Le contrat naturel de Michel Serres

Le contrat naturel de Michel Serres

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités , Sciences humaines et exactes => Philosophie , Sciences humaines et exactes => Scientifiques

Critiqué par Eric Eliès, le 8 avril 2012 (Inscrit le 22 décembre 2011, 49 ans)
La note : 10 étoiles
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Un ouvrage majeur de Michel Serres sur le lien symbiotique entre l'Homme et le Monde

Ce livre est l'un des plus importants de Michel Serres, auteur d'une oeuvre abondante mais qui, depuis des années, puise inlassablement à la même source féconde : celle du lien, noué à la fois entre les hommes et entre l'Homme et le Monde. Dans cet essai, Michel Serres définit les concepts d'une philosophie universelle de l'écologie, qui serait une manière d'être et d'aimer le monde bien plus qu'un dogme idéologique.
Divisé en 4 sections, "Le contrat naturel" développe, de manière rigoureuse, concise (le livre fait moins de 200 pages) et exhaustive (mais non sans quelques récits et digressions qui étayent la réflexion), la pensée de Michel Serres sur l'Homme et sur son rapport au monde. A partir du constat de l'impact des activités humaines sur l'équilibre global de la planète, qui atteste que l'humanité est devenue équipotente à un Etre-Monde, Michel Serres démontre l’irruption du Monde comme acteur majeur de l'Histoire, qui s'était jusqu'à présent déroulée dans l'espace abstrait des relations entre les collectivités humaines. L'état de violence "sans limite" entre l'Homme et le Monde appelle l'élaboration d'un nouveau Droit, à fonder sur un Contrat naturel (qui reste à écrire) qui complèterait le Contrat social établi entre les hommes.
Pour Michel Serres, l'ébauche de ce Contrat naturel, qui servirait à distinguer le Bien et le Mal dans les relations entre l'Homme et le Monde, est contenue dans le discours scientifique, qui vise à établir des rapports de lois entre les faits. La validité du langage scientifique reste malheureusement confinée à la communauté scientifique et se heurte à celui des autres communautés. Après avoir évoqué les rapports historiques entre la science et le droit (Anaxagore, Galilé, Lavoisier, Turing, etc.), Michel Serres s'efforce, en tant que philosophe (en s'appuyant sur des hommes de science philosophes, notamment Leibniz), de justifier la valeur normative de la science et de définir les conditions de son épanouissement comme support de Droit pour fonder le Contrat naturel.
En fait, pour Michel Serres qui évoque alors Hermès et Pan, la pensée humaine a longtemps pensé par catégories, par compartiments et par liens : la finitude de la Terre (que Michel Serres imagine flottant dans l'espace comme une matrice à laquelle l'Humanité, tel un foetus, serait reliée) a généré une prise de conscience et l'Homme redécouvre depuis peu le monde, dans sa globalité et dans sa totalité. Tout l'enjeu du Contrat naturel est de reconnaître les liens de symbiose entre l'Homme et le Monde et d'élever le Monde à la dignité de sujet du Droit.

L'écriture de Michel Serres est parfois difficile (tant sa culture est vaste et son vocabulaire précis) mais elle n'est jamais aride. L'amour et la recherche de la beauté (qui est pour Michel Serres l'antithèse de la pollution) sont des guides de sa pensée. Le livre est riche d'exemples (puisés dans les récits, les mythes, etc.) et Michel Serres sait inscrire sa pensée dans une perspective historique, en constatant que la disparition progressive de la paysannerie (que Michel Serres juge être l'élément le plus important de l'Histoire récente de l'humanité car il consacre la fin du néolithique) entraîne forcément un nouveau rapport à la terre. Le global remplace le local. En outre, Michel Serres a été marin (il a servi à la mer comme officier dans la Marine nationale) et utilise le rapport au monde particulier des marins (qui après l'appareillage dépendent totalement de la mer) pour illustrer ce que devrait être le rapport au monde de l'Humanité avec la Terre, qui est notre hôte symbiotique et que nous devons aimer à la fois comme mère, fille et amante. Michel Serres complète ainsi le commandement "aimez vous les uns les autres", qui négligeait le monde, par une loi d'amour envers le monde.

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