Feint

avatar 05/07/2009 @ 10:38:05
: si le "ou" induit une exclusion, on doit utiliser le singulier. Sinon le pluriel comme dans l'exemple de Yourcenar. Mais cela ne fait guère avancer la chose...

Et bien justement, on doit utiliser le sujet le plus proche du verbe, ce qui fait bel et bien avancer la chose.

Absolument. ça s'appelle l'accord par proximité.

Saule

avatar 05/07/2009 @ 11:00:57
Il n'y a pas à dire, on a quand même une belle langue!

Antinea
avatar 05/07/2009 @ 11:03:04

Absolument. ça s'appelle l'accord par proximité.


Comme le dis Saule, quelle belle langue ! Et merci aux spécialistes de nous éclairer.

L'accord par proximité, genre du lobbying, quoi ! ;)

Provis

avatar 05/07/2009 @ 17:21:48
Bienvenue à toi Raven, sur ce post et sur les autres..

Je pense que tu as déjà eu la bonne réponse (oui, bien sûr, il faut peut-être trier un peu.. :o)..), mais c'est un plaisir de te répondre. Note que certains s'adressent à moi parce que je suis prof de latin-français, mais tu peux faire confiance à pas mal d'entre nous (gaffe quand même.. :o)..), et en premier lieu à Feint et Palorel, qui trempent dans la langue française jusqu'au cou, et tant d'autres..

Ce qui, personnellement, me semble parfaitement juste :
- le pronom relatif « qui » a pour antécédent « toi » ou « moi »,
- lorsque le « ou » induit une exclusion, on doit utiliser le singulier.

Le seul problème ici, c'est que rien n'indique la moindre préférence pour le « moi » ou pour le « toi ». Donc on ne sait pas s'il faut conjuguer le verbe à la première ou à la deuxième personne.
Il y a bien « l'accord de proximité », comme rappelé par Aria, Saule et Feint,.. mais cette règle n'a rien d'absolu. Il existe un moyen aussi efficace et correct (et élégant ? ..:o)..) de dégager en touche, déjà signalé par Le Rat, qui consister à utiliser la troisième personne (parce que la troisième personne reste tout à fait indéfinie dans le contexte : elle n'est a priori ni « toi », ni « moi »).
Donc, je crois qu'on peut souscrire à ta première proposition, « c'est toi ou moi qui va là-bas ? », même si la seconde « c'est toi ou moi qui vais là-bas ? » est certainement correcte.

Tu dis que notre belle langue est parfois bien compliquée, mais il existe des situations délicates, et une fois de plus on peut remarquer que le français n'est pas si bête que ça : il laisse un choix raisonnable en cas de litige, et généralement le sens profond l'emporte sur l'accord mécanique.

(je sais qu'il y a dans mes grammaires (que je n'ai pas sous la main parce que je les garde sur mon lieu de travail, rien d'étonnant pour un prof de français-latin..) quelques bons exemples de bons auteurs. Pour ceux que ça intéresse, je les posterai demain ou mardi, vous saurez bien vous en passer d'ici là.. :o)..)

Micharlemagne

avatar 05/07/2009 @ 20:27:05
Ben, voilà !

Aria
avatar 05/07/2009 @ 23:12:28
Salut le prof de latin-français, j'entends Provis...c'est quoi, ce truc, tes grammaires sont à ton travail ? Comment fais-tu pour corriger tes copies, dis-moi ? ;o)

N'empêche que j'ai Feint de mon côté, donc je maintiens la "théorie" (sic) de la proximité ! ;)))

Feint

avatar 05/07/2009 @ 23:36:41
(parce que la troisième personne reste tout à fait indéfinie dans le contexte : elle n'est a priori ni « toi », ni « moi »).
Donc, je crois qu'on peut souscrire à ta première proposition, « c'est toi ou moi qui va là-bas ? », même si la seconde « c'est toi ou moi qui vais là-bas ? » est certainement correcte.

Parenthèse séduisante, à laquelle, peu normatif de nature, je serais tenté de souscrire ; et sans doute trouverait-on des exemples voisins chez les meilleures plumes - cependant, j'imagine que la chose serait plus vraisemblable si la relative était séparée de ce qui ne mériterait plus d'être appelé son antécédent au moins par une virgule (auquel cas il faudrait voir en ce "toi ou moi" une sorte de syntagme exceptionnellement neutre du point de vue de la personne, comme une sorte d'insertion de "toi ou moi" à l'intérieur d'une phrase préexistente qui n'aurait pas prévu la catégorie de la personne comme concernant possiblement l'antécédent).

Aria
avatar 05/07/2009 @ 23:45:32
Feint, peut-être est-ce l'heure tardive...je me cherche des excuses !

