La France sous nos yeux. Economie, paysages, nouveaux modes de vie de Jean-Laurent Cassely, Jérôme Fourquet

La France sous nos yeux. Economie, paysages, nouveaux modes de vie de Jean-Laurent Cassely, Jérôme Fourquet

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Colen8, le 20 février 2022 (Inscrite le 9 décembre 2014, 82 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 2 avis)
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« La Grande Métamorphose »

En trente ans la France s’est transformée à un point insoupçonné. Les changements d’une telle ampleur à une telle rapidité ont échappé au public en général, mais aussi à ses représentants supposés faire partie des élites. Dans la synthèse brillante et créative présentée ici (1), le pays a basculé dans un monde n’ayant plus grand chose à voir avec celui des Trente Glorieuses. Après les effets conjugués de la mondialisation et de la désindustrialisation, la crise des Gilets jaunes (2018-2019) suivie de la crise sanitaire (2020-2021) auront révélé une fragmentation accrue de la cohésion sociale, une plus grande dispersion de l’échelle des revenus et du patrimoine, par conséquent des tensions continuelles résultant de ces écarts.
Cela se voit à l’aune des territoires plutôt prospères pour les uns centrés sur les métropoles et quelques régions hautement attractives, largement perdants pour les autres situés dans des périphéries à l’écart de tout. Un tel phénomène qui se traduit aussi dans les urnes dessine dorénavant un paysage symbolique radicalement différent à partir :
- des brassages démographiques, sociologiques, territoriaux des habitants de tous âges, conditions et origines, de leurs modes de vie et de consommation matériels et culturels,
- du renouvellement des représentations collectives par les images, les habitudes alimentaires, la musique, le sport, les technologies : Etats-Unis, Japon et ailleurs (2),
- de niveaux d’éducation supérieurs (bac+2 à bac+5) accompagnant les couches sociales à l’aise avec la mondialisation, avec les activités et métiers relevant du numérique,
- de l’abandon progressif des économies primaire (matières premières, agriculture) et secondaire (industrie), ayant contribué à la contraction dramatique de la classe ouvrière, au déclassement et à la relégation des catégories sociales correspondantes,
- de la précarité des moins diplômés (sans le bac) dans un tertiaire de « back-office » ou du « care », autant de tâches ancillaires sans perspectives de carrière ni de salaire : logistique au sens large, services à la personne,
- des changements d’orientation politique marqués par le poids électoral grandissant des verts, des nationalistes d’extrême droite et gauche, des néolibéraux au détriment des autres partis allant de pair avec une forte abstention principalement chez les jeunes ayant en quelque sorte renoncé à être partie prenante de leur propre avenir,
- du recul du catholicisme traditionnel (3) au profit de la religion musulmane devenue la seconde en nombre de pratiquants, du prosélytisme des évangélistes, du chamanisme combiné à d’autres spiritualités et philosophies syncrétiques.
On mesure encore les changements dans les néologismes ou anglicismes en passe de devenir les mots-clés du vocabulaire courant : back-office, care, cassos, coworking, digital native, fast fashion, gentrification, go fast, hard discount, low-cost, plateformisation, premiumisation, silver economy, startupper, tacos…
(1) Abondamment documentée par la bibliographie, les enquêtes et sondages, les monographies de territoires significatifs, illustrée par une kyrielle de cartes et graphiques thématiques, de tableaux statistiques.
(2) Par exemple pour les Etats-Unis : Disneyland, McDo, jean, coca, clubs country, pole dance, blockbusters, bikers, réseaux sociaux ; pour le Japon : consoles de jeux, dessins animés, sushis, mangas, Japan Expo ; venant d’ailleurs : halal, kebab, chicha, narguilé, pizza.
(3) 20% de baptisés parmi les naissances, 91% des moins de 35 ans ne sachant pas ce que représente la Pentecôte, délabrement des édifices religieux.

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La France d'après

9 étoiles

Critique de Vince92 (Zürich, Inscrit le 20 octobre 2008, 46 ans) - 8 avril 2024

C'est sous ce vocable "La France d'après" que les deux auteurs, Jérôme Fourquet et Jean-Laurent Cassely nomment le pays qu'ils ont sous les yeux en 2022.
Jérôme Fourquet est désormais bien connu: auteur d'un ouvrage remarqué en 2019, dans lequel il analysait l'éclatement de la société française (L'Archipel français), il récidive avec Cassely, journaliste à Slate, spécialisé dans l'observation des faits sociaux. Dans cet ouvrage bien documenté, les deux auteurs analysent avec finesse l'état du pays: France attractive contre France déclassée, nouveaux modes de vie, culture, modification des paysages, croyances etc. L'ensemble du spectre social et économique est passé au crible de la grille d'analyse et fait de ce livre un indispensable compendium pour comprendre où l'on en est au mitan des années 2020. Un pays en crise, très largement désindustrialisé, voyant sa population se polariser de plus en plus.
Un bémol cependant, Fourquet "euphémise" le changement que je considère comme étant le plus important au cours des dernières quarante années: l'accélération du phénomène migratoire légal et illégal. Si tous les problèmes ne peuvent être imputés à ce profond changement sociétal voire civilisationnel, il me semble qu'avec la tertiarisation de l'économie française, le profond changement de la nature même du peuple français explique les déboires du pays: insécurité, crise de l'école, appauvrissement culturel, perte de cohérence nationale, etc. Certes, il n'est pas de bon ton de mettre cet état de fait en lumière, et Fourquet l'écrit en pointillé au travers quelques chapitres dont tout lecteur honnête comprendra le sens. Il n'en demeure pas moins qu'on ne peut être que déçu que les auteurs n'aient pas consacré une partie au phénomène migratoire et son impact sur la vie des Français: si ils admettent que la culture des cités (kebabs, tacos, musique urbaine, langage,...) infuse dans toute la jeunesse, les conséquences les plus graves ne sont pas mises en lumière: l'exemple le plus significatif selon moi étant l'effondrement de l'école publique face à la violence des nouveaux élèves, l'incapacité de ces derniers à s'adapter aux codes et comme corollaire, la baisse du niveau général. Dans une économie mondiale fondée sur la connaissance, nous pouvons craindre le pire pour ce pays dans les 10-20 ans à venir.

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