Sissi

avatar 14/10/2014 @ 23:34:08
J'ai mis exprès le "sans coeur" entre guillemets. Et oublions le mépris.

Mais quand tu écris ça (et le reste: la nouvelle génération... je suis curieuse de savoir qui connait un peu le terroir.. je suis surprise parce qu'il y a de l'humanité etc)

"On peut ne pas être touché par cette vie mais il faut savoir qu'elle existe et que ces gens sont des gens de la terre ,cette terre qui nous nourrit et la ferme traditionnelle est vouée à la disparition. Le paysan pour moi, comme l'ouvrier d'usine, m'ont toujours touchés ".

Je trouve que ça sous-entend un peu que pas touchée par le livre= pas touchée par les petites gens et la vie de ces derniers.
Et je trouve le raisonnement faux, (et injuste).
Ce n'est pas "cette vie" qui ne me touche pas, c'est la forme dans ce livre.

Mais si je me suis méprise, tant mieux!
Et tant mieux si ça a été une belle lecture pour toi.

Pieronnelle

avatar 15/10/2014 @ 00:24:34
Donatien, Shelton y ont trouvé de l'humain, je me posais la question de savoir pourquoi on pouvait ne pas être touché. Oui ça peut être une question de géneration qui peut se sentir très loin de ce monde. Et là encore sans jugement. Ça peut être la forme du livre, son style et là toujours pas de jugement. Ça peut être un thème vers lequel on n'est pas particulièrement attiré même si on y entre par curiosité d'où ma question. D'ailleurs peut être que c'est pour cette raison que certains n'ont pas participé...
Une lecture est toujours très personnelle mais quand on choisit d'en faire une commune il m'a semblé normal de motiver son avis. Benjamin n'a pas été touché, il a trouvé Joseph glacial , l'intérêt c'est bien justement de mettre face à face des ressentis aussi contraires.
Pucksimberg a évoqué le fait que je connaisse cette région et j'avoue que ça a dû jouer. Au début j'étais moyennement emballée et puis je me suis faite happée par le style, la forme et Joseph a pris vie et m'est apparu extrêmement humain et il me touchait de plus en plus.
Benjamin se demande ce que l'auteur a voulu vraiment faiire avec ce personnage. Je pense qu'elle n'a pas cherché forcément à toucher mais a laisse le lecteur en face de ce témoin d'un monde dans lequel il a vécu mais qu'elle montre dans toute son humanité.
Après l'appréciation est personnelle...

Shelton
avatar 15/10/2014 @ 05:51:06
Quand on décide de lire tous ensemble un roman, on a envie de partager au fur et à mesure, d’expliquer pourquoi on a aimé et ou pas, de donner des explications même là où il n’y en a pas besoin car, parfois ressentir ne s’explique pas. C’est ainsi. Point.

Le premier problème rencontré dans cette lecture de Joseph a été la taille du livre. Certes, la taille ne donne pas d’indication sur la qualité de l’ouvrage, mais pour donner le temps de lire et commenter, il faut visiblement un ouvrage plus volumineux, plus long à lire… Le roman d’Antoine Volodine aurait été plus adapté. C’est une leçon à retenir pour le futur, ce n’est pas un critère absolu, mais si c’est trop court, les premiers ont terminé la lecture alors que d’autres n’ont pas encore eu le temps d’attraper le livre…

Dans l’analyse de cette lecture, je pense qu’il faut distinguer plusieurs parties pour ne pas commencer à polémiquer là où il ne le faut pas. Je distinguerai donc : la forme, le thème, les personnages, mon ressenti à la lecture… et ce n’est certainement pas exhaustif.

La forme ! Elle a visiblement décontenancé au départ et certains sont peut-être restés bloqués. Oui, il s’agit d’une longue narration – même si le livre est court par ailleurs – avec des descriptions, l’utilisation de l’imparfait, une absence totale de dialogue, aucun découpage en paragraphe, des chapitres assez longs car comme on ne trouve pas les zones de respiration, on est un peu en apnée… Si vous me permettez cette expression !

