Shelton
avatar 30/08/2020 @ 12:38:54
Dimanche 30 août

« L’été c’est fait pour lire » et les lectures ne se ressemblent pas d’un jour à l’autre… C’est ainsi que je me suis retrouvé avec en mains un album de bande dessinée de très grande qualité, « Anaïs Nin, sur la mer des mensonges » de Léonie Bischoff (éditions Casterman). D’ailleurs, certains parleraient plutôt de roman graphique tandis que d’autres d’une version artistique et graphique d’extraits du journal intime d’Anaïs Nin… Moi, je vais parler de bande dessinée c'est-à-dire d’un ouvrage qui me fait rentrer dans la tête d’Anaïs Nin par le texte et le dessin, que dis-je, par le dessin admirable de Léonie Bischoff qui s’appuie grandement sur le texte d’Anaïs Nin. D’ailleurs, l’ouvrage est écrit à la première personne, nous sommes Anaïs et l’ouvrage est parfaitement construit pour que l’on puisse tout saisir même si on ne connait absolument pas Anaïs Nin…

Justement, je ne connaissais que très peu Anaïs Nin, certes j’avais bien croisé cette diariste lors de mes études mais sans jamais dépasser quelques extraits qui parlaient d’Henri Miller ou Antonin Artaud. Je n’ai jamais lu, du moins jusqu’à aujourd’hui, ni son journal ni ses romans érotiques. Pourtant, je me suis laissé embarquer par la narration graphique de Léonie Bischoff, fasciner par la personnalité de l’autrice Nin, secouer par les personnages rencontrés comme Hugo, June, Henry, Otto… Du coup, une première impression forte, on a bien là une grande bande dessinée !

Puis, page après page, on entre dans le processus choisi par Léonie de nous faire toucher l’ambigüité d’Anaïs, son jeu avec le mensonge, l’écriture, la création, le génie, l’amour, la fidélité, la bienveillance vis-à-vis des autres… On finit par la comprendre, la justifier, l’excuser, l’accompagner, l’envier, l’admirer mais aussi la considérer comme « autre », certains diraient simplement « folle »… Oui, Anaïs Nin fut bien un personnage atypique, surprenant, terrible, fascinant… Elle fut femme, autrice, psychologue, psychanalyste, amante, mère de ses amants (c’est elle qui le dit)… Elle ne laisse jamais indifférente !

Le génie (j’utilise bien ce mot) de Léonie Bischoff fut d’avoir senti que Nin n’avait pas qu’une seule voix et de rendre graphiquement un texte qui mêle du factuel, du journal intime accessible à tous et du journal intime « vrai et brut »… Au départ, cela surprend, puis on comprend les codes graphiques et on se laisse manipuler par Anaïs Nin (et Léonie Bischoff, bien sûr) sans même faire d’effort…

Je ne sais pas si cet ouvrage, ce livre, cette bande dessinée, ce roman graphique, marquera l’année 2020 comme l’espère son éditeur mais cela est de toute évidence pour moi une des grosses surprises de la rentrée BD 2020. Oui, cette lecture est une grosse claque graphique et humaine, un choc profond… D’ailleurs, je vais immédiatement relire un Henry Miller, chercher un des tomes du journal intime d’Anaïs Nin et peut-être même chercher un livre comme celui d’Elisabeth Barillé (Anaïs Nin, masquée, si nue) car j’ai envie d’en savoir plus, beaucoup plus, sur cette femme de lettres atypique !

Alors, vous allez me dire que tout va bien puisque l’été c’est fait pour lire ! Mais avant de vous laisser à vos lectures, je voulais juste donner deux citations d’Anaïs Nin, histoire de vous faire toucher la personnalité…

« Je vis même doublement, triplement, car, quand j’écris et réécris, je vis plus intensément encore. Du journal à la fiction, de la fiction au journal, l’écriture est ce qui me permet de vivre. »

« Ma morale n’existe que lorsque je suis confrontée à la peine de quelqu’un d’autre. »

« Je ne serai jamais parfaite. Je ne serai jamais une seule femme, ou l’amante d’un seul homme. Je vais vivre ces multiples vies, explorer les milles facettes de mon être, et vivre avec passion, de toutes mes forces. Pour la beauté. Pour l’amour. Pour la création. »

Alors, maintenant, je peux vous souhaiter bonne lecture à tous et n’hésitez surtout pas à ouvrir cet album… A très vite !

Shelton
avatar 31/08/2020 @ 08:58:28
Lundi 31 août

« L’été c’est fait pour lire » mais parfois, surtout à l’approche de fin août - début septembre, c’est aussi fait pour vendanger ! Alors, il est bien normal, fin août de se mettre à parler vignobles, vendanges, vins… Mais comment le faire sans tomber dans la guerre entre régions, entre vignobles, entre grands crus ? En France, dès que l’on parle vins (ou fromages d’ailleurs), on ne peut que s’étriper ! On ne va jurer que par les bordeaux ou les bourgognes, les côtes du Rhône ou les vins d’Alsace et du Jura ou les Cahors… Bref, jamais possible de s’entendre !

C’est pour cela que j’ai cherché (et trouvé) l’ouvrage qui permettrait de réconcilier tout le monde, du moins les amateurs français de bon vin, autour d’une belle table arrosée avec modération, bien sûr ! C’est ainsi que je vous propose d’ouvrir « Vins, vignes et vignerons, histoire du vignoble français » de Marcel Lachiver, un ouvrage plusieurs fois réédité depuis 1988…

Marcel Lachiver est devenu au fil des années de sa carrière un expert de l’histoire du monde agricole pour qui parler du vin passait prioritairement par parler du terroir, du vignoble et des vignerons. Il ne s’agissait pas de promouvoir un vin ou un autre, accompagner une mode ou faire du charme à une profession locale mais, plutôt, de montrer comment la France était bien un pays du vin, comment le vignoble français avait évolué dans le temps, fait face aux difficultés, accompagné les Français dans leur alimentation… et c’est là où il devient passionnant !

L’ouvrage est d’autant plus prenant quand on voit comment les savoir-faire s’installent et évoluent, région par région, car quand on vit une période de réchauffement climatique on ne peut que se dire qu’il va falloir évoluer, modifier des pratiques, changer des processus de travail… Or, au lieu de se désespérer, l’ouvrage nous montre un chemin : faire confiance aux vignerons, leur laisser l’initiative, les accompagner dans le changement…

Comment ne pas alors méditer cette pensée de Paul Claudel (oui, il n’a pas écrit que des textes mystiques…) : « Un grand vin n’est pas l’ouvrage d’un homme, il est le résultat d’une constante et raffinée tradition. Il y a plus de mille années d’histoire dans un vieux flacon. » D’ailleurs, en fait, cette citation est peut-être bien l’illustration d’une forme de mysticisme… Allez savoir ! D’ailleurs, Paul Claudel était chrétien et dans cette religion le vin a une importance capitale… Fruit du labeur des hommes, sang de Dieu, boisson qui sauve…

Alors, bien sûr, pour beaucoup cet ouvrage sera bien volumineux pour être dégusté en une seule fois mais je pense qu’il peut être dégusté, apprécié, gouté, par petite lampée, avec modération mais avec beaucoup de bonheur ! C’est à ce titre qu’il devrait être présent dans votre cave, euh, dans votre bibliothèque. Remarquez que l’on pourrait bien avoir livres et bouteilles au même endroit car les deux vont très bien ensemble… Imaginez, un bon verre de Châteauneuf-du-Pape blanc en écoutant de la poésie de Frédéric Mistral… Je crois que cela me conviendrait parfaitement… Ou alors, un bon verre de Saumur en écoutant Rabelais dans le texte… Que tout cela donne des idées !

Mais cet ouvrage de Marcel Lachiver est aussi essentiel pour comprendre combien de sueur a du couler pour arriver à mettre ce nectar dans nos verres… Car le vin n’est pas obtenu par l’opération du Saint-Esprit. Il s’agit réellement de l’aboutissement d’un travail, parfois dur et ingrat, qui peut être emporté soudainement par la grêle ou détruit durablement par le phylloxera… C’est aussi cela l’histoire de notre vignoble français !