Mais je n'ai rien compris à ton post.
De plus, je ne sais pas ce qu'est un syntagme et pas envie de plonger dans le dico ! :)

Feint

avatar 05/07/2009 @ 23:53:54
Quand on cherche des exemples de grammaire, on se rend compte que notre littérature fourmille d'exemples avérés d'expressions a priori très improbables, alors j'imagine les conditions les moins invraisemblables de l'apparition d'une phrase comme celle proposée sous la plume de quelqu'un qui maîtrise le français. Je me dis qu'une virgule détachant la relative modifierait légèrement son statut et rendrait moins improbable la négligence de l'accord en personne avec l'antécédent.

Aria
avatar 06/07/2009 @ 00:29:38
Il me faudrait vraiment un manuel de ponctuation, car je n'avais jamais réalisé qu'en mettant une virgule devant la relative, je risquais de modifier les accords dans la phrase.

Dire que je suis en train de relire, pour aider, une thèse de droit et que je ne maîtrise pas mieux la ponctuation que ça...

Je crois être influencée par l'anglais où l'on met assez systématiquement une virgule avant la relative.
Qu'en penses-tu, Feint ?
Sinon, connais-tu un manuel de ponctuation ?

Feint

avatar 06/07/2009 @ 10:00:08
Il me faudrait vraiment un manuel de ponctuation, car je n'avais jamais réalisé qu'en mettant une virgule devant la relative, je risquais de modifier les accords dans la phrase.

Dire que je suis en train de relire, pour aider, une thèse de droit et que je ne maîtrise pas mieux la ponctuation que ça...

Je crois être influencée par l'anglais où l'on met assez systématiquement une virgule avant la relative.
Qu'en penses-tu, Feint ?
Sinon, connais-tu un manuel de ponctuation ?

La ponctuation est susceptible de changer le statut - et le sens - d'une relative.
Exemple a : Les Saturniens, qui portent des cache-oreilles, sont d'une élégance raffinée.
Cela sous-entend que tous les Saturniens portent des cache-oreilles.
Exemple b : Les Saturniens qui portent des cache-oreilles, sont d'une élégance raffinée.
Certains Saturniens portent des cache-oreilles, ils sont les seuls à faire preuve d'une élégance raffinée. La relative réduit l'extension du groupe nominal.
C'est vrai que c'est différent en anglais.

Feint

avatar 06/07/2009 @ 10:07:28
(Mais je ne connais pas de manuel de ponctuation.)

Palorel

avatar 06/07/2009 @ 12:25:55
La ponctuation est susceptible de changer le statut - et le sens - d'une relative.
Exemple a : Les Saturniens, qui portent des cache-oreilles, sont d'une élégance raffinée.
Cela sous-entend que tous les Saturniens portent des cache-oreilles.
Exemple b : Les Saturniens qui portent des cache-oreilles, sont d'une élégance raffinée.
Certains Saturniens portent des cache-oreilles, ils sont les seuls à faire preuve d'une élégance raffinée. La relative réduit l'extension du groupe nominal.
C'est vrai que c'est différent en anglais.


Dans le premier exemple, la relative est explicative alors que dans le second elle est déterminative (on peut aussi dire restrictive). C'est bien ça, m'sieur?

Feint

avatar 06/07/2009 @ 13:50:17
La ponctuation est susceptible de changer le statut - et le sens - d'une relative.
Exemple a : Les Saturniens, qui portent des cache-oreilles, sont d'une élégance raffinée.
Cela sous-entend que tous les Saturniens portent des cache-oreilles.
Exemple b : Les Saturniens qui portent des cache-oreilles, sont d'une élégance raffinée.
Certains Saturniens portent des cache-oreilles, ils sont les seuls à faire preuve d'une élégance raffinée. La relative réduit l'extension du groupe nominal.
C'est vrai que c'est différent en anglais.


Dans le premier exemple, la relative est explicative alors que dans le second elle est déterminative (on peut aussi dire restrictive). C'est bien ça, m'sieur?

C'est exactement ça, mon garçon. Et demain, nous aborderons la relative prédicative (ou plutôt, nous partirons en vacances "bien méritées").

Bolcho
avatar 06/07/2009 @ 14:43:59
(parce que la troisième personne reste tout à fait indéfinie dans le contexte : elle n'est a priori ni « toi », ni « moi »).
Donc, je crois qu'on peut souscrire à ta première proposition, « c'est toi ou moi qui va là-bas ? », même si la seconde « c'est toi ou moi qui vais là-bas ? » est certainement correcte.

