La Tour de Doan Bui

La Tour de Doan Bui

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Darius, le 30 janvier 2023 (Bruxelles, Inscrite le 16 mars 2001, - ans)
La note : 10 étoiles
Visites : 770 

Eloge de la langue française

Moi qui suis passionnée des langues car dans une langue on découvre toute la culture d’un peuple , j’ai adoré ce livre.

Quelle subtilité de l’auteur d’avoir mis en exergue les différences entre le vietnamien et le français . Je ne résiste pas à l’envie de vous le communiquer :

« En France il y a l’imparfait du subjonctif, cette merveille. L’imparfait du subjonctif ne sert à rien c’est son inutilité même qui subjuguait Victor Truong. (Son prénom Victor lui avait été attribué à cause de Victor Hugo). L’inutilité est la définition même de l’élégance. Le français est une langue de riches qui peut se permettre l’inutilité. La langue des pauvres est abrupte, elle n’a pas le temps de se perdre en discours, elle va à l’essentiel : manger, dormir, marcher, des verbes d’action secs et efficaces.

Le vietnamien est à l’image du ciel : vaporeux. Le vietnamien est une langue pour les fantômes, les silhouettes imprécises se dessinant dans les crépuscule et les aurores brouillées. Une langue de musique où il existe 1000 expressions pour exprimer le bruit de la pluie, le tambour crépitant et dru de la mousson, le clapotis discret d’une ondée matinale sur la tôle d’un toit, le chuintement caressant de la bruine lorsque la nuit tombe sur un chemin de terre rouge dans les rizières, que la chaleur monte du sol et semble se densifier en un nuage lourd d’humidité.

Le français est une langue cartésienne et précise. Tranchante. Une langue d’intellectuels, de théorie savantes, de métaphores précises.
Victor Truong avait été fasciné de découvrir la complexité de la conjugaison française. En français on dénombrait tant de passés ! Le passé simple (qui ne l’était pas), l’imparfait (si mal nommé) , le plus-que-parfait( tellement), le passé composé, (un peu présent et un peu passé), le passé antérieur (métaphysique). Et Victor Truong trouvait cette obsession magnifique, le français était la seule langue capable de raconter des histoires qui allaient d’un point À vers un point B.

Plus déroutant encore, la concordance des temps. Les Français avaient eu l’absurde et la délicieuse idée de changer les temps lorsqu’on collait des phrases ensemble. Le français avait besoin de complexifier, rajouter des vis, des boulons, des conjonctions. Comme la Tour Eiffel, la langue française lui semblait une construction splendide et bizarre. Un jeu de mécanos qui échappait à la pesanteur, un miracle aérien s’élançant vers les airs.

Par contre, il n’y avait ni sujet ni objet dans la grammaire vietnamienne. Peut-être parce que le sujet et l’objet ne faisaient qu’un. Pas besoin de conjugaison en vietnamien. Première personne ou troisième personne du singulier, aucune différence. Pas de il, pas de nous, pas de je. Le verbe, dans sa simplicité, son immédiateté suffisait. »

Pour en revenir à l’histoire il s’agit de la tour des Olympiades à Paris au cœur de Chinatown où se côtoient mille langues. Et l’auteur nous raconte avec talent les vies de ces familles qui se côtoient et s’apprécient ou non.

Bref, un premier livre qui nous dévoile les talents d'écriture de Doan Bui.

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Les éditions

  • La tour ou Un chien à Chinatown [Texte imprimé], roman Doan Bui
    de Bui, Doan
    B. Grasset
    ISBN : 9782246824992 ; 20,90 € ; 12/01/2022 ; 352 p. ; Broché
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