Alors, en ces temps de vendanges, il me semble que cet ouvrage pourrait bien nous accompagner au moins lors de nos dégustations (avec modération) entre amis…

Bonne lecture à tous et à votre santé !

Shelton
avatar 01/09/2020 @ 09:18:09
Mardi 1er septembre

« L’été c’est fait pour lire » et comme hier nous avons commencé à parler du vin, des vendanges, des vignerons, de nos terroirs… j’ai voulu poursuivre avec une série BD, « Châteaux Bordeaux », qui va aborder le même sujet mais en se focalisant sur le Bordelais… Oui, je sais bien que le Bordelais n’a pas le vent en poupe, surtout ici en Bourgogne, mais la série BD est de qualité donc parlons-en…

Je peux l’avouer, bien simplement, cette série n’est arrivée que très tard dans mes lectures. D’une part, je ne suis pas très Bordeaux au départ et d’autre part j’avais des doutes sur ces séries que je trouve quand même assez commerciales… Là, j’avais un peu tort car elle avant tout le fruit du travail de deux passionnés du vin de Bordeaux et elle va être technique, précise, documentée, alléchante et œnologique !

Pour plonger dans cette série, il me fallut une occasion et l’occasion fut simple, un rendez-vous avec le dessinateur, Espé, Sébastien Portet de son nom véritable, lors du festival de la bande dessinée de Saint Malo, Quai des bulles 2016… Il était donc temps de s’y mettre. Le scénariste de la série est une bonne connaissance – je dirai même un ami – qui a eu l’occasion de faire de nombreuses haltes devant mon micro et, ainsi, de parler aux auditeurs qui suivent le Kiosque à BD, Eric Corbeyran !

Châteaux Bordeaux ! De quoi s’agit-il ? Tout d’abord, indiscutablement, d’une ode au vin d’une région, celle dans laquelle vit Eric Corbeyran depuis longtemps. Oui, il s’agit bien de découvrir et glorifier le vin du Bordelais mais, tout cela, avec modération. Chaque album se consacre à un aspect particulier lié au vin de Bordeaux, et le premier fut le domaine. Le tome 9 qui clôturait le premier cycle, portait le nom de « Primeurs » et, entre les deux, vous le devinez bien, il y eut l’œnologue, l’amateur, les millésimes, le classement, le courtier, les vendanges, le négociant… presque tout y est, du moins pour la partie technique, réelle, car le tout est accompagné d’une pléiade de personnages de fictions tous hauts en couleurs…

Car cette série a, aussi, une dimension saga indiscutable car on commence avec une propriété au lendemain de la mort de son propriétaire-exploitant… Trois enfants, deux garçons et une fille… Qui reprendra le flambeau ? Avec quel succès ? Avec quelles difficultés ? Toute l’histoire va montrer les étapes de la reprise et la remise en état du domaine… On ne sait toujours pas comment les choses vont évoluer car jamais rien n’est gagné définitivement !

Mais, au cœur du Médoc, les tensions seront rapidement palpables, les amours aussi… Le personnage central est Alexandra, la fille, à moins que ce soit le domaine, tout simplement, Le chêne courbe ? Allez savoir… ce qui est certain c’est qu’Alexandra veut réussir, qu’elle tente de se donner tous les moyens mais que les obstacles, humains et naturels, sont nombreux sur son chemin…

Cette saga familiale et professionnelle, œnologique et policière, gustative et amoureuse devrait plaire à un très large public, que dis-je, plaît à un très large public et fait penser, bien sûr, aux « Maîtres de l’Orge », saga de la bière de Jean Van Hamme et Francis Vallès. Pointer du doigt cette parenté entre les deux séries n’est pas agressif pour l’une ou l’autre. Pour moi, c’est plus établir que la France et la Belgique sont une terre entre culture du vin et culture de la bière… Il s’agit donc de mettre en avant une richesse combinée entre deux univers…

Mais revenons à cette série « Châteaux Bordeaux » ! Le tome 10 arrive (en fait il sort officiellement demain 2 septembre) et il commence avec force et violence pour insuffler au second cycle une dynamique qui va secouer les lecteurs que se seraient endormis… Accident d’hélicoptère, décès de personnages clefs, tentative de rachat de propriété, tentative de dynamisation du marché, amours changeantes des unes et des uns… bref, la série reste trépidante et le lecteur ne refuse pas un tel plat !

Alors, même si certains ressort de l’intrigue sont un peu téléphonés, même si on croyait avoir déjà fait le tour de la question viticole dans le Bordelais, même si Alexandra semblait à l’abri des surprises désagréables, je ne peux que vous conseiller, puisque l’été c’est fait pour lire, de reprendre la série depuis le début et en ces temps de vendanges, cela me semble une excellente idée ! Bonne lecture à tous !

Shelton
avatar 02/09/2020 @ 06:37:52
Mercredi 2 septembre

« L’été c’est fait pour lire » et continuons encore notre voyage au pays de la vigne mais cette fois-ci avec un roman policier, il faut bien varier les plaisirs… J’ai donc cherché un roman policier qui se déroulait en Bourgogne car après le Bordelais, il fallait bien ne pas fâcher ni vexer mes amis bourguignons…

Heureusement, dans la série romanesque « Le sang des vignes », Jean-Pierre Alaux et Noël Balen, les auteurs, font voyager tous terroirs et vignoble à leur héros, l’œnologue Benjamin Cooker. C’est ainsi qu’il arrive un jour, en pleine vendange, sur la Côte, entre Beaune et Dijon… Le titre est assez explicite pour situer l’enquête, « Flagrant délit à la Romanée-Conti » !

Attention, soyons très honnêtes : l’intérêt de cette série ne réside pas trop dans le scénario policier qui bien souvent, tout en étant à peu près crédible n’est jamais très développé. L’objectif des auteurs, visiblement, n’est pas de nous faire jouer trop longtemps à l’enquêteur – ici j’ai trouvé le coupable à la moitié du roman – mais plutôt de nous immerger dans un vignoble, nous apprendre une multitude de petites choses sur un vin, un terroir, une culture, une tradition… Et à ce titre, ce roman tient toutes ses promesses !

Pour la partie policière, disons que durant les vendanges, une jeune fille est retrouvée morte dans des ruines au-dessus de la Romanée-Conti, propriété mythique de Bourgogne. Cette jeune femme est dénudée, a visiblement eu un rapport sexuel avant de décéder et elle était étudiante en œnologie à Beaune, ville voisine… Benjamin Cooker, notre œnologue de service, était entrain de travailler chez un de ses clients à proximité… Il est accompagné de son assistant Virgile Lanssien… Mais, me direz-vous, que peut bien avoir à faire un spécialiste des vins avec une enquête criminelle ? Pourquoi l’inspecteur Cluzel, officiellement chargé de découvrir ce qui est arrivé à Clotilde Leblanc travaillerait-il de concert avec Benjamin ? Tout simplement parce que le dit Benjamin ne peut pas s’empêcher de mettre son nez partout – pour un amateur de vins, c’est assez logique – et qu’en plus, dès la première rencontre avec Cluzel, il l’invite au restaurant… Bon, pour le côté policier, je vais m’en tenir là…

Par contre, quel plaisir de suivre toute l’histoire de la Romanée-Conti, de comprendre sa richesse, ses différents propriétaires jusqu’à nos jours… On imagine la bouteille, le verre, le nectar qui coule lentement et respectueusement… Il ne manque plus que de l’avoir en bouche… Il faut savoir apprécier ce vin car peu en boivent… Pour moi, c’est depuis très longtemps un fantasme, une envie, un souhait, un rêve… inaccessible ! Mais, après tout, ce n’est pas grave car en rêve, ce vin est toujours délicieux !

