Saule

avatar 04/12/2009 @ 10:59:16
C'est très intéressant d'étudier la genèse du libéralisme, et de manière plus générale de la pensée économique classique (qui est à la base de nos économies de marché). Je lis un livre pour l'instant qui s'attache à faire ça (une critique théologique du capitalisme)

La grande question est d'expliquer comment la théorie économique classique, qui est une perversion du message chrétien de l'amour du prochain, qui a exigé des sacrifices incroyables (condition des ouvriers au début de la modernité) et qui les exige toujours (tiers-monde, etc..) ait pu s'imposer malgré tout ? En fait il a fallu des très longues années, un long travail d'épuration du vocabulaire, un endoctrinement via une catéchèse mondiale très bien huilée,...

On en arrive maintenant à dire, comme l'auteur de ce livre, que "le fondement du libéralisme est le primat de l'homme sur le système, la croyance que la somme des individus est plus forte que le système".

En fait c'est un retournement complet de la pensée économique sur laquelle repose le libéralisme. C'est aussi une perversion totale de la notion de liberté : dans ce système, la "liberté" consiste à octroyer des bonus à des banquiers alors que des populations sont acculées à la famine (c'est juste un exemple).

Alors, je vous propose un petit jeux. Quel est pour vous le fondement du libéralisme ? Je commence, en me basant sur mes dernières lectures:

"Le fondement du libéralisme c'est la croyance que l'homme est égoïste par nature et que son seul but dans la vie c'est de gagner les plus d'argent possible. Un homme qui agit de manière désintéressée n'est pas rationnel, il fausse la belle machine économique, c'est un subversif. La valeur d'un bien est indépendante de la quantité de larmes et de sang qui a été nécessaire pour le fabriquer : c'est l'offre et la demande seule qui détermine le prix. Cela implique qu'un homme qui n'a pas de revenu ne peut pas consommer et donc est exclut du système (puisqu'il ne participe pas à la demande)."

Mieke Maaike
avatar 04/12/2009 @ 12:55:21
Vaste question. Quelques pistes en réponse à ta proposition de fondement du libéralisme :

Le fondement du libéralisme c'est la croyance que l'homme est égoïste par nature et que son seul but dans la vie c'est de gagner les plus d'argent possible.

L’homme est égoïste par nature, oui. Par contre, que son seul but dans la vie soit de gagner le plus d’argent possible, là, je n’en suis absolument pas certaine. L’argent n’est pas un but, mais un moyen. Vouloir gagner beaucoup d’argent sert un autre but : d’abord garantir sa survie et sa sécurité à long terme, ensuite lui permettre d’avoir accès à différentes choses. C’est par rapport à ces choses-là qu’on peut discuter et porter un jugement moral.

Un homme qui agit de manière désintéressée n'est pas rationnel, il fausse la belle machine économique, c'est un subversif.

Je pense qu’un homme n’agit jamais de manière désintéressée. Même ceux qui vont vœux de pauvreté et qui consacrent leur vie entière à aider les autres, le font avec l’envie d’un retour sous une forme ou une autre. Ce retour peut avoir des formes multiples, depuis l’espoir que quelqu’un les aidera aussi lorsqu’ils seront dans le besoin, jusqu’à la certitude d’être supérieur aux autres pour flatter leur ego.

La valeur d'un bien est indépendante de la quantité de larmes et de sang qui a été nécessaire pour le fabriquer : c'est l'offre et la demande seule qui détermine le prix. Cela implique qu'un homme qui n'a pas de revenu ne peut pas consommer et donc est exclut du système (puisqu'il ne participe pas à la demande).

Il n’y a pas que l’offre et la demande qui déterminent le prix. Il y a déjà tous les coûts de fabrication (matière première, travail, recherche,…), les taxes, etc. Mais en effet, pas les larmes ni le sang.

Un homme qui n’a pas revenu, soit consomme quand même parce qu’il doit bien manger et se chauffer, et a donc d’une façon ou d’une autre accès ne fusse qu’aux biens de première nécessité, et reste donc dans le système. Soit ne consomme rien et meurt, et est donc de fait hors du système.

