Où il est le p'tit Jésus, tabarnac ? de Yves Chevrier

Où il est le p'tit Jésus, tabarnac ? de Yves Chevrier

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Libris québécis, le 28 février 2005 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 7 étoiles
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La Prêtrise au 21e siècle

Le prêtre représente une figure ambiguë de la société dont on se méfie de plus en plus. Les pédophiles du clergé bostonnais a entraîné d’ailleurs la faillite du diocèse à la suite des nombreux procès dont ils furent l’objet. Les ecclésiastiques se sont donc créé une mauvaise réputation, mais ils ont déjà occupé dans notre esprit une place privilégiée. Que l’on pense au curé de Bernanos, à Léon Morin de Béatrix Beck ou au missionnaire d’Archibald Joseph Cronin. Quant à Yves Chevrier, il questionne les pratiques associées au représentant de Dieu sur la terre.

Son héros, Félix Thivierge, porte comme nom tout un programme en soi : heureuse chasteté. Quoiqu’il en soit, c’est un trentenaire dont l’apparence extérieure rappelle la face du Christ ou de Guevara. Et comme eux, il a un préjugé favorable pour les moins bien nantis. Bienheureux les pauvres! La pauvreté élevée au rang de dignité humaine. Fort de cette naïveté socialiste qui prônait un nivelage social à la baisse aux lendemains de 1968, le bon prêtre quitte l’enfer de Montréal pour les rives célestes du lac Témiscouata. Au volant d’un « char » de curé, une petite Dart de Chrysler, il arrive à Saint-Just, un village gaspésien fondu dans un paysage paradisiaque. Il est particulièrement enthousiasmé par ses nouveaux paroissiens qui déploient tous les efforts nécessaires pour assurer le développement économique de leur région en mettant sur pied une coopérative agro-forestière.

Félix Thivierge trouve enfin l’orientation qu’il faut donner à son sacerdoce. Animé de bons sentiments, il congédie la servante devant veiller à son bien-être, il dépouille l’église de ses œuvres d’art, reliques bourgeoises qui ne siéent pas à la charité chrétienne, et il transforme le presbytère en centre d’accueil pour les freaks (paumés) de la ville et les mères célibataires. Il croit vraiment remplir sa mission sacerdotale en poussant sa nouvelle moto vers les bars pour prendre un coup (boire) en toute fraternité ou pour se frotter en dansant contre des jeunes femmes en mal de convivialité. Cette conduite met en branle les ragots de ceux qui s’attendent de leur pasteur une rectitude à toute épreuve. C’est bientôt tout le Témiscouta qui freake (est secoué) à cause de l’ouverture d’esprit de ce cénobite amoureux de sa communauté.

Ses aventures n’atteignent pas la densité dramatique des rapports entre la comtesse d’Ambricourt et son curé. On dirait plutôt des bobards racontés par un vieux lubrique qui veut se rendre intéressant. Malgré le titre frondeur, le roman est d’un classicisme qui rappelle l’art d’écrire des années 1940. Mais, en général, les Québécois reconnaîtront en Félix Thivierge une connaissance qui a déjà été aux prises entre l’appel de Dieu et celui très pressant de la chair qui a détourné de nombreux prêtres de la chaire alors que le sacerdoce leur allait comme un gant. L’amour serait-il tabou pour Dieu?

P.S. Tabarnak est un juron québécois dont se servent les Mexicains pour nous désigner. Ils nous appellent affectueusement les Tabernacos.

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