Il y a quelques années, un de mes étudiant, un Chinois, me demandait juste avant Noël, quel était le vin le meilleur de Bourgogne. A cette question délicate – car le meilleur vin est celui que l’on apprécie dans des conditions particulières, avec des vrais amis amateurs de vins et autour d’un repas convivial – je finissais par répondre : la Romanée-Conti ! Prudemment, je lui parlais du prix mais cela ne semblait pas du tout poser de problème… Il acheta trois bouteilles et rentra en Chine pour les fêtes pour les boire avec son père, importateur à Shanghai. J’ai cru comprendre qu’ils voulaient ensemble monter un business de vin en Chine… Du coup, j’imaginais les deux hommes devant leurs bouteilles et je me demandais s’ils avaient pu apprécier quoi que ce soit… Pire, j’imaginais le vin ayant mal voyagé… En fait, comme j’ai revu mon étudiant après, je peux dire que la dégustation s’était très bien déroulée mais je devais avoir une pointe, une toute petite pointe, de jalousie… Mais quand même pas la même jalousie que dans l’affaire policière… Quand même pas !

Ces romans de la série policière « Le sang des vignes » sont très bien écrits mais sont à réservés exclusivement aux amateurs de bons vins, de grands crus… Certains en ont peut-être vu les adaptations télévisées mais je préfère réellement les romans… Et comme l’été c’est fait pour lire, bonne lecture à tous et bonne dégustation !

Shelton
avatar 03/09/2020 @ 08:59:43
Jeudi 3 septembre

« L’été c’est fait pour lire » et comme nous avons pris le temps de parler déjà longuement du dernier duc de Lorraine et du rattachement de cette région à la France, il convient de consacrer un peu de temps à la dernière duchesse de Bretagne et du rattachement de cette région à la France. Il faut dire que quand on est coincé entre Lorraine et Bretagne, il y a au moins un point commun c’est le rattachement au royaume de France par un mariage… Alors, comme un excellent album vient de sortir en bande dessinée, « Anne de Bretagne », tome 6 de la série Breizh, Histoire de la Bretagne, aux éditions Soleil, c’est en bédé que nous allons suivre les dernières heures de l’indépendance du duché breton…

Les auteurs, Thierry Jigourel pour le scénario et Christophe Babonneau pour le dessin, nous offrent un épisode très classique pour le dessin, très précis pour l’histoire et les costumes, très agréable à lire pour le lecteur même s’il n’est pas expert de l’histoire de la Bretagne et, enfin, très riche au niveau des anecdotes ce qui rend l’album digne d’une véritable bande dessinée… Oui, parfois, l’histoire est aussi trépidante que la fiction !

Mais il y a un point que je souhaite préciser tout de suite avant tout autre chose : ici, on parle d’Anne duchesse de Bretagne, deux fois reine de France et non du fantasme Anne de Bretagne dont certaines légendes veulent dresser le portrait. Ce n’est pas une petite femme en sabots et stupide comme ses pieds que nous suivons du début à la fin mais bien une femme devenue adulte trop vite à la mort de son père François II, puis femme contrainte d’épouser Charles VIII de France pour faire cesser la guerre sur son duché puis, de nouveau, contrainte d’épouser Louis XII pour sauver ce qui pouvait encore l’être de sa Bretagne et de sa vie… Elle finit même par devenir la belle-mère du futur François 1er !

Mais comment en est-on arrivé là ? Tout a commencé, finalement il y a longtemps, quand Hugues capet est monté sur le trône de France. Le premier Capétien et les autres à sa suite n’eurent cesse que le royaume grandisse jusqu’à occuper entièrement le bassin naturel compris entre Rhin, Alpes, mer Méditerranée, Pyrénées, Océan Atlantique, Manche, Ardennes… Dès le début de cette grande conquête, de ce grand dessin, les rois successifs eurent envie de le faire à l’économie, donc de privilégier les mariages et marchandages à la guerre brute… C’est Louis XI, dit le prudent pour certains ou universelle araignée pour d’autres, qui donna un coup d’accélérateur à cette agglomération des terres au royaume… La Bourgogne et la Bretagne furent ses principales cibles et il pourrit tellement l’organisation de la Bretagne avec ses relais un peu à tous les niveaux que le pauvre duc ne pouvait pas s’en sortir… La planche était savonnée et il fallait plus qu’un peu d’attente pour récupérer le fruit…

Mais, l’album le montre bien, la Bretagne ne se rendit pas sans se battre, sans déployer toutes les stratégies possibles et Anne ne fut pas la dernière à ce jeu-là ! Mais quand elle meurt, le 9 janvier 1514 à Blois, la Bretagne devient définitivement française… Enfin, définitivement jusqu’à aujourd’hui car pour la suite personne ne peut prédire ce qui pourrait arriver !

Un album très complet que je ne peux que conseiller de lire à beaucoup même si vous n’avez pas lu les précédents car il se suffit à lui-même. Pour ceux qui veulent aller plus loin, il existe de nombreuses biographies d’Anne de Bretagne dont celle de Thierry Jigourel, le scénariste de l’album, celle de Georges Minois ou celle de Philippe Tourault que j’ai beaucoup appréciées et, enfin, celle de Jean Markale car il fallait quand même citer un des ouvrages où la réalité historique et le mythe se rejoignent…

« Si mort à mors duchesse, noble Dame
S'il n'en sera plus que poudre de corps
Dorme son cœur bordé d'or
Reviendront les siècles d'or
Cent fois mille et mille aurores encore »

Car comment ne terminer cette chronique par quelques paroles de cette chanson de Tri Yann inspirée par un poème écrit à la mort de la duchesse ? Quant à vous, vous voici dotés d’une belle liste de livres, dont une très bonne bande dessinée, pour terminer l’été puisque « l’été c’est fait pour lire ». Bonne lecture à tous !

Shelton
avatar 06/09/2020 @ 19:11:51
Dimanche 6 septembre

« L’été c’est fait pour lire » et lire peut être une grande aventure… Un jour, je suis monté dans un bus avec Clémentine, on devait aller suivre un stage… Mais, à la pause, je suis resté avec elle et le bus est reparti sans nous… L’aventure commençait et les auteurs de la bande dessinée – BeKa, pour le scénario, Marko pour le dessin – ne savaient même pas que l’aventure allait se prolonger au-delà de leurs espérances ou espoirs les plus fous… Le tome 5 vient de sortir, « Le jour où la nuit s’est levée », vient de sortir…

« Le jour où le bus est reparti sans elle », premier volume, racontait le jour où la vie de Clémentine avait changé de cap… C’était aussi le début d’un concept décidé par les BeKa, les scénaristes Bertrand et Caroline, et Olivier Sulpice, l’éditeur. Il voulait faire une collection, une série, un label, des bandes dessinées consacrées au développement personnel… Dit comme cela, on peut être sceptique, mais je rappelle qu’il s’agit bien de bandes dessinées, donc il y a bien une histoire, avec des personnages, des petites morales et fables qui coupent le récit et une fin d’album… Il y a aussi un peu de poésie, une touche d’humanisme, une pointe d’humour… et le tout fait à chaque fois des albums que l’on prend beaucoup de plaisir à lire !

Dans « Le jour où la nuit s’est levée », tout commence dans la librairie de Clémentine, La passe livres, et Clémentine y reçoit la romancière Chantal que l’on avait rencontrée dès le premier album… Vous savez, celui dans lequel je n’étais pas remonté dans le bus sans Clémentine… Et ce soir de rencontre, la tempête se lève sur Paris et les quelques lecteurs venus vont devoir passer la nuit dans la librairie avec la romancière, avec Clémentine et Sacha… Une nuit qui va libérer la parole, qui va faciliter les échanges et qui va permettre à chacun de comprendre certains éléments de leur passé, de leur vie, de leur éducation, de leur famille…

J’aime le fait d’enfermer – mais pas de façon trop autoritaire quand même – les lecteurs dans une librairie pour une nuit entière… Beaucoup en ont rêvé, certains l’ont déjà vécu, et là, en plus, on est témoin… Tout coule de source sans que l’on sente les auteurs obligés de passer par telle révélation ou telle autre… Tout semble naturel et évident, les personnages se livrent simplement, chacun est emporté dans une introspection que chaque lecteur peut, s’il le veut, prendre à son compte… et c’est bien ce qui fait la force de la collection : on propose mais on ne dispose pas des lecteurs contre leur gré.

