Mon corps sans moi de Bernard Noël

Mon corps sans moi de Bernard Noël

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie

Critiqué par JPGP, le 3 février 2023 (Inscrit le 10 décembre 2022, 77 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (2 187ème position).
Visites : 796 

Comédie humaine : Bernard Noël

De toujours et d'une bouche sans lèvres Bernard Noël écrit sa comédie intime sans la moindre propension à raconter son existence par le menu. Le poète s'est tout le temps refusé à une telle "pâtée". Il est trop pudique et respectueux de la littérature pour se permettre une telle farce. Pour autant il ne se limite pas à une vue "intellectuelle" de l'existence. Le corps y reste anonymement présent. Pour preuve dans ce livre où celui-ci semble y avancer dans une superbe autonomie et une sorte de "schize".

Le poète a intégré une donnée fondamentale : "Rien que ton désir et du vide au-devant. On dirait que le là s’est changé en loin. La sensation se répète depuis si longtemps, elle garde pourtant son étrangeté". Demeure en conséquence l'expérience de la douleur liée à l'histoire du langage qui trouve ici un nouveau "pas au-delà" comme écrivait Blanchot. Existe le dit de la dissolution du corps dans celui du texte. Certes demeure la volonté du saisissement de la sensation mais "et à l’endroit où tu la sentais, il n’y a plus rien."

Reste de l'amour et du reste une information informe en lieu et place d'une direction que l'auteur n'a même plus besoin de préciser. "Quelque chose suis son cours" (Beckett) mais l'espace est de plus en plus le temps au moment où l'écriture est de moins la sensation puisque le corps se détache de son propriétaire. Au squelette textuel font place des lézardes qui traversent son éboulement. Le moi devient ce que l'auteur annonçait déjà dans un livre précédent : «une purée de viande ». Ce qui ne saurait que ravir ses chers disparus (Beckett et Artaud) dont il fait désormais partie. Reste à éprouver sans comprendre. Ou comprendre sans éprouver.

Jean-Paul Gavard-Perret

Message de la modération : §2 et 3 reprise d'articles de 2015 de JPGP sur "Le carnet intime" dont https://www.lelitteraire.com/?p=18692

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Noel ne parle pas du corps

10 étoiles

Critique de Sergedumet (, Inscrit le 17 juin 2023, 62 ans) - 17 juin 2023

"Il y a cette force" ainsi commence le recueil.
Et cette force dont parle Noel, et qu'il désignera plus loin avec le "tu", n'est pas le corps. Elle est ce qui traverse et connait le corps. Elle est racine avant de donner vie au tronc. Elle anticipe le corps puis le "je". Elle est et pourtant n'est pas. Elle saisit celui ou celle qui la pressent malgré le bruit de forge discursif, mais elle reste insaisissable dès qu'on se tourne vers elle :

"...après quoi tu fais mouvement pour la voir, pour la savoir, et à l'endroit où tu la sentais, il n'y a plus rien." écrit-il.

Non, le corps ne disparait pas. Sauf au moment du sommeil. Profond. Mais ce n'est pas là l'instant où on se tourne pour la voir.
"tu n'as pas de mot quand cette force est là. Quand elle a disparu, tu les as tous, mais trop tard." poursuit-il.
L'indicible. Seule la poésie parvient à pointer sa direction. Mais pas de description possible alors que les mots se consument en sa présence.
Pire encore, les mots présents occultent, cachent, obstruent cette reconnaissance :
"ta langue n'est plus dans ta bouche, d'ailleurs il n'y a plus de bouche, mais un endroit si vaste au milieu de toi que tu ne t'y reconnais pas. Et si, te dis-tu, si cette force occupait ma place ?"
C'est là l'interrogation ultime. L'invitation !

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