils municipaux et il raconte le drapeau rouge qu’on hisse tout là-haut sur la flèche de la cathédrale de Strasbourg.

Mais ce n’est qu’un prélude. On sait inéluctable l’arrivée des Français et les convois d’Allemands s’en retournent à Berlin où se jouera dans les prochains tomes la vraie révolution ; les gueules cassées retrouvent leurs familles déchirées, les amours se défont et les illusions ont perdu une première bataille ; la seconde partie est plus grave. Moins entraînante aussi lorsque Döblin se fait plus historien que romancier et consacre des chapitres entiers à Foch ou à Barrès, quand il décrit in extenso l’organisation alsacienne et énumère chaque division de l’appareil administratif allemand. A la fin se dessinent les luttes entre les différents partis qui devront se livrer bataille durant les quelques temps où l’Allemagne oscillera entre la révolution socialiste et la république de Weimar.

A la lecture de Bourgeois & soldats, on sent qu’on ne lit jamais qu’un premier acte : Döblin campe ses principaux personnages et établit déjà des relations dont on imagine qu’elles seront développées au cours des prochains livres. Il en profite pour nous livrer aussi quelques pages magnifiques. On les pioche dans ces longues scènes où pendant plusieurs pages, l’auteur nous décrit l’atmosphère des villes et nous la rend à la manière d’un peintre ou bien d’un cinéaste ; et dans certains dialogues, aussi, tels que celui où le lieutenant Becker raconte à son ami Maus comment la guerre l’a changé.

Il faudra lire la suite. Car Döblin montre avec ce livre qu’il n’est pas l’homme d’une unique oeuvre. A vrai dire, j’ai trouvé celle-ci supérieure, dans une large mesure, à Berlin Alexanderplatz. Son écriture y est plus belle, ses personnages plus singuliers que l’effroyable Franz Biberkopf. Mais on sent bien le même auteur, qui se disait appartenir à la nation des pauvres, soucieux de la cause ouvrière : ses mots pétillent quand il parle de révolution !

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