La beauté silencieuse de l'Ange

L’Ange du silence de Marine Rose

Lire L’Ange du silence, c’est aborder le rivage d’un monde nouveau. On y goûte une langue comme on goûte une langue étrangère — celle des Anges. Marine Rose déploie ici une écriture du sacré qui, par instants, rappelle le Cantique des Cantiques. Mais il ne s’agit pas d’une simple prière : c’est une offrande ardente où le souffle spirituel se confond avec le souffle du désir.

À ce titre, le recueil se distingue radicalement d’œuvres comme Dialogue avec l’Ange ou certains poèmes de Rilke. Chez ces derniers, l’Ange garde les portes du Ciel, imposant parfois une part de crainte et de gravité. Ici, au contraire, il est amant, compagnon, gardien fidèle des amours de la poétesse. Les vers s’embrasent d’une tendresse charnelle où le corps devient temple et offrande. Cet érotisme ne relève jamais de la profanation : il confine au vertige, car il dévoile que la chair elle-même, quand elle se laisse transfigurer, participe au divin. Marine Rose ose dire la brûlure et la douceur de cette union, et par là elle restitue au langage poétique son pouvoir le plus originel : celui de faire trembler l’âme et le corps dans un même frisson.

L’Ange est aussi le maître des métamorphoses. Chaque poème semble être une étape de transmutation intérieure : la douleur se convertit en force, l’ombre en lumière, la perte en promesse. On sent qu’il préside à un véritable travail alchimique, veillant sur les passages secrets de l’âme. Lire Marine Rose, c’est accepter d’entrer dans ce mouvement de métamorphoses, où l’on ressort changé, purifié, agrandi par l’épreuve du feu et du souffle.

Enfin, cet Ange se révèle médiateur entre Ciel et Terre. Il n’est pas une figure abstraite : il est un pont, une passerelle vivante entre le monde visible et l’invisible. À travers lui, la poétesse nous rappelle que l’humain n’est jamais séparé du divin, mais qu’il faut un intercesseur pour réapprendre à circuler entre les deux rives. L’Ange devient ainsi visage d’un Dieu jamais nommé et pourtant omniprésent, irradiant à travers les métaphores, traversant la langue comme une lumière à travers un vitrail.

Et si le monde moderne est parfois évoqué, c’est toujours en contrepoint : ses mirages, sa froideur mécanique, ses relations techniques dépourvues d’âme se dressent en opposition à la chaleur sacrée de l’Ange. Plus qu’une fuite, la poésie de Marine Rose est une réaffirmation : l’invisible, le sensuel et le divin sont encore là, vivants, brûlants, offerts.

Dans ce double recueil, Marine Rose ne se contente donc pas de tracer une géographie des mondes invisibles : elle nous fait entrer dans une célébration, une offrande totale de soi. Car le plus haut acte de sa poésie réside dans cet abandon absolu aux bras de l’Ange, jusqu’à la fusion, jusqu’à la dissolution dans une lumière qui embrasse l’âme et le corps, le ciel et la terre, l’humain et le divin.

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  L'ange du silence [Texte imprimé], deux recueils Marine Rose

  de Rose, Marine
  Stellamaris
  ISBN : 9782368688502 ; 20,00 € ; 03/03/2024 ; 120 p. Broché

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