La forme toujours de cette narration ! Elle ne suit aucune logique, elle n’est ni chronologique, ni psychologique, ni scientifique, ni agricole – je rigole un peu quand même – mais elle fonctionne comme le rêve, comme la mémoire, comme nos pensées vagabondes… un mot en appelle un autre, une idée en réveille une autre, une image en reconstruit une autre… L’enchainement est rapide, certaines évocations sont très fugaces, millimétrées, s’estompent à peine arrivées…

La forme encore ! L’auteur donne l’impression de regarder Joseph mais de l’intérieur sans lui donner franchement la parole et du coup le lecteur hésite. Joseph est-il un héros à suivre, est-ce lui le cœur de la narration, ou est-ce le monde rural, la misère verte, le prolétariat agricole… Il hésite avant de comprendre que cette narration est surtout et essentiellement celle qui raconte de façon réaliste la vie quotidienne de Joseph, ouvrier agricole, dans le Cantal. Remarquez que le Cantal est très anecdotique et que la même histoire pourrait avoir lieu dans le Charollais, dans la Bresse ou dans n’importe quelle des campagnes agricoles françaises…

Car le thème est une peinture réaliste de ce monde rural en voie de disparition, du moins tel qu’il nous est décrit là. Les ouvriers agricoles ne sont presque plus hébergés ainsi, les liens ne sont plus de personne à personne, il y a eu une prolétarisation de ces métiers. Ils sont d’ailleurs salariés et éjecté dès qu’il n’y a plus le besoin. Fini les « carrières » dans une même ferme durant une année, une décennie, voir plus…

Mais le thème est plus complexe car à partir du moment où on veut montrer toute cette vie, il faut aussi parler de l’amour, de la vie, de l’argent, de l’alcool, de la mort… Oui, il y a bien tout cela dans ce « petit » texte, même si certains points sont là qu’en petite ponctuation du récit…

Certains points peuvent sembler secondaires, mais sont plus fort qu’on ne le pense à la première lecture. Par exemple, quand la mère de Joseph part pour habiter chez son autre fils, elle résume sa vie, ce qui lui reste, ses racines, en un petit volume qui doit tenir dans la voiture. La ferme, la terre, les bêtes, n’appartiennent pas aux agriculteurs. Elles sont avant eux et restent après. Du coup, les biens, sont très peu nombreux… Pour la mère cela tient dans le coffre de la voiture, mais pour Joseph, qu’est-ce qu’il y aura quand on aura enlevé de son enveloppe-coffre-fort de quoi régler les frais d’obsèques ?

Les personnages sont très nombreux, finalement, et souvent on les croise vite et on en retiendra qu’un prénom, un qualificatif, le frère, la mère… Est-ce que, là encore, ce n’est pas la preuve que l’auteur considère que les femmes et les hommes sont secondaires par rapport à cette campagne qui vit et continue de vivre malgré tout ? Certains personnages, je pense à un certain Daniel, provoque l’interrogation ou la révolte du lecteur. Mais ce dernier n’en sera pas beaucoup plus car pour l’auteur l’évocation, la présence d’un enfant dans son lit, le malheur induit par cette situation, ne sont là que pour poser une touche de couleur – comme un peintre qui termine sa toile avec des gestes que nous ne comprenons pas car tout semble terminé – car ce n’est pas un roman sur la pédophilie !

Mon ressenti à cette lecture, certains l’ont déjà compris, est très positif. Tout d’abord, parce que c’est cette littérature que j’aime. Il n’est pas question pour moi de dire qu’elle est grande, classique, éternelle… mais plutôt d’affirmer qu’elle me parle, tout simplement. J’aime cette littérature qui me parle des êtres humains, sans sentimentalisme excessif, sans chaleur particulière, sans proximité usante et périlleuse. L’être humain est là, il tente de survivre, il est balloté par le temps, les autres, la nature, les circonstances… mais il tente de rester là, debout, vivant !

