Tout a déjà été brillamment écrit dans les critiques précédentes donc je vais aller droit au but.

Ce livre est une claque. Et une fois la lecture achevée plusieurs questions nous viennent à l'esprit. Tout d'abord des questions personnelles puis ensuite des questions de société, mais finalement elles se rejoignent.

Des questions personnelles tout d'abord : moi, à titre personnel, si on me présente une jeune fille de 15 ans qui accuse un homme de 32 ans de viol, que cette jeune fille est en pleurs et que l'homme a l'air bizarre et un regard lubrique vais-je remettre en cause la parole de la jeune fille ou vais-je condamner quasiment d'avance, sans même l'écouter, l'accusé? Et bien je le dis assez honnêtement je vais croire la jeune fille en pleurs.

Ensuite les questions de société qui sont plutôt des questions sur la justice et son fonctionnement : comment changer la justice pour qu'un procès soit complètement juste et neutre ? Les policiers ont-ils un parti paris dès le départ (qui pourrait s'expliquer pour toutes les horreurs qu'ils voient au quotidien) ? les psychologues ne sont-ils pas biaisés par leurs études, par leur affect, par leur empathie pour la victime ? Même question pour les jurés, qui ont des filles, des nièces ?

Il est impossible de réformer la justice et la police pour en faire des pouvoirs 100% neutres évidemment et ces questions sont donc ouvertes. Malheureusement je pense qu'il y aura toujours des erreurs judiciaires et malheureusement et à l'inverse les véritables coupables ne sont pas toujours retrouvés ni pénalisés comme ils devraient l'être...

Ce livre et le procès qui en est dépeint ne sont pas sans faire penser au terrible procès d'Outreau.

Un très bon choix pour le Goncourt des lycéens qui ne se sont pas trompés , ainsi que pour d'autres prix. Je ne répéterai pas le résumé déjà complété dans les deux critiques précédentes. Il n'y a en effet pas de risque de spolier l'intrigue puisque le le titre évacue d'emblée tout suspense sur l'issue du procès . L'intérêt est dans le pourquoi et le comment.
Nous avons le portrait de deux types d'avocats . L'héroïne du roman , Alice , progresse vers l'empathie avec sa cliente ce qui lui permet de comprendre peu à peu le comportement de celle-ci quand elle était adolescente . La deuxième étape de son travail est de conduire les jurés et la présidente à faire ce même cheminement et c'est du grand art de sa part. L'autre avocat fait partie d'une génération majoritairement masculine, habituée à déclamer sans micro et à jouer des effet de manche . Il vibre plus en défense de sa propre vision des choses , heurtée par un néo féminisme agressif , et qui voit dans ce procès une sorte de revanche. C'est aussi la complexité des situations qui explique le désastre que la jeune victime subit et auquel elle contribue et qu'elle aggrave. Par exemple le père était le plus capable et désireux de comprendre , douter , et aider sa fille , mais son propre sentiment de culpabilité , au sein de son couple et de sa famille a inhibé l'action décisive qu'il aurait pu avoir. Chaque acteur du drame amplifie la catastrophe et l'adolescente ne pouvait plus reculer. (D'ailleurs l'auteur fait une allusion au procès d' Outreau , qui a vu des enfants surajouter des accusation de pédophilie envers des adultes innocents)
Une cause fréquente d'erreur judiciaire tient probablement au fait que le prévenu , ou un témoin , a quelque chose d'autre à cacher et pour cette raison ne fournit pas le bon témoignage , ou pire ne se défend pas correctement . Rectifier le tir dans un deuxième temps est toujours plus compliqué et génère des suspicions.
Au delà de la psychologie , la narratrice nous montre tout ce que son métier , comme d'autres , comporte prosaïquement de techniques , de procédures , de tactiques et de stratégie . C'est peut-être aussi cette ossature qui permet de prendre en pleine face des réalités humaines très dures.

Lisa Charvet demande à l’avocate Alice de la défendre dans un procès en appel. En première instance il y a cinq ans, l’homme qu’elle a accusé de l’avoir violée alors qu’elle avait quinze ans a pris dix ans de prison. Alice accepte cette affaire et très vite Lisa lui avoue qu’elle a menti. Cette adolescente perdait pied...
Alice démonte tout le processus qui a mené à l'accusation erronée lors du procès et tente d’expliquer l’enchaînement.
Ce livre se lit rapidement, d’une traite. L’auteure démontre toute la complexité d’un jugement, l’ambigüité des bonnes intentions, la part de culpabilité qui peut se jouer dans une conviction intime, sans parler de la vulnérabilité de l’adolescence. La fin n’est pas écrite, mais je me suis demandée, techniquement parlant, pourquoi l’avocate devait défendre la personne initialement désignée comme victime alors que ce n’est pas son procès.