Parenthèse séduisante, à laquelle, peu normatif de nature, je serais tenté de souscrire ; et sans doute trouverait-on des exemples voisins chez les meilleures plumes - cependant, j'imagine que la chose serait plus vraisemblable si la relative était séparée de ce qui ne mériterait plus d'être appelé son antécédent au moins par une virgule (auquel cas il faudrait voir en ce "toi ou moi" une sorte de syntagme exceptionnellement neutre du point de vue de la personne, comme une sorte d'insertion de "toi ou moi" à l'intérieur d'une phrase préexistente qui n'aurait pas prévu la catégorie de la personne comme concernant possiblement l'antécédent).


Bien d’accord avec tout ça.
Mais j’ai envie d’ajouter un truc.
Nous sommes dans des amusettes pour profs, et notre boulot d’enseignants est tout de même en partie de transmettre une norme. C’est en plus ce que nos auditoires attendent de nous : je me souviens – douloureusement – de ce cours sur l’accord du participe passé avec « avoir », où, après avoir passé en revue tous les paragraphes du « Grévisse » j’ai terminé en vomissant ma rage contre la règle imbécile et incohérente. Inutile de dire que le fameux auditoire ne savait plus à quoi s’en tenir (ce pourquoi j’avais été un mauvais enseignant) et qu’il n’avait pas non plus compris à quoi je voulais en venir : la langue appartient à ceux qui la parlent et l’écrivent ! Si vous voulez accorder comme ceci alors que le grammairien dit comme cela, faites-le ! Mais préparez-vous à défendre votre choix avec une argumentation élégante.
Moi, je préfère la « faute » bien argumentée que la « norme » pas comprise.

Saule

avatar 06/07/2009 @ 14:48:46
– de ce cours sur l’accord du participe passé avec « avoir », où, après avoir passé en revue tous les paragraphes du « Grévisse » j’ai terminé en vomissant ma rage contre la règle imbécile et incohérente.

C'était celui-là?

http://critiqueslibres.com/i.php/forum/…

Alors je redonne le lien, pour le plaisir.

Débézed

avatar 06/07/2009 @ 19:31:56
(parce que la troisième personne reste tout à fait indéfinie dans le contexte : elle n'est a priori ni « toi », ni « moi »).
Donc, je crois qu'on peut souscrire à ta première proposition, « c'est toi ou moi qui va là-bas ? », même si la seconde « c'est toi ou moi qui vais là-bas ? » est certainement correcte.

Parenthèse séduisante, à laquelle, peu normatif de nature, je serais tenté de souscrire ; et sans doute trouverait-on des exemples voisins chez les meilleures plumes - cependant, j'imagine que la chose serait plus vraisemblable si la relative était séparée de ce qui ne mériterait plus d'être appelé son antécédent au moins par une virgule (auquel cas il faudrait voir en ce "toi ou moi" une sorte de syntagme exceptionnellement neutre du point de vue de la personne, comme une sorte d'insertion de "toi ou moi" à l'intérieur d'une phrase préexistente qui n'aurait pas prévu la catégorie de la personne comme concernant possiblement l'antécédent).


Bien d’accord avec tout ça.
Mais j’ai envie d’ajouter un truc.
Nous sommes dans des amusettes pour profs,


Pas vrai ?

Raven 06/07/2009 @ 20:29:59
Merci beaucoup à tous. Votre "brainstorming" collectif est impressionnant et agréable à lire (de nos jours où l'on écrit en abrégé comme si langue était devenue une grande blague écrite sur un sms). En tant qu'adepte de sciences dures, j'avoue être mal à l'aise face aux règles malléables et préfère les règles fixes mais cela je crois qu'en lisant vos commentaires, j'apprends lentement à ouvrir mon esprit sur quelque chose de plus..... subjectif et interprétatif.
Encore un grand merci.

Saule

avatar 07/07/2009 @ 00:30:13
C'est toujours un plaisir. Et attends, ce n'est pas fini, Provis va débouler avec les exemples de son carnet :-)

J'aime bien ta réflexion sur le fait qu'écrire en français, de nos jours, c'est comme une blague. Mais sur CL, on a un carré d'irréductibles, et ils nous mènent la vie dure...

Provis

avatar 07/07/2009 @ 11:50:59
Salut le prof de latin-français, j'entends Provis...c'est quoi, ce truc, tes grammaires sont à ton travail ? Comment fais-tu pour corriger tes copies, dis-moi ? ;o)
Je ne corrige que les grosses fautes, ça me fait largement assez de travail.. :o)


N'empêche que j'ai Feint de mon côté, donc je maintiens la "théorie" (sic) de la proximité ! ;)))
Je comprends que tu te sentes en sécurité.. :o).. N’empêche que, si Riegel parle bien de l’accord de voisinage dans sa « Grammaire méthodique du français », il le présente plus comme une antiquité que comme une règle « authentique ».
Grevisse, lui, ne semble pas très favorable à l’utilisation de la troisième personne pour dégager en touche. Il nous dit en effet (page 1331 de la treizième édition de "Le bon usage") : « .. De même, le choix du singulier et de la troisième personne n’avait rien de nécessaire dans cet exemple : Ni elle ni moi ne parlera (Dhôtel). » Mais il n’a pas l’air non plus d’apprécier beaucoup l’accord par proximité : je cite (haut de la page 686 du même ouvrage) : « Quand les donneurs différent quant à la personne ou quant au genre, …. ; contrairement à ce que disent beaucoup de grammairiens, le premier terme détermine plus souvent l’accord que le deuxième. »

