La guerre par d'autres moyens de Karine Tuil

La guerre par d'autres moyens de Karine Tuil

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par CHALOT, le 17 mars 2025 (Vaux le Pénil, Inscrit le 5 novembre 2009, 77 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (24 997ème position).
Visites : 3 441 

le pouvoir et ses pièges

Dan Lehman , homme politique de « gauche » qui a été président de la République durant un mandat n’a pas été réélu. Il reste seul avec lui-même, il ne compte plus pour grand-chose dans le champ politique. Au début il pense pouvoir rebondir, voire même reprendre du service et préparer son retour sur la grande scène.
Comme d’autres présidents avant lui, il est rattrapé par la justice qui le poursuit.
Ce n’est rien par rapport à ce qui le mine à l’intérieur, il est alcoolique et sa vie personnelle est très perturbée. Il quitté sa femme, mère de ses trois enfants pour une jeune actrice, Hilda de vingt ans sa cadette. Ils ont une petite fille Anna, sourde et muette qu’ils aiment tous les deux avec beaucoup de force.
L’auteure de ce roman nous entraîne dans les deux milieux différents mais de plus en plus liés, celui de la politique et celui du cinéma voire de la littérature.
La femme de Dan Lehman, Hilda avec qui il ne vit plus est choisie par le grand réalisateur Roman Nizan pour être l’interprète de l’héroïne de son film tiré du roman écrit par la première femme de l’ancien président de la République.
Le sujet porte sur les violences faites aux femmes.
Le film pourrait être sélectionné au festival de Cannes, une vraie chance pour l’actrice, pour le réalisateur et par ricochet pour l’auteure du livre.
Les mécanismes du pouvoir qu’il soit politique ou littéraire mais toujours médiatique se heurtent aux jeux de la vie personnelle, sexuelle et sentimentale des protagonistes.
Il y a aussi ce qu’on prétend être, le défenseur du droit des femmes et ce qu’on est réellement, un dominateur qui a du mal à maîtriser ses actes.
Cette fiction ne nous fait pas tomber des nues car on y retrouve des personnages qui ressemblent à d’autres réels qui ont défrayé la chronique.
Le lecteur se retrouve en terrain plus ou moins connu mais la fiction est d’un réalisme convaincant qui le conquiert.
Quant à l’addiction à l’alcool, elle ne s’invite pas par hasard , elle est très présente dans ces deux mondes.

Jean-François Chalot

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Les éditions

  • La guerre par d'autres moyens [Texte imprimé]
    de Tuil, Karine
    Gallimard / Blanche
    ISBN : 9782073072764 ; 22,00 € ; 06/03/2025 ; 384 p. Broché
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Très sombre !

5 étoiles

Critique de Pascale Ew. (, Inscrite le 8 septembre 2006, 58 ans) - 24 octobre 2025

Dan Lehman traverse une grave crise personnelle depuis qu’il n’est plus président de la république. Il sombre de plus en plus dans l’alcool. Son couple avec l’actrice Hilda bat de l’aile. Ils ne restent ensemble que pour continuer à voir leur fille Anna, sourde, le plus possible.
Hilda vient de terminer le tournage d’un film inspiré du roman de Marianne, l’ex-femme de Dan. Le réalisateur, Romain Nizan, s’est montré tyrannique durant tout le tournage, tant vis-à-vis de Hilda que de Marianne et de la doublure de Hilda, Mélanie. Il couche tantôt avec Hilda, tantôt avec Mélanie et les traite comme des objets qu’on jette et qu’on reprend quand on veut. Or, justement, le film qu’il vient de terminer traite de la maltraitance des femmes. Il est sur des charbons ardents en vue du festival de Cannes et cette tension le rend encore de plus en plus odieux.
Ce roman est très sombre ! Déprimant ! L’auteure décrit des mondes politiques, cinématographiques, médiatiques très cruels, cyniques, basés uniquement sur le pouvoir, les rapports de force, l’apparence, la cruauté… Les personnages sont tous extrêmement fragiles, mais cela les rend féroces.
L’auteure s’est manifestement inspirée de présidents et autres personnages médiatiques existants pour forger ses personnages.
L’écriture est forte et bien des phrases sonnent comme des sentences, qui méritent d’être soulignées et retenues. Cependant, je n’ai pas spécialement apprécié cette lecture, trop dure pour moi.
Je ne me souviens pas avoir lu un roman qui fait tant plonger le lecteur dans les affres de l’alcoolisme.

Peut-être à ce jour le meilleur roman de l'autrice

9 étoiles

Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 60 ans) - 8 juillet 2025

Tiré d’une phrase célèbre de Carl von Clausewitz, né fin du 18ème et un officier général et théoricien militaire prussien qui qualifiait la politique comme « faire la guerre par d’autres moyens », ce dernier opus de Karine Tuil n’est pas seulement un roman sur le pouvoir, car il aborde plusieurs autres thèmes comme l’atmosphère détestable du milieu du cinéma, l’alcoolisme et comme dans « Les choses humaines », l’effet « Me Too ».

De nombreux personnages se croisent, se mêlent et interagissent sans que le lecteur s’y perde, et cela dans une ambiance parisienne bourgeoise qu’on est en droit d'abhorrer.

Parmi ceux-ci, on peut citer Dan Lehman, ex-Président de la République, gauche caviar et juif ashkénaze, son ex-femme, Marianne, d’origine italienne et écrivaine, Hilda, sa femme actuelle, de 20 ans sa cadette, actrice allemande délaissée, ou encore Romain, amant d’Hilda, et réalisateur en quête de reconnaissance, mais pas très en phase avec les idées qu’il veut défendre sur la condition féminine.

Karine Tuil démontre encore qu’elle est une écrivaine efficace, avec un grand sens de l’observation, avec un talent de celle qui sent son époque tout en exprimant clairement les nuances et en vulgarisant ce qui pourrait être plus complexe.

Sans être choqué, j’ai tout de même été étonné de certains propos d’une grande vulgarité qu’elle prête à certains des personnages, comme si elle voulait démystifier ce monde qui apparaît si guindé. Je mettrai cela sur le compte de sa capacité de narratrice au grand talent qui rend ce roman, plus que les précédents, puissant, presqu’addictif et criant d’une bien sombre réalité.

Une actrice entre politique et MeToo

8 étoiles

Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 47 ans) - 22 mars 2025

Dan Lerhmann, homme politique de centre gauche, juif intellectuel, assure une carrière brillante, jusqu'à ce qu'un échec à sa réélection et une inculpation judiciaire n'enclenchent un déclin personnel inéluctable. Malgré les apparences, le personnage principal pourrait bien être son épouse, Hilda. Cette actrice réputée, qui lutte pour rester la grande séductrice suave tant convoitée, lutte contre l'alcoolisme de son cher mari, les effets de sa fin politique, sa liaison secrète avec Romain, réalisateur, le succès du film où il la fait tourner, son implication dans la tornade MeToo, sa lâcheté de ne pas avoir dénoncé les violences qu'il a commises pendant le tournage.
Tous ces événements doivent être menés de front, comme une série de combats simultanés, où la protagoniste s'enlise, à l'image de son mari dans ses effluves. L'addiction de Marguerite Duras est souvent filée, en comparaison.

Beaucoup de sujets d'actualité sont mêlés dans un roman dense, vivace et tout aussi sombre. Cette oeuvre fait réfléchir sur l'évolution de notre société presque entièrement, et elle advient utile, à sa façon, par les débats qu'elle ravive et alimente.

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