Le dessin de Marko est d’une simplicité, d’une pureté, d’une délicatesse, d’une sensibilité, d’une douceur telles que le lecteur se laisse prendre sans se poser trop de questions… Après tout, allons y, on verra bien ce qui se passera… et on repart avec des questions, des pistes de solution à suivre, des réponses à des interrogations que l’on n’avait même pas encore formulées… Mais, après, quand le temps à passé, vous pouvez reprendre les albums et les relire sans aucun problème car les questions changent et les réponses aussi…

Vous vous dites que je suis entrain de me fourvoyer et de vous berner… Mais en fait, dans la vision du développement personnel des BeKa, il ne s’agit pas de créer une secte ou un groupe structuré et rigide… Il s’agit juste de vous offrir un petit espace de paix pour réfléchir à vos vies et chacun vient avec ce qu’il est, ses questions, ses doutes, ses éléments de réponse et chacun fait ce qu’il peut avec tout cela et la bande dessinée qui s’éclaire comme un phare au loin… Une direction, rien de plus mais c’est déjà beaucoup !

Alors, comme il y a déjà cinq albums à lire, je ne peux que vous souhaiter, comme l’été c’est fait pour lire, bonne lecture et belle découverte de Clémentine ! A très bientôt !

Shelton
avatar 07/09/2020 @ 07:07:25
Lundi 7 septembre

« L’été c’est fait pour lire » et certains d’entre vous le savent bien, j’aime lire certaines séries de bandes dessinées ou de romans policiers que je suis depuis très longtemps… Je ne vais pas vous croire que j’ai lu le premier album des aventures de Lefranc à sa sortie car « La grande menace » est sorti en 1952 quand je ne marchais pas encore sur cette terre… Le scénario et le dessin étaient signés Jacques Martin, un grand du neuvième art que je n’ai jamais eu l’occasion de rencontrer… Mais, quand j’ai eu aux alentours de 10/12 ans, cet album est arrivé à la maison et très rapidement nous avons lu, mes frères et moi, les différents épisodes de cette série : « L’ouragan de feu », « Le mystère Borg », « Le repère du loup »… C’est un peu plus tard, quand je fus jeune adulte que je m’offrais d’autres albums jusqu’à avoir tous les albums parus…

Plus tard, quand j’ai commencé à réaliser mes émissions de radio sur la bande dessinée, j’ai eu le plaisir de rencontrer, d’interviewer et même d’entretenir une relation amicale avec Gilles Chaillet, dessinateur de la série à partir du tome 5, « Les portes de l’enfer »… Gilles dessinera ainsi neuf albums et nous allons nous rencontrer à chaque nouveauté (y compris les autres séries sur lesquelles il travailla)… Gilles décèdera en 2011et ce fut un choc pour moi car ce fut l’un des premiers amis dans ce milieu de la bédé…

La série a connu la reprise après la mort du créateur Jacques Martin et j’avoue avoir continué à lire chaque album. Parfois, il y eut un peu de déception, parfois d’excellentes surprises, dans tous les cas une forme de fidélité à un héros que j’aime bien malgré tous les défauts que certains n’hésitent pas à attribuer à la série, au style Martin, à une forme de BD qui que certains considèrent comme ayant mal vieilli ! Moi, quand je lis un album, c’est comme si j’étais encore un peu ado… et pas que !

Donc, tout cette longue introduction, pour dire que lorsque le nouvel album de Lefranc sort, je prends le temps de le lire… c’est ainsi, je n’y peux rien ! Donc, « La rançon » de Roger Seiter, le scénariste, et Régric, le dessinateur (sans oublier le coloriste Bruno Wesel) nous invite dans un album qui se déroule en 1954, donc finalement peu de temps après « La grande menace »… C’est en Alsace que cette histoire commence (région de La grande menace) et ce n’est pas étonnant car il s’agit bien de la région de Roger Seiter… Jeanjean vient passer quelques jours de vacances fin décembre avec Guy Lefranc. Les fêtes ne vont pas prendre le chemin simple et délicat de fêtes de fin d’année car il y aura une prise d’otage…

Je ne vais pas tout vous raconter mais sachez que cette histoire, si elle commence bien en Alsace, va trouver son aboutissement très loin en Afrique du Sud… C’est là un point fort de cet album : Roger Seiter nous explique beaucoup de choses sur l’apartheid à cette époque, les rapports entre les différents groupes politiques et ethniques… Passionnant ! Il fut professeur d’histoire et si les cours étaient aussi prenants, ses anciens élèves doivent avoir de magnifiques souvenirs… La chance !

Dans les critiques généralement distribuées de bon cœur aux bandes dessinées de cette série, on parle de misogynie. D’accord, Guy Lefranc est toujours un homme, il n’a pas de copine attitrée et Jeanjean est toujours un jeune garçon scout… Mais dans cet album, la victime enlevée est une jeune fille, Eline, elle est accompagnée d’une préceptrice Ruth (et Guy est visiblement touché par cette bonne personne) et c’est encore une femme qui va jouer un rôle capital dans l’issue positive de l’histoire… Je sais, cela ne prouve rien et ne détruit pas les arguments agressifs de certains, mais quand même…

Quand j’ai refermé l’album, j’étais assez satisfait de ma lecture, j’imaginais sans trop de difficultés la fin des vacances de Jeanjean et Eline, de Guy et Ruth… mais vous n’êtes pas obligés d’avoir la même imagination que moi ! Mais comme l’été c’est fait pour lire, profitez-en pour relire « La grande menace » (ou lire si vous ne connaissez pas encore ce chef d’œuvre de la BD classique) puis, après, bonne découverte de « La rançon » et bonne lecture à tous !

Shelton
avatar 08/09/2020 @ 05:59:09
Mardi 8 septembre

« L’été c’est fait pour lire » et rien de tel qu’une bonne bande dessinée pour se mettre de bonne humeur et vivre sa rentrée avec bonheur sans trop de nostalgie des beaux jours de vacances ! Pour cela, d’ailleurs, le mieux serait de prendre la direction d’un monde plus fun que le nôtre, une sorte de monde féérique comme le Paris des Merveilles de Pierre Pevel, le scénariste, et Etienne Willem, le dessinateur, sans oublier Tanja Wenish, la coloriste ! Alors, partons ensemble pour ce monde merveilleux d’autant plus que l’on nous annonce un braquage en cours à la banque de Paris & Brocéliande…

Les nouvelles vont vite – et pourtant à l’époque pas encore de chaines d’information en continu, nous sommes en 1911 – et il s’agirait du fameux gang des Artilleuses en pleine action… Oui, je fais comme si chacun savait qui étaient ces demoiselles – à cette époque on disait encore « demoiselle » – et donc je vais vous les présenter. Il y a d’abord, Gatling, une fée car dans ce Paris des Merveilles tout le monde semble vivre plus ou moins dans harmonieusement y compris les gnomes, les elfes, les ogres et autres fées. Cette fée manie les explosifs avec « finesse et délicatesse », enfin, presque ! Puis, il y a Lady Remington, chef, magicienne et bonne tireuse comme le nom semble l’indiquer. Enfin, Miss Winchester, une américaine, bien équipée certes mais très adroite avec son arme du même nom, d’ailleurs qui donne le nom à l’autre, allez savoir !

Lors de ce casse, l’argent ne semble pas le seul mobile, il semble que le contenu du coffre 24 B soit l’objectif majeur et essentiel… Il contient, la Sigillaire… Et ne comptez pas sur moi pour vous expliquer de quoi il s’agit… Mais cela semble très précieux…

Précieux et peut-être même magique, allez savoir !