Saule

avatar 04/12/2009 @ 13:28:31
Attention, je ne suis pas spécialement marxiste, même si je lis pour l'instant un ouvrage écrit par des marxistes et que j'y trouve beaucoup de choses qui m'intéresse. Fatalement je prends un ton un peu provocateur pour te répondre (de toute façon, c'est clair que pour moi l'ennemi c'est le capitalisme).


Je pense qu’un homme n’agit jamais de manière désintéressée. Même ceux qui vont vœux de pauvreté et qui consacrent leur vie entière à aider les autres, le font avec l’envie d’un retour sous une forme ou une autre. Ce retour peut avoir des formes multiples, depuis l’espoir que quelqu’un les aidera aussi lorsqu’ils seront dans le besoin, jusqu’à la certitude d’être supérieur aux autres pour flatter leur ego.

Je suis tout à fait d'accord. Ce que je voulais dire, c'est que le modèle économique classique exclut se sa sphère tout ce qui n'est pas échange commercial : le troc, les relations familiales, l'économie informelle,.. et que donc la théorie économique classique repose sur des prémices qui sont fausses.

Il n’y a pas que l’offre et la demande qui déterminent le prix. Il y a déjà tous les coûts de fabrication (matière première, travail, recherche,…), les taxes, etc. Mais en effet, pas les larmes ni le sang.

En gros, il y a la théorie de la valeur travail de Marx (la quantité de travail doit déterminer le prix) et la théorie du marché des classiques (c'est la rencontre entre l'offre et la demande qui détermine le prix). On est complètement endoctriné à la théorie de marché. Or, cette théorie de fixation des prix, repose sur des hyptohèses de travail qui sont absurdes, et donc cette théorie classique de la fixation des prix est totalement irrationnelle (il faudrait développer, il y a beaucoup de critiques marxistes et autre de l'irrationalité de la théorie classique).

Ca je trouve que c'est très important de le savoir, car on est totalement endoctriné et inféodé au mode de pensée du marché. Un exemple dans l'actualité : le prix du marché pour le lait ne permet pas au agriculteur de vivre. Mais en fait, pourquoi ne fixerait-on pas un prix suffisant, pour permettre à l'agriculteur de vivre décemment de son travail ? (c'est une question que je me pose maintenant que j'ai lu ce livre, avant j'aurais dit comme tout le monde : c'est l'offre et la demande => sacrifice.).


Un homme qui n’a pas revenu, soit consomme quand même parce qu’il doit bien manger et se chauffer, et a donc d’une façon ou d’une autre accès ne fusse qu’aux biens de première nécessité, et reste donc dans le système. Soit ne consomme rien et meurt, et est donc de fait hors du système.

C'est exactement ça : il y a des millions de gens qui meurent chaque jour parce qu'il ne peuvent pas participer au système. Ces gens ne rentrent pas dans la sphère de notre modèle économique (à nouveau il faudrait développer, c'est la crique Marxiste de "l'homo oeconomicus" de la théorie classique, c'est à dire un homme éthéré qui n'a que des préférences, mais pas de besoin).

Comment peut-on tolérer que ces gens meurent de faim ? C'est un aspect de la théologie sacrificielle qui est cachée dans les tréfonds de la pensée économique classique (à développer, dans une critique future).