Pour tout dire, je trouve que Grevisse n’est pas très clair. Dans le contexte du choix de la personne grammaticale, que signifie précisément : « Si l’un des sujets englobe dans son extension le pronom de la 1re ou de la 2e personne, ce sujet entraîne l’accord à la 3e personne » ? (l’exemple donné est : « Ni vous ni personne n’aura à se réjouir (Tharaud). »). L’utilisation de la 3e personne pour éviter la 1e et la 2e, ou je comprends tout de travers ?

Grevisse en tout cas est bien plus fort que nous tous pour dégager en touche. Pour les cas où « aucun des sujets ne prédomine dans la pensé » et où « le verbe doit être au singulier », il propose explicitement de « tourner la phrase autrement » !
Désolé, c’est petit !! :o)

En revanche, il nous dit que si les sujets suivent le verbe, la 3ème personne l’emporte obligatoirement : « Qu’en pensent Antuna et vous ? (Bernanos) ».

Bref, j’ai retrouvé sur VE (le site « Vos Ecrits », précisons pour les petits nouveaux, un site voisin et ami..), un commentaire auquel a eu droit le célèbre Mentor un jour où il nous demandait, à l’heure de l’apéritif : - Est-ce toi ou moi qui paie ? - Est-ce toi ou moi qui paies ? - Est-ce toi ou moi qui payons ?
Partisan du moindre effort, je vous en livre ci-dessous un extrait sans retouche(s). Grevisse n'aime pas beaucoup la troisième personne comme substitut aux autres, mais il nous propose néanmoins toute (tout ?) une liste d’exemples où la troisième personne est utilisée en désaccord avec la règle classique (le verbe s’accorde en genre et en nombre avec le sujet).


lllllllllllllllllllllllllllllllllllll

En grec paraît-il, le sujet peut s’accorder avec le sujet le plus proche. Cet « accord par voisinage » existe aussi en français, mais il semble ne plus être très employé. Dans Riegel, on trouve la remarque suivante : « De nombreux autres cas particuliers, souvent subtils, sont traités dans les ouvrages consacrés aux difficultés du français. À l’époque classique, l’accord mécanique du verbe avec le sujet était davantage contredit par des facteurs contextuels (accord selon le voisinage), sémantique, etc. »

Donc, premier point important, l’accord de voisinage n’est pas un mythe mentorien, mais il n’est pas donné par Riegel comme une « vraie » règle.

Il y a sûrement des choses édifiantes dans Wilmet, mais je n’ai pas trouvé où..
Une chose est sûre, pour l’accord selon la personne, "je" l’emporte sur "tu" et sur "il", "tu" l’emporte sur "il". Exemple : « Ta mère, toi et moi irions au bout du monde. ».
Avec des exceptions bien sûr, où l’on voit que la troisième personne est souvent le bon moyen pour dégager en touche.
« Le courage, je l’ai. La force Dieu me la donne. Mais la foi, ni Dieu ni moi ne peuvent me la donner (Montherlant) »

De Pompidou, agrégé de grammaire, et accessoirement président de la république : « Puis-je …. vous assurer que vous-même et la reine Fabiola sont particulièrement chers aux cœurs des Parisiens ? »

Des exemples intéressants, toujours dans Grevisse (je donne seulement ceux qui peuvent surprendre, et qui souvent appartiennent aux exceptions pour lesquelles l’usage hésite) :
« Nous sommes des papillons qui se brûlent au feu des idées (Tharaud). »
« Nous sommes de pauvres époux qui ont failli (Giraudoux). »
« Je suis une fille du Carmel qui va souffrir pour vous (Bernanos) »
dans un autre genre :
« J’ai deux sœurs qui chacune ont leur voiture »


Oui, cher Mentor, « Nous sommes ainsi quelques fossiles qui subsistent (Flaubert) », mais chacun fait ce qu’il veut, même quand c’est injustifiable : « Mes enfants et moi vous disent mille tendresses (Sand) ».. :-)


lllllllllllllllllllllllllllllllllllll


Au bout du compte, on voit bien que tout est permis, et une fois de plus Bolcho indique la bonne direction : n’hésitons pas à passer au rouge, surtout quand les gendarmes ne sont pas vraiment d’accord sur la couleur du feu.. :o)

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