Russes et Ukrainiens, les frères inégaux, du Moyen Âge à nos jours de Andreas Kappeler

Russes et Ukrainiens, les frères inégaux, du Moyen Âge à nos jours de Andreas Kappeler

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire , Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Colen8, le 18 janvier 2023 (Inscrite le 9 décembre 2014, 82 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (22 898ème position).
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Des récits nationaux divergents

L’Ukraine est la voie de passage par excellence entre la Baltique et la Méditerranée. La Rous’ de Kyiv(1) fondée après l’invasion des Varègues scandinaves dirigée des siècles durant par la dynastie des Riourikides s’est déplacée progressivement vers l’Est à Novgorod puis fixée à Moscou. La conquête mongole ultérieure(2) lui a imposé son joug pendant près de 300 ans avant que la Principauté moscovite ne s’en libère, menée par les Romanov jusqu’à la Révolution bolchevique de 1917.
La mentalité prévalant en Russie est restée autocratique et impériale tout au long de son histoire tandis que son voisin ukrainien avait été influencé à la fois par les valeurs occidentales et par celles de son héritage cosaque épris d’égalité et de liberté(3). Une révolution menant à une indépendance sans lendemain de l’Ukraine a eu lieu en parallèle à celle de 1917-1918 en Russie. La période stalinienne ultérieure a vu alterner une politique tantôt favorable à l’Ukraine tantôt épouvantablement répressive.
Tout s’est durci depuis 30 ans, la fin de l’ère soviétique ayant ouvert la voie aux indépendances d’une quinzaine d’ex. Républiques d’URSS dont les pays baltes, la Biélorussie, et l’Ukraine incluant la Crimée. Toutes ont été ratifiées par traités et entérinées par les instances internationales. C’est peu à peu que l’inquiétude sécuritaire de Vladimir Poutine s’est exprimée : Révolution Orange de 2004 à Kiev, rapprochement réel ou velléitaire des anciens satellites soviétiques vers l’OTAN.
La suite jusqu’en 2017 de l’histoire aurait dû être mieux connue :
- côté russe, la frustration de la perte de son empire et de son rang de grande puissance mondiale, la pression de l’Eglise russe orthodoxe pour une réunification des églises dissidentes, sa proximité économique et culturelle avec ses voisins ou vivent d’importantes minorités ethniques russes ou russophones à protéger, les souvenirs amers des tragédies de la Seconde Guerre mondiale, la question de la Crimée
- côté ukrainien, la volonté de revenir vers l’Europe renforcée par les manifestations de l’Euromaïdan en 2013, l’aspiration à un partenariat équilibré avec la Russie en raison de sa dépendance au pétrole et au gaz russe, le soutien des ONG financées par l’étranger.
La neutralité de cette analyse historique publiée par Andreas Kappeler est à souligner. Professeur autrichien spécialiste des nationalités de l’Europe de l’est et auteur d’une histoire de l’Ukraine il s’efforce d’apporter ici les clés de compréhension du conflit armé entre les deux pays qui a pris une dimension dramatique après l’invasion de l’Ukraine en février 2022.
(1) Kiev pour les Russes.
(2) Connue sous le nom de « Horde d’Or » dont descendent les Tatars musulmans ayant pris racine en Crimée avant d’être massivement déportés dans les Républiques caucasiennes par Staline.
(3) Grand royaume de Pologne-Lituanie au Nord, Empire austro-hongrois à l’Ouest, Hetmanat cosaque au Centre.

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Les éditions

  • Russes et Ukrainiens [Texte imprimé], les frères inégaux du Moyen âge à nos jours Andreas Kappeler traduit de l'allemand par Denis Eckert
    de Kappeler, Andreas Eckert, Denis (Traducteur)
    CNRS
    ISBN : 9782271142412 ; 22,00 € ; 01/09/2022 ; 230 p. ; Broché
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Frères ennemis ?

8 étoiles

Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 11 avril 2023

L’historien Andréï Kappeler a étudié les relations entre Russes et Ukrainiens depuis le Moyen-Âge jusqu’à nos jours afin d’essayer de comprendre comment ces deux peuples, qui se sont souvent définis comme frères, en sont arrivés à se faire la guerre aujourd’hui.

La lecture de la partie historique du livre est plutôt difficile et elle est parfaitement résumée dans la critique de Colen8. Elle fait référence à beaucoup d’épisodes que nous ne connaissons pas, avec des noms de personnages difficile à retenir et dont nous n’avons jamais entendu parler.
Mais on peut retenir, en gros, que Ukrainiens et Russes (et aussi Biélorusses) sont frères. Ils sont issus d’une même souche qui se situe à Kiev, et ils sont unis par une même langue – malgré une multitude de dialectes – et par une même religion qui à l’origine était chrétienne.

Mais l’auteur tient à nous montrer comment l’histoire de ces pays est difficile à raconter parce qu’un même événement est interprété différemment par chacun des pays frères quand il s’agit de servir sa cause nationaliste.

La partie du livre qui traite des relations humaines et culturelles des populations est, à mon avis la plus intéressante. On y voit, d’une manière générale, que l’Ukrainien est plus cultivé, plus fin, plus artiste. Dès le XIVème et jusqu’à la domination russe du XVIIIème siècle, l’Ukraine s’est tournée vers l’Europe occidentale et a participé à son épanouissement social et culturel. Mais pour les Russes, l’Ukrainien est « le petit frère » indolent et paresseux, alors que, pour les Ukrainiens, le Russe est « un grand frère » volontiers dominateur et méprisant. Et l’on sait que le poids du mépris est souvent plus lourd à porter que des coups de massue.

Mais l’auteur nous dit qu’il est intéressant de constater que sur le plan individuel les rapports entre les frères russes et ukrainiens ont toujours été relativement bons, alors que sur le plan national les rapports ont toujours été tendus. C’est, entre parenthèses, ce qu’on constate aussi en Belgique : on ne verra jamais un Wallon et un Flamand en venir aux mains, au contraire, les rapports sont souvent amicaux. Mais, sur le plan communautaire, les liens sont rompus au point qu’une séparation définitive est de plus en plus envisagée.

Pour en revenir à notre livre, on retiendra qu’il n’est pas de lecture facile, surtout dans sa partie historique. Ce n’est pas un livre d’Histoire qui se lit comme un roman. Par contre, sur le plan de la culture et des relations humaines, il est intéressant. Il aide à comprendre la guerre actuelle de la Russie contre l’Ukraine. Mais on ne peut pas dire qu’il nous aide à savoir ce qu’en pense la Russie profonde. La « masse silencieuse » est, par définition, insondable et c’est bien dommage. On voudrait savoir ce que le « Russe moyen » pense de cette guerre qui endeuille aujourd’hui un pays frère. Malheureusement, aucun livre ne nous le dira jamais.

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