Cette bande dessinée n’est pas facile à classer – et c’est tant mieux – mais on peut quand même dire que si vous aimez le policier classique, le thriller ou les récits classiques de gangsters, il vaudra mieux passer votre chemin cette bande dessinée ne devant pas totalement correspondre à vos goûts ! Par ailleurs, si vous êtes fans des créatures fantastiques mais respectant les grands codes du genre en adéquation avec les corpus classiques définissant les nains, les fées, les elfes, les ogres et j’en passe beaucoup d’autres, alors, vous aussi, allez voir ailleurs car ici cet album ne devrait pas être pour vous…

Par contre, si vous aimez les belles histoires qui vous surprennent à chaque page, si vous n’avez peur de rien, si vous ne passez pas votre temps à lister les incohérences apparentes du scénario, si les morts en excès ne vous font pas fuir, si vous aimez les personnages hauts en couleurs, si vous êtes prêts à voyager dans cet univers merveilleux et fortement marqué par la belle époque, alors, oui, Les artilleuses devraient vous convenir comme ce fut le cas pour moi…

Parlons un peu de la narration graphique et du dessin d’Etienne Willem ! Son style graphique qui, pour moi, navigue entre réalisme et fantastique, trouve avec ce scénario de Pierre Pevel un terrain de jeu totalement adapté à son talent. Le dynamisme de certaines séquences est bluffant et chaque case lui permet de glisser de l’originalité, de l’humour, du cynisme, du charme… C’est un véritable plaisir que de feuilleter cette bande dessinée avant de plonger dans l’histoire… Quand à la narration graphique, au bout de quelques minutes de lecture, on se dit qu’elle ne pouvait pas être autre… C’est une évidence d’affirmer que ce récit était bien pour Etienne Willem qui s’en est emparé avec brio pour le plus grand plaisir des lecteurs !

Alors, il ne reste plus qu’à lire ce premier album de la série « Les artilleuses » pour ceux qui ne l’ont pas encore fait et attendre la suite avec patience, mais ce sera difficile, pour tous les lecteurs emballés de ce tome 1, « Le vol de la Sigillaire » !

Bonne lecture à tous !

Shelton
avatar 09/09/2020 @ 05:04:31
Mercredi 9 septembre

« L’été c’est fait pour lire » et même si l’été tire à sa fin, on peut encore se lancer dans de grandes aventures livresques ! Pourquoi ne pas relire tous les albums des aventures de Spirou et Fantasio ? Bon, si cela vous semble trop volumineux, limitez-vous au dernier album, « Spirou chez les Soviets » !

Je sais bien qu’il est de bon ton de toujours se plaindre de la série « Spirou et Fantasio » qui était bien meilleure du temps où l’auteur était Franquin. Je comprends d’ailleurs ce point de vue pour ceux qui ont appris à lire la bande dessinée avec des ouvrages de Franquin, que ce soit Gaston, Marsupilami ou Spirou… Mais on peut voir le monde autrement !

J’ai découvert Spirou et Fantasio sur le tard car petit je n’étais pas abonné au journal Spirou. Je connaissais bien Pilote et Le journal de Tintin mais pas Spirou et, du coup, je ne lisais quasiment pas de bandes dessinées de Franquin. Quand j’ai commencé à lire les aventures de Spirou et Fantasio, j’ai d’abord été touché par les albums signés Tome et Janry. Puis, dans un deuxième temps, j’ai découvert grâce à la série « Le Spirou de … » des façons très différentes de percevoir le personnage. Beaucoup d’auteurs se sont prêtés au jeu et c’est ainsi qu’il y eut « Le journal d’un ingénu » de Bravo, « Le Groom vert-de-gris » de Yann et Schwartz ou le surprenant « Il s’appelait Ptirou » d’Yves Sente et Olivier Verron…

Alors, bien sûr, dans un univers aussi large, avec autant d’auteurs qui sont venus livrer leur « Spirou », chacun d’entre nous a le droit légitime d’avoir ses petits chouchous… Il y a des albums qui m’ont beaucoup plus marqué que d’autres et je vais citer quelques très bon souvenirs de lectures : Qui arrêtera Cyanure ?, Virus, Les marais du temps, Spirou ou l’espoir malgré tout… Et il se pourrait bien que maintenant ma liste se prolonge avec « Spirou chez les Soviets » de Tarrin et Neidhardt !

L’idée peut sembler saugrenue de vouloir envoyer Spirou et Fantasio là où Tintin avait été en son temps… puis, on se dit qu’après tout, pourquoi ne pas faire ses bagages. Cette fois-ci, on n’est plus aux origines de l’Union soviétique comme pour Tintin, plutôt en pleine guerre froide. Les Soviets veulent dominer le monde mais semblent vouloir le faire de façon moins guerrière que celle envisagée à une époque… Pour cela, ils ont besoin de l’aide d’un savant incroyable, le professeur et Comte de Champignac…

Dans cet album, rythmé et bien construit, admirablement bien dessiné et passionnant à lire, les auteurs enchainent les citations, les hommages, plus ou moins discrets, aux auteurs de leur jeunesse… Je ne vais pas toutes les relever (d’autant plus que certaines auraient pu m’échapper) mais il n’y aura pas que Tintin, celle qui était évidente à cause du titre…

Spirou et Fantasio vont donc partir chez les Soviets pour sauver Champignac et l’humanité toute entière, le tout de façon légère et sans se prendre la tête, sans tomber dans un jeu idéologique… Il s’agit bien d’un très bon album des aventures de Spirou et Fantasio et peut-être, qui sait, l’occasion de relire ou découvrir certains albums anciens de la série, à vous de voir…

Mais comme l’été c’est fait pour lire, bonne lecture à tous !

Shelton
avatar 10/09/2020 @ 05:43:26
Jeudi 10 septembre

« L’été c’est fait pour lire » et quand j’ai eu en main le nouvel album de mon amie Cati Baur, j’ai tout de suite senti que cette bande dessinée allait être particulière… Et ce fut bien le cas, reste maintenant à vous en parler avec sérieux pour vous transmettre l’envie de l’ouvrir, de la lire, de l’offrir… Car « Vent mauvais » mérite bien ce destin : passer de main en main portée par le vent…

Tout commence avec une bonne crise de la quarantaine, une bonne angoisse du créateur et les soucis habituels du père d’adolescentes… Sans oublier une ex-épouse avec qui le dialogue est impossible et une maitresse quelque peu énigmatique… Béranger souhaite quitter Paris pour trouver le lieu qui lui offrirait l’inspiration, le calme pour écrire et donc le retour au grand succès, car, en son temps, il a bien connu ce succès… Ne fut-il pas le scénariste du film « La preuve par 2 », mais depuis c’est plutôt le grand désert…

Un jour, Béranger trouve ce logement idéal en proche province, entre une route peu passante et un champ d’éolienne… Il tombe sous le charme mais il est bien seul. Sa femme ne le comprend pas, sa maitresse ne veut pas le suivre, ses filles n’ont pas envie de s’enterrer loin de la ville…

Béranger s’installe donc et il commence à retrouver l’inspiration, à rencontrer quelques personnes du village même si on lui explique que les éoliennes, ça rend fou !

Puis, dans ce village, il y a Marjolaine, 34 ans. Elle s’occupe du bibliobus, aime le Scrabble, ne suit pas la mode, vit en solitaire ou presque. Elle tient car elle visite ses parents – qui ont un lien direct avec ces foutues éoliennes – et elle se dope… Enfin, je vous laisserai découvrir la nature de son dopant…

Voilà, tous les ingrédients sont réunis pour une œuvre atypique que l’on pourrait classer dans les drames, voir dans les tragicomédies car tout n’est pas si dramatique quand même… Quoi, que, allez savoir !

