Un Juif pour l'exemple de Jacques Chessex

Un Juif pour l'exemple de Jacques Chessex

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Killeur.extreme, le 1 mars 2009 (Genève, Inscrit le 17 février 2003, 42 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 5 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (13 020ème position).
Discussion(s) : 1 (Voir »)
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Un roman???

Présentation de l'éditeur
Nous sommes en 1942: l'Europe est à feu et à sang, la Suisse est travaillée de sombres influences. A Payerne, rurale, cossue, ville de charcutiers "confite dans la vanité et le saindoux", le chômage aiguise les rancœurs et la haine ancestrale du Juif. Autour d'un "gauleiter" local, le garagiste Fernand Ischi, sorti d'une opérette rhénane, et d'un pasteur sans paroisse, proche de la légation nazie à Berne, le pasteur Lugrin, s'organise un complot de revanchards au front bas, d'oisifs que fascine la virilité germanique. Ils veulent du sang. Une victime expiatoire. Ce sera Arthur Bloch, marchand de bestiaux A la suite du Vampire de Ropraz, c'est un autre roman, splendide d'exactitude et de description, d'atmosphère et de secret, que Jacques Chessex nous donne. Les assassins sont dans la ville.

Jacques Chessex était enfant, il avait 8 ans en 1942, donc quand il dit que ce faits divers l'a marqué, il était à l'école avec les enfants des meurtriers d'Arthur Bloch et depuis il s'est battu pour que la ville de Payerne donne le nom d'Arthur Bloch à une de ses places, pour ne pas oublier que la Suisse n'était pas toute blanche pendant cette période (Quel pays n'a rien à se reprocher???, Ce n'est pas pour rien qu'on a appelé le conflit de 39-45 "Guerre Mondiale"). Quand le livre de Chessex est sorti les autorités de Payerne ne voulaient pas faire remonter ces mauvais souvenirs et c'est limite s'ils ne s'en prenaient pas à l'écrivain pour avoir écrit un roman (???) sur cette affaire (CF les interview dans les journaux télévisé suisses). Personnellement, je pense qu'il ne faut pas se voiler la face, tous les pays européens ont dû regarder en face leur passé et l'assumer, c'est d'ailleurs comme ça que l'Allemagne s'est petit-à-petit reconstruite et le seul moyen que ça se ne reproduise pas c'est de regarder la vérité en face.

Chose que je ne comprends pas c'est pourquoi le livre est présenté comme un roman, une critique sur Amazon pose aussi la question, ça ressemble plus à un essai historique sur ce fait divers, certes Chessex ne fait pas seulement un exposé de cette histoire, il raconte avec ses tripes, n'épargnant aucun détail. A la place de "Roman" j'aurais mis plutôt "Récit" pour définir ce livre (Est-ce Chessex ou la maison d'édition qui a préféré le mettre dans la catégorie "roman"), un roman, même basé sur des faits réels reste quand même une œuvre de fiction, ici rien n'indique que Jacques Chessex ait vraiment romancé ce faits divers horrible, j'ai eu plutôt l'impression de lire une reconstitution de l'affaire.

Très bon livre néanmoins qui éclaire sur le côté obscur de la Suisse, ou du moins de certains de ses habitants, pendant des temps obscurs eux aussi où l'Homme a montré ses bons côtés (La Résistance, y compris en Allemagne, les gens qui ont caché des juifs au péril de leur vie) et ses mauvais (La Haine envers un peuple et la tentative, ratée de peu, d'éradiquer ce peuple).

PS en tant que suisse ce genre de livre me permet de mieux comprendre l'histoire de la Suisse et de sa situation pendant cette période, certes j'ai appris en cours d'histoire que la Suisse était tiraillée entre se rallier à l'Allemagne et rester neutre dans le conflit, mais ici c'est un cas particulier qui est exposé. A lire pour ne pas oublier.

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Un exemple

7 étoiles

Critique de Justine J (, Inscrite le 19 mars 2013, 38 ans) - 31 juillet 2013

Ce récit est un exemple de ce que la Littérature a produit sur la question des Juifs sous l'influence d'Hitler. Une histoire vraie racontée dans un style percutant, concis, sans lourdeur, épuré - une manière de traduire le mal, l'horreur.
Une lecture à faire qui diffère de bien d'autres livres sur le sujet par son absence de pathos. Des faits narrés - les faits suffisent parfois sans qu'on ait besoin de plus.

« Gott weiss warum »

7 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans) - 10 avril 2012

En 1939, à Payerne, dans la plaine de la Broye, sur la rive orientale du lac de Neuchâtel, la crise sévit durement provoquant de nombreuses faillites, le chômage, la misère, les combines douteuses et une certaine délinquance couverte par des mouvements extrémistes. Et, comme partout à cette époque, les juifs sont dénoncés comme responsables de tous les malheurs qui affectent cette société rurale qui vit principalement de l’élevage bovin et porcin. Le porc figure d’ailleurs sur les armoiries de la ville.

Les juifs sont accusés de s’enrichir dans le commerce notamment celui des animaux d’élevage et de boucherie, de la confection, … et d’affamer le reste de la population. Le racisme latent se développe, les rancœurs s’attisent, la haine se répand progressivement et les ligues en profitent pour étendre leur influence et racoler les plus faibles d’esprit qui sont souvent les plus forts en gueule. Isch, le fils cadet du garagiste, un bon à rien, se découvre une ambition de leader dans les mouvements extrémistes et le pasteur révoqué, trouve en ce fier à bras, l’homme idéal pour semer la terreur et mettre la pression sur la communauté juive. Isch qui se prend déjà pour le Gauleiter de la future province nazie, constitue un petit gang avec lequel il va commettre quelques exactions qui connaîtront leur paroxysme avec la fameuse agression du 16 avril 1942 contre un marchand de bestiaux juifs.

Cette histoire peut paraitre très banale, on la rencontre dans toutes les littératures d’Europe centrale mais, là, elle est se déroule à notre porte, au sein d’une communauté qui ressemble très fort à ce qu’était la nôtre à cette époque. L’auteur a fréquenté l’école de cette petite ville en compagnie des enfants des protagonistes de cette histoire qu’ils soient juge, policier, assassin, amis ou parents de la victime. Cet événement terrifiant s’est déroulé à notre porte et il n’est pas interdit de penser qu’il pourrait se reproduire si les conditions nécessaires étaient à nouveaux réunies. Chessex a rencontré le pasteur fasciste qui manipulait tous les nasillons du coin après sa sortie de prison, dans les années soixante ; les acteurs, ou leurs successeurs sont toujours là, le ferment couve sous le manteau de la crise, il ne manque pas grand-chose pour recommencer la chasse aux juifs.

L’épouse du marchand pris pour exemple avait, elle, peut-être compris quand elle a fait inscrire cette épitaphe sur la tombe de son mari : « Gott weiss warum », que, nous, ne comprendrons peut-être jamais le pourquoi profond de ces exactions mais que Dieu seul pourra, lui, comprendre et juger.

POUR NE JAMAIS OUBLIER…

8 étoiles

Critique de Septularisen (Luxembourg, Inscrit le 7 août 2004, 56 ans) - 26 décembre 2011

Je ne reviendrai pas sur l’histoire de ce petit livre, déjà amplement et très bien décrite dans les critiques précédentes, ni sur le fait de savoir si c’est un vraiment un roman ou bien plus un récit…

Je voudrais juste dire que c’est un livre juste, très bien écrit, dans un très beau style d’écriture, sobre et économe en mots. L’auteur se contente de nous relater les faits, de «coller» au dossier et à l’histoire, et de nous raconter comment entrainés par leur haine aveugle et injustifiée, instillée dans leurs esprit par un pasteur plus démoniaque qu’homme de paix, cinq personnes vont en assassiner de manière horrible, une autre qui ne leur absolument jamais rien fait… juste pour servir d’exemple!

Voilà là c’est tout, et c’est déjà beaucoup pour un si petit livre, un très beau livre en tous les cas, à mettre entre toutes les mains…

Un crime politique répugnant

10 étoiles

Critique de Dirlandaise (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 68 ans) - 11 juillet 2009

L’écrivain Jacques Chessex relate ici un crime horrible survenu dans son village natal de Payerne en Suisse, en avril 1942. Un livre très court mais dont le récit m’a bouleversée. C’est une histoire terrible de haine et de folie engendrée par le nazisme et la haine des juifs. C’est un exemple parfait de la façon dont un homme fat et vantard est pris dans l’engrenage du parti nazi, ce qui l’amène à prendre des décisions dictées par la malveillance avec l'assurance arrogante d’être protégé par l’Allemagne toute-puissante et son maître incontesté Adolf Hitler. Car le héros de ce récit est un être malléable, fort mais aussi très faible à la fois, qui désire s’affirmer et qui trouve des victimes toutes désignées : les juifs de sa communauté. D’autres personnages tout aussi répugnants exercent une influence décisive sur lui dont entre autres le pasteur Philippe Lugrin, qui se dit homme de Dieu mais dont les actes et les idées en font plutôt un homme du diable.

Le livre se présente comme un roman mais c’est un fait réel qui s’est passé alors que Jacques Chessex n’était qu’un enfant de sept ans. Je l’ai lu d’une traite, avec horreur, angoisse et un profond malaise. La fin est émouvante au possible et l’auteur termine sur une note suppliante et pathétique qui a fait vibrer mon âme. Je ne connaissais pas cet écrivain mais je dois dire qu’il a su me toucher par son humanité et son écriture dépouillée, qui va à l’essentiel. Un crime vraiment horrible, une boucherie inhumaine qui soulève le cœur. L’humain dans ce qu’il a de plus vil et de plus bas. Un cauchemar !

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  Killeur et Jacques Chessex 5 Sahkti 18 mai 2009 @ 07:58

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