Le rat des champs
avatar 04/12/2009 @ 13:40:10
Vaste question, à laquelle j'ai d'abord eu envie de répondre par une formule lapidaire, du genre le libéralisme, c'est le diable, le diviseur.
Ensuite en y réfléchissant, j'ai pensé qu'il a joué un rôle non négligeable dans ce qui fait notre relatif bien-être, mais que je regrette que la liberté prônée se limite au droit d'entreprendre et de posséder. Il y a tellement de libertés à revendiquer, qui sont bafouées au quotidien: liberté d'information, de penser, d'être, de devenir.
Le libéralisme poussé à l'extrême que nous connaissons pour l'instant en Occident est dangereux et toxique. Des multinationales par des jeux d'absorption et de spéculation se sont agrandies au point que la libre concurrence en joue plus, qu'il n'y a plus de régulation des prix, et qu'elles peuvent dicter leur volonté aux États. Le libéralisme keynésien n'existe plus dans ce système ultra-libéral qui n'a plus rien de libéral, la loi est devenue celle du profit maximal, au dépens de toute éthique. Peu importe qu'une multinationale laisse des milliers de travailleurs sur le pavé, que nous détruisions l'environnement, que la mondialisation nous appauvrisse en nous privant du droit au travail et à des conditions de vie décentes, tant que les actionnaires d'Arcelor Mittal ou de Pfizer gagnent beaucoup plus d'argent.
La machine est devenue folle, et nous allons à la catastrophe.

Mieke Maaike
avatar 04/12/2009 @ 14:10:14
Ce que je voulais dire, c'est que le modèle économique classique exclut se sa sphère tout ce qui n'est pas échange commercial : le troc, les relations familiales, l'économie informelle,.. et que donc la théorie économique classique repose sur des prémices qui sont fausses.

Le troc est tout à fait pris en compte dans un système libéral. L’argent n’est qu’un objet de troc neutre, qui facilite les échanges. Si tu n’avais pas d’argent, tu devrais aller chez le boulanger en étant sûr que tu as un autre objet ou service dont il a besoin à lui échanger contre son pain. En lui échangeant de l’argent contre son pain, tu ne dois plus prendre en compte ce problème.

Les relations familiales sont hors des échanges commerciaux. Oui. Et alors ? On retrouve des relations familiales dans tous les systèmes économiques, et aucun système économique ne s’oppose en soi aux relations familiales.

L’économie informelle reste basée sur un système libérale (si on la conçoit comme du troc par exemple). En réalité l’économie informelle échappe au contrôle de l’Etat. Il y a généralement aussi une économie informelle dans un système communiste. A la limite, seul un système libéral extrême qui exclut toute forme d’Etat empêcherait de fait une économie informelle puisque tous les échanges auraient lieu selon le système libéral en place.

En gros, il y a la théorie de la valeur travail de Marx (la quantité de travail doit déterminer le prix) et la théorie du marché des classiques (c'est la rencontre entre l'offre et la demande qui détermine le prix). On est complètement endoctriné à la théorie de marché. Or, cette théorie de fixation des prix, repose sur des hyptohèses de travail qui sont absurdes, et donc cette théorie classique de la fixation des prix est totalement irrationnelle (il faudrait développer, il y a beaucoup de critiques marxistes et autre de l'irrationalité de la théorie classique).

Ca je trouve que c'est très important de le savoir, car on est totalement endoctriné et inféodé au mode de pensée du marché. Un exemple dans l'actualité : le prix du marché pour le lait ne permet pas au agriculteur de vivre. Mais en fait, pourquoi ne fixerait-on pas un prix suffisant, pour permettre à l'agriculteur de vivre décemment de son travail ? (c'est une question que je me pose maintenant que j'ai lu ce livre, avant j'aurais dit comme tout le monde : c'est l'offre et la demande => sacrifice.).

Pour moi, ce n’est pas une question d’endoctrinement ni d’irrationalité, mais une question de critères pour déterminer ce qui est « juste ». Qu’est-ce qu’un salaire « juste », qu’est-ce qu’un prix « juste » ? Le libéralisme a certains critères pour déterminer ce qu’est un prix « juste » (prise en compte des coûts de production + prise en compte de la rencontre de l’offre et de la demande). Le communisme a d’autres critères, tel que la fixation du prix par les autorités publiques. Pour déterminer ce qui est « juste » dans l’absolu, on entre presque dans un débat philosophique.