J’aime ces phrases simples, qui montrent sans porter de jugement. Après tout, si j’avais été Joseph j’aurais aimé qu’on me foute la paix ! On peut parler de moi, ça je ne peux pas l’éviter, mais qu’on ne porte pas de jugement, qu’on ne cherche pas à me dire ce qu’il faut faire ou pas…

C’est pour cela que j’ai ce roman comme j’aime les textes d’Annie Ernaux qui dans un genre légèrement différent par de ce quotidien qui écrase l’homme, l’étouffe, le fait souffrir… et le laisse blessé sur le bord de la route…

Enfin, la question de l’alcool est bien abordée et certains le savent, ce n’est pas une question qui me laisse indifférent puisque ma mère a été touché par cette maladie particulière qui fait souffrir l’environnement familial et amical…

Tout cela pour dire – excusez ma longueur – que j’ai aimé cette lecture et ce roman !

Donatien
avatar 15/10/2014 @ 09:32:57
D'accord avec Shelton!
Il faudrait que le livre choisi puisse occasionner de plus longs échanges entre lecteurs, bien qu'il soit toujours possible d'analyser et de commenter une œuvre. il suffit de relancer l'un des thèmes ou des techniques utilisés par l'écrivain.

A mon sens, mais je ne suis pas le seul, un avis sérieux et réfléchi ne peut être donné qu'après une RELECTURE du livre dont question.
Au risque de me faire lapider!

Dans le cas de JOSEPH , traitant d'un monde agricole disparaissant, seule une partie des lecteurs se sentaient attirés par ce thème.
Le même reproche aurait pu être exprimé si "Terminal radieux" avait été choisi parce que beaucoup considère l'œuvre de Volodine comme étant "fantastique ou science-fiction", ce qu'il refuse.
Et il est tout à fait normal et sain que chaque lecteur ait des préférences ou des rejets. Si c'est de la vraie littérature, peu importe le sujet, les qualités de l'écriture devraient pouvoir séduire les plus réticents.
Une relecture ,même partielle, est donc , en ce qui me concerne
la meilleur façon d'apprécier une œuvre à sa juste valeur.
Mais cela n'est possible que pour les écrivains qui nous ont émus ou interpellés.

Pieronnelle

avatar 15/10/2014 @ 10:18:03
Tout à fait d'accord avec Shelton et Donatien.
Et je trouve que le livre effectement est un peu court pour justifier des commentaires en cours. En même temps aurait-il été possible de faire plus long vu effectivement l'absence de vraies respirations voulue par l'auteure...
Concernant la question du thème il est clair que je n'aurais pas participé à la lecture du Volodine et sans porter aucun jugement sur l'auteur . Mais même si l'on n'est pas attiré par un thème ou un univers on peut avoir de belles surprises. C'est ce qui m'est arrivé avec Monsieur le commandant où j'ai détesté le personnage mais adoré le style, la forme et la superbe écriture qui m'a fait accepter ce témoignage de la possibilité d'une telle horreur.
C'est pourquoi si l'empathie de l'auteure pour Joseph ne passe pas c'est que le style et la forme n'ont pas fonctionné pour certains.

Pieronnelle

avatar 15/10/2014 @ 10:23:51
N'ont pas DU fonctionné pour certains...(ce n'estqu'une suggestion...)

Pieronnelle

avatar 15/10/2014 @ 11:14:44
J'avais préparé déjà ma critique mais peut-être préférez-vous attendre ? Personnellement ça me plairait bien que Shelton fasse la critique principale.:-)

Pucksimberg
avatar 15/10/2014 @ 11:56:16
Bon, je crois qu'on est tous d'accord sur le fait qu'il est préférable de choisir un roman plus épais. C'est sans doute pour cette raison aussi que j'avais voté pour le Volodine et le Pynchon.