Une première remarque, le livre – ou c’est bien une bédé mais c’est surtout un livre – est divisé en chapitre, des chapitres calqués sur les saisons. A Paris, le temps n’est pas si important, quand vous habitez à la campagne, il est essentiel d’autant plus que c’est bien le vent qui actionne les éoliennes…

Mais la force de ce roman graphique – oui, c’en est un aussi – est de poser les relations humaines au cœur de la vie, de montrer l’évolution des personnages et d’ouvrir malgré le drame des perspectives positives… Béranger et Marjolaine sont à la fois des personnages bizarres mais des personnages que l’on croise tous les jours… Béranger, Marjolaine, c’est un peu nous… Les deux filles aussi évoluent et elles peuvent ressembler à nos enfants, à nos nièces, nos petites voisines…

Béranger est à la fois un homme fort, celui qui délaisse Paris pour se reconstruire, mais aussi l’homme faible qui se laisse emporter, qui boit et qui finit par suivre le vent mauvais… à moins que ce ne soit le vent qui le pousse dans le gouffre !

Les thématiques sont très nombreuses et le nombre ne nuit pas à leur traitement : la création, le travail, la vie familiale, le vieillissement, l’amour, le conformisme, l’éducation, la lecture, le jeu, la violence… Le traitement graphique, même s’il peut vous surprendre au départ, est d’une très grande qualité et Cati Baur confirme qu’elle est bien devenue au fil des ans et des publications – non, Cati, je ne suis pas entrain de dire que tu es devenue vieille, juste expérimentée et talentueuse – une véritable autrice de bandes dessinées, une grande professionnelle et une créatrice très sensible !

« Vent mauvais » est une belle bande dessinée dont la lecture m’a procuré beaucoup de plaisir et je vous conseille de la découvrir très vite avant que le vent ne se lève !

Fanou03
avatar 11/09/2020 @ 18:04:06
Lundi 7 septembre
Je ne vais pas vous croire que j’ai lu le premier album des aventures de Lefranc à sa sortie car « La grande menace » est sorti en 1952 quand je ne marchais pas encore sur cette terre…


Ah pour moi les "Lefranc" ils ont un goût de madeleine: j'ai découvert la BD qui paraissait en feuilleton dans "le Pélerin" quand on allait chez ma grand-mère maternelle, qui était abonnée au magazine, dans les années 1985-1990...Mais j'avoue que je n'ai pas suivi la série...ton article me donne envie de m'y replonger !

Shelton
avatar 12/09/2020 @ 09:22:19
Samedi 12 septembre

« L’été c’est fait pour lire » et la lecture ou relecture des grands classiques fait partie intégrante des lectures estivales. Mais, c’est vrai, chacun d’entre nous n’a pas les mêmes repères quand on parle de classiques, ni les mêmes souvenirs, ni la même culture. Balzac, Zola, Flaubert… et, d’une façon générale, tous les romanciers du XIX° siècle ne sont pas perçus de la même façon. Ma mère adorait Balzac et a tenté de nous le transmettre mais elle aimait moins Zola que l’on a découvert seuls. C’est à la fin de mon adolescence que j’ai lu mes premiers Zola grâce à mon parrain qui m’a offert l’Intégrale des Rougon-Macquart. Or, il me faut avouer ici que dès que je les ai lus, tous, j’ai refermé l’œuvre et n’y suis presque pas retourné à une exception près. En effet, j’ai eu l’occasion de relire Germinal, de le décortiquer, de l’analyser sous toutes les coutures ce qui m’en a éloigné définitivement, du moins jusqu’à aujourd’hui…

Par contre, j’ai relu de façon régulière des romans de Balzac ou Flaubert… Zola, non. Mais il ne faut jamais affirmer trop vite que l’on n’y reviendra pas car cet été, quand j’ai vu arriver la bande dessinée d’Agnès Maupré, « Au bonheur des dames », je me suis laissé tenter… Et si j’y revenais à ce Zola…

Il faut d’abord préciser que cette adaptation en bande dessinée est de très grande qualité. Ici on n’est pas dans le classicisme austère. Le graphisme d’Agnès Maupré et les couleurs de Grégory Elbaz nous entrainent immédiatement dans une féérie dramatique. Féérie car il y a du rêve, du dépaysement, du bonheur… mais dramatique car dès les premières planches, il y a la misère, l’exploitation, le mensonge, le profit, la trahison…

Mais, il y a bien autre chose dans cet ouvrage et je ne m’en étais pas assez rendu-compte en le lisant il y a une cinquantaine d’années. Zola, avec ce roman, « Au bonheur des dames », avait écrit une magnifique, une terrible critique du capitalisme naissant, de la société de consommation initiale. Cette critique n’a pas pris une ride, pas vieilli d’une once… que dis-je, elle est totalement d’actualité et Agnès Maupré joue avec cela car elle sait bien qu’aujourd’hui cette critique est peut-être d’autant plus audible !

Alors, quand on a lu avec autant de plaisir cette bande dessinée, on interroge sa mémoire : Zola était-il aussi pertinent ? Le roman «Au bonheur des dames» peut-il être lu avec plaisir (et même bonheur !) aujourd’hui encore ? Pour répondre à cette question, il n’y avait qu’une solution, relire le roman ! Et comme l’été c’est fait pour lire, il fallait juste s’y mettre !

Nous voici donc replongés dans cette période particulière du Second Empire, au moment où la bourgeoisie met en place des grands magasins, quand le commerce au cœur des villes est en pleine expansion…Nous sommes aussi dans une histoire sentimentale, marquée d’un peu de romantisme… Denise se fait embaucher au « Bonheur des dames » car elle pense que c’est la seule solution pour survivre… Mais je n’ai pas l’intention de tout vous raconter car cette lecture me semble une incontournable par les temps qui courent…

Je ne peux que féliciter Agnès Maupré d’avoir réalisé ce travail de vulgarisation, de médiatisation ou de mise sous la lumière d’un roman que l’on avait peut-être oublié dans la poussière… Alors, il faut lire cette bande dessinée et ne pas s’empêcher de reprendre (ou prendre) le roman de Zola qui est à l’origine de cela…

Alors, bonne lecture à tous !

Shelton
avatar 16/09/2020 @ 05:34:25
Mercredi 16 septembre

« L’été c’est fait pour lire » et se souvenir, comme je vous le dis souvent… Le 10 mars 1920, naissait en Région parisienne, un météore surprenant qui allait traverser à grande vitesse notre monde de la littérature, de la musique, de la fête… Trente-neuf ans plus tard, il disparaissait en laissant de gros regrets à certains, dans l’indifférence pour d’autres… En 2020, à l’occasion du centenaire de la naissance de Boris Vian – c’est bien de lui que je veux parler aujourd’hui – de nombreuses publications et rééditions tentent de le remettre sur le devant de la scène. Oui, ce génie protéiforme peut encore nous surprendre, nous apprendre, nous détendre… C’est aux adaptations en bandes dessinées que je vais donc m’intéresser maintenant…

En effet, pour célébrer ce centenaire, plusieurs adaptations sortent en bédé, en particulier, aux éditions Glénat, quatre adaptations des romans signés Vernon Sullivan : J’irai cracher sur vos tombes, Les morts ont tous la même peau, Elles se rendent pas compte et On tuera tous les affreux. Ces quatre romans ont été écrits entre 1945 et 1950 et sous ce pseudonyme, Boris Vian joue à l’auteur américain… Attention, un auteur américain plein de violence, de sexe et d’humour noir…

Boris Vian prend des risques car dans ces romans il joue avec les barrières de l’époque et ses romans viennent surprendre, choquer, déranger… Il propose une vision de la sexualité « autre », c'est-à-dire avec une forme de cynisme, de violence, de mépris, de passion, d’homosexualité, de bisexualité dont la littérature de l’époque ne se faisait pas écho… Il y aura d’ailleurs des procès, des interdits, la censure… ce qu’il cherchait probablement plus que la simple évocation de fantasmes cachés…

Le scénariste de ces quatre adaptations est Jean-David Morvan, un créateur solide de la bande dessinée contemporaine. Il n’a pas cherché le mot à mot, le strict collé au texte original, il a voulu une adaptation fidèle mais moderne, une version qui puisse créer le même choc pour les lecteurs que les romans dans les années 1946-1950… L’esprit des romans est donc bien là et c’est une grosse claque pour les lecteurs qui découvrent et une belle piqure de rappel pour les autres !

