Ma seconde rencontre du festival international de la bande dessinée d’Angoulême fut celle avec l’un des lauréats du prix Goscinny 2022, Jean-David Morvan. Oui, je sais que beaucoup recherchent durant ce festival des rencontres avec des dessinateurs. Moi, sans les éviter, loin de là, j’aime rencontrer les scénaristes, ceux qui ont créé les histoires (et qui d’ailleurs pour certains les dessinent aussi). Dans la bande dessinée on a besoin des deux (et on pourrait même y ajouter les coloristes pour qui j’ai une tendresse particulière) car une bande dessinée sans bonne histoire n’a aucune chance de satisfaire le lecteur et une bande dessinée avec une excellente histoire mais massacrée au dessin ne pourra pas séduire le même lecteur… Oui, la bande dessinée est bien un art complexe qui a besoin de l’union de plusieurs talents pour offrir la réussite (je n’ai pas parlé ici de succès commercial !).
Jean-David Morvan est l’un des scénaristes contemporains les plus productifs. Je ne vais certainement pas lister tous ses travaux mais durant l’émission nous passons en revue ceux que j’ai aimés, appréciés voir même ceux qui sont devenus cultes pour moi comme la série Sillage que j’apprécie énormément… Le « space opera » commandé par Delcourt dont le premier album est sorti en 1998 voit cette année la sortie du tome 21 ! Le dessin de Philippe Buchet est toujours aussi pétillant et le dessinateur est même devenu le coscénariste car Jean-David Morvan est maintenant submergé par le travail et ses séries sur la guerre… Nous allons en reparler !
La force de Sillage, série de science fiction, tient à mon avis de plusieurs éléments. Il y a les personnages très nombreux dont seule, au départ, Nävis est humaine tandis que tous les autres sont des espèces variées d’extraterrestres dessinées avec génie par Philippe Buchet qui fait preuve d’une créativité géniale tout simplement… Il y a aussi l’organisation de l’histoire qui fait que chaque album peut se lire, se déguster, s’apprécier, de façon indépendante. Mais il y a aussi les thèmes qui bien souvent suivent de près la vie sur la planète avec des réflexions sur la violence, la guerre, la pollution, la colonisation… et dans le dernier album, la question des migrants, du journalisme, de l’exploitation des terres et des populations… Oui, une série dense et de très grande qualité !
Mais Jean-Baptiste Morvan est aussi un scénariste remarquable capable d’adapter en bande dessinée des romans. On ne peut pas évoquer toutes ces adaptations mais relevons que celles de Boris Vian ou Vernon Sullivan (toujours Boris Vian mais sous un autre nom !) sont d’une très grande valeur qui montre que jean-David Morvan aime cet auteur depuis longtemps, peut-être depuis qu’il sait lire, qui sait, ou depuis qu’il a fauché ces ouvrages dans la bibliothèque paternelle, plus surement !
Enfin, dans la dernière partie de notre entretien, nous prenons le temps de parler de ses différents ouvrages sur la guerre. Il y a ceux qui sont directement des adaptations comme le remarquable « Les croix de bois » mais qui est beaucoup plus qu’une simple adaptation du roman de Roland Dorgelès. Il y a les récits comme les cinq volumes d’Irena, superbe bande dessinée qui parle de la guerre et du Ghetto de Varsovie en particulier en s’adressant au public le plus large, c’est-à-dire les enfants de la fin de l’école élémentaire… Enfin, il y a cette « Madeleine, Résistante » dont le premier volume est sorti et qui a valu à Jean-David Morvan le prix Goscinny… Mais un prix qu’il partage avec Madeleine Riffaud, elle-même, car cette fois-ci Jean-David travaille avec une personne vivante et raconte son histoire… Madeleine a 97 ans mais elle semble heureuse de travailler avec Morvan et Bertail (le dessinateur) sur un support qu’elle ne connait quasiment pas et une bande dessinée qu’elle ne pourra même pas lire car sa vue ne lui permet pas… Mais la voilà, elle aussi, avec le prix Goscinny, une distinction que Jean-David Morvan est comblé de partager avec elle !
Un magnifique entretien avec un scénariste heureux d’être récompensé, heureux de voir ses lecteurs et ses amis auteurs, et prêt à représenter Madeleine Riffaud au moment de recevoir le prix car Madeleine, bien sûr, n’a pas pu venir à Angoulême…
En plus, il se dit avec insistance qu’une nouvelle série sur la guerre arrive, avec la même équipe qu’Irina, cette fois-ci pour raconter Simone, l’histoire d’une autre résistante, Simone Lagrange, témoin clef dans le procès Barbie… Décidément, Jean-David Morvan continue ce travail sur notre mémoire et on ne peut que le remercier… et le lire !!!