Mais pour reprendre ton exemple du lait, il me semble que le problème vient du fait qu’il y a surproduction de lait. Est-ce plus « juste » de garantir un prix du lait qui permette aux agriculteurs de vivre quelque soit leur production, y compris un énorme gaspillage ? Ou est-ce plus juste de trouver une régulation qui permette une production qui corresponde à la demande ?

C'est exactement ça : il y a des millions de gens qui meurent chaque jour parce qu'il ne peuvent pas participer au système. Ces gens ne rentrent pas dans la sphère de notre modèle économique (à nouveau il faudrait développer, c'est la crique Marxiste de "l'homo oeconomicus" de la théorie classique, c'est à dire un homme éthéré qui n'a que des préférences, mais pas de besoin).

Non, la plupart des gens qui meurent de faim ne meurent pas parce qu’ils sont exclus du système libéral. Dans le passé, il y a eu de terribles famines en URSS. Aujourd’hui, la plupart des gens qui meurent de faim se trouvent dans des zones de guerre et d’instabilité. En Belgique, nous vivons dans un système libéral et pourtant il est plutôt rare de voir une personne mourir de faim.

Mieke Maaike
avatar 04/12/2009 @ 14:13:23
Le libéralisme poussé à l'extrême que nous connaissons pour l'instant en Occident est dangereux et toxique.

Ah non, nous de vivons pas dans un libéralisme poussé à l'extrême. Nous vivons au contraire dans un système hybride où il y a à la fois une économie reposant sur les principes libéraux et un système de solidarité telle que la sécurité sociale, l'accès à l'enseignement gratuit (ou quasi gratuit) pour tous, etc.

Le rat des champs
avatar 04/12/2009 @ 14:42:25
De moins en moins, Mieke, nous sommes hélas confrontés à des limites financières, c'est très clair en matière de soins de santé par exemple. Certains traitements coûteux bien qu'efficaces et indispensables à la survie de certains malades, notamment en cancérologie ne sont pas remboursés. Et ce n'est qu'un exemple.

Mieke Maaike
avatar 04/12/2009 @ 14:54:51
De moins en moins, Mieke, nous sommes hélas confrontés à des limites financières, c'est très clair en matière de soins de santé par exemple. Certains traitements coûteux bien qu'efficaces et indispensables à la survie de certains malades, notamment en cancérologie ne sont pas remboursés. Et ce n'est qu'un exemple.

Oui, d'accord il y a certaines réduction de coûts au niveau de la sécurité sociale, comme partout. Mais de là à dire qu'on vit dans un système ultra-libéral qui réduit le rôle de l'Etat à presque rien, ce n'est pas vrai. Cet abus de langage me heurte chaque fois parce qu'il fausse le débat. C'est un peu comme traiter de fasciste toute personne qui n'est pas d'extrême gauche. Voilà, j'avais juste envie de remettre les choses au clair.

Saule

avatar 04/12/2009 @ 15:05:47
...., et aucun système économique ne s’oppose en soi aux relations familiales.

Je prends des exemples concrets :
* on autorise une société qui fait des bénéfices à licencier des employés,
* on autorise les banques à payer des bonus faranimeux à des traders qui ont mis en faillite des millions de ménages,
* on laisse mourir de faim des populations de pays pauvres en les forçant à rembourser une dette qui est parfois amorale,
*.....

Pourquoi ? Parce que la théorie économique classique dicte qu'il est interdit d'aller contre le marché. Le marché sait mieux que nous. Alors évidemment tu peux échanger un pull de laine à ta soeur contre un CD de musique, tu peux donner de l'argent à un amis dans le besoin, mais ce n'est pas prévu dans la logique du système et ça ne se fera jamais à grande échelle.

qu’est-ce qu’un prix « juste » ? Le libéralisme a certains critères pour déterminer ce qu’est un prix « juste » (prise en compte des coûts de production + prise en compte de la rencontre de l’offre et de la demande). Le communisme a d’autres critères, tel que la fixation du prix par les autorités publiques. Pour déterminer ce qui est « juste » dans l’absolu, on entre presque dans un débat philosophique.