Pour que cela fonctionne bien, il fallait des dessinateurs à la hauteur, c'est-à-dire capables graphiquement de faire revivre ces personnages souvent cruels, ces scènes crues, cette violence surprenante, ce noir pétri d’humour car l’humour reste bien présent dans ces bande dessinées… Ils sont tous bons et parfaitement dans le tempo, ce qui n’empêche pas le lecteur d’avoir son petit préféré…

Je ne sais pas si c’est à cause de l’histoire, de l’adaptation, du dessin ou simplement parce que je n’avais pas lu le roman au départ, mais mon adaptation préférée est celle de « Elles se rendent pas compte ». On peut dire qu’il s’agit d’une affaire policière dans un roman noir et cruel. Tout commence lors d’un bal masqué, quand Francis Deacon se déguise en femme et découvre que sa maitresse est une grosse camée, ce qu’il ne supporte pas… Très rapidement, Francis qui n’est pas un pro se retrouve dans la panade totale et, heureusement, son frère Ritchie est là pour lui donner un coup de main… Bon, ce résumé est bien en deçà de la réalité, que voulez-vous, il est impossible de résumer correctement un roman de Vian… d’autant plus s’il est signé Vernon Sullivan !

Alors, puisque l’été c’est fait pour lire, puisque nous célébrons le centenaire de la naissance de Boris Vian, puisque qu’il y a de magnifiques adaptations de ses romans en BD, puisque vous avez donc un grand choix face à vous, je ne peux que vous souhaiter bonne lecture à tous !

Shelton
avatar 17/09/2020 @ 07:34:01
Jeudi 17 septembre

« L’été c’est fait pour lire » et parfois pour agir ! Enfin, c’est ce qu’avait un peu en tête Simon Hureau quand il s’est mis à réaliser cette bande dessinée « L’oasis » ! Simon est un auteur de bande dessinée ordinaire, un citoyen comme les autres qui a en plus, comme beaucoup aujourd’hui, une certaine sensibilité écologique…

Alors qu’il prend son petit déjeuner, chez lui, tranquillement, en écoutant la radio, il apprend que Nicolas Hulot démissionne de son poste de ministre… « Je ne veux plus me mentir, je ne veux pas donner l’illusion que ma présence au gouvernement signifie qu’on est à la hauteur sur ces enjeux-là ; et donc je prends la décision de quitter le gouvernement… »

Simon Hureau s’interroge alors, très concrètement : «La biodiversité fond comme neige au soleil mais pourquoi ne dit-on pas aux gens qu’il est assez simple de la favoriser, voire de la restaurer, de la générer… ». C’est ainsi que nait « L’oasis »…

Attention, il ne s’agit pas d’une bande dessinée théorique et politique, juste d’un témoignage. Simon Hureau va nous raconter comment il est devenu propriétaire d’une maison qui ne payait pas de mine, loin de la ville avec un jardin un peu stéréotypé pour ne pas dire sans vie…

On peut lire cet ouvrage de plusieurs façons car c’est une véritable aventure, c’est aussi de l’écologie pratique et c’est enfin un magnifique album pour apprendre à différencier certains animaux ou plantes… Au fur et à mesure que les animaux se réapproprient l’espace du jardin, on les voit arriver, s’installer, et Simon nous aide à les nommer comme il l’a fait avec ses enfants… C’est passionnant, enrichissant et encourageant… Oui, rien n’est définitivement mort… Il faut encore se battre !

J’ai découvert ce livre en sortant du confinement, lorsque durant mes premières randonnées je constatais que la nature avait repris certains de ses droits durant notre absence. C’est en mai et juin derniers que j’ai vu le plus d’animaux différents, petits et gros, par rapport aux trois ou quatre années passées ! Il suffit donc de pas grand-chose pour que certaines choses se remettent en place, je n’ai pas dis que cela suffisait pour effacer toutes nos erreurs passées !

Alors, bien sûr, certains trouveront l’ouvrage trop moralisateur tandis que d’autres le considéreront salvateur. Moi, je pense qu’il navigue entre les deux extrêmes mais qu’il est surtout et indiscutablement pédagogique c’est çà dire utile à tous. Comment ne pas être proche de ce jardinier qui tente tout pour avoir de la véritable diversité à sa porte, pour la donner à contempler à ses enfants, pour finir par l’aimer et la protéger astucieusement et naturellement…

Certes, il s’agit d’une bande dessinée atypique qui n’a rien à voir avec les séries d’aventures, de science-fiction ou de fantasy… Mais quel plaisir de pouvoir lire « L’oasis », de s’y réfugier et surtout d’y revenir avec ses petits enfants quand on a la chance d’avoir vu un des animaux présenté comme par exemple après que nous ayons vu en forêt un magnifique spécimen de zygène de la filipendule… Mais, Simon Hureau, lui, il l’a dans son potager !

Enfin, je remercie une fois encore ma libraire qui m’a conseillé ce livre que je n’avais pas vu passer… Important d’avoir une bonne libraire, de l’écouter, de lui parler… Bon, puisque l’été tire à sa fin, que la nature est entrain de changer de tenue, cette lecture devrait vous permettre de prolonger cette saison estivale et comme « l’été c’est fait pour lire », bonne lecture à tous !

Shelton
avatar 18/09/2020 @ 07:40:29
Vendredi 18 septembre

« L’été c’est fait pour lire » et souvent ces lectures estivales nous permettent de mieux comprendre quelques grands problèmes de notre société. Un jour, de façon inattendue, Fabien Toulmé s’est retrouvé devant une énigme et sa fille qui lui demandait des explications : Dis Papa, pourquoi il y a des gens qui meurent dans la mer Méditerranée ? Auriez-vous su répondre chers amis ? Pas sûr, en tous cas nous aurions tous eu des doutes, des interrogations sans réponses, des blancs… Fabien était comme nous et il a décidé d’en savoir plus et d’en faire une bande dessinée…

Bon, c’est sûr, cette bande dessinée est militante d’une certaine façon, pédagogique et pas exhaustive. En effet, Fabien Toulmé a bien rencontré Hakim, un Syrien, il a pris le temps de l’interviewer et il raconte son « grand voyage » de la Syrie à la France. Mais ce n’est qu’un témoignage, cela n’a pas vocation à donner toutes les clefs de ces migrations de notre temps…

Par contre, ce témoignage est fort, profond, raconté avec empathie et bienveillance, décrit avec précisions et détails, et, à ce titre, il est indispensable de le lire pour comprendre un peu mieux qui sont ces femmes et ces hommes qui arrivent chez nous ! J’oubliais les enfants aussi et, pourtant, ils sont bien présent dans cet ouvrage qui est composé de trois volumes…

Ce témoignage est aussi salutaire car il nous montre la réaction des « gens » vis-à-vis de ces migrants. Je n’ai pas dit des Français mais des « gens » en général c'est-à-dire des Libanais, des Turcs, des Macédoniens, des Grecs, des Hongrois, des Autrichiens, des Suisses, des Français… Finalement, on n’est pas toujours fier d’être Européens ou Français…

Fabien Toulmé a choisi de nous raconter tout cela en bande dessinée car c’est bien son mode d’expression et il le maitrise très bien. Comme Guy Delisle et quelques autres, ce n’est pas un cahier de dessin, de magnifiques œuvres graphiques que l’on pourrait contempler dans le silence… ici, on est dans un récit et le dessin, que dis-je, la narration graphique est là pour dire, faire comprendre, pointer du doigt et du crayon l’essentiel et ça fonctionne merveilleusement bien !

Fabien Toulmé avait commencé sa carrière d’auteur bédé en racontant l’arrivée de sa petite fille différente, « Ce n’est pas toi que j’attendais » et sa bande dessinée suivante nous avait prouvé qu’il était capable de faire autre chose que de l’autobiographie avec une fiction très forte « Les deux vies de Baudouin ». Là, il fait dans l’enquête et c’est aussi très réussi… En quelques années, Fabien Toulmé montre son talent avec brio et je suis conquis par cet artiste !

Il faudrait maintenant, non pas que tous ceux qui se préoccupent de ces migrations du XXI° siècle lisent cette bande dessinée (car ils sont déjà convaincus ou presque) mais que tous ceux qui croient que ces Syriens sont des fainéants, des déserteurs, des profiteurs, des malhonnêtes… lisent cette bande dessinée et qu’ils puissent même aller à la rencontre de tous ces Hakim qui sont aujourd’hui en France bien souvent abandonnés de tous… Oui, mais là je rêve un peu… Encore qu’un peu d’idéalisme ne ferait pas de mal à notre société…

Alors, puisque l’été c’est fait pour lire, puisque nous sommes encore en été, puisque les trois tomes sont maintenant sortis et disponibles, je ne peux que vous souhaiter une excellente lecture !!!

Shelton
avatar 19/09/2020 @ 08:49:06
Samedi 19 septembre

« L’été c’est fait pour lire » et lire c’est partir à l’aventure ! Il y a quelques années, j’avais écrit en parlant de notre auteur du jour : « Ouvrir une bande dessinée de Jaime Martin c’est accepter de partir pour l’inconnu, d’être bouleversé, d’être déstabilisé et de revenir différent. Cela a été le cas avec « Ce que le vent apporte » et c’est de nouveau vrai avec « Toute la poussière du chemin » ! » Et je vous confirme que c’est toujours le cas avec sa nouvelle bande dessinée, « Nous aurons toujours vingt ans »…

Après avoir travaillé avec des scénaristes comme le brésilien Wander Antunes, Jaime Martin s’est mis à nous raconter son Espagne, sa vie, celle de ses proches… C’est ainsi que nous avons eu plaisir à lire « Les guerres silencieuses » et « Jamais je n’aurai vingt ans »… Ici, ce sera sa jeunesse, une jeunesse particulière au moment où l’Espagne tente de s’extirper du franquisme.

Pour nous Français, je parle de ma génération, le franquisme est un mouvement politique et une dictature que nous ne connaissons pas très bien. Quand j’étais à l’école, on apprenait juste que Franco était arrivé au pouvoir à l’issue d’une terrible guerre civile, qu’il n’avait pas voulu une alliance totale avec Hitler, qu’il avait joué un jeu ambigu mais on n’allait jamais bien loin… A cette époque on restait focalisé sur la Résistance française… Puis après, la parole s’est libérée, on a commencé à parler de la façon dont on avait traité les Républicains chassés d’Espagne par Franco mais on ne cherchait quand même pas trop à savoir tout ce qu’ils avaient vécu…

J’ai le sentiment que l’arrivée d’auteurs espagnols en France a permis à la bande dessinée de nous raconter, en tous cas de façon plus précise, la guerre civile, la dictature de Franco et certains malheurs de nos voisins espagnols… Jaime Martin appartient à ces auteurs et je suis heureux de l’avoir lu et même rencontré deux fois…

Dans ce nouvel album on voit la jeunesse de Jaime, une jeunesse pas si malheureuse que cela car quand on est jeune on a toujours l’impression de tout devoir créer en luttant contre les « vieux » et à ce titre, il a bien vécu une jeunesse normale. Mais, il y a un bonus car c’est une jeunesse sous une dictature… Attention, ce n’est pas larmoyant, c’est, au contraire, plutôt chaleureux, drôle et porteur de réflexion… J’ai adoré les illustrations qu’il a faites pour un prêtre dans une école chrétienne, lui qui appartenait à une famille communiste et anticléricale…

On découvre aussi les dessous de la société espagnole avec le hard rock, avec la bande dessinée, avec l’emploi et le chômage, avec les pressions exercées sur les familles… Tout cela est raconté comme si c’était normal, juste banal… Pour nous c’est surprenant, le choc est conséquent mais si on se souvient bien du gaullisme ambiant de notre jeunesse on finit par relativiser un peu… Oui, je vous vois frémir, j’assimile De Gaulle à Franco, quel scandale ! Bon, d’abord, je parle bien de la fin du franquisme et d’autre part je rappelle que quand j’étais jeune on considérait De Gaulle comme un chef d’état autoritaire, on appelait l’ORTF le média du pouvoir, certaines milices comme le Service d’Action Civique faisait régner une ambiance très particulière et que tout cela s’est terminé par Mai 1968 que j’ai vécu comme une tentative insurrectionnelle pour sortir de cette situation… Ok, j’étais jeune et c’est certainement une vision un peu romantique mais quand même… Mais, quand on raconte sa jeunesse, on le fait comme on l’a vécue… C’est ainsi !

Bon, je me suis éloigné quelque peu de l’Espagne de Jaime Martin mais chaque lecture nous pousse vers nos souvenirs, nos vies, on ne peut rien y faire ! Donc, merci Jaime d’avoir pu permettre de telles connections !

C’est aussi le moment de redire le bien que je pense, en tant que lecteur, de cette collection Aire Libre. Tout d’abord, il s’agit de récits en un ou deux albums et donc jamais de processus long et interminable. Deuxièmement, les auteurs sont triés sur le volet et chaque parution est de qualité, dans le texte, dans le dessin, dans la finition de l’objet livre… Que du bonheur ! Il s’agit de ces espaces de qualité que la bande dessinée a fini par s’offrir : Aire libre, Signé, Mirage, Ecriture… sans vouloir être exhaustif, bien sûr !

Alors, osez ouvrir cet album, cette histoire, ce témoignage profondément humain, signé Jaime Martin et plongez dans l’Espagne de l’après-franquisme… ou dans votre mémoire du gaullisme ! Très bonne lecture à tous !

Shelton
avatar 21/09/2020 @ 08:18:12
Lundi 21 septembre, dernier jour de l'été...

L’été se termine donc et cette chronique aussi. Certes, on a le droit de lire durant l’automne, l’hiver et le printemps et vous avez bien compris qu’il ne s’agissait là que du nom donné à une critique il y a déjà plus de vingt ans… Comme quoi le temps passe et sacrément vite !

J’espère que tous ceux qui se sont arrêtés lire cette chronique ou qui l’ont écouté à la radio ont trouvé au moins une idée de lecture car c’était bien là l’objectif… Pour ceux qui ont trouvé plus, ce n’était pas interdit !

J’espère aussi que ceux qui auront lu certains des livres proposés n’auront pas été déçus. Mais dans ce genre de propositions quotidiennes, la déception peut être au rendez-vous car nous avons le droit, droit inaliénable, de ne pas éprouver les mêmes sentiments après une lecture… C’est ainsi !

Je rappelle d’ailleurs qu’il ne s’agissait pas de critiques mais de chroniques car je suis beaucoup plus un chroniqueur qu’un critique ! Et pour les amateurs de chiffres, il y a eu cette année 76 chroniques…

Je vais donc reprendre le rythme normal de travail avec deux kiosques à BD par semaine, émission de radio diffusée par RCF en Bourgogne, avec un auteur invité par émission ; mais aussi deux chroniques BD par semaine sur d’autres radios dont les textes seront déposés ici... Sans oublier quelques autres chroniques sur les livres en général et les polars en particulier…

Merci donc à tous, pour vos lectures attentives, vos réactions, parfois vos idées de lectures. Quand la lecture est au cœur de nos partages, c’est toujours un enrichissement pour tous !

Bonne lecture à tous, à très bientôt et à l’été prochain pour la chronique « L’été c’est fait pour lire » !

Saint Jean-Baptiste 21/09/2020 @ 09:24:45
Merci Shelton et à l’été prochain.
;-))

Début Précédente Page 6 de 6
 
Vous devez être connecté pour poster des messages : S'identifier ou Devenir membre

Vous devez être membre pour poster des messages Devenir membre ou S'identifier