Après la remise du Grand Prix 2021 de la ville d’Angoulême à Chris Ware, il était temps de passer à la soirée 2022… Le rattrapage lié à la pandémie, on passait réellement à l’inauguration du 49ème festival international de la bande dessinée d’Angoulême…
Compte tenu des circonstances internationales, la soiré d’inauguration officielle du festival internationale de la bande dessinée d’Angoulême a été quelque peu modifiée. Elle s’est tenue au théâtre de la ville et a été suivie d’un concert dessin en solidarité avec le peuple ukrainien…
Pour ceux qui me suivent depuis longtemps, précisons, avant toute chose, que c’est la première fois depuis que je vais à Angoulême pour le festival de la bande dessinée que j’y suis allé seul… Il faut dire que le fait d’être maintenant à la retraite et qu’en plus le festival ait été déplacé dans le temps à cause de la pandémie, tout cela m’a laissé seul pour affronter cet évènement qui reste indiscutablement l’un des grands rendez-vous du monde de la bande dessinée… Donc, c’est ainsi que je suis arrivé le mercredi vers midi à Angoulême pour y passer plus de deux jours à courir, visiter, photographier, interviewer, discuter, découvrir et, parfois aussi, dormir un peu…
Puis, pour rester fidèle à l’ordre chronologique, j’avais rendez-vous avec Benoît Peeters. Le rendez-vous a été pris car Benoît vient de sortir un ouvrage, 3 minutes pour comprendre 50 moments clés de l’histoire de la bande dessinée (Le courrier du livre) et qu’il est aussi le co-commissaire de l’exposition consacrée à Chris Ware, le grand prix de la BD 2021. Nous reviendrons plusieurs fois sur Chris Ware car ce prix permet d’être le président d’honneur du festival suivant et d’avoir une exposition consacrée à son travail lors de cette présidence…



Ce n’est pas parce que la fin du festival se rapprochait et que j’avais déjà interviewé plus de 25 auteurs, qu’il fallait se relâcher ou même penser que les derniers arrivés seraient des auteurs de seconde catégorie… Dès dimanche après-midi, c’est Fabien Toulmé qui arrivait avec le sourire… Depuis la sortie de son « Ce n’est pas toi que j’attendais », en 2014, j’ai pris l’habitude de rencontrer très régulièrement Fabien, pour chaque sortie d’album, que ce soit à Paris, à Lyon, à Angoulême ou à Saint-Malo. C’est ainsi que j’ai parlé avec lui de ses livres, « Les deux vies de Baudouin » et les deux premiers tomes de « L’odyssée d’Hakim »… Oui, pour le troisième nous avons été perturbés par un certain confinement et une crise sanitaire sans précédent… Alors nous nous sommes rattrapés, et avant d’aborder le très sympathique dernier album, « Suzette », nous avons commencé par évoquer la fin de son triptyque consacré à Hakim… Voilà, une belle rencontre pour clore une journée de dimanche à Saint-Malo, un troisième jour de festival Quai des bulles…
Comment qualifier ce moment passé en compagnie de Bernard Cosey, mercredi dernier à la galerie Daniel Maghen ? Commençons par préciser que cette galerie située rue du Louvres à Paris, consacre tout son espace à une rétrospective du travail graphique de Bernard Cosey. C’est jusqu’au 11 décembre et l’entrée est libre (ça c’est si vous passez par Paris avec une petite heure libre dans votre agenda !). Moi, j’avais rendez-vous avec Bernard Cosey pour parler de deux ouvrages qui viennent de sortir, le dernier album de la série Jonathan, La piste du Yéshé, et ce magnifique ouvrage de souvenirs divers (difficile de le classer en fait), A l’heure où les dieux dorment encore…
L’auteur suivant fut Serge Carrère, le dessinateur-créateur de la série Léo Loden. Je sais que cette série ne plait pas à tout le monde car elle navigue sur deux pentes, le polar et l’humour… Elle sera donc régulièrement, pour les uns ou les autres, perçue comme trop drôle ou trop policière… Quant à moi, je l’avoue, le j’aime bien et la suit depuis deux décennies… Cette année, Serge mesure le temps passé puisque les premiers coups de crayons ont été donnés il y a une trentaine d’années… Le prochain album sera celui des trente ans !!! L’entretien permet aussi d’aborder le travail de Christophe Arleston, sacré scénariste, qui maintenant a laissé entièrement la place à Loïc Nicoloff. Notre petite discussion se termine en regardant les jumeaux de Léo et Marlène grandir… Pas si courant un privé avec enfants… Non ?
La fin de la première journée de Quai des bulles a été marquée par une petite attente… Marc Jailloux était bien annoncé, mais avec un petit retard… Enfin, il est arrivé avec le coucher de soleil qui s’installait… D’un seul coup, on pardonnait le léger retard… On a pu parler de sa nouvelle série, Le sang des Valois, de son coscénariste Didier Decoin, de son travail sur cette magnifique série historique… Pour une fois, il y avait du monde autour de la table, et pourtant, tout le monde était captivé par ce qu’il disait. Il répondait aux questions avec précision, exemple, bonne humeur… Tout était limpide ! Enfin, pour terminer, il a exprimé son bonheur de retrouver l’ambiance de ces grands salons, les lecteurs, les collègues, les journalistes… Le premier acte de ce festival se clôturait en beauté !
Je suis sorti enchanté et plein d’énergie du spectacle « Room with a view » et, pourtant, on m’avait promis le fin du monde… Mais, si je devais imaginer la fin du monde, à quoi ressemblerait-elle « ma fin du monde » ? Quand on se pose cette question, comme pour les livres que l’emporterait sur une île déserte ou ce que l’on va mettre dans sa valise pour ses vacances prochaines, on ne peut répondre qu’avec sa culture, ses expériences, sa mémoire, sa raison, ses sentiments… et c’est bien pour cela que parler d’un spectacle vivant, aussi intense que « Room with a view » ne peut pas se faire dans un texte neutre, froid, détaché…
