L'année de la sécheresse de Víctor Álamo de la Rosa

L'année de la sécheresse de Víctor Álamo de la Rosa
( El año de la seca)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Sahkti, le 14 décembre 2004 (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (13 104ème position).
Visites : 4 012  (depuis Novembre 2007)

L'exil du désespoir

El Hierro est la plus petite des îles Canaries. Une île désolée qui n’a plus vu une seule goutte de pluie depuis au moins un an. Les paysages sont arides, parsemés de quelques chèvres et de villages affamés. Outre la sécheresse, le vent s’en mêle, durcissant les conditions climatiques qui finissent par avoir raison de la bonne volonté humaine.
Cette île, ce n’est pas n’importe laquelle. C’est une des héroïnes du récit de Victor Alamo de la Rosa (sous le nom de Ile Mineure) mais également l’île où il a grandi. François Rosso, le traducteur de l’ouvrage, fournit diverses explications au sujet de la géographie de l’ouvrage dans les notes qui accompagnent le texte, notamment l’origine de l’île voisine de San Borondon, dont le nom serait une altération de Saint Brendan (page 15). Pas mal d’explications utiles pour visualiser davantage la disposition de l’archipel et se plonger dans l’histoire.

C’est dans ce climat torride et tendu que la jeune Efigenia donne naissance à un enfant. Un péché. La belle n’a pas de mari, l’enfant sera tué dès qu’il verra le jour par le père d’Efigena. C’est évidemment le drame. L’enfant est enterré à l’arrière de la maison. Est-ce punition divine, dès lors, que d’interdire à la pluie de tomber sur l’île? L’ambiance se durcit, la misère rend fou et de nombreux insulaires tentent de fuir cet enfer sur des embarcations de fortune, espérant trouver ailleurs un paradis sur terre. Certains trouvent refuge sur le Saturnino, un navire pas bien vaillant, qui échappe aux gardes civils pour essayer de rejoindre l’Amérique. Un bateau habité par une poignée de malheureux et de mercenaires. Parmi ces êtres, l’amant d’Efigenia, le père de son enfant, disparu avant la naissance, contre lequel le père de la jeune femme lancera ses fils, pour laver l’honneur sali de la famille.
Deux récits, deux destins, deux histoires parallèles qui évoluent côte à côte avant de se croiser. Passages incessants entre le Saturnino et l’île, entre les échappés sur la mer et les prisonniers de la terre, entre deux malheurs.
L’histoire prend une tournure que le lecteur n’attendait sans doute pas. Pas d’intrigue romantique mais beaucoup de noirceur, des bateaux qui font naufrage, des survivants, de nouvelles vies qui commencent, pas plus gaies que les précédentes.

Victor Alamo de la Rosa écrit ici un livre dur et violent. Par les situations qu’il décrit tout d’abord. Le meurtre d’un enfant, la vengeance lancée en mer contre l’amant déserteur, les larmes invisibles d’une femme meurtrie, l’exil volontaire et mortel d’habitants dévastés par la sécheresse. Par les climats qu’il crée également. De manière admirable, Alamo de la Rosa raconte le vent, l’absence de pluie, la sécheresse…. on en aurait presque le goût du sable en bouche tant cela fourmille de détails et de réalisme. Il en est de même avec l’érotisme dégagé par son récit. Parfois brut et physique, toujours prenant et envoûtant. Beaucoup de force, un certain effort à fournir pour suivre les différents parcours, surtout dans la dernière partie du roman, lorsque chacun recommence une autre destinée.
Dans la préface, José Saramago écrit "Le navire a été lancé à la mer. Qu'il arrive à bon port est une autre histoire, mais l'écrivain restera dans son chantier naval, occupé à construire d'autres bateaux avec les matériaux qu'il aura créés lui-même, et ce n'est que de temps à autre qu'il lèvera les yeux pour voir si leur silhouette se dessine à l'horizon, ou peut-être découvrir sur le port un passager tenant un livre sous son bras, qui poursuit la chaîne de communication entre auteur et lecteur. Cette communication est la force qui nous porte, tous autant que nous sommes." (page 11)

C’est un beau texte, empli de force et de violence, de pas mal de lyrisme également dans les descriptions de Alamo de la Rosa. Je me suis laissée par le récit, en suivant les évolutions de chacun pas à pas, en me glissant dans leur peau, en souffrant et en espérant de la même manière. Outre l’aspect sentimental et aventurier du livre, j’ai également apprécié l’arrière-plan que Alamo de la Rosa a tissé de manière subtile, cette pression exercée par le franquisme et cet enfermement d’un peuple dans des normes inadéquates.

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10 étoiles

Critique de LeChauve (Toulouse, Inscrit le 2 mai 2006, 74 ans) - 27 août 2008

Je viens de lire dans la foulée ce roman ainsi que l'île aux lézards du même auteur. C'est une vraie découverte. Cette île des canaries où se passent des drames humains exacerbés est à la fois scène et acteur. Les descriptions poétiques dans lesquelles excelle Alamo de La Rosa nous rapprochent paradoxalement au plus près des dures réalités du minéral et du vivant dans ce qu'ils ont d'âpre et de rugueux.

Je vais retourner sur cette île pour m'attaquer à son dernier roman : terramours.

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