Les Fenêtres d'or de Adolf Rudnicki

Les Fenêtres d'or de Adolf Rudnicki
(Złote okna)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Jfp, le 5 mars 2011 (La Selle en Hermoy (Loiret), Inscrit le 21 juin 2009, 75 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (2 183ème position).
Visites : 3 694 

dans le ghetto

Parmi ces nouvelles, celle qui donne son titre à l'ouvrage, "Les fenêtres d'or" est en fait un court roman, qui dépeint les efforts de Jozef Klon pour entrer et sortir du ghetto de Varsovie. C'est dans ce ghetto que, de 1940 à 1943, l'Allemagne nazie a enfermé les 380 000 habitants juifs de la ville de Varsovie, avant de les emmener dans les camps de la mort. Le héros se trouve pris dans le soulèvement du ghetto et les massacres commis par l'armée allemande et... ses affidés polonais et ukrainiens! On est "littéralement" pris à la gorge par l'horreur décrite par Adolf Rudnicki. Rien n'est épargné, de la lâcheté de certains habitants du ghetto au courage de ceux qui ne figuraient pourtant pas parmi les victimes désignées de ce génocide. Au milieu de cette sauvagerie l'amour est là pourtant, et l'espoir, au-delà de toute souffrance. Loin d'un plaidoyer larmoyant comme il y en eu tant sur un sujet aussi sensible, le "vécu" est là et nous entraine dans son souffle. Pendant le temps de la lecture, on vit avec ces personnages, dont certains sont des traitres qui finissent par se comporter en héros. Toute la complexité de l'âme humaine est dépeinte, dans une langue expurgée de tout artifice, admirablement rendue par la traduction. Par comparaison avec ce chef-d'oeuvre, les autres nouvelles, d'un format réduit, sont d'un accès beaucoup plus difficile, sans doute en raison de la contraction de la narration. Mais quand même, quelle classe! Une oeuvre forte, à (re)découvrir...

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"ça"

10 étoiles

Critique de Jlc (, Inscrit le 6 décembre 2004, 80 ans) - 7 septembre 2011

« Personne qui ne l’a vécue n’est en mesure de comprendre notre vie, tout ce que tu entendras sera en dessous de la réalité, ce ne sera pas « ça » » écrit un médecin du ghetto de Varsovie dans le journal qu’il tient pour son fils parti en Occident. Oui ça ne peut être « ça ». Nous lisons mais nous ne sentons pas la pestilence. Nous lisons mais aucune reconstitution cinématographique ne pourra montrer les horreurs de « ça ». Nous lisons mais nous ne pourrons jamais souffrir comme « ça » l’humiliation, le découragement, la trahison, l’ignominie infligés à ce peuple exterminé pour son identité.

Seuls les mots sont l’outil le plus approprié pour nous dire l’indicible et, dans un monde de mouchards et de maître-chanteurs, dans une époque de charognards, ce sont ces mots qui nous surprennent par leur pureté fragile. Je pense à Teresa Bojarska, combattante de l’insurrection de Varsovie, qui disait : « Je n’ai jamais été aussi heureuse ». Je pense à ces moments de grâce qu’Adolf Rudnicki décrit quand Elzbieta retrouve Jozef au tout début et à la fin des « Fenêtres d’or » alors qu’ils vivent « parmi les rats et les morts », avant d’être condamnés au hasard. Je pense à Raïssa, l’héroïne de la deuxième nouvelle de ce livre, « L’ascension », Raïssa qui « aurait du aller à droite (et) tourna pourtant à gauche » pour suivre Sebastian et vivre, avec cet homme devenu dément au point de « refuser d’admettre la présence des Allemands », cette ascension que seul apporterait aux femmes l’amour. Je pense à Daniel, héros de la dernière nouvelle, soupçonné d’avoir travaillé pour la gestapo, accusé, arrêté, emprisonné, relâché, « blanchi mais pas blanc, pas trempé contre l’injustice» et pour qui le pire fut que certains de ses amis aient pu croire à sa culpabilité. « Emprisonné dans une erreur, il se sentait seul au monde. Et ce n’est qu’alors qu’il découvrit la saveur de la vie ».

C’est dire combien ce livre est bouleversant, sans aucun effet mélodramatique, avec une sècheresse de style qui stupéfie. Souvent tout est dit en quelques mots. Ainsi « Ausweis en main il alla ouvrir ; il ne revint plus jamais ». Il n’y a aucun manichéisme dans ces récits et c’est ce qui leur en donne leur force parfois insoutenable comme l’histoire de cette femme qui se dit incapable d’oublier ses enfants. « Je les ai abandonnés dans le wagon et moi-même j’ai sauté. Mes enfants me regardent sans cesse ». Comment ne pas devenir fou, comment tenir et résister à « ça »?

Toutes ces histoires finissent mal bien sûr, mais avec pourtant une touche d’espoir, comme le sourire de Teresa Bojarska aperçu dans une exposition il y a six ou sept ans et qu’on ne peut oublier.

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