L'Homme qui voulait boire la mer de Pan Bouyoucas

L'Homme qui voulait boire la mer de Pan Bouyoucas
(The man who wanted to dink up the sea)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Débézed, le 26 janvier 2021 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans)
La note : 6 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (39 794ème position).
Visites : 1 911 

Epopée onirique

A cinquante-huit ans Lukas, un Grec exilé à Montréal, tout comme l’auteur, où il a réussi dans la restauration, est visité dans ses rêves par la jeune fille dont il était amoureux depuis l’école primaire et qu’il a abandonnée sur une plage de Leros, leur île natale, un soir, alors qu’il avait dix-sept ans et elle douze. Il n’a pas eu le courage de résister à la volonté de ses parents souhaitant le voir rompre avec cette fille pas assez bien pour lui. Avant de quitter ce monde, il voudrait lui demander de lui accorder son pardon pour ce lâche abandon, un pardon sans lequel il croit qu’il ne pourrait pas trouver la paix dans l’autre monde.

Un soir, après avoir dérogé à son poker rituel, il rentre tard et reste dan sa voiture, après l’avoir remisée au garage, pour prendre un somnifère afin d’être certain de dormir pour que la jeune fille, Zéphira, lui rende visite et qu’il puisse lui demander son pardon. Mais, il a omis de couper le moteur de la voiture dégageant des fumées toxiques qui l’empoisonnent. Heureusement, la locataire du rez-de-chaussée, s’étonne de ce long séjour au garage et le découvre agonisant, son intervention permet l’évacuation de Lukas vers un hôpital où les médecins, le croyant perdu, voudraient lui prélever quelques organes encore sains mais son épouse résiste contre vent et marée.

Pendant son transfert à l’hôpital et les longues négociations entre les médecins et sa famille, Lukas accomplit un long périple héroïque, digne d’une odyssée mythologique, au sein d’un immense cimetière où il rencontre des gens qu’il a connus, des gens qui l’aiment, d’autres qui lui en veulent plus ou moins et, pour certains, même à mort, lui tendant les pires traquenards auxquels il échappe toujours grâce à l’intervention de Zéphira. Mais, à son grand dam, celle-ci s’esquive chaque fois avant qu’il puisse lui demander son pardon, il reste donc en équilibre entre le monde des vivants et celui des morts : espérant vivre encore mais avec le pardon de Zéphira.

Ainsi l’auteur entraîne le lecteur en une aventure onirique dans l’exploration de cet espace qui pourrait exister entre la vie et la mort, comme dans la mythologie grecque il existait des dieux dans l’autre monde, des vivants dans notre monde et des héros dans l’espace entre les deux. Lukas naviguerait dans cet entredeux, là où évoluaient les héros. Ce texte, puise son intrigue au cœur des légendes grecques et dans certaines croyances issues d’un syncrétisme entre les religions antiques et les religions monothéistes actuelles. Comme dans la mythologie on retrouve les mêmes symboles sexuels, chaque personnage à une aventure, un désir, un écart, ..., qu’il lui faudra bien avouer un jour. Ainsi, chaque personnage est confronté, à un moment donné, à sa culpabilité, surtout Lukas dont l’auteur fait de la sienne l’intrigue principale de ce livre.

« Je n’ai jamais dit qu’on pouvait se servir des rêves pour changer le passé, mon ange. On peut faire de petites visites en rêve à ceux qu’on aime, oui, mais refaire l’histoire ? Personne n’a ce pouvoir… »

Dans cette épopée, l’auteur évoque outre la culpabilité, le culte nécessaire qu’il faut rendre aux aïeux pour accéder au monde des morts et y être accueilli en paix, la recherche de la vérité qu’il faut transmettre à sa descendance et la quête de la sérénité éternelle qui semble inaccessible à ceux qui ne l’ont pas méritée.

« Je me suis lancé dans ce rêve pour redresser le tort que je lui avais fait et dire tout ce que je n’avais pas su lui dire par le passé, afin de m’en libérer et de vivre en paix, avec ma famille, les années qui me restaient… »

C’est avec grand plaisir que j’ai acquis ce livre dans une vente de livre d’occasion, j’ai lu plusieurs titres de cette maison et j’ai toujours été ravi par ma lecture. J’ai trouvé ce texte, parfois, un peu rocambolesque mais l’Odyssée, l’Iliade et de nombreuses légendes grecques ne le sont-ils pas ?

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Le beau au bois dormant

9 étoiles

Critique de Pucksimberg (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 44 ans) - 28 août 2022

Lukas a 58 ans, vit à Montréal depuis 40 ans après avoir quitté sa Grèce natale, plus précisément l'île de Léros. Il a un restaurant qui a très bonne réputation, une épouse dévouée et une fille sympathique. il n'empêche qu'il pense souvent à Zéphira cette adolescente qu'il a connue jeune et qu'il a délaissée sans pouvoir construire une relation amoureuse. Appartenant à une famille fort modeste, Lukas n'a pas pu la fréquenter autant qu'il aurait voulu. Et il s'en veut énormément et s'interroge sur cette jeune abandonnée. Il a entendu que les Grecs disaient que l'on pouvait retrouver nos morts dans le sommeil, c'est donc à l'aide d'un somnifère qu'il va plonger dans cet univers à la fois étrange comme le sont les rêves, avec des personnages qui apparaissent ou disparaissent soudainement, avec des situations défiant la logique où certaines pulsions sont libérées, et à la fois quasiment mythique où l'on descend dans ce monde comme par le fleuve du Styx pour retrouver des âmes chères ou inconnues, comme la balade mortuaire de Dante dans "La Divine comédie", mais j'arrêterai là la comparaison avec cette œuvre inégalable.

Pan Bouyoucas est parvenu à coucher sur papier la "logique" des rêves. Les lieux changent, les personnages surgissent sans crier garer pour disparaître quelques pages plus loin. Certaines situations sont burlesques, d'autres laissent voir les méandres des désirs du personnage et certaines pulsions indicibles quand il est conscient. On croise dans ce roman Mussolini ( drôle de scène ! ), Marilyn Monroe ( vraiment drôle de scène ! ), l'apôtre Jean ... Le lecteur est parfois amusé, mais quand on réfléchit à nos propres rêves, on reconnaît l'atmosphère fluctuante et absurde de ces moments mystérieux.

Les chapitres sont courts, ce qui donne du rythme au roman. De plus le fait que le narrateur soit Lukas apporte une certaine subjectivité. Le lecteur doit faire la part des choses dans ce qu'il raconte surtout dans les passages où ce qui se passe à l'extérieur du rêve percute son sommeil. Je n'en dirai pas plus à ce sujet, mais ces éléments sont bien intégrés et confèrent un certain réalisme à sa façon de peindre les rêves. Le roman devient même symbolique parfois, cette course pour retrouver Zephira dans le monde onirique a quelque chose de lugubre, là où son épouse est du côté de la vie et de sa réalité.

Je ne connaissais pas cet écrivain mais j'ai apprécié son style, cet univers peu exploité et la structure intelligente de ce roman. Le titre a un caractère poétique et le lecteur qui acceptera de se laisser porter dans ce sommeil profond plongera dans une atmosphère mystérieuse et pourtant si familière.

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