Abysse de Leïla Zerhouni

Abysse de Leïla Zerhouni

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Kinbote, le 29 mars 2021 (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 297ème position).
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Une histoire d'amitié

ABYSSE, c’est huit textes-souvenirs pour raconter une amitié dans la région du Centre, en Belgique.

Deux adolescentes de 14 ans scellent une amitié à la faveur du séchage d’un cours de maths pour trouver refuge dans un petit café de La Louvière…

« Quel plaisir de se sentir affranchie de toute obscure formule mathématique et d’échapper au joug des adultes ! Pour les jeunes filles que nous étions, cet envol vers de nouveaux cieux était un grand pas vers l’émancipation. Au diable les leçons et les cahiers ! A nous l’insolence, le parfum grisant de la transgression, l’odyssée des interdits ! »

Bientôt, elles vont refaire le monde en évoquant des figures féminines : Virginia Woolf, Simone de Beauvoir et Simone Veil, Victoire Cappe, « cette Liégeoise qui lutta en faveur de l’émancipation de la femme en Wallonie »…

Dans la même école, le prof de français initie ses étudiants aux aphorismes d’Achille Chavée. Ce sont d’ailleurs des apophtegmes du vieux peau rouge de la rue Ferrer qui ouvrent chacun des textes.

L’amitié entre les deux jeunes filles va être rompue par l’arrivée d’un garçon dans la vie de l’amie, un jeune homme aux humeurs changeantes prénommé Joss, à qui elle passera tout…

Entre insouciance et gravité, Leïla Zerhouni raconte une histoire en phase avec la région qui, même ensoleillée, ne peut se départir de son lourd passé minier, des tragédies qui s’y sont jouées. Elle raconte en noir et blanc un destin qui s’est ouvert à tous les possibles pour ensuite…

Des quatrains s’insèrent, comme des chœurs bienvenus, dans chacun des textes pour ponctuer, commenter à leur façon, légèrement décalée, musicale, la narration,

Il y a des roses

Qu’on ne peut cueillir

Elles n’éclosent

Qu’en lointain souvenir

L’épilogue se passe dans le parc du domaine de Mariemont, lieu emblématique de la région, près duquel, nous apprend-on, est née l’autrice.

Il ressort de cette lecture un charme, un fort parfum de nostalgie que seuls les textes habités parviennent à nous faire éprouver.

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L'amitié par delà la mort

8 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans) - 21 avril 2021

Après Sauvageon de Françoise Lison-Leroy, Bleu d’encre éditions publie un autre recueil entre poésie en prose et poésie en vers. En l’occurrence, il s’agit de poésie en prose comme incrustée de poèmes en vers, le plus souvent quelques strophes de quatre courts vers qui racontent en quelques chapitres et autant de tableaux, l’histoire d’une amie de l’auteure. Une fille disparue dramatiquement comme nous l’apprenons dès le début du recueil : « Le drame eut l’élégance d’attendre quelques années avant de frapper à notre porte ».

Dans une cité de la Louvière, des adolescents vivent une vie d’insouciance en coulant leur temps au rythme des obligations scolaires, des problèmes de fratrie, d’amitié et d’amour, jusqu’au jour où l’amie préférée parte loin, très loin : « Tu es partie loin, très loin et je n’ai plus entendu le son de ta voix… ». Le drame est survenu, les liens sont coupés, « la page est déchirée proprement, … ». Ana c’est la narratrice, Lydia c’est son amie de cœur, elles vivent une d’amitié quasiment d’amour sororal, mais le drame a explosé, Ana se rattache à la famille de Lydia à tout ce qu’elles ont vécu ensemble. Les souvenirs coulent sur la page plein de tristesse bien sûr mais surtout débordant d’amitié, d’amour et de nostalgie avec un reste de colère et surtout de culpabilité. Anna regrette de n’avoir pas accompagné Lydia jusqu’au bout de son calvaire, de ne pas l’avoir empêché d’aimer le mauvais garçon celui qui lui a fait du mal à l’en faire mourir.

Ce texte court, quelques chapitres seulement, tous placés sous la férule bienveillante d’un autre Louviérois, Le fameux auteur d‘aphorismes, Achille Chavée, présent aussi dans l’histoire comme le plus grand poète de la rue Ferrer. Un de ses aphorismes est placé en exergue de chacun des chapitres du recueil.

Leïla, avec ce recueil de poésie, démontre une fois de plus qu’il n’est nullement nécessaire faire long pour émouvoir, bouleverser, enthousiasmer, les lecteurs. Quelques mots habilement choisis et savamment combinés dans des phrases, dépouillées, aériennes, sensuelles, débordantes de tendresse, d’amour et d’amitié en disent plus que de bien longs discours pleurnichards et larmoyants. Je ne sais pas si Leïla a vécu une histoire de ce genre, je ne le souhaite pas, mais si c’est le cas, c’est un témoignage d’une beauté bouleversante qu’elle adresse à son amie, de plus, en lui écrivant à la deuxième personne.

Leïla nous montre aussi que le deuil ne s’exprime pas que dans la souffrance et la douleur, il se démontre aussi dans les souvenirs, la nostalgie et, dans son cas, par l’amour qu’elle voue au frère de la victime devenu le père de sa fille qui perpétue le bonheur qu’elle vivait avec son amie décédée.

Leïla Zerhouni : « Un jour nous lui parlerons de la rosée du soleil. Et de toi, Lydia ».
Achille Chavée : « Dans le plus petit village existe le sentier des amoureux ».

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