Maintenant, je reconnais que nos discussions sur le roman m'ont intéressé quand même. J'aime bien voir ce que les autres ont aimé dans un texte qui m'a moins touché. Mais c'était trop court ! :-)

J'attendais que Pieronnelle fasse sa critique avant de faire la mienne ! :-)
Ou Shelton s'il le souhaite ...

Shelton
avatar 15/10/2014 @ 13:02:51
J'attendais que Pieronnelle fasse sa critique avant de faire la mienne ! :-)
Ou Shelton s'il le souhaite ...


On ne va pas se disputer, à toi l'honneur Pieronnelle !!!

Feint

avatar 15/10/2014 @ 14:03:19
Si c'est de la vraie littérature, peu importe le sujet
Je like.

Pieronnelle

avatar 15/10/2014 @ 14:32:08
Du coup j'ai le trac :-)

LesieG

avatar 15/10/2014 @ 19:09:45
J'avance vraiment très doucement, c'est vrai que Joseph est un observateur mais ça ne me dérange pas, je ne sais pas si ça a déjà été dit auparavant mais je trouve qu'il y a aussi une certaine nostalgie sur son enfance.

Pucksimberg
avatar 16/10/2014 @ 20:30:44
J'avance vraiment très doucement, c'est vrai que Joseph est un observateur mais ça ne me dérange pas, je ne sais pas si ça a déjà été dit auparavant mais je trouve qu'il y a aussi une certaine nostalgie sur son enfance.


Et tu en penses quoi pour l'instant ? :-)

LesieG

avatar 17/10/2014 @ 10:49:56
J'avance vraiment très doucement, c'est vrai que Joseph est un observateur mais ça ne me dérange pas, je ne sais pas si ça a déjà été dit auparavant mais je trouve qu'il y a aussi une certaine nostalgie sur son enfance.



Et tu en penses quoi pour l'instant ? :-)


Voilà, j'ai fini Joseph et j'ai adoré tant l'écriture que ce personnage, qui c'est vrai, est un observateur. Toutefois il y a quand même un côté où il se dévoile et où on le découvre, son rapport avec sa mère, les femmes et l'alcool. C'est écrit avec pudeur même pour les scènes qui sont très gênantes (je parle du moment où il raconte l'histoire odieuse de Rémi).

Pieronnelle

avatar 17/10/2014 @ 11:33:45
Oui je suis d'accord avec toi Lesie sur cette scène avec Rémi ; c'est cette pudeur qui lui donne cette force et qui montre la torture intérieure due à culpabilité. Mais Joseph n'est pas fort pour supporter ou dénoncer ce genre de choses qui le dépassent mais cela montre son hypersensibilité.

Shelton
avatar 18/10/2014 @ 10:06:04
J'ai enfin mis en ligne ma critique de Joseph...

Shelton
avatar 18/10/2014 @ 12:36:01
J'attends celles des autres lecteurs...

Pucksimberg
avatar 31/10/2014 @ 18:06:58
Marie-Hélène Lafon était invitée à "La Grande librairie" pour parler de son roman "Joseph". Je note le lien qui mène à la vidéo de l'émission pour ceux qui seraient intéressés :

http://culturebox.francetvinfo.fr/emissions/…


Je la trouve très intéressante en interview, par sa vivacité et son vocabulaire imagé. Elle a établi des liens entre son roman et "Un coeur simple" de Flaubert, en rapprochant Joseph de Félicité. Je crois bien que je vais me replonger dans le texte de Flaubert ... :-)

Pucksimberg
avatar 31/10/2014 @ 18:11:59
Elle invitée hier à l'émission de François Busnel, j'aurais p'tre dû le préciser !

Pieronnelle

avatar 31/10/2014 @ 18:26:19
Ah merci ; je me disais bien aussi , qu'est-ce que je l'ai aimé ce Coeur simple ! Je l'ai même relu il n'y a pas longtemps alors que j'étais perturbée par L'education sentimale dont la lecture m'ennuyait, afin de vérifier si j'aimais toujours Flaubert. Et bien oui , je l'aime toujours !
Bon je vais regarder le lien...

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