L'amoureuse de Anne De Gelas

L'amoureuse de Anne De Gelas

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par JPGP, le 3 avril 2024 (Inscrit le 10 décembre 2022, 77 ans)
La note : 7 étoiles
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A corps perdu – Anne de Gelas

Face aux formes réduites et médiatiques  d’images faites pour assumer la fonction de gloire Èpiphanique aux reflets qui asservissent aux illusions, Anne de Gelas impose le nocturne pour atteindre une vÈritÈ. Exit les fausses lumières. Elle fonce dans la nuit de l’Ítre pour en devenir ´ la luciola ª. En un travail multiforme et profond elle apparaît comme une des artistes les plus saisissantes de notre Èpoque. Par le noir et blanc toute une vie intime mais pudique s’engouffre non sans mystËre et trouble. Ses carnets ont donné lieu à des expositions à Bruxelles et à des livres. ´ L’amoureuse ª reste le grand livre ouvert sur l’absence. Anne de Gelas a en effet perdu l’homme qu’elle aimait : depuis, son travail de diariste, ses dessins, ses photographies et ses autoportraits tÈmoignent de l’après : du trop glacé et du br˚lant. Un sentiment sombre douloureux fait résistance ‡ travers des photographies au cérémonial puissant, austËre presque inquéttant.

La souffrance, l’artiste s’en serait bien passÈ : elle n’est pas pour elle le seul fervent de l’úuvre. Elle la traverse mais il y a dans son úuvre d’autres secousses, d’autres ferments. La maternité, des scènes familiales, des baisers, des plages tristes émergent non sans un Èrotisme larvé mais prègnant teinté de mystère mélancolique. Il y a rien.Il y a tout. Jusque dans des phrases hachées pour en retarder la fin. Et c’est aussi pourquoi à partir de 2010 et la mort de l’aimÈ Anne Gelas a multiplié l’autoportrait. Il devient un moyen de remplacer le regard du disparu. S’offrant à la vue de maniËre intime elle se partage dans une beauté empreinte de gravité. Ce qui traverse dÈsormais le corps fait contrepoint avec ses autoportraits antÈrieurs.

Surgissent une proximité et un désir sans prise entre douleur et partage dans un rituel Ènigmatique. L’intime est l‡ sans ostentation mais pourtant l’Èros demeure. Tel un appel silencieux, touchant et soulevant des ambivalences. Cohabitent le sensuel, un affaissement (trËs, très relatif) du corps en des stigmates créés le temps. La ´ beauté ª rayonne sans pathos. Le  vêtement, peau de la peau, redouble et accuse les courbes. L’ensemble ouvre ‡ une exhorbitation plus quà l’exhibition ou l’exhibitionnisme entre ce qui tient de la perte et du désir. Cela compose un ´ cairn ª et fait de nous bien plus que des voyeurs : des correspondants clandestins. La prÈsence invoque Dionysos plus qu’Hermàs comme le dieu des lieux de passages et de ce qui sans lui seraient des vecteurs de simples archives ou d’oubli.

Reste l'ambre et l’ombre d'un monologue ‡ deux. Si bien que la question reste ouverte : dans quel lieu tombent les images de la nudité ? Il y a un mÈlange d'eau et de terre, d'ombre et de lumiËre o˘ la photographe est tout sauf une fleur fanée. Elle vit pour que l’aimÈ puisse la voir encore éperdument à côté du fils adolescent. L’autoportrait demeure une adresse pieuse mais carnÈe afin de ne pas obscurcir la pensée qui pense l’absent. Par procuration et ‡ travers le regard du voyeur il saura de quoi est fait le mouvement qui hante celle qui demeure et cherche, en Èpousant le désert sous une nuit sans lune, à n’appartenir encore qu’à lui. Demeure néanmoins la vie. Comme un mince ruisseau elle coule à la frontiËre des mots et leurs nÈcessaires dÈfaillances. La photographie n’est plus une enveloppe, une surface mais la folie de leur dedans.

Face ‡ l’empÍchement Anne de Gelas introduit l’‚me et les larmes d’Èros en une ivresse blanche. L'échancrure de l’existence est entrouverte : le corps hante. Il ne cherche rien pas mÍme la caresse si ce n’est celle de l’enfant. Les bras glissent ou retiennent à l’extrémité l‡ o˘ la vie comme un récit s’est dÈfait doucement avant de reprendre à travers mots et images stigmates de la traversÈe du mystère vers des suites de floraisons. Qui sait si son lointain ne fait pas dans le jeu de la proximité impensable ? Il ne s’agit plus d’attendre le sommeil. Car il n’existe pas de sommeil si profond qui empêche le corps d’Anne de Gelas de battre.

Jean-Paul Gavard-Perret

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Les éditions

  • L'amoureuse [Texte imprimé] [textes et photographies], Anne de Gelas
    de De Gelas, Anne
    Loco
    ISBN : 9782843140785 ; 35,00 € ; 19/05/2023 ; 96 p. ; Broché
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