Il ne faut pas opposer "critique du capitalisme" à "communiste", c'est simplement faux. C'est une manière tout à fait habituelle de procéder d'ailleurs : je suis contre le marché, donc je suis un ignorant, un crypto-communiste, un utopiste...

Est-ce qu'on peut acheter des bananes à un prix qui ne permet pas au producteur en Afrique de vivre dignement ? Est-ce acceptable que de la spéculation sur le marché des céréales entraîne une famine dans un pays reculé d'Amérique du Sud ? Est-ce que pour avoir des télévisions bon marché, on peut faire travailler des enfants ? Engager des gens qui travaillent 12 heures par jour ? Tout ça est tout à fait "juste" du point de vue du marché, et on ne se prive pas de le faire, en toute bonne conscience.


Non, la plupart des gens qui meurent de faim ne meurent pas parce qu’ils sont exclus du système libéral. Dans le passé, il y a eu de terribles famines en URSS. Aujourd’hui, la plupart des gens qui meurent de faim se trouvent dans des zones de guerre et d’instabilité. En Belgique, nous vivons dans un système libéral et pourtant il est plutôt rare de voir une personne mourir de faim.

Pourquoi revenir avec l'URSS ? Je ne suis pas communiste, on peut critiquer le capitalisme sans être Stalinien, non ?

En outre je ne considère pas comme un résultat particulièrement brillant le fait qu'on ne meure pas de faim en Belgique !

Mais on s'est écarté de la réflexion que j'avais en tête, qui est celle de comprendre comment un système qui est faux (d'un point de vue théorique), et mauvais dans les fait (inégalités,..) avait pu s'imposer de manière tellement universelle. La réponse n'est pas que les capitalistes sont mauvais, ce serait trop facile et injuste : je suis certain que les capitalistes sont persuadé d'œuvrer pour le bien-être, et je pense que les personnes partagent l'idée que se fait du libéralisme l'auteur du livre critiqué par NQuint ne sont pas tous des hypocrites ou des imbéciles.

Le rat des champs
avatar 04/12/2009 @ 15:11:43
On ne vit pas (encore?) sous un système qui réduit le rôle de l'Etat à une peau de chagrin, mais l'avenir est inquiétant. Je pourrais te donner des exemples précis sur le prix imposé à l'État par certaines multinationales pour certains médicaments par exemple. Prix qui varie d'ailleurs du simple au triple selon les pays, et je ne parle pas du Burkina Faso ou même du Portugal. La multinationale Pfizer a absorbé des dizaines de groupes pharmaceutiques détenant ainsi un monopole de fait, et c'est malsain. Il devient donc impossible à un gouvernement de refuser un prix imposé par Pfizer, sauf en prenant la décision de priver la population de ce produit.
Le jeu de la libre concurrence ne peut plus fonctionner s'il y a des monopoles, nous sommes bien placés pour le savoir en Belgique avec Belgacom ou Electrabel.

Le rat des champs
avatar 04/12/2009 @ 15:12:48
Ceci était une réponse à Mieke et non à Saule dont la réponse s'est intercalée.

Saint Jean-Baptiste 04/12/2009 @ 17:11:32

La machine est devenue folle, et nous allons à la catastrophe.

Là, tiens, tiens ! je suis tout à faire d’accord avec toi, Le Rat.
Mais si la machine est devenue folle, ça ne veut pas dire qu’elle est fondamentalement mauvaise.
À tout système il faut des règles. À tout pouvoir il faut un contre pouvoir, sinon c’est la loi du plus fort. C’est ce qui fait défaut aujourd’hui : le Libéralisme (ou le Capitalisme, on se comprend) est tout puissant, faute d’opposition et tu as raison, la machine est devenue folle.


Mais pour en revenir à la question fondamentale de Saule.
Je ne comprends pas que tu dises que le système capitaliste soit faux, dans son principe.
Moi, il me parait naturel – ou neutre si tu préfères.

J’ai lu dernièrement l’historique de la création des charbonnages. En gros : des géologues ont étudié et ont fait le pari que ici, si on creusait, on trouverait du charbon.
Ils se sont adressés à des gens qui avaient de l’argent ; certains ont été d’accord d’investir.
Ensemble, ils ont engagé un entrepreneur et de la main-d’œuvre, on a creusé et on a trouvé.

Qu’y a-t-il de « faux » dans ce principe ? On aurait pu imaginer que l’État fournisse l’argent ; mais ça n’aurait pas changé le principe. Et en cas d’échec, on aurait légitimement reproché à l’État d’avoir « joué » l’argent de la collectivité.
Je ne vois ce qu’il y a de faux ou d’immoral à la base du système capitaliste.
Sinon, qu’on trouve immoral que certains aient de l’argent… ? Mais, là, ça devient le domaine de la philosophie…

Saule

avatar 04/12/2009 @ 20:07:12
L'exemple des charbonnages est édifiant : on a creusé, on a envoyé des gens dans la mine, ils se sont esquinté la santé et ils étaient payés une misère. On envoyait leur femme et leurs enfants aussi.

Comment a-t-on pu légitimer cela ? Cela n'a pas du être facile, car les gens qui avaient de l'argent étaient aussi des chrétiens pour qui le commandement principal était l'amour du prochain. Il a donc fallu tranquilliser leur conscience quant au sort des ouvriers.

C'est ce processus de légitimation qui est intéressant à étudier, ça ne s'est pas fait d'un seul coup. Il y a eu des théories abjectes, celle du pasteur Malthus par exemple, qui soutenait que c'était la bonté de Dieu qui voulait que les ouvriers soient pauvres, pour les guérir de leur vices. Ce processus fait l'objet de longs chapitres très documenté (moulte références) dans le livre que je lis.

Par ailleurs, un système économique ne peut pas être neutre. La politique économique a un direct sur la vie (et même sur la mort) de millions de gens. Il faut de manière consciente choisir si on veut favoriser des projets sociaux, si on veut aider les pays sous-développer (ce qui implique d'augmenter les impôts chez nous),... C'est une grande arnaque de vouloir faire croire que le capitalisme est un système "naturel", et une encore plus grande arnaque de faire croire que ce système repose sur une rationalité scientifique. Mais c'est très pratique : lorsqu'une société décide de délocaliser, on peut juste dire "c'est la loi du marché", et s'en laver les mains.

Enfin, c'est juste un avis parmi d'autre. Je trouve l'étude du développement de la pensée libérale passionnante. Nos sociétés modernes sont complexes, et il n'y a pas de réponses simples aux question de la redistribution, de la justice sociale, de l'efficience,.. Il est évident que le système communiste, qui était un concept formidable, a été un échec, mais ce n'est pas pour ça que le capitalisme est le meilleur système.

Saint Jean-Baptiste 04/12/2009 @ 20:54:00
Le Capitalisme c’est l’exploitation de l’homme par l’homme…
Le Marxisme, c’est le contraire.


Il ne faut pas croire tout ce qu’on raconte : les mineurs n’étaient pas mal payés du tout.
L’entrepreneur finançait l’achat de leur maison, construite par le charbonnage, et à leur pension, prise à 40 ans, ils étaient propriétaires.
C’était du moins comme ça dans les années d’après guerre, et en Belgique – mais pas dans les débuts. Il fut un temps où ils étaient honteusement exploités. Germinal n’a rien exagéré.

Mais de toutes façons, ça ne remet pas en cause le principe du Capitalisme.
La loi du plus fort, c’est dû à l’égoïsme, c’est dû à la nature humaine. Ce n’est pas la logique du Capitalisme.
On aurait pu faire du Capitalisme en appliquant ce que disait saint Paul, dans une lettre à je ne sais plus qui : « que les travailleurs qui produisent soient les premiers servis »

L’alternative était de laisser le charbon là où il était. Mais alors on se serait chauffé au bois et on aurait dit la même chose des pauvres bûcherons qui travaillaient tout l’hiver dans les forêts, logés sur place dans des cabanes sous la neige… Et on aurait eu les écolos sur le dos.
Ou alors, on ne se serait pas chauffé du tout.

NQuint

avatar 05/12/2009 @ 01:36:40
Précision : "le fondement du libéralisme est le primat de l'homme sur le système, la croyance que la somme des individus est plus forte que le système" n'était pas une citation de l'auteur mais un résumé perso ...
Et ne pas confondre libéralisme et libéralisme économique qui n'ont rien à voir ! Ne pas confondre non plus capitalisme et libéralisme économique qui ne sont pas liés non plus !
Le libéralisme économique postule que l'Etat ne doit pas entrer dans le jeu de façon à ne pas fausser la concurrence, cela se "limite" à cela. Evidemment, on voit les limites de cette pensée avec la crise actuelle. Le tout-Etat centralisé marche rarement (URSS par exemple, au-delà du communisme), le non-Etat non plus ... Comme souvent, la voie médiane doit être la plus raisonnable. Reste à trouver la bonne balance.

NQuint

avatar 05/12/2009 @ 01:44:27
Le capitalisme n'a rien de scientifique et la prétendue loi du marché ou de la main invisible y référant sont des foutaises.
Que le capitalisme soit naturel, ça me semble un peu plus juste. Je vais me référer à la psychanalyse plutôt qu'à la religion.
La tendance de l'homme est quand même à la satisfaction de ses désirs (Ca). Seuls le Moi (éducation) et le SurMoi (culture/civilisation) peuvent s'y opposer. En cela, le Surmoi est essentiel pour canaliser les pulsions humaines. Chaque individu va décider d'abandonner une part de sa liberté en échange de l'intégration à une civilisation qui va lui apporter certains avantages en échange (sécurité, justice, ...). N'empêche que la satisfaction des désirs est toujours là. Et bien puissante. Donc chaque homme va tendre à vouloir sa part du gâteau, plus grosse que le voisin si possible. C'est la nature même de l'homme.
Dès que les hommes se sont regroupés, des chefs ont émergés. Rapidement, ils ont eu un meilleur traitement que les autres (accès aux femmes, ressources, ...). Plus les sociétés sont devenues denses en population, plus le phénomène s'est accentué (chef plus riches, dispensés de travailler la terre ou de chasser, etc etc).
Le capitalisme est donc quand même une extension naturelle de la psyché de l'homme, ce qui n'est pas le cas du communisme. La volonté d'égalité avec le prochain n'est pas quelque chose qui est propre à la nature humaine, c'est une construction de l'esprit (ce qui ne rend pas le système moins valide ... mais moins facilement applicable).

Saule

avatar 05/12/2009 @ 19:46:00
On dit parfois que l'homme est naturellement égoïste, que la loi du plus fort est naturelle (le gros poison mange le petit),... c'est ce qu'on appelle la naturalisation de l'histoire. En fait, c'est faux. L'altruisme ou la compassion sont des valeurs tout aussi innées chez l'homme. Si tu regardes un homme sauter dans la Seine sans rien faire, tu ne pourras pas vivre heureux ("La Chute"). On voit aussi qu'il y a un besoin naturel chez l'homme a donner un sens à son travail, en oeuvrant pour le bien commun, c'est pour ça que les gens choisissent de travailler dans l'humanitaire, dans l'enseignement, dans le secteur médical,...

Quant à Freud, je ne suis pas vraiment convaincu. C'est vrai que chaque homme a tendance à poursuivre la satisfaction de ses désirs immédiats. Et ensuite, avec l'âge (et la sagesse qui va avec avec), on finit par comprendre que cette quête est vaine. On évolue, on finit par accepter le fait qu'on est des hommes, qu'on ne peut pas échapper à la souffrance et à la mort, et on cherche d'autres satisfactions que les satisfactions matérielles (dans l'Art, la philosophie, la religion,...). Et puis, je pense que le besoin d'être utile, d'aider les autres,.. est tout aussi naturel et inné chez l'homme que son besoin "primitif" de satisfaire ses besoins égoïstes.

En outre, il est prouvé que la richesse matérielle ne rend pas heureux : à partir d'un seuil qui permet de vivre décemment, il ne sert à rien d'avoir plus d'argent, ça ne rend pas plus heureux. Si les gens continuent à amasser, c'est soit par refus de la mort (exemple : des types qui construisent des empires à leur nom), et puis parce qu'il y a une confusion des valeurs matérielles et spirituelles (exemple : une grosse voiture n'a de l'intérêt que dans la mesure ou elle est plus grosse que celle du voisin). On amasse pour remplir un vide qui est impossible à remplir, puisqu'il est constitutif de notre humanité. En fait c'est seulement en acceptant (en "touchant") ce vide qu'on peut être heureux.

Le système capitaliste, perverti les gens. C'est pourquoi il est mauvais. Il faut au contraire éduquer les gens, leur faire comprendre que l'accumulation de richesses est vaine.

Quand tu dis que la théorie de Adam Smith (la main invisible) est de la fadaise, tu as tout à fait raison. Et c'est renversant. En fait notre système est basé sur une science farfelue au plus haut point. Les éminents économistes du FMI ou autres ont un discours absolument incompréhensible pour le commun des mortels, ce qui leur permet de cacher le fait que leur élucubrations n'ont rien à voir avec le monde réel. C'est complètement dingue de se rendre compte de ça. Pourtant on continue à enseigner ça dans les universités !

Saint Jean-Baptiste 06/12/2009 @ 16:28:49
Ce que vous dites du capitalisme est remarquablement intéressant.
Mais néanmoins discutable.

Si le but du Capitalisme est, comme on dit, de « s’en mettre plein les poches » c’est que le capitalisme s’est dévoyé.
Il est légitime de croire qu’à l’origine ce système était conçu pour produire des biens et des services en vue d’améliorer le sort du monde.
Un seul exemple : on a supprimé l’esclavage le jour où on a pu remplacer la force musculaire par les machines.
Et, pour faire des machines il faut : un inventeur, de l’argent et de la main d’œuvre : c’est le capitalisme.
J’attends toujours qu’on m’explique quel autre système aurait pu donner au monde ce résultat.

Mais bien sûr, on a lâché la bride et le système est devenu fou : il faut produire, produire toujours plus… La pub nous persuade que nous devons nous affubler de toutes sorte de choses inutiles, etc, etc… On connaît la musique !

Ça ne permet pas de dire que le capitalisme est mauvais en soi.
Pour moi, c’est un bon outil qu’on a laissé passer dans de mauvaises mains.


Quant à dire que l’homme est naturellement bon, je voudrais tellement que ce soit vrai mais, ça me paraît fondamentalement faux !
On peut faire le bien autour de soi pour harmoniser la vie du groupe, mais le « moi d’abord » est inhérent à la nature humaine.
« La chute » oui ! Ça donne vraiment à réfléchir.
Sauver un homme au péril de sa vie, ça n’a rien de naturel. C’est le fait du Héros.
Mais c’est le genre de chose qu’on constate par l’expérience et qu’on ne peut pas prouver.
On a vu souvent des marins, des montagnards, ou des gens tout à fait primitifs venir au secours des autres au péril de leur vie…
Ce qui prouve finalement que rien n’est simple !

Mais de toutes façons, ce n’est pas un système économique qui changera la nature de l’homme. Ça, pour moi, c’est de l’utopie…

NQuint

avatar 07/12/2009 @ 18:27:51
En outre, il est prouvé que la richesse matérielle ne rend pas heureux : à partir d'un seuil qui permet de vivre décemment, il ne sert à rien d'avoir plus d'argent, ça ne rend pas plus heureux.
==> VRAI. J'insiste sur le côté Freudien mais Freud assimile la quête du toujours plus à un stade érotico-anal qui pousse l'homme à l'accumulation et ce depuis toujours (le Roi Midas !!!!)

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