La sonate à Kreutzer de Léon Tolstoï

La sonate à Kreutzer de Léon Tolstoï
(Крейцерова соната)

Catégorie(s) : Littérature => Russe

Critiqué par Folfaerie, le 14 décembre 2003 (Inscrite le 4 novembre 2002, 55 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 12 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 818ème position).
Visites : 14 401  (depuis Novembre 2007)

Récit d'une descente aux enfers

Au cours d'un long voyage en train, le narrateur fait la connaissance d'un homme étrange, au passé douloureux, qui lui raconte son histoire. Pozdnychev a épousé une jolie jeune femme sur le tard. Au bout de quelques années sa passion est intacte mais la jalousie, sentiment obsessionnel qui le ronge, le poussera à commettre un acte irréparable.
Un drame de la passion a priori bien banal, mais c'est sans compter l'immense talent de Tolstoï, et le contexte particulier de ce livre.

Le début met immédiatement mal à l'aise par la sordide description du voyage de noces, qui annonce donc le ton du roman et l'idée de Tolstoï. De même que la personnalité de Pozdnychev, indiscutablement déséquilibré, contradictoire et ambigu sur les femmes et le mariage, tour à tour mysogine, libertin et puritain.

En effet, à l'époque où Tolstoï rédige ce roman, il traverse une grave crise morale et mystique. Il décide de tenter d'atteindre l'idéal chrétien et se sert du roman pour montrer la voie à ses contemporains. L'abondance du courrier qu'il reçut l'obligera à ajouter une postface au roman, dans laquelle nous découvrons un Tolstoï torturé et exalté. Il veut lutter contre la débauche et la paresse, prône la chasteté (le mariage est source de tous les maux) et prodigue des conseils pour l'éducation des enfants qui feraient frémir les parents aujourd'hui.
A titre d'exemple, voici quelques unes de ses recommandations : "les enfants trop choyés, tout comme les animaux trop bien nourris, voient se développer prématurément en eux une sensualité anormale qui est à l'origine de souffrances terribles..." et de suggérer de supprimer lecture, danses, spectacles et friandises. Ou plus loin "...l'amour charnel, le mariage constituent un culte de soi-même et par conséquent forment un obstacle au service de Dieu et de l'humanité, donc, du point de vue chrétien, c'est une déchéance, un péché".

Un grand roman donc, puissant et pathétique, à l'image de son auteur qui tenta de donner un autre sens à son existence.

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L'enfer conjugal

9 étoiles

Critique de Dirlandaise (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 68 ans) - 28 mai 2011

Je ne peux qualifier ce livre de roman car, bien qu'il débute comme un roman, il tourne vite au pamphlet moralisateur et surtout, Tolstoï déverse sa rancoeur et son désenchantement face à l'institution du mariage. Il prend la parole par le biais du personnage de Pozdnychev et tout le récit n'est qu'une suite de plaintes larmoyantes sur l'inconvénient de s'unir à une personne du sexe opposé en croyant que la vie sera le paradis alors que cela tourne à l'enfer le plus effroyable. Avant de lire ce livre, il faut connaître la vie conjugale de l'auteur un tant soit peu afin de bien comprendre son propos et ses motivations. C'est une charge terrible contre la femme et surtout, contre sa femme qui fait de sa vie un calvaire quotidien ponctué de scènes violentes, de brèves réconciliations et de rechutes sans fin. On oublie très vite le roman pour plonger dans l'horreur du quotidien du couple tolstoïen se déchirant impitoyablement.

Ensuite, la venue des enfants ajoute au désastre et met fin définitivement à la paix et à l'espoir de l'homme de pouvoir jouir de périodes de recueillement et de calme afin de méditer et écrire en toute sérénité. Tolstoï décrit les problèmes nombreux que les enfants font subir au couple et surtout, leur capacité à mobiliser toute l'attention de leur mère au détriment du pauvre mari délaissé. Il nous livre la vérité toute nue sans fioritures et avec sincérité.

Je crois que Tolstoï a souvent eu envie de se débarrasser de son épouse mais sans jamais oser passer à l'acte. C'est une lecture terrible et extrêmement révélatrice des nombreux tourments endurés par l'écrivain. Il ne faut pas lire cela comme un simple roman car c'est un cri du coeur, un appel au secours désespéré et surtout, une confession émouvante de la part d'un homme livré au désespoir et aux affres de la jalousie. J'ai enlevé la moitié d'une étoile car parfois, le ton moralisateur m'a franchement irritée mais il reste que le style est puissant et le récit très prenant.

Grand écrivain, mais moralité singulière

9 étoiles

Critique de Saumar (Montréal, Inscrite le 15 août 2009, 90 ans) - 20 mai 2011

Le roman de Tolstoï , Sonate à Kreutzer, s’ouvre sur une discussion dans un train, lors d’un long voyage. Le narrateur qui est le personnage principal, Pozdnychev, est contre l’amour, le sexe et le mariage. Le mariage est pour lui de la prostitution légalisée, les hommes sont des dépravés, la seule solution possible : l’abstinence totale pour obéir à la volonté de Dieu. Il va jusqu`à souhaiter l’extinction de l’humanité au nom de sa morale. Pourtant, il déclare même avoir eu une vie sentimentale tumultueuse avant de se marier. Pour lui, il n’y a pas d’entente possible entre les hommes et les femmes, comme si, il était impossible d’être l’ami de son conjoint. Voilà qu’il raconte l’expérience de son mariage. À trente ans il épousa une jeune fille qui l’avait conquis par sa grâce et sa pureté. En dépit des efforts, après quelques mois, l’amour et la haine alternent. La vie conjugale devient infernale. La naissance des enfants parût resserrer les liens jusqu’à ce que sa femme, avide de sensations nouvelles trouve auprès d’un jeune violoniste la passion qu’elle recherchait sans même s’en rendre compte.

Les idées de Tolstoï sont pour le moins surprenantes. Dans les derniers chapitres de cette histoire, il nous plonge dans une atmosphère captivante où rebondissements imprévus nous sont présentés habilement. Voilà ce qui nous attend dans cette conclusion inoubliable.

Radical

7 étoiles

Critique de Béatrice (Paris, Inscrite le 7 décembre 2002, - ans) - 17 octobre 2009

Le discours radical reste pour moi parfaitement cohérent ; par la voix du personnage parle Tolstoï, avec son idéal moral de pureté et ascétisme.

Le thème me rappelle deux autres auteurs. Thomas Hardy qui fustigeait l’institution matrimoniale et Oscar Wilde qui dénonçait l’hypocrisie des mœurs. Mais aucun n’est allé aussi loin dans le radicalisme.

Je découvre Tolstoï...

10 étoiles

Critique de Lestat (, Inscrit le 9 juillet 2005, 35 ans) - 8 août 2005

...et après Anna Karénine et le réveillon du jeune tsar c'est cette nouvelle qui m'a subjugué. Jamais en lisant Tolstoï (ai-je le droit de dire ça après avoir lu deux livres seulement?) je n'avais eu une telle envie de progresser dans l'histoire. Peut être que c'est parce que le sujet (l'amour) m'intéresse particulièrement en ce moment et que au lieu de romantisme Tolstoï nous dresse un tableau très noir de ce sentiment.
Certains disent que Tolstoï est trop moralisateur dans ce roman mais ce n'est pas un mal d'avoir un point de vue tel que celui-ci pour réfléchir si l'amour est un sentiment noble ou si il nous vient de notre éducation, mensongère selon Tolstoï.

Génial écrivain mais piètre moraliste.

9 étoiles

Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 58 ans) - 20 mai 2005

Outre le court roman "La Sonate à Kreutzer", mon édition contient aussi deux nouvelles : "Le bonheur conjugal" et "Le Diable". Mais je poste en critique éclair car le titre du livre est le même.

Tolstoï était un écrivain génial mais il ne faisait pas un bon moraliste ! Il se livre ici à un réquisitoire contre l'amour charnel et même conjugal qui nous laisse de glace. Il prêche un idéal d'abstinence sexuelle (que lui-même n'atteignait pas il faut dire !). Mais malgré ces idées un peu malsaines ces trois nouvelles sont des merveilles. Je suis complètement tombé sous le charme de l'écriture de Tolstoï et de l'ambiance russe des récits.

On pénètre dans la douceur de l'âme d'une jeune fille amoureuse, ensuite c'est l'effroi de l'âme possédée par le démon de la jalousie, puis les tourments des désirs de la chair. Il y a aussi la douceur d'une soirée de printemps, les couleurs et les odeurs des champs en été, les belles paysannes saines et robustes avec des fichus colorés, la mère qui signe ses enfants avant de les coucher, la femme qui fait réciter les prières à son mari...C'est une succession de tableaux enchanteurs.

"Le Diable", la plus courte des trois nouvelles, m'a le plus impressionné par la description d'un homme possédé par un désir charnel illicite. Un homme amoureux de sa femme et heureux mais qui ne peut se détacher d'une paysanne : il fait des détours en espérant la rencontrer, il va traîner près de la cabane où il la possédait avant d'être marié,... c'est dramatiquement juste. Dans la première nouvelle, "Le bonheur conjugal", Tolstoï exalte d'abord l'amour entre mari et femme pour mieux nous décevoir ensuite et nous montrer que tout ça n'est qu'illusion. Sur "La Sonate à Kreutzer" tout a été dit : un début magnifique, au milieu un trop long discours moraliste et misogyne et un final dramatique.

Comme le dit Folfairie on frisonne en lisant les conseils de Tolstoï sur l'éducation et son idéal d'abstinence avec comme corollaire l'extinction de la race humaine. Ce n'est pas exaltant !

Beethoven, Tolstoï... et Leos Janacek

6 étoiles

Critique de Fee carabine (, Inscrite le 5 juin 2004, 49 ans) - 3 août 2004

Je ne peux que souscrire aux commentaires de Lucien, Jules et Bérénice: ce récit de Tolstoï m'a, littéralement, laissée de glace, abstraction faite de ma déception à la vue du sort qu'il réserve à Beethoven et de mon profond agacement face à sa misogynie rampante... Mais "La sonate à Kreutzer" de Tolstoï se rachète un peu à mes yeux pour avoir inspiré à Leos Janacek un quatuor à cordes qui est, lui, bel et bien d'une brûlante humanité...

En résumé, je donne 3 étoiles à Tolstoï, 5 étoiles à Janacek, et je vous renvoie au forum autour d'Anna Karénine si vous voulez en savoir plus au sujet de ce - magnifique - quatuor à cordes: http://critiqueslibres.com/i.php/forum/…

Une étoile pour le début, cinq pour la fin

6 étoiles

Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 27 juin 2004

Le récit est raconté sous forme d'une conversation entre voyageurs, dans un wagon de chemin de fer en Russie, au début du siècle. La Russie est grande, les trains ne roulent pas très vite, c'est peut-être pour ça que le récit paraît un peu long. C'est l'occasion pour Tolstoï de faire passer ses réflexions sur le mariage, les femmes, l'éducation des jeunes filles, les difficultés de la vie conjugale, et toutes sortes d'autres considérations où nous découvrons un Tolstoï pessimiste et fataliste comme les Russes savent l'être ; et aussi misogyne jusqu'à la mauvaise fois.
Ce n'est pas passionnant, mais c'est quand même d'un niveau supérieur aux conversations que l'on subit souvent dans les transports en commun, où la règle veut que les propos les plus insignifiants, soient proclamés avec le plus de force ; et quand on voudrait lire, c'est contrariant !
Mais ici, au chapitre XX de ce livre, qui en comporte XXVIII, la parole est prise par un personnage hors du commun qui nous raconte une histoire pathétique : un drame de la jalousie.
Et on retrouve le grand écrivain de Anna Karénine : en phrases courtes et ramassées, le récit progresse vers son aboutissement qu'on pressent dès les premières lignes. Il n'y a pas un point, pas une virgule, pas un mot de trop et comme toujours avec Tolstoï, on pénètre dans la psychologie des personnages, on "est" dans le décor, et on "voit" les scènes telles qu'elles se passent.
Et la sonate dans tout ça ? Elle occupe 4 lignes dans le récit, mais ça suffit ; on serait tenté de dire : c'est le point d'orgue ! Elle arrive au moment ou la dame exprime son amour pour l'élu de son cœur, mais c'est en présence du mari ! Donc la scène doit être muette ; et cette sonate, dans son premier mouvement, exprime une sensualité tellement brûlante, qu'aucun mot ne pourrait l'exprimer avec autant d'ardeur.
Et le mari possédé par le démon de la jalousie, en perd littéralement la raison. Il ne se possède plus, à tel point qu'il devient le spectateur de ses propres folies. On dirait qu'une fatalité l'entraîne malgré lui vers son horrible destin ! Le récit a par moment des allures hallucinantes.
La fin du livre, le dernier tiers, qui constitue en réalité tout le livre, compense largement le manque d'intérêt du début.
Quoique, comme le dit Folfaerie dans sa très belle critique, le début du livre nous révèle un Tolstoï que nous ignorions complètement.

En conférence

4 étoiles

Critique de Bérénice (Paris, Inscrite le 18 mai 2004, 37 ans) - 17 juin 2004

Moi aussi j'ai trouvé ce livre terriblement froid. Où est la passion ? Où est la douleur ? Ca tient davantage de l'exposé en trois parties que du récit d'un assassinat. C'est terrible : ce livre est mort. Totalement mort.
Et puis, je n'ai pas compris sa raison d'être - ce qu'il veut dire, ce qui a fait que Tolstoï l'a écrit. Qu'est-ce qu'il exprime à travers lui. S'il y exprime vraiment quelque chose.
Il ne m'a pas apporté grand-chose.
A part peut-être l'envie de faire un voyage en Transsibérien. Mais ça ! ...


Et pourtant...malgré tout ce que je viens de dire...il y a un certain mystère dans ce livre, une discrète poésie...un trésor caché ? Il faudra que je le relise.

Il y a bien longtemps !

6 étoiles

Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 79 ans) - 15 décembre 2003

J'ai lu ce livre quand je devais avoir 15 ou 16 ans. J'en ai gardé un sentiment très trouble et surtout une impression de très grande mysoginie de l'auteur, ce qui m'a fortement dérangé. Vu le temps passé, je ne peux pas vraiment faire une critique éclair de ce livre, mais je ne le recommanderais pas. De toute façon, outre le fait que j'ai aimé "Guerre et Paix" et "Anna Karénine", je n'ai jamais trouvé que Tolstoï arrivait à la cheville de Dostoïevski quant aux idées. Par contre, pour le style, il est meilleur.

Le temps des désillusions

10 étoiles

Critique de Folfaerie (, Inscrite le 4 novembre 2002, 55 ans) - 14 décembre 2003

C'est à cause de cette très belle sonate, interprétée par son épouse, que Pozdnychev subodore une liaison entre elle et son professeur de musique. La musique n'a pas la même signification pour lui qui n'y voit qu'un instrument de plus conduisant au péché...
Je comprends que tu aies été déçu par le roman qui est véritablement terrifiant (et désagréablement moralisateur en effet) parce que Tolstoï, dans un moment d'égarement, salit toutes les belles choses, actes ou sentiments, qui rendent la vie plus supportable. A la trappe le romantisme ! A la place, il nous décrit la sensualité bestiale qui gouverne le couple, tous les couples en fait, et qui conduit à la folie, et qui rabaisse l'espèce humaine. Ces passages où pointe son mépris pour les artifices qu'utilisent les femmes (les toilettes, les parfums, les longs cheveux dénoués...) révèlent bien quel était son état d'esprit au moment où il écrivait.
Cette autre facette de l'écrivain n'est pas agréable à contempler mais donne certainement à réfléchir sur la façon dont on interprète les principes d'une religion.

Et Beethoven?

7 étoiles

Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 68 ans) - 14 décembre 2003

Je me souviens que j'avais été plutôt déçu par ce roman, lu à une époque où je me faisais une idée assez romantique de l'amour et du mariage (ai-je vraiment changé?). Je garde l'impression d'un livre froid et moralisateur.
Je me souviens que ce qui m'attirait dans ce livre était un titre qui renvoyait directement à l'une des plus belles sonates pour violon et piano de Beethoven. L'une des causes de ma déception était la place très discrète de cette sonate dans le roman de Tolstoï (quel rôle joue-t-elle exactement?).
Je me souviens de l'attaque du troisième mouvement, mais comment rendre cette impression par des mots? Un mélange d'allégresse et de romantisme, de soubresauts passionnés et de gambades libres. Il faudrait pouvoir joindre des extraits musicaux aux critiques éclairs. Ce serait intéressant aussi de réfléchir aux liens entre roman et musique. Bien des livres baignent dans un climat musical particulier. En attendant, je vais me réécouter la sonate à Kreutzer par Arthur Grumiaux et